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02/02/2017 | FRANCE | N°15LY00653

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 4ème chambre - formation à 3, 02 février 2017, 15LY00653


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Le centre hospitalier William Morey de Chalon-sur-Saône a demandé au tribunal administratif de Dijon, dans le dernier état de ses écritures, de condamner la société Allianz Global Corporate et Speciality SE à lui verser la somme de 791 084,81 euros TTC en réparation des sinistres, affectant les portes coupe-feu et pare-flammes, survenus les 8 avril et 21 mai 2011 sur le chantier de construction de son nouvel établissement.

Par un jugement n° 1201007 du 4 décembre 2014, le tribunal administratif de

Dijon a condamné la société Allianz Global Corporate et Speciality SE à verser...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Le centre hospitalier William Morey de Chalon-sur-Saône a demandé au tribunal administratif de Dijon, dans le dernier état de ses écritures, de condamner la société Allianz Global Corporate et Speciality SE à lui verser la somme de 791 084,81 euros TTC en réparation des sinistres, affectant les portes coupe-feu et pare-flammes, survenus les 8 avril et 21 mai 2011 sur le chantier de construction de son nouvel établissement.

Par un jugement n° 1201007 du 4 décembre 2014, le tribunal administratif de Dijon a condamné la société Allianz Global Corporate et Speciality SE à verser au centre hospitalier William Morey de Chalon-sur-Saône la somme de 791 084,81 euros TTC avec intérêts à compter du 5 mai 2012 et capitalisation des intérêts à compter du 5 mai 2013 et mis les frais d'expertise à la charge définitive de la société Allianz Global Corporate et Speciality.

Procédure devant la cour :

Par une requête, et un mémoire récapitulatif, enregistrés le 20 février et le 22 octobre 2015, la société Allianz Global Corporate et Speciality SE, représentée par MeA..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Dijon du 4 décembre 2014 ;

2°) de condamner le centre hospitalier William Morey de Chalon-sur-Saône aux entiers dépens et à lui verser la somme de 10 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le tribunal a omis de répondre au moyen tiré de ce qu'elle avait été diligente ainsi que son expert, qu'ils avaient tenté de mettre en oeuvre les analyses nécessaires à la détermination des dommages et qu'ils n'avaient pas manqué à leurs devoirs dans la conduite des opérations d'expertise amiable ;

- la preuve de l'existence de dommages matériels aux portes en contact avec l'humidité, au sens du contrat d'assurance Tous Risques Chantier, incombait au centre hospitalier ; celui-ci a renoncé à rapporter cette preuve ; elle a quant à elle apporté la preuve que le centre hospitalier avait obtenu l'autorisation d'ouvrir au public sur la base de l'avis favorable du bureau de contrôle rendu sur la base des procès-verbaux de classement au feu des portes fournis par le fabricant au centre hospitalier ; contrairement à ce qu'a jugé le tribunal, la plupart des portes n'ont pas séjourné dans l'eau et n'étaient pas matériellement atteintes ;

- la charge de la preuve des dommages matériels incombant au centre hospitalier, le coût des investigations de l'expert visant à rechercher ces dommages ne saurait peser sur elle.

Par un mémoire en défense, enregistré le 1er octobre 2015, le centre hospitalier William Morey conclut à la confirmation du jugement attaqué en ce qu'il a condamné la société Allianz Global Corporate et Speciality SE à lui verser la somme de 791 084,81 euros au titre de l'indemnisation des sinistres des 8 avril et 21 mai 2011, à ce que cette somme porte intérêts au taux légal à compter du 23 août 2011 avec capitalisation des intérêts, et à la condamnation de la société Allianz Global Corporate et Speciality SE à lui verser la somme de 15 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il fait valoir que :

- dès lors que les caractéristiques " feu " des portes ne pouvaient plus être garanties à la suite des sinistres, il doit être admis qu'elles ont subi un dommage matériel au sens du contrat d'assurance souscrit ;

- les dommages subis par les portes n'ont pas fait l'objet d'une exclusion de garantie prévue au contrat ;

- la charge de la preuve de l'existence de l'altération physique des caractéristiques " feu " des portes sinistrées appartenait à l'expert de la société Allianz Global Corporate et Speciality SE dès lors qu'il a considéré que l'avis unanime des intervenants sur le chantier ne devait pas être pris en compte ;

- la compagnie d'assurance et son expert ont manqué à leurs devoirs dans la conduite des opérations d'expertise amiable en ce que l'assureur ne souhaitait pas prendre position sur l'application de ses garanties avant le chiffrage du coût de remplacement des portes ;

- si les portes n'avaient pas été remplacées au cours de l'été 2011, l'ouverture de l'hôpital aurait été reportée à une date indéterminée ;

- la société Allianz Global Corporate et Speciality SE ne saurait lui reprocher d'avoir procédé au remplacement de l'ensemble des portes sans répondre à sa proposition d'analyse par un laboratoire dans la mesure où elle opère une confusion entre les fonctions du bureau de contrôle technique et celles d'un laboratoire agréé, étant précisé que le bureau de contrôle technique de l'opération a émis un avis défavorable au cas où la résistance au feu des portes n'était pas garantie ; les tests de résistance au feu opèrent destruction des éléments testés et les tests par sondage pouvaient être remis en cause ; le contrôleur technique et l'expert judiciaire ont considéré que toutes les portes ayant séjourné dans l'eau devaient être regardées comme endommagées ;

- compte tenu du refus des fabricants des portes de délivrer les procès-verbaux de classement au feu, il appartenait à l'assureur tous risques chantier soit de l'indemniser du coût de remplacement de l'intégralité des portes, soit d'entreprendre ou de faire entreprendre des investigations propres à déterminer si un avis de chantier en matière de résistance au feu pouvait être donné en remplacement des procès-verbaux d'essais sur le fondement des dispositions de l'arrêté du 22 mars 2004 ; un tel avis n'était plus d'utilité pour le nouvel hôpital dont la réception avait été prononcée après remplacement des portes sinistrées en 2011, condition préalable à son ouverture au public ; en outre, des réserves pouvaient être émises sur la possibilité de formulation d'un tel avis dès lors que la construction du centre hospitalier était achevée et qu'aucune caractéristique commune ou normalisation ne pouvait ressortir de l'ensemble des portes sinistrées ; il n'a pas pris position sur la mise en oeuvre de des investigations envisagées en l'absence de réponse de l'expert judiciaire et du laboratoire agréé à ses demandes de précisions ;

- au titre des deux sinistres des 8 avril et 21 mai 2011, il a exposé des frais d'un montant de 791 084,84 euros TTC ; les intérêts sur cette somme courent à compter de la notification de l'ordre de service valorisé de remplacement des portes ; il n'y a pas lieu de déduire les franchises contractuelles applicables dès lors qu'elles ont déjà été déduites de ses demandes dans le cadre du jugement n° 1300743 du 4 décembre 2014 du tribunal administratif de Dijon.

Par ordonnance du 7 octobre 2015, l'instruction a été close au 28 octobre 2015.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code des marchés publics ;

- le code des assurances ;

- l'arrêté du 2 novembre 2002 relatif à la réaction au feu des produits de construction et d'aménagement ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Michel,

- les conclusions de M. Dursapt, rapporteur public,

- et les observations de MeA..., représentant la société Allianz Global Corporate et Speciality SE.

1. Considérant qu'au cours de l'année 2000, le centre hospitalier William Morey a décidé de transférer son activité sur un nouveau site à Chalon-sur-Saône ; que les travaux de construction du nouvel établissement ont été confiés, notamment, à la société Vinci Construction France, attributaire du lot n° 2 " structure clos couvert second oeuvre finitions " et au groupement d'entreprises constitué entre la société Tunzini, mandataire commun du groupement, et la société Mouillot, attributaire du lot n° 3 " réseaux humides " ; qu'en sa qualité de maître d'ouvrage, le centre hospitalier William Morey a souscrit auprès de la société AGF, devenue Allianz Iard et aux droits de laquelle vient en dernier lieu la société Allianz Global Corporate et Speciality SE, un marché public d'assurances " tous risques chantier " (TRC), tant pour son compte que pour les entreprises effectuant les travaux sur le chantier y compris leurs sous-traitants, aux fins de garantir les éventuels sinistres affectant le chantier de construction du bâtiment MCO (médecine-chirurgie-obstétrique) et du bâtiment énergie, jusqu'à la réception ; que ce contrat comportait en outre une garantie " pertes d'exploitations anticipées " garantissant le maître d'ouvrage des préjudices subis du fait des retards de réception dont la cause résiderait dans un sinistre couvert au titre de la garantie tous risques chantier ; que cette police d'assurance a été placée par l'intermédiaire du courtier CRPI Assurances ; que l'ordre de service de démarrage des études et travaux tous corps d'état a été notifié aux entreprises le 27 novembre 2007, prévoyant un démarrage le 3 décembre suivant ; que la réception de l'ouvrage devait intervenir le 12 mai 2011 ; que les 29 mars, 8 avril et 21 mai 2011, alors que le chantier était en phase d'achèvement, trois dégâts des eaux imputables aux titulaires du lot n° 3 " réseaux humides " ont occasionné des dommages aux portes coupe-feu et pare-flammes ; que les sociétés Tunzini et Mouillot ont pris en charge le montant, inférieur à celui de la franchise contractuelle, de la réparation des dommages qui ont résulté du 1er sinistre du 29 mars 2011, dû à une fausse manipulation d'une conduite d'eau chaude sous pression ; que, s'agissant des conséquences des deux autres sinistres, à la suite desquels les portes coupe feu et pare-flammes situées dans les zones inondées ont été partiellement immergées pendant plusieurs heures, l'assureur a accepté de prendre en charge le remplacement des seules portes présentant des dommages apparents ; que les autres portes à caractéristique " feu " qui ne présentaient, bien qu'ayant séjourné dans l'eau, pas de dommages visuellement décelables ont été remplacées par la société Vinci Construction France, sur ordres de service du centre hospitalier du 23 août 2011, pour un montant de 791 084,81 euros TTC ; que la réception a pu ainsi être prononcée le 23 septembre 2011 après le remplacement des 447 portes d'origine par des portes neuves, ayant fait l'objet de procès-verbaux de classement au feu ; que par une ordonnance du 15 septembre 2011, le président du tribunal administratif de Dijon a désigné un expert missionné notamment pour déterminer si les portes à caractéristiques " feu " avaient conservé après la survenance des sinistres leurs fonctionnalités contractuellement et réglementairement prévues ; que l'expert a déposé son rapport " en l'état " le 1er juillet 2014 ; que, par un jugement du 4 décembre 2014 dont la société Allianz Global Corporate et Speciality SE relève appel, le tribunal administratif de Dijon a condamné l'assureur à verser au centre hospitalier William Morey la somme de 791 084,81 euros TTC au titre de l'indemnisation des sinistres des 8 avril et 21 mai 2011 et a mis à sa charge les frais de l'expertise judiciaire ;

Sur la régularité du jugement :

2. Considérant que la société appelante soutient que les premiers juges ont omis de répondre au moyen tiré de ce qu'elle avait été diligente ainsi que son expert, qu'ils avaient tenté de mettre en oeuvre les analyses nécessaires à la détermination des dommages et qu'ils n'avaient pas manqué à leurs devoirs dans la conduite des opérations d'expertise amiable ; que ce moyen de défense, visé dans le jugement, consistait à répondre au moyen invoqué par le centre hospitalier William Morey et tiré de ce que l'expert mandaté par l'assureur n'avait pas consacré tous ses moyens matériels et intellectuels de nature à déterminer avec exactitude et objectivité le montant réel des dommages, en raison notamment du montant des investigations envisagées ; que le tribunal n'a pas retenu au soutien de sa décision un manquement de la compagnie d'assurance à de telles obligations ; qu'il n'était dès lors pas tenu de répondre à cette argumentation ; que, par suite, le moyen tiré de l'omission de réponse à un moyen doit être écarté ;

Sur le bien fondé du jugement :

3. Considérant qu'il ressort du rapport de l'expert judiciaire qu'en raison de leur séjour prolongé dans l'eau, leurs fabricants ont refusé de délivrer les procès-verbaux de classement au feu de l'ensemble des 447 portes à caractéristiques anti-feu, y compris celles ne présentant pas de dommages visibles ; que l'absence de ces procès-verbaux constituait un obstacle sérieux à ce que la commission de sécurité autorise l'ouverture au public du centre hospitalier ; qu'il ressort également de ce rapport que les procès-verbaux d'essai établis par les fabricants avant la mise en place des portes, communiqués au cours de l'expertise judiciaire par le contrôleur technique, qui a ensuite émis un avis favorable à la réception des travaux après le remplacement de toutes les portes, ne peuvent attester de la performance au feu après la survenance des sinistres des portes d'origine installées dans les zones sinistrées ; que de l'impossibilité d'obtenir l'autorisation d'ouverture au public de l'établissement, il s'infère que les portes en cause devaient être regardées comme ayant subi des détériorations constituant un dommage matériel au sens du § 2.11. de la garantie TRC qui devait dès lors s'appliquer ;

4. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la société Allianz Global Corporate et Speciality SE n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Dijon l'a condamnée à verser une indemnité de 791 084,81 euros TTC corres-pondant au coût de changement de l'ensemble des 447 portes et a mis à sa charge définitive les frais de l'expertise judiciaire ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

5. Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que le centre hospitalier William Morey, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, soit condamné à verser à la société Allianz Global Corporate et Speciality SE la somme que celle-ci demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ; qu'il y a lieu, en revanche, de mettre à la charge de la société Allianz Global Corporate et Speciality SE une somme de 1 500 euros au titre des mêmes frais exposés par le centre hospitalier William Morey.

DECIDE :

Article 1er : La requête de la société Allianz Global Corporate et Speciality SE est rejetée.

Article 2 : Les conclusions d'appel incident du centre hospitalier William Morey de Chalon-sur-Saône sont rejetées.

Article 3 : La société Allianz Global Corporate et Speciality SE versera une somme de 1 500 euros au centre hospitalier William Morey de Chalon-sur-Saône au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la société Allianz Global Corporate et Speciality SE et au centre hospitalier William Morey de Chalon-sur-Saône.

Délibéré après l'audience du 12 janvier 2017, à laquelle siégeaient :

M. d'Hervé, président,

Mme Michel, président assesseur,

Mme Samson Dye, premier conseiller.

Lu en audience publique le 2 février 2017.

6

N° 15LY00653


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 4ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 15LY00653
Date de la décision : 02/02/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

39-05 Marchés et contrats administratifs. Exécution financière du contrat.


Composition du Tribunal
Président : M. d'HERVE
Rapporteur ?: Mme Céline MICHEL
Rapporteur public ?: M. DURSAPT
Avocat(s) : AUGUST et DEBOUZY ET ASSOCIÉS

Origine de la décision
Date de l'import : 14/02/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2017-02-02;15ly00653 ?
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