La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

02/02/2017 | FRANCE | N°16LY02143

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 4ème chambre - formation à 3, 02 février 2017, 16LY02143


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme A...B...a demandé au tribunal administratif de Clermont-Ferrand d'annuler l'arrêté du 14 décembre 2015 par lequel le préfet de l'Allier a refusé de lui délivrer un titre de séjour, assorti ce refus d'une obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et fixé le pays à destination duquel elle sera renvoyée à défaut de ce conformer à cette obligation dans le délai ainsi fixé.

Par un jugement n° 1600401 du 26 mai 2016, le tribunal administratif de Clermont-Ferra

nd a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 27 j...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme A...B...a demandé au tribunal administratif de Clermont-Ferrand d'annuler l'arrêté du 14 décembre 2015 par lequel le préfet de l'Allier a refusé de lui délivrer un titre de séjour, assorti ce refus d'une obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et fixé le pays à destination duquel elle sera renvoyée à défaut de ce conformer à cette obligation dans le délai ainsi fixé.

Par un jugement n° 1600401 du 26 mai 2016, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 27 juin 2016, MmeB..., représentée par Me C..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Clermont-Ferrand du 26 mai 2016 ;

2°) d'annuler l'arrêté du préfet de l'Allier du 14 décembre 2015 pour excès de pouvoir ;

3°) d'enjoindre au préfet de l'Allier de lui délivrer un titre de séjour sur le fondement des articles L. 313-11-11° ou L. 313-11-7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ou, à tout le moins, de procéder à un nouvel examen de sa demande de titre de séjour, dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros, au profit de son conseil, en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Elle soutient que :

En ce qui concerne le refus de titre de séjour :

- cette décision est insuffisamment motivée et l'intégralité de sa situation n'a pas été examinée par l'administration ;

- cette décision méconnaît le 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dès lors qu'il n'existe pas, contrairement à ce qu'ont retenu les premiers juges, de traitement approprié dans son pays d'origine ; elle n'a jamais été à même de faire valoir des circonstances humanitaires exceptionnelles, le préfet s'est refusé à examiner de telles circonstances ;

- ce refus méconnaît le 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- il est entaché d'erreur manifeste d'appréciation.

En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :

- la mesure d'éloignement méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale sur les droits de l'enfant ;

- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation.

Par un mémoire enregistré le 28 juillet 2016, le préfet de l'Allier conclut au rejet de la requête.

Il soutient qu'aucun des moyens invoqués n'est fondé.

La caducité de la demande d'aide juridictionnelle totale de Mme B...a été constatée par une décision du 28 juillet 2016.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Le rapport de Mme Samson-Dye a été entendu au cours de l'audience publique.

1. Considérant que MmeB..., ressortissante arménienne, relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Clermond-Ferrand a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 14 décembre 2015 par lequel le préfet de l'Allier a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination ;

Sur le refus de titre de séjour :

2. Considérant, en premier lieu, que le refus de titre de séjour comporte les considérations de fait et de droit qui en constituent le fondement ; qu'il est, par suite, suffisamment motivé, contrairement à ce que soutient le requérant ;

3. Considérant, en deuxième lieu, qu'il ressort des pièces du dossier qu'il a été procédé à un examen particulier de la situation particulière de l'intéressée, alors même que l'arrêté litigieux comporterait des mentions erronées sur le fait que sa famille a toujours vécu en Arménie, alors qu'elle a séjourné plusieurs années en Russie ;

4. Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction alors applicable : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit : (...) 11° A l'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays dont il est originaire, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle appréciée par l'autorité administrative après avis du directeur général de l'agence régionale de santé, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative, après avis du médecin de l'agence régionale de santé de la région de résidence de l'intéressé, désigné par le directeur général de l'agence, ou, à Paris, du médecin, chef du service médical de la préfecture de police. (...) " ;

5. Considérant que, par avis du 6 octobre 2015, le médecin inspecteur de l'agence régionale de santé a estimé que l'état de santé de Mme B...nécessitait une prise en charge médicale, dont le défaut pourrait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, et que l'intéressée ne pourrait avoir accès à un traitement approprié dans son pays d'origine ; qu'il ressort des pièces du dossier que Mme B...souffre de troubles psychiatriques ;

6. Considérant que, pour mettre en cause la présomption d'indisponibilité des soins résultant de l'avis du médecin de l'agence régionale de santé, le préfet de l'Allier produit divers documents, et notamment une fiche pays détaillée rédigée par l'association Caritas international attestant de la possibilité de prise en charge de nombreuses pathologies, notamment psychiatriques, en Arménie ; que, si la requérante soutient que les documents produits par le préfet sont obsolètes, elle n'assortit cette critique d'aucun élément de nature à en justifier le bien-fondé ;

7. Considérant que, compte tenu de ces éléments, il appartient à Mme B...de démontrer en quoi les traitements dont le préfet a établi l'existence ne constitueraient pas des soins appropriés à sa pathologie, étant précisé qu'un traitement approprié n'est pas nécessairement identique à celui dont l'intéressée bénéficie en France ; que, si la requérante soutient que la liste des médicaments produite par le préfet ne comporte aucune molécule correspondant aux trois médicaments qui lui sont prescrits et produit des attestations de laboratoires pharmaceutiques mentionnant que deux de ces médicaments ne sont pas commercialisés en Arménie, elle n'apporte pas d'éléments suffisamment probants pour démontrer que seuls ces traitements seraient adaptés à sa situation ; que, par ailleurs, il n'est pas établi que les troubles dont elle souffre découleraient d'évènements traumatisants vécus en Arménie de nature à rendre impossible un traitement approprié dans ce pays ; que, dès lors, la requérante n'est pas fondée à soutenir que le refus de titre de séjour méconnaît le 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

8. Considérant en outre que la requérante soutient qu'elle n'a jamais été à même de faire valoir des circonstances humanitaires exceptionnelles ; que, cependant, il lui appartenait de faire spontanément part de telles circonstances au préfet, ou au médecin de l'agence régionale de l'agence régionale de santé ; qu'il n'est pas établi que Mme B...ait porté à la connaissance de ces autorités des informations relatives à de telles circonstances ; qu'il ne ressort pas davantage des pièces du dossier que de telles circonstances aient existé ; que, dans ces conditions, l'abstention du préfet de se prononcer sur l'existence de telles circonstances est sans incidence sur la légalité du refus de titre de séjour ;

9. Considérant, en quatrième lieu, qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 7° À l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République (...) " ; qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui " ;

10. Considérant que Mme B...fait valoir qu'elle séjourne, depuis février 2012, en France, où résident également son époux et leurs enfants qui y sont scolarisés, et qu'ils sont parfaitement intégrés ; qu'il ressort cependant des pièces du dossier que son époux ne dispose pas d'un droit au séjour en France et que rien ne fait obstacle à ce que la cellule familiale se reconstitue hors de France, et notamment en Arménie, pays dont tous les membres du foyer ont la nationalité, où la requérante a vécu la majeure partie de son existence, et où il ne ressort pas des pièces du dossier qu'elle encourrait des risques qui ne lui permettraient pas d'y mener une vie privée et familiale normale ; qu'ainsi, compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, en particulier de la durée et des conditions de séjour de l'intéressée en France, la décision de refus de délivrance de titre de séjour contestée n'a pas porté au droit de cette dernière au respect de sa vie privée et familiale, une atteinte disproportionnée par rapport aux motifs du refus ; qu'elle n'a, dès lors, méconnu ni les stipulations de l'article 8 de la convention précitée ni les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code précédemment citée ; que, pour les mêmes motifs, cette décision n'est pas davantage entachée d'une erreur manifeste d'appréciation quant à ses conséquences sur la situation personnelle de Mme B...;

Sur l'obligation de quitter le territoire français :

11. Considérant, en premier lieu, que, compte tenu des circonstances de l'espèce précédemment évoquées, la mesure d'éloignement dont fait l'objet Mme B...ne méconnait pas les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que cette décision, qui a été précédée d'un examen particulier de la situation de l'intéressée, n'est pas davantage entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;

12. Considérant, en second lieu, qu'il ressort des pièces du dossier que rien ne s'oppose à ce que les enfants de la requérante repartent avec leurs parents dans leur pays d'origine ; que, dès lors, l'obligation de quitter le territoire français contestée, qui n'emporte notamment pas séparation des enfants de l'un de ses deux parents, n'a pas porté une atteinte à l'intérêt supérieur de ces enfants mineurs au sens des stipulations du 1 de l'article 3 de la convention internationale des droits de l'enfant ;

13. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme B...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont rejeté sa demande ; que ses conclusions aux fins d'injonction et tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées par voie de conséquence ;

DECIDE :

Article 1er : La requête de Mme A...B...est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A...B...et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de l'Allier.

Délibéré après l'audience du 12 janvier 2017 à laquelle siégeaient :

M. d'Hervé, président,

Mme Michel, président-assesseur,

Mme Samson-Dye, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 2 février 2017.

1

6

N° 16LY02143


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 4ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 16LY02143
Date de la décision : 02/02/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01 Étrangers. Séjour des étrangers.


Composition du Tribunal
Président : M. d'HERVE
Rapporteur ?: Mme Aline SAMSON DYE
Rapporteur public ?: M. DURSAPT
Avocat(s) : ESCUILLIÉ

Origine de la décision
Date de l'import : 14/02/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2017-02-02;16ly02143 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award