Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme B... C...a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler l'arrêté du 15 juin 2015 par lequel le préfet de l'Isère a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire dans le délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle pourra être éloignée d'office.
Par le jugement n° 1507685 du 29 avril 2016, le tribunal administratif de Grenoble a annulé cet arrêté et enjoint au préfet de l'Isère de délivrer à Mme C... un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans le délai de deux mois à compter de la notification du jugement.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 9 juin 2016, le préfet de l'Isère demande à la cour d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Grenoble du 29 avril 2016 et de rejeter toutes les conclusions présentées par Mme C...en première instance.
Le préfet soutient que :
- c'est à tort que le tribunal administratif a retenu le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; il existe un traitement approprié à l'état de santé de Mme C... en République démocratique du Congo ;
- le moyen tiré de l'incompétence du signataire de l'acte doit être écarté, compte tenu de la délégation de signature versée au dossier ;
- le moyen tiré du vice de procédure doit être également écarté, compte tenu de l'avis rendu par le médecin de l'agence régionale de santé le 19 février 2015 ;
- doivent être aussi écartés les moyens tirés de la méconnaissance de l'article 8 la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'erreur manifeste d'appréciation qu'il aurait commise ;
- le refus de titre de séjour n'étant pas illégal, l'obligation de quitter le territoire français n'est pas illégale par voie de conséquence ;
- la décision sur le pays de destination ne méconnaît pas les stipulations de l'article 3 de la convention précitée.
Par un mémoire en défense enregistré le 19 septembre 2016, Mme C..., représentée par Me A..., demande à la cour :
1°) à titre principal, de confirmer le jugement attaqué ;
2°) à titre subsidiaire, d'annuler l'arrêté préfectoral du 15 juin 2015 portant refus de titre de séjour, obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et désignant le pays de destination ;
3°) d'enjoindre au préfet de l'Isère, à titre principal, de lui délivrer un titre de séjour " vie privée et familiale " et, à titre subsidiaire, une autorisation provisoire de séjour, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
4°) à défaut, de lui enjoindre de réexaminer sa situation dans le délai d'un mois à compter du prononcé de l'arrêt et de lui délivrer, dans l'attente, une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler ;
5°) de mettre à la charge de l'État la somme de 1 000 euros à verser à son conseil en application des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Mme C... soutient que :
- c'est à bon droit que le tribunal administratif a annulé l'arrêté préfectoral puisqu'elle ne pourra bénéficier d'un traitement approprié dans son pays ;
- le refus de titre de séjour est entaché d'un vice de procédure, le médecin de l'agence régionale de santé n'ayant pas indiqué si elle pouvait voyager sans risque vers son pays ;
- il méconnaît l'article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et il est entaché d'erreur manifeste d'appréciation ;
- l'obligation de quitter le territoire français est illégale du fait de l'illégalité de la décision de refus de titre ;
- elle méconnaît le 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle méconnaît aussi l'article 8 de la convention précitée et est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;
- la décision fixant le pays de destination est illégale du fait de l'illégalité des autres décisions et a été prise en méconnaissance de l'article 3 de la convention précitée.
Par une décision du 18 août 2016, le bureau d'aide juridictionnelle a accordé le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale à Mme C....
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- l'arrêté du 9 novembre 2011 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des avis rendus par les agences régionales de santé en application de l'article R. 313-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en vue de la délivrance d'un titre de séjour pour raison de santé ;
- le code de justice administrative ;
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Gondouin a été entendu au cours de l'audience publique.
1. Considérant que Mme C..., ressortissante de République démocratique du Congo (RDC) née en juillet 1978, déclare être entrée en France le 10 avril 2012 ; que l'Office français de protection des réfugiés et apatrides a rejeté sa demande d'asile par une décision du 10 juillet 2012 que la Cour nationale du droit d'asile a confirmée le 1er mars 2013 ; que Mme C... a ensuite sollicité un titre de séjour sur le fondement du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que, par un arrêté du 15 juin 2015, le préfet de l'Isère a refusé de lui délivrer un titre de séjour, assorti ce refus d'une obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et fixé le pays à destination duquel elle pourra être éloignée d'office ; que le tribunal administratif de Grenoble a annulé les décisions préfectorales du 15 juin 2015 par un jugement du 29 avril 2016 dont le préfet de l'Isère relève appel ;
Sur le motif d'annulation retenu par le tribunal administratif :
2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 11° À l'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays dont il est originaire, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle appréciée par l'autorité administrative après avis du directeur général de l'agence régionale de santé, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative, après avis du médecin de l'agence régionale de santé de la région de résidence de l'intéressé, désigné par le directeur général de l'agence, ou, à Paris, du médecin, chef du service médical de la préfecture de police. Le médecin de l'agence régionale de santé ou, à Paris, le chef du service médical de la préfecture de police peut convoquer le demandeur pour une consultation médicale devant une commission médicale régionale dont la composition est fixée par décret en Conseil d'État " ;
3. Considérant que selon l'article R. 313-22 du même code : " Pour l'application du 11° de l'article L. 313-11, le préfet délivre la carte de séjour temporaire au vu d'un avis émis par le médecin de l'agence régionale de santé compétente au regard du lieu de résidence de l'intéressé, désigné par le directeur général. (...) L'avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin agréé ou un médecin praticien hospitalier et, d'autre part, des informations disponibles sur l'existence d'un traitement dans le pays d'origine de l'intéressé (...) " ; qu'aux termes de l'article 4 de l'arrêté du 9 novembre 2011 ci-dessus visé : " Au vu de ce rapport médical et des informations dont il dispose, le médecin de l'agence régionale de santé émet un avis précisant : - si l'état de santé de l'étranger nécessite ou non une prise en charge médicale ; - si le défaut de cette prise en charge peut ou non entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur son état de santé ; - s'il existe dans le pays dont il est originaire, un traitement approprié pour sa prise en charge médicale ; - la durée prévisible du traitement. / Dans le cas où un traitement approprié existe dans le pays d'origine, il peut, au vu des éléments du dossier du demandeur, indiquer si l'état de santé de l'étranger lui permet de voyager sans risque vers ce pays. / Cet avis est transmis au préfet sous couvert du directeur général de l'agence régionale de santé (...) " ;
4. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que, dans son avis du 19 février 2015, le médecin de l'agence régionale de santé a estimé que l'état de santé de Mme C... nécessite une prise en charge médicale dont le défaut peut entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité et que les soins nécessités par son état de santé doivent être poursuivis pendant une durée de douze mois ; que, contrairement à ce qu'a indiqué le préfet de l'Isère dans la décision contestée, ce médecin a également relevé qu'il existe un traitement approprié dans le pays d'origine de l'intéressée pour sa prise en charge médicale ; qu'il résulte des ordonnances et certificats médicaux produits par Mme C...qu'elle souffre d'hypertension artérielle, de diabète insulinodépendant, d'hyperlipidémie, dans un contexte d'hépatite B ; que le préfet, outre les éléments d'information transmis par le médecin référent de l'ambassade de France à Kinshasa, la fiche de santé CIMED, la fiche pays, la liste nationale des médicaments essentiels de République démocratique du Congo, produit des informations transmises, le 9 juin 2016, par le conseiller santé auprès de la direction générale des étrangers en France relatives à l'état sanitaire du pays ; qu'il en ressort que les différentes affections de la requérante peuvent être traitées par des molécules disponibles en RDC sous différentes formes ; qu'ainsi les lettres des laboratoires attestant que leur spécialité n'est pas disponible en RDC, produites par Mme C..., ne suffisent pas à établir qu'elle ne pourrait se faire soigner dans son pays d'origine ;
5. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le préfet de l'Isère est fondé à soutenir que c'est à tort que le jugement attaqué a retenu, pour annuler le refus de titre de séjour opposé à MmeC..., le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
6. Considérant, toutefois, qu'il appartient à la cour administrative d'appel, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par Mme C...tant devant le tribunal administratif de Grenoble que devant la cour ;
Sur les autres moyens :
7. Considérant que l'arrêté préfectoral contesté du 15 juin 2015 a été signé par M. Patrick Lapouze, secrétaire général de la préfecture de l'Isère qui, en vertu d'un arrêté du 9 mars 2015 régulièrement publié au recueil des actes administratifs, disposait d'une délégation à l'effet de signer tous actes, arrêtés, décisions, documents et correspondances administratives diverses relevant des attributions de l'État dans le département, à l'exception de certaines matières dont ne relèvent pas le séjour et l'éloignement des étrangers ; que le moyen tiré de l'incompétence du signataire de l'arrêté doit, dès lors, être écarté ;
En ce qui concerne le refus de titre de séjour :
8. Considérant, en premier lieu, que l'arrêté du 9 novembre 2011 précité prévoit que, si un traitement approprié existe dans le pays d'origine, le médecin de l'agence régionale de santé peut, au vu des éléments du dossier du demandeur, indiquer si l'état de santé de l'étranger lui permet de voyager sans risque vers ce pays ; qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que l'état de santé de Mme C...pouvait susciter des doutes quant à la possibilité pour elle de voyager sans risque vers son pays d'origine ; que, dès lors, la circonstance que l'avis du médecin en question n'ait pas apporté de précision sur ce point n'est pas de nature à entacher d'illégalité la décision contestée ;
9. Considérant, en second lieu, qu'aux termes de l'article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui " ;
10. Considérant que Mme C...est arrivée en France en 2012, selon ses déclarations, à l'âge de 34 ans ; qu'elle explique avoir laissé en République démocratique du Congo son concubin et leurs trois enfants ; que si elle soutient faire de réels efforts d'intégration en France, elle n'établit pas avoir noué des liens affectifs ou familiaux particuliers ; que, dès lors, le préfet de l'Isère n'a ni méconnu les stipulations précitées ni commis d'erreur manifeste d'appréciation en ne régularisant pas sa situation ;
En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :
11. Considérant, en premier lieu, que les moyens soulevés à l'encontre du refus de titre de séjour ayant été écartés, Mme C...n'est pas fondée à demander l'annulation de l'obligation de quitter le territoire français en raison de l'illégalité de ce refus ;
12. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes du 10° de l'article L. 511-4 du code précité, ne peut faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français : " L'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle appréciée par l'autorité administrative après avis du directeur général de l'agence régionale de santé " ; que, pour les raisons énoncées au point 4, Mme C... n'est pas fondée à soutenir que le préfet de l'Isère a méconnu ces dispositions ;
13. Considérant, en troisième lieu, que pour les motifs énoncés au point 10, le préfet de l'Isère n'a ni méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention précitée ni commis d'erreur manifeste d'appréciation en obligeant Mme C... à quitter le territoire français ;
En ce qui concerne la décision désignant le pays de destination :
14. Considérant, en premier lieu, que les moyens soulevés à l'encontre du refus de titre de séjour et de l'obligation de quitter le territoire ayant été écartés, Mme C... n'est pas fondée à demander l'annulation de la décision fixant le pays de destination en raison de l'illégalité de ces décisions ;
15. Considérant, en second lieu, qu'aux termes de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants " ; qu'en vertu du dernier alinéa de l'article L. 513-2 du code précité, un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations précitées ;
16. Considérant que, d'une part, Mme C...n'établit pas, par les pièces qu'elle produit, qu'elle courrait encore, en cas de retour dans son pays, des risques personnels en raison des activités politiques de son concubin au sein d'un parti d'opposition ; que, d'autre part, comme il a été dit précédemment, et en tout état de cause, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'elle ne pourrait trouver en RDC un traitement approprié à ses pathologies ;
17. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le préfet de l'Isère est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a annulé l'arrêté du 15 juin 2015 par lequel il a refusé de délivrer à Mme C...un titre de séjour et assorti ce refus d'une obligation de quitter le territoire français ainsi que d'une décision désignant le pays de destination ; que, par suite, les conclusions à fin d'injonction présentées par Mme C...ainsi que celles présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées ;
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n° 1507685 du tribunal administratif de Grenoble du 29 avril 2016 est annulé.
Article 2 : La demande présentée par Mme B... C...devant le tribunal administratif de Grenoble ainsi que ses conclusions présentées en appel sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... C...et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de l'Isère.
Délibéré après l'audience du 15 décembre 2016 où siégeaient :
M. d'Hervé, président,
Mme Michel, président-assesseur,
Mme Gondouin, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 12 janvier 2017.
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N° 16LY01960