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09/03/2017 | FRANCE | N°16LY03514

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 6ème chambre - formation à 3, 09 mars 2017, 16LY03514


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. D...C...a demandé, le 7 juin 2016, au tribunal administratif de Lyon :

1°) d'annuler les décisions en date du 25 avril 2016 par lesquelles le préfet du Rhône a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a désigné un pays de destination ;

2°) d'enjoindre au préfet du Rhône, à titre principal, de lui délivrer un certificat de résidence portant la mention " vie privée et familiale " ou " salarié

", dans un délai de quinze jours à compter de la notification du jugement et sous astreinte de...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. D...C...a demandé, le 7 juin 2016, au tribunal administratif de Lyon :

1°) d'annuler les décisions en date du 25 avril 2016 par lesquelles le préfet du Rhône a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a désigné un pays de destination ;

2°) d'enjoindre au préfet du Rhône, à titre principal, de lui délivrer un certificat de résidence portant la mention " vie privée et familiale " ou " salarié ", dans un délai de quinze jours à compter de la notification du jugement et sous astreinte de 50 euros par jour de retard, et, à titre subsidiaire, de procéder au réexamen de sa situation dans un délai d'un mois ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 1 800 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Par un jugement n° 1604595 du 20 septembre 2016, le tribunal administratif de Lyon a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour

Par une requête, enregistrée le 21 octobre 2016, présentée pour M. C...et un mémoire du 17 novembre 2016, il est demandé à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Lyon du 20 septembre 2016 ;

2°) d'annuler lesdites décisions préfectorales du 25 avril 2016 ;

3°) d'enjoindre au préfet du Rhône, à titre principal, de lui délivrer un certificat de résidence portant la mention " vie privée et familiale " ou " salarié ", dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et sous astreinte de 50 euros par jour de retard, et, à titre subsidiaire, de procéder au réexamen de sa situation dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 1 800 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Il soutient que :

En ce qui concerne la décision portant refus de délivrance d'un certificat de résidence :

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation, le préfet pouvant régulariser sa situation dans l'exercice de son pouvoir discrétionnaire ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les stipulations du 5) de l'article 6 de l'accord franco-algérien et porte une atteinte disproportionnée à sa vie privée et familiale ;

- elle méconnait les stipulations du titre II du protocole annexé à l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ;

En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire ;

- elle est illégale par voie d'exception d'illégalité de la décision de refus de séjour ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;

En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :

- elle est illégale par voie d'exception d'illégalité des décisions de refus de séjour et d'obligation à quitter le territoire.

Par un mémoire enregistré le 8 février 2017, le préfet du Rhône conclut au rejet de la requête et indique, en l'absence de moyens et éléments nouveaux, s'en rapporter à ses écritures de première instance ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée, relative à l'aide juridique ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Cottier, premier conseiller,

- et les observations de Me Ouchia, avocat de M.C....

1. Considérant que M.C..., né le 14 janvier 1995 à Arzew (Algérie), de nationalité algérienne, est entré en France en août 2008 à l'âge de 13 ans sous couvert d'un visa Schengen délivré par les autorités consulaires belges ; qu'il s'est maintenu irrégulièrement en France chez un membre de sa famille ; que par ordonnance de droit de recueil légal (kafala judiciaire) prise le 13 juillet 2010 par le tribunal de Gdyel (Algérie), il a été confié à sa tante MmeA..., vivant en France et titulaire d'un certificat de résidence ; que devenu majeur, il a ensuite bénéficié d'un certificat de résidence en qualité d'étudiant valable du 14 mars 2013 au 30 juin 2013 afin qu'il puisse terminer son année scolaire dans le cadre d'une formation en vue d'obtenir un CAPA " travaux paysagers " ; qu'ayant sollicité le renouvellement de ce titre de séjour " étudiant ", M. C...s'est vu, par décisions du préfet du Gard du 24 décembre 2014, refuser le certificat de résidence sollicité au motif de l'absence d'un parcours scolaire suffisamment sérieux et a fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire ; que, par jugement du 9 avril 2015 devenu définitif, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté son recours contre les décisions préfectorales du 24 décembre 2014 ; que M.C..., qui s'est maintenu irrégulièrement en France, a sollicité, le 24 juin 2015, son admission exceptionnelle au séjour en vue de la délivrance d'un titre de séjour " vie privée et familiale " ou " salarié " ; que, par décisions du 25 avril 2016, le préfet du Rhône a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire et a fixé le pays de destination ; que M. C...relève appel du jugement du 20 septembre 2016 par lequel le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces décisions du préfet du Rhône du 25 avril 2016 ;

Sur la légalité du refus de séjour :

2. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes du titre II du protocole annexé à l'accord franco-algérien : "Les membres de la famille s'entendent du conjoint d'un ressortissant algérien, de ses enfants mineurs ainsi que des enfants de moins de dix-huit ans dont il a juridiquement la charge en vertu d'une décision de l'autorité judiciaire algérienne dans l'intérêt supérieur de l'enfant. " ;

3. Considérant que, si M. C...a été confié, par une ordonnance de droit de recueil légal (kafala judiciaire) prise le 13 juillet 2010 par le tribunal de Gdyel (Algérie) à sa tante Mme A...vivant en France et titulaire d'un certificat de résidence, il est constant qu'il était âgé de 21 ans à la date des décisions en litige du 25 avril 2016 du préfet du Rhône et était donc majeur ; qu'il ne saurait, dès lors, en tout état de cause, se prévaloir des stipulations précitées du titre II du protocole annexé dans le champ desquelles il n'entre pas ; que le moyen, à le supposer soulevé, tiré de la méconnaissance de telles stipulations ne peut qu'être écarté ;

4. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales susvisée : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui. " ; qu'aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien, " Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit (...) 5) au ressortissant algérien, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus " ;

5. Considérant que M. C...se prévaut du fait qu'il réside en France depuis 2008, qu'il y a été scolarisé, qu'il possède des attaches familiales dans le cadre de la kafala judiciaire le confiant à une tante, MmeA..., en 2010 et qu'il dispose de perspectives scolaires et professionnelles ; que, comme il a déjà été dit, il ressort toutefois des pièces du dossier que M. C...est arrivé en France en 2008 à l'âge de treize ans et s'est maintenu illégalement en France avant d'être confié, par une ordonnance de droit de recueil légal (kafala judiciaire) prise le 13 juillet 2010 par le tribunal de Gdyel (Algérie) à sa tante Mme A... vivant en France et titulaire d'un certificat de résidence de dix ans ; qu'à sa majorité, et alors que le requérant vivait à Uzès et était confié à un autre membre de sa famille, le préfet du Gard lui a délivré un titre de séjour expirant le 30 juin 2014 afin qu'il puisse terminer son année scolaire dans le cadre d'une formation en vue d'obtenir un CAPA " travaux paysagers " ; qu'il est constant qu'il n'a toutefois pas mené cette formation à son terme ; que si le requérant indique avoir été admis dans un centre de formation en alternance " technique de vente " en région lyonnaise en septembre 2014, il n'est pas contesté que cette formation commerciale dans cet organisme a été interrompue ; que le requérant s'est maintenu illégalement en France après le jugement du tribunal administratif de Nîmes du 9 avril 2015 jugeant légales les décisions du préfet du Gard du 24 décembre 2014 portant refus de certificat de résidence et obligation de quitter le territoire français ; que, s'il produit une lettre d'embauche pour exercer comme employé libre service rangement rayons/ caisse du 27 mai 2015 au 1er janvier 2016 dans une enseigne commerciale, il ne ressort d'aucune pièce du dossier que cette embauche se soit concrétisée ; qu'en janvier 2016, il a demandé une dérogation pour signer, hors période légale, un contrat d'apprentissage en vue d'obtenir un CAP employé de vente et l'employeur a présenté une demande d'autorisation de travail, mais le préfet du Rhône a refusé de lui accorder cette autorisation au motif que M. C...était en situation irrégulière en France ; que, dans de telles circonstances, contrairement à ce que soutient le requérant, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'il dispose de solides perspectives d'insertion professionnelle ; que, s'il mentionne avoir des liens avec la tante à laquelle il a été confié par kafala, avoir réintégré le domicile de cette dernière en septembre 2014 et produit une déclaration sur l'honneur de celle-ci attestant l'héberger au 13 juin 2015 ainsi, en appel, qu'un justificatif de la mutuelle de Mme A...mentionnant comme bénéficiaires de cette mutuelle ses enfants et le requérant, de tels éléments ne sauraient établir l'existence actuelle de liens solides et durables en France de l'intéressé ; que le requérant est célibataire et sans charge de famille ; qu'il dispose d'attaches sociales et familiales fortes en Algérie, pays dans lequel il a vécu une partie de son existence et dans lequel résident ses parents, trois frères et une soeur ; que, par suite, compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce et notamment des conditions de son séjour en France, la décision par laquelle le préfet du Rhône a refusé de délivrer un certificat de résidence n'a pas porté au droit de l'intéressé au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux motifs du refus ; que, dès lors, le moyen tiré de ce que la décision de refus de certificat de résidence méconnait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les stipulations du 5) de l'article 6 de l'accord franco-algérien doit être écarté ;

6. Considérant, en troisième lieu, que les stipulations de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 régissent d'une manière complète les conditions dans lesquelles les ressortissants algériens peuvent être admis à séjourner en France et y exercer une activité professionnelle et les règles concernant la nature des titres de séjour qui peuvent leur être délivrés ; que, cependant, elles n'interdisent pas au préfet de délivrer un certificat de résidence à un ressortissant algérien ne remplissant pas l'ensemble des conditions auxquelles l'accord subordonne la délivrance d'un titre de séjour de plein droit ; qu'il appartient au préfet, dans l'exercice du pouvoir discrétionnaire dont il dispose sur ce point, d'apprécier, compte tenu de l'ensemble des éléments de la situation personnelle de l'intéressé, l'opportunité d'une mesure de régularisation ;

7. Considérant qu'eu égard à ce qui été exposé plus haut sur la situation personnelle et familiale du requérant ainsi que sur sa scolarisation et ses capacités d'insertion professionnelles et l'intéressé ne se prévalant d'aucun autre élément justifiant l'attribution d'un certificat de résidence dans le cadre d'une admission exceptionnelle au séjour, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'en refusant la régularisation sollicitée, l'autorité préfectorale ait entaché sa décision d'erreur manifeste d'appréciation ;

Sur la légalité de la décision portant obligation de quitter le territoire :

8. Considérant, d'une part, qu'il résulte de l'examen de la légalité de la décision de refus de titre de séjour que M. C...n'est pas fondé à exciper de l'illégalité de cette décision à l'appui de ses conclusions dirigées contre la mesure d'éloignement ;

9. Considérant, d'autre part, que, si M. C...mentionne être scolarisé auprès du centre de formation des apprentis SEPR en CAP " employé de vente " en produisant une attestation d'inscription du 9 février 2016 antérieure au refus du préfet du 23 mars 2016 de lui accorder une autorisation de travail, il n'est pas contesté qu'il ne dispose d'aucune autorisation de travail lui permettant d'être recruté comme apprenti ; que, dès lors, cette seule inscription scolaire, dont au demeurant la validité postérieurement au mois de mars 2016 n'est pas établie, ne saurait lui donner un droit au séjour ; qu'eu égard à ce qui été exposé aux points 5 à 7, cette décision portant obligation de quitter le territoire ne méconnaît pas les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et n'est pas entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de la situation de l'intéressé ;

Sur la légalité de la décision fixant le pays de destination :

10. Considérant que, compte tenu de ce qui vient d'être exposé à propos du refus de titre de séjour et de l'obligation de quitter le territoire français, le moyen tiré, par la voie de l'exception, de l'illégalité de ces décisions, à l'appui des conclusions dirigées contre la décision fixant le pays de destination, doit être écarté ;

11. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. C...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande ; que doivent être rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction ainsi que ses conclusions tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. C...est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. D...C...et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet du Rhône.

Délibéré après l'audience du 16 février 2017, à laquelle siégeaient :

M. Seillet, président,

Mmes Cottier etB..., premiers conseillers.

Lu en audience publique, le 9 mars 2017.

4

N° 16LY03514


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 6ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 16LY03514
Date de la décision : 09/03/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03 Étrangers. Séjour des étrangers. Refus de séjour.


Composition du Tribunal
Président : M. SEILLET
Rapporteur ?: Mme Cécile COTTIER
Rapporteur public ?: Mme VIGIER-CARRIERE
Avocat(s) : OUCHIA

Origine de la décision
Date de l'import : 28/03/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2017-03-09;16ly03514 ?
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