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02/02/2017 | FRANCE | N°15LY00654

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 4ème chambre - formation à 3, 02 février 2017, 15LY00654


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Le centre hospitalier William Morey de Chalon-sur-Saône a demandé au tribunal administratif de Dijon, dans le dernier état de ses écritures, de condamner la société Allianz Global Corporate et Speciality à lui verser la somme de 539 499,29 euros TTC en indemnisation des sinistres survenus les 8 avril et 21 mai 2011 sur le chantier de construction de son nouvel établissement affectant les revêtements de sols, les revêtements PVC, les faux-plafonds, les menuiseries intérieures, les agencements et les peint

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Par un jugement n° 1300743 du 4 décembre 2014, le tribunal adminis...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Le centre hospitalier William Morey de Chalon-sur-Saône a demandé au tribunal administratif de Dijon, dans le dernier état de ses écritures, de condamner la société Allianz Global Corporate et Speciality à lui verser la somme de 539 499,29 euros TTC en indemnisation des sinistres survenus les 8 avril et 21 mai 2011 sur le chantier de construction de son nouvel établissement affectant les revêtements de sols, les revêtements PVC, les faux-plafonds, les menuiseries intérieures, les agencements et les peintures.

Par un jugement n° 1300743 du 4 décembre 2014, le tribunal administratif de Dijon a condamné la société Allianz Global Corporate et Speciality SE à verser au centre hospitalier William Morey de Chalon-sur-Saône la somme de 491 017,42 euros TTC, sous déduction de la somme provisionnelle de 319 102,30 euros versée en exécution de l'ordonnance du 10 février 2014, ainsi que de la somme correspondant aux intérêts versés sur cette provision en exécution de la même ordonnance, avec intérêts à compter du 14 février 2012 et capitalisation des intérêts à compter du 14 février 2013.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 20 février 2015, la société Allianz Global Corporate et Speciality SE, représentée par MeA..., demande à la cour :

1°) de réformer ce jugement du tribunal administratif de Dijon du 4 décembre 2014 en limitant la condamnation prononcée à son encontre aux seules sommes maximales de 302 193,86 euros pour le sinistre du 8 avril 2011 et de 18 968, 97 euros pour le sinistre du 21 mai 2011 ;

2°) de condamner le centre hospitalier William Morey de Chalon-sur-Saône aux entiers dépens et à lui verser la somme de 10 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la société Vinci ayant refusé de faire connaître son prix de revient et sa marge, l'expert a présenté une proposition d'indemnisation correspondant au montant qu'elle sollicitait, diminué d'un abattement de 25 % correspondant à l'évaluation de sa marge ; contre toute attente, la société Vinci s'est fait régler le montant des travaux qu'elle avait réalisés directement par le centre hospitalier ;

- seule la société Vinci peut prétendre à la qualité d'assuré du contrat tous risques chantier dès lors que la police d'assurance prévoyait le paiement direct au locataire d'ouvrage ; le paiement du montant des travaux effectué par le centre hospitalier ne donne pas à celui-ci la qualité d'assuré au titre des dommages subis par la société Vinci ; il n'appartenait pas au centre hospitalier de jouer le rôle de pré financeur en se substituant à l'assureur ;

- le comportement de la société Vinci est fautif en ce qu'il a procédé comme s'il était un tiers aux travaux d'origine alors qu'il s'agit de travaux de reprise qu'il devait supporter et a fait peser sur l'assureur tous risques chantier une marge indue au titre d'un marché de réparation, après avoir déjà perçu une marge sur son marché d'origine ;

- le tribunal a fixé le montant de la prime de prorogation de garantie en appliquant un calcul mathématique qui ne découle pas du § 4.2 du contrat d'assurance ; cette fixation relève d'une analyse du risque qui est plus élevé en fin de chantier ; si l'avenant de prorogation n'a pas été régularisé par le centre hospitalier, la garantie a toutefois été prorogée et le centre hospitalier était redevable de la somme de 53 215,87 euros qui est justifiée et n'est pas disproportionnée ; la somme de 23 551,24 euros a été discutée par le centre hospitalier et le courtier CRPI mais aucun document contractuel n'a été finalisé avec elle ;

- les intérêts ne pourront courir qu'à compter de la date du jugement du 4 décembre 2014 ou à défaut du 26 mars 2013, date d'enregistrement de la requête introductive d'instance devant le tribunal administratif.

Par un mémoire en défense, enregistré le 28 septembre 2015, le centre hospitalier William Morey de Chalon-sur-Saône conclut au rejet de la requête et à la réformation du jugement en portant la condamnation de la société Allianz Global Corporate et Speciality SE à la somme de 178 906,89 euros, après déduction des franchises, compensation avec la somme de 23 551,24 euros TTC et déduction du montant de la provision réglée par l'assureur en exécution de l'ordonnance de référé du 10 février 2014, outre intérêts à compter du 12 février 2012 et capitalisation des intérêts, ainsi que la somme de 15 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il fait valoir que :

- son préjudice correspond aux surcoûts qu'il a dû exposer du fait des dégâts des eaux des 8 avril et 21 mai 2011 tels que figurant dans l'ordre de service du 23 août 2011 ;

- il a la qualité d'assuré au sens du contrat pendant la durée du chantier au même titre que les entreprises ;

- l'abattement de 25 % pratiqué par l'assureur est arbitraire dès lors qu'il n'a réalisé aucune marge sur les travaux de reprise et qu'il a été contraint de les préfinancer pour éviter que l'ouverture soit différée, ainsi qu'il y était tenu par la police d'assurance ;

- la compagnie Allianz, en sa qualité de mandant, est engagée par les courriers et les courriels de son mandataire et courtier, le cabinet CRPI assurances, agissant en son nom et pour son compte ; dès lors, l'accord des parties sur le montant de 23 551,24 euros de la prime complémentaire de prolongation de la garantie ne peut qu'être constaté ;

- les intérêts sur la somme de 178 906,89 euros courront à compter du 14 février 2012, date de son courrier au cabinet CRPI sollicitant le règlement de l'indemnité d'assurance.

Par ordonnance du 7 octobre 2015, l'instruction a été close au 28 octobre 2015.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code des marchés publics ;

- le code des assurances ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Michel,

- les conclusions de M. Dursapt, rapporteur public,

- et les observations de MeA..., représentant la société Allianz Global Corporate et Speciality SE.

1. Considérant qu'au cours de l'année 2000, le centre hospitalier William Morey a décidé de transférer son activité sur un nouveau site à Chalon-sur-Saône ; que les travaux de construction du nouvel établissement ont été confiés, notamment, à la société Vinci Construction France, attributaire du lot n° 2 " structure clos couvert second oeuvre finitions " et au groupement d'entreprises constitué entre la société Tunzini, mandataire commun du groupement, et la société Mouillot, attributaire du lot n° 3 " réseaux humides " ; qu'en sa qualité de maître d'ouvrage, le centre hospitalier William Morey a souscrit auprès de la société AGF, devenue Allianz Iard et aux droits de laquelle vient en dernier lieu la société Allianz Global Corporate et Speciality SE, un marché public d'assurances " tous risques chantier " (TRC), tant pour son compte que pour les entreprises effectuant les travaux sur le chantier y compris leurs sous-traitants, aux fins de garantir les éventuels sinistres affectant le chantier de construction du bâtiment MCO (médecine-chirurgie-obstétrique) et du bâtiment énergie, jusqu'à la réception ; que ce contrat comportait en outre une garantie " pertes d'exploitations anticipées " garantissant le maître d'ouvrage des préjudices subis du fait des retards de réception dont la cause résiderait dans un sinistre couvert au titre de la garantie tous risques chantier ; que cette police d'assurance a été placée par l'intermédiaire du courtier CRPI Assurances ; que l'ordre de service de démarrage des études et travaux tous corps d'état a été notifié aux entreprises le 27 novembre 2007, prévoyant un démarrage le 3 décembre suivant ; que la réception de l'ouvrage devait intervenir le 12 mai 2011 ; que les 29 mars, 8 avril et 21 mai 2011, alors que le chantier était en phase d'achèvement, trois dégâts des eaux imputables aux allocataires du lot n° 3 " réseaux humides " ont occasionné des dommages aux revêtements de sols, aux revêtements PVC, aux faux-plafonds, aux menuiseries intérieures, aux agencements et aux peintures ; que l'ensemble des locateurs d'ouvrage, à l'exception de la société Vinci Construction France, ont été indemnisés par la compagnie d'assurance des dommages subis et ont pu reprendre les ouvrages ; que les travaux de reprise intéressant le lot n° 2 " structures clos couvert second oeuvre finitions ", pour lesquels la société Vinci Construction France a refusé d'avancer le montant des travaux nécessaires, ont été préfinancés par le centre hospitalier William Morey, ainsi qu'il y était tenu par les stipulations du § 2.35.3 du contrat d'assurance au titre de la garantie " pertes d'exploitation anticipées " ; qu'à défaut d'être indemnisé par l'assureur, le centre hospitalier a saisi le tribunal administratif de Dijon qui, par un jugement du 4 décembre 2014, a condamné la société Allianz Global Corporate et Speciality SE à verser au centre hospitalier somme de 491 017,42 euros TTC sous déduction de la somme provisionnelle de 319 102,30 euros versée en exécution de l'ordonnance du 10 février 2004 et de la somme correspondant aux intérêts versés sur cette provision en exécution de la même ordonnance ; que la société Allianz Global Corporate et Speciality SE relève appel de ce jugement en tant qu'il l'a condamnée à payer une somme supérieure à 321 162, 83 euros ; que, par la voie de l'appel incident, le centre hospitalier William Morey demande que la somme de 491 017,42 euros TTC soit portée à la somme de 498 008,76 euros avec intérêts à compter du 14 février 2012, date de son courrier au courtier CRPI sollicitant le règlement de l'indemnité d'assurance ;

2. Considérant que la société Allianz Global Corporate et Speciality SE soutient que si la société Vinci Construction France revendiquait le versement d'une indemnité incluant sa marge, elle a cependant refusé de faire connaître son prix de revient et la marge réalisée ; que la proposition d'indemnisation présentée par son expert dans le cadre de la procédure amiable pouvait alors être établie en retenant le montant total demandé par la société Vinci Construction France, diminué cependant d'un abattement de 25 % pour tenir compte de l'évaluation de sa marge ; qu'il n'est toutefois pas contesté que les devis de la société Vinci Construction France Vinci ont été établis conformément aux dispositions de l'article 14 du CCAG travaux et que la révision des prix s'appliquait conformément à l'article 18 du code des marchés publics, à l'article 2 de l'acte d'engagement et à l'article 9.3.1 du CCAP du marché du lot n° 2 ; que si l'appelante fait valoir que les sociétés Ineo, Otis et Virelec ont accepté un tel abattement de 25 %, elle admet toutefois son caractère purement transactionnel ; que, contrairement à ce qu'elle soutient, le centre hospitalier pouvait quant à lui prétendre à la prise en charge du coût des travaux de réparation qu'il a financés, tant dans le cadre de la garantie TRC pour laquelle il bénéficiait de la qualité d'assuré en vertu de l'article 1.4. du contrat d'assurance, que dans celui de la garantie des pertes d'exploitation anticipées qui lui faisait obligation de prendre " toutes mesures jugées raisonnables et réalisables " en vue de réduire ou limiter les dommages affectant les travaux de construction afin d'éviter ou de diminuer le retard qui pouvait en résulter ; qu'il n'est pas démontré que les travaux de reprise réalisés par Vinci avaient un caractère déraisonnable ; que la société Allianz Global Corporate et Speciality SE n'est dès lors pas fondée à soutenir que c'est à tort que les premiers juges l'ont condamnée à verser au centre hospitalier William Morey une indemnité correspondant, sans aucun abattement, au montant des travaux de réparation réalisés et facturés par la société Vinci Construction France ;

3. Considérant, en deuxième lieu, que le tribunal a déterminé le montant de la prime liée à la prorogation de la garantie TRC avec effet au 1er août 2011 jusqu'au 23 septembre 2012 par application de l'article 4. 2 du contrat d'assurance TRC relatif à la prorogation des garanties : " (...) La prime afférente à cette prorogation sera calculée, au taux de contrat, prorata temporis (durée de la période de prolongation par rapport à la période initiale) et sera appelée lors de l'avenant de régularisation de la prime définitive " ; que la société Allianz Global Corporate et Speciality SE, qui ne démontre pas que la règle de calcul appliquée ne serait pas celle prévue au contrat, n'est pas fondée à soutenir que le tribunal aurait fixé le montant de la prime d'extension de la période de garantie en appliquant un calcul mathématique sans lien avec l'article précité ; qu'il n'est pas soutenu que le tribunal aurait commis une erreur de calcul ; que, dès lors, faute d'accord des parties sur le montant de la prime due, il y a lieu pour la cour de retenir le montant de la prime fixé par le tribunal à la somme de 30 353 euros TTC ;

4. Considérant, en troisième lieu, qu'en l'absence d'argumentation du centre hospitalier William Morey sur la fixation par les premiers juges du montant de la franchise due au titre du sinistre du 8 avril 2011 à la somme 35 600 euros, il y a lieu de confirmer le jugement sur ce point ;

5. Considérant, en dernier lieu, que c'est à bon droit que le tribunal a fixé le point de départ des intérêts à la date du 14 février 2012, qui est celle du courrier par lequel le centre hospitalier William Morey a demandé au courtier CRPI Assurances de lui régler le montant du coût des travaux de second oeuvre engagés pour remédier aux sinistres,;

6. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la société Allianz Global Corporate et Speciality SE n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Dijon l'a condamnée à verser au centre hospitalier William Morey la somme de 491 017,42 euros TTC sous déduction de la somme provisionnelle de 319 102,30 euros versée en exécution de l'ordonnance du 10 février 2014 euros ainsi que de la somme correspondant aux intérêts versés sur cette provision en exécution de la même ordonnance, avec intérêts à compter du 14 février 2012 et capitalisation des intérêts à compter du 14 février 2013 ;

7. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que le centre hospitalier William Morey, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, soit condamné à verser à la société Allianz Global Corporate et Speciality SE la somme que celle-ci demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ; qu'il y a lieu, en revanche, de mettre à la charge de la société Allianz Global Corporate et Speciality SE une somme de 1 500 euros au titre des mêmes frais exposés par le centre hospitalier William Morey ;

DECIDE :

Article 1er : La requête de la société Allianz Global Corporate et Speciality SE est rejetée.

Article 2 : Les conclusions d'appel incident du centre hospitalier William Morey de Chalon-sur-Saône sont rejetées.

Article 3 : La société Allianz Global Corporate et Speciality SE versera une somme de 1 500 euros au centre hospitalier William Morey de Chalon-sur-Saône au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la société Allianz Global Corporate et Speciality SE et au centre hospitalier William Morey de Chalon-sur-Saône.

Délibéré après l'audience du 12 janvier 2017, à laquelle siégeaient :

M. d'Hervé, président,

Mme Michel, président assesseur,

Mme Samson Dye, premier conseiller.

Lu en audience publique le 2 février 2017.

6

N° 15LY00654


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 4ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 15LY00654
Date de la décision : 02/02/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

39-05 Marchés et contrats administratifs. Exécution financière du contrat.


Composition du Tribunal
Président : M. d'HERVE
Rapporteur ?: Mme Céline MICHEL
Rapporteur public ?: M. DURSAPT
Avocat(s) : AUGUST et DEBOUZY ET ASSOCIÉS

Origine de la décision
Date de l'import : 14/02/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2017-02-02;15ly00654 ?
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