Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
M. et Mme D...B...ont demandé le 24 juillet 2012 au tribunal administratif de Clermont-Ferrand :
1°) de condamner la commune de Maurs à leur verser la somme de 10 000 euros en réparation des préjudices résultant de la présence de deux canalisations d'eau et de gaz irrégulièrement implantés sur leur parcelle, y compris les intérêts et la capitalisation de cette somme à compter du 10 février 2012 ;
2°) de condamner la commune de Maurs à procéder aux travaux de suppression et de déplacement de ces canalisations aux frais de la commune dans le délai d'un mois à compter du jugement à intervenir ;
3°) de condamner la commune aux dépens de l'instance ainsi qu'à la somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Par un jugement n° 1201305 du 23 avril 2014, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand s'est déclaré incompétent pour traiter les conclusions aux fins d'indemnisation de l'implantation irrégulière de la canalisation d'eau et a rejeté le surplus des conclusions.
Procédure devant la cour
Par une requête, enregistrée le 24 juin 2014, pour les épouxB..., ils demandent à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Clermont-Ferrand du 23 avril 2014 ;
2°) de condamner la commune de Maurs à procéder à ses frais aux travaux de suppression et de déplacement de ces canalisations dans le délai d'un mois à compter de l'arrêt à intervenir et à leur verser la somme de 10 000 euros en réparation des préjudices résultant de la présence de deux canalisations d'eau et de gaz irrégulièrement implantés sur leur parcelle, y compris les intérêts et la capitalisation de cette somme à compter du 10 février 2012 ;
3°) de condamner la commune aux dépens de l'instance ainsi qu'à leur verser la somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Ils soutiennent que :
- ils ont acheté une parcelle à bâtir le 10 juin 2006 et ont fait construire dessus une maison d'habitation ; alors que leur titre de propriété ne mentionnait l'existence d'aucune servitude de canalisation, ils ont découvert dans leur propriété la présence d'une canalisation d'eau et d'une canalisation de gaz desservant la parcelle voisine AD 923 ; aucun accord sur des servitudes de canalisation n'avait été donné par les précédents propriétaires de leur parcelle ; le propriétaire de la parcelle voisine AD 923 n'a pas procédé à des démarches pour faire déplacer ces canalisations ; ils ont saisi le tribunal de grande instance d'Aurillac qui a rejeté leurs demandes par jugement du 10 février 2010 ; les éléments produits devant le TGI établissent que ces canalisations ont été posées du fait de la commune de Maurs et d'EDF-GDF ; ils sont intervenus auprès de la commune pour obtenir la suppression et le déplacement des canalisations ainsi que des dommages et intérêts ;
- la pose des canalisations a été réalisée à l'initiative et sur instruction de la commune alors qu'aucun titre ne permettait de réaliser de telles servitudes ; de telles servitudes ne leur sont pas opposables en l'absence de mention dans le titre de propriété et d'une publication auprès du fichier immobilier ; les servitudes mentionnées à l'article L. 152-1 du code rural nécessitent à défaut d'accord amiable des propriétaires des parcelles un arrêté préfectoral ainsi que l'établissement et le versement d'une indemnisation sous contrôle du juge de l'expropriation ; aucune indemnisation n'a été versée, aucune servitude ne peut être institué sur un terrain attenant à une maison d'habitation, l'article L. 152-1 ne concerne que les canalisations d'eau ; aucune enquête publique n'a été réalisée ; la loi du 15 juin 1906 n'est pas invocable au cas d'espèce ; la canalisation a été installée en travers de leur propriété et non sur l'assiette du droit de passage consentie aux épouxE... ;
- les dommages et intérêts sont justifiés par les différents tracas leur ayant été causés par la présence de la canalisation en dessous de la construction ;
- la commune n'établit pas que la canalisation de gaz a été transférée à Gaz de France et est désormais sous la responsabilité de Gaz de France ; c'est la faute commise par la commune décidant d'implanter une servitude de canalisation de gaz qui fonde leurs demandes aux fins de déplacement ; la canalisation de gaz est un ouvrage public ; le tracé de cette canalisation n'est pas connu précisément ;
- la canalisation d'eau constitue un ouvrage public et les premiers juges se sont déclarés compétents mais ont rejeté leurs conclusions à fin de déplacement alors qu'il est possible de réaliser une nouvelle canalisation d'eau sur l'assiette de servitude de passage dont bénéficie la propriété E...cadastrée AD 104 et 1050 ; l'existence de cette canalisation n'a été révélée qu'en septembre 2007 après la construction de leur maison ; un nouvel incident sur cette canalisation est possible ; le tracé de cette canalisation n'est pas connu précisément ;
- ces canalisations font peser un risque sur la sécurité et minorent la valeur de leur maison ;
Par mémoire, enregistré le 7 août 2014, pour la commune de Maurs, elle conclut à l'irrecevabilité de la requête devant la cour et à la transmission de celle-ci au Conseil d'Etat, à titre subsidiaire à ce que la cour se déclare incompétente pour réparer les conséquences dommageables d'une voie de fait ou les conséquences financière d'une emprise irrégulière, de déclarer les conclusions des consorts B...atteintes par la prescription quadriennale, à titre encore plus subsidiaire de rejeter leur requête et de les condamner à lui verser 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la cour administrative d'appel n'est pas compétente pour traiter cette requête laquelle doit être transmise au Conseil d'Etat car le montant des indemnités demandées en première instance s'élevait à 10 000 euros ;
- en fonction de la qualification des actes : dommage, emprise irrégulière ou voie de fait, la juridiction administrative n'est pas forcément compétente pour traiter du litige : pose sans l'accord des époux B...et des consorts A...de canalisation d'eau et de gaz appartenant désormais aux épouxB... ; les tribunaux de l'ordre judiciaire sont compétents pour statuer sur la réparation de l'atteinte à la propriété immobilière ; dans l'hypothèse où ces canalisations seraient des ouvrages publics et que la qualification de voie de fait serait retenue, seuls les tribunaux judicaires sont compétents pour statuer sur l'ensemble de la demande en réparation ; si la qualification d'emprise irrégulière est retenue, le juge administratif est compétent pour statuer sur les conclusions à fin de suppression ou de déplacements des canalisations et le juge judiciaire est compétent pour l'indemnisation du préjudice, en l'occurrence la demande de dommages et intérêts de 10 000 euros ;
- dans l'hypothèse où la cour administrative d'appel retiendrait sa compétence pour statuer sur la demande de suppression , déplacement des canalisations, la commune oppose la prescription quadriennale ; les conséquences dommageables du fait générateur ont pu être appréciées dans toute leur étendue par les époux B...dès la fin de l'année 2006 et au début de l'année 2007, la prescription quadriennale a commencé à courir au pire le 1er janvier 2008 et a été acquise au 31 décembre 2011 ; le recours préalable adressée à la commune étant datée du 21 février 2012, les demandes des époux B..." apparaissent prescrites " et sont " irrecevables " ;
- subsidiairement, la commune de Maurs est propriétaire et gestionnaire du réseau d'adduction d'eau potable mais ne l'est pas du réseau d'acheminement du gaz, aucune demande n'est recevable contre la commune aux fins de déplacement d'un ouvrage ne lui appartenant pas ;
- la canalisation d'adduction d'eau pour la portion du tuyau allant de la canalisation générale à l'habitation E...devenue C...et traversant le fonds B...n'est pas un ouvrage public ; la preuve de la nature juridique de cette portion n'est pas rapportée par les époux B...et cette portion ne desservant que la propriété E.../C... n'est pas un ouvrage public et n'appartient pas à la commune de Maurs car se situant après compteur ; aucune condamnation visant à la démolition d'un ouvrage privé ne peut être mis à la charge de l'administration ;
- au cas où il y aurait emprise irrégulière par un ouvrage public sur un fonds privé, il convient de mettre en balance les intérêts publics et privés en cas de demande de démolition de l'ouvrage public ; elle demande le maintien de l'existant, les canalisations d'eau potable et de gaz qui desservent une habitation privée en zone urbaine n'engendrent aucun trouble pour les époux B...et ne constituent pas une atteinte excessive à la propriété privée eu égard à l'intérêt général poursuivi ;
- les requérants n'ont pas formellement choisi entre le déplacement ou la suppression des deux canalisations ;
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Cottier, premier conseiller ;
- et les conclusions de Mme Vigier-Carrière, rapporteur public ;
1. Considérant que M. et Mme B...ont fait l'acquisition en 2006 d'un terrain à bâtir cadastré AD 921 situé route du vallon dans la commune de Maurs (Cantal) ; que lors de travaux d'aménagement, en 2007, il ont découvert que des canalisations d'eau et de gaz traversaient leur terrain au niveau de la maison, pour desservir la propriété voisine de M.E... ; qu'il est constant que l'acte d'achat de leur terrain ne mentionnait aucune servitude liée à des passages de canalisations en sous-sol ; que les époux B...ont introduit une action devant le tribunal de grande instance d'Aurillac afin que M.E..., puis M.C..., nouveau propriétaire de la parcelle, procèdent à la suppression desdites canalisations ; que leur demande a été rejetée par jugement du tribunal de grande instance d'Aurillac du 10 février 2010 au motif que ces canalisations n'appartiennent pas à MM. E.../C... et ne sont pas situées sur un fonds qui leur appartiendrait ; que M. et Mme B...ont demandé au tribunal administratif de Clermont- Ferrand, le 24 juillet 2012, de condamner la commune de Maurs à les indemniser à hauteur de 10 000 euros du préjudice résultant de la présence sur leur parcelle de ces deux canalisations et à supprimer ou à déplacer lesdites canalisations ; qu'ils interjettent appel du jugement du 23 avril 2014 par lequel le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a déclaré la juridiction administrative incompétente pour statuer sur les conclusions indemnitaires relatives à la canalisation d'eau et a rejeté le surplus de leurs conclusions ;
2. Considérant que la commune de Maurs oppose l'incompétence de la cour pour traiter des conclusions indemnitaires de M. et Mme B...dès lors que celles-ci n'excédaient pas 10 000 euros en première instance ;
3. Considérant, d'une part, qu'en vertu de l'article R. 811-1 du code de justice administrative, le tribunal administratif statue en premier et dernier ressort " dans les litiges énumérés aux 1°, 4°, 5°, 6°, 7°, 8° et 9° de l'article R. 222-13 ", ainsi que " pour les litiges visés aux 2° et 3° de cet article, sauf pour les recours comportant des conclusions tendant au versement ou à la décharge de sommes d'un montant supérieur au montant déterminé par les articles R. 222-14 et R. 222-15 " ; que les litiges visés au 7° de l'article R. 222-13 du même code sont les " actions indemnitaires, lorsque le montant des indemnités demandées est inférieur au montant déterminé par les articles R. 222-14 et R. 222-15 " ; qu'aux termes de l'article R. 222-14 du même code : " Les dispositions du 7° de l'article précédent sont applicables aux demandes dont le montant n'excède pas 10 000 euros. " ; qu'il résulte de l'ensemble de ces dispositions et de celles de l'article R 222-15 du code de justice administrative que le tribunal administratif statue en premier et dernier ressort sur les actions indemnitaires lorsque le montant des indemnités demandées dans le mémoire introductif d'instance, à l'exclusion des demandes d'intérêts et de celles qui sont présentées en application des dispositions de l'article L. 761-1 de ce code, est inférieur ou égal à 10 000 euros ;
4. Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article R. 351-2 du code de justice administrative : " Lorsqu'une cour administrative d'appel ou un tribunal est saisi de conclusions qu'il estime relever de la compétence du Conseil d'Etat, son président transmet sans délai le dossier au Conseil d'Etat qui poursuit l'instruction de l'affaire (...) ;
5. Considérant que la demande de M. et Mme B...devant le tribunal administratif de Clermont-Ferrand tendait à la condamnation de la commune de Maurs à leur verser la somme de 10 000 euros outre les intérêts et la capitalisation des intérêts ; que, les conclusions additionnelles concernant le déplacement et la suppression des canalisations destinées à mettre fin aux désordres dont il est demandé réparation doivent être regardées comme des conclusions à fin d'injonction ; que par suite, la requête susvisée de M. et M.B..., dirigée contre le jugement du 23 avril 2014 du tribunal administratif de Clermont-Ferrand, lequel a déclaré incompétente la juridiction administrative pour traiter des conclusions tendant à l'indemnisation des préjudices liés à la canalisation d'eau et a rejeté le surplus de leurs conclusions, a le caractère d'un pourvoi en cassation relevant de la compétence du Conseil d'Etat ;
DECIDE :
Article 1er : Le dossier de la requête de M. et Mme B...est transmis au Conseil d'Etat.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme B...et à la commune de Maurs.
Délibéré après l'audience du 19 janvier 2017 à laquelle siégeaient :
M. Faessel, président de chambre,
M. Seillet, président-assesseur,
Mme Cottier, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 9 février 2017.
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N° 14LY01980