Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
Mme A... B...veuve C...a demandé le 12 février 2013 au tribunal administratif de Lyon :
1°) d'annuler la décision du 20 février 2012 par laquelle le préfet du Rhône a rejeté la demande de regroupement familial qu'elle avait présentée au bénéfice de l'enfant D...B... ;
2°) d'enjoindre au préfet du Rhône de délivrer l'autorisation de regroupement familial sollicitée ;
3°) de mettre les dépens à la charge de l'Etat ;
Par un jugement n° 1301236 du 27 avril 2016, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour
Par une requête, enregistrée le 24 juin 2016, présentée pour Mme B...veuveC..., il est demandé à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Lyon du 27 avril 2016 ;
2°) d'annuler la décision susmentionnée du 20 février 2012 du préfet du Rhône ;
3°) d'enjoindre au préfet du Rhône de lui accorder le bénéfice du regroupement familial et, à titre subsidiaire, de procéder au réexamen de sa demande dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
4°) de condamner l'Etat à lui payer la somme de 1 200 euros en application des dispositions de 1'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le préfet a la possibilité d'accorder le regroupement familial même si elle ne satisfait pas aux conditions de ressources ; en l'espèce, elle est veuve, son état de santé et notamment sa fragilité psychologique l'empêche de travailler à temps plein, elle ne dispose que d'un contrat à durée indéterminée à temps partiel et ne pourra jamais justifier de revenus supérieurs ; elle contribue financièrement à l'éducation de la fillette en Algérie ;
- la décision est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation compte tenu de sa situation personnelle ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant ;
L'affaire ayant été dispensée d'instruction par ordonnance du 1er septembre 2016 en application de l'article R. 611-8 du code de justice administrative ;
Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950;
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 sur l'aide juridique ;
- le code de justice administrative.
Mme C...ayant été régulièrement avertie du jour de l'audience ;
A été entendu au cours de l'audience publique du 8 décembre 2016 le rapport de Mme Cottier, premier conseiller ;
1. Considérant que MmeB..., ressortissante algérienne née le 2 août 1961, a épousé M. E... C..., compatriote né le 22 février 1946 et décédé à Bron le 22 juillet 2010 ; qu'elle a sollicité, le 29 novembre 2010, sous forme de kafala, le recueil légal d'une enfant née le 10 juillet 2010 de parents inconnus ; qu'elle a obtenu, par ordonnance du même jour du président du tribunal de Ouenza, sa désignation en qualité de titulaire (kafil) de ce droit de recueil légal de l'enfant désormais dénommée D...B... ; qu'elle a alors sollicité du préfet du Rhône, le 5 mai 2011, l'autorisation d'introduire cette enfant en France, au titre du regroupement familial ; que, par une décision en date du 20 février 2012, le préfet du Rhône a refusé de faire droit à cette demande de regroupement familial ; que Mme C...relève appel du jugement du 27 avril 2016 par lequel le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision préfectorale ;
2. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes des stipulations de l'article 4 de l'accord franco-algérien susvisé : " (...) Sans préjudice des dispositions de l'article 9, l'admission, sur le territoire français en vue de l'établissement des membres de famille d'un ressortissant algérien titulaire d'un certificat de résidence d'une durée de validité d'au moins un an, présent en France depuis au moins un an sauf cas de force majeure, et l'octroi du certificat de résidence sont subordonnés à la délivrance de l'autorisation de regroupement familial par l'autorité française compétente./ Le regroupement familial ne peut être refusé que pour l'un des motifs suivants : / 1- le demandeur ne justifie pas de ressources stables et suffisantes pour subvenir aux besoins de sa famille. Sont prises en compte toutes les ressources du demandeur et de son conjoint indépendamment des prestations familiales. L'insuffisance des ressources ne peut motiver un refus si celles-ci sont égales ou supérieures au salaire minimum interprofessionnel de croissance ; / 2 - Le demandeur ne dispose ou ne disposera pas à la date d'arrivée de sa famille en France d'un logement considéré comme normal pour une famille comparable vivant en France. / (...) Le regroupement familial est sollicité pour l'ensemble des personnes désignées au Titre II du Protocole annexé au présent accord. (...) " ; qu'aux termes du titre II du protocole annexé audit accord : " Les membres de la famille s'entendent du conjoint d'un ressortissant algérien, de ses enfants mineurs ainsi que des enfants de moins de dix-huit ans dont il a juridiquement la charge en vertu d'une décision de l'autorité judiciaire algérienne dans l'intérêt supérieur de l'enfant (...) " ; qu'aux termes de l'article R. 411-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dont le champ d'application inclut les ressortissants algériens : " (...) les ressources du demandeur et de son conjoint qui alimenteront de façon stable le budget de la famille sont appréciées sur une période de douze mois par référence à la moyenne mensuelle du salaire minimum de croissance au cours de cette période (...) ". Aux termes de l'article R. 412-4 du même code : " A l'appui de sa demande de regroupement, le ressortissant étranger présente les copies intégrales des pièces énumérées au 1° et joint les copies des pièces énumérées aux 2° à 4° des pièces suivantes : (...) / 3° Les justificatifs des ressources du demandeur et, le cas échéant, de son conjoint, tels que le contrat de travail dont il est titulaire ou, à défaut, une attestation d'activité de son employeur, les bulletins de paie afférents à la période des douze mois précédant le dépôt de sa demande (...) " ;
3. Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale (...). / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. " ; qu'aux termes de l'article 3-1 de la convention susvisée relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale. " ;
4. Considérant que l'intérêt d'un enfant est en principe de vivre auprès de la personne qui, en vertu d'une décision de justice qui produit des effets juridiques en France, est titulaire à son égard de l'autorité parentale ; qu'ainsi dans le cas où est demandé, sur le fondement des stipulations précédemment citées de l'accord franco-algérien, le regroupement familial en vue de permettre à un enfant de rejoindre en France un ressortissant algérien qui en a la charge en vertu d'une décision de l'autorité judiciaire algérienne, l'autorisation de regroupement familial ne peut, en règle générale, eu égard aux stipulations de l'accord franco-algérien, être refusée pour un motif tiré de ce que l'intérêt de l'enfant serait de demeurer en Algérie auprès de ses parents ou d'autres membres de sa famille ; qu'en revanche, et sous réserve de ne pas porter une atteinte disproportionnée au droit au respect de la vie privée et familiale, l'autorité administrative peut se fonder, pour rejeter la demande dont elle est saisie, sur les motifs énumérés à l'article 4 de l'accord franco-algérien, notamment sur ceux tirés de ce que les conditions d'accueil de l'enfant en France seraient, compte tenu en particulier des ressources et des conditions de logement du titulaire de l'autorité parentale, contraires à son intérêt ;
5. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier qu'au cours des douze mois précédant sa demande de regroupement familial, soit pour la période de mai 2010 à avril 2011, les ressources de Mme C...s'élevaient à 671 euros nets par mois en moyenne ; que ce montant est inférieur à celui moyen mensuel net arrondi du SMIC pour cette période, soit 1 064 euros ; que d'avril 2012 à novembre 2012, Mme C...a perçu en moyenne 276 euros de revenus de solidarité active et 526 euros de salaire net ; qu'il n'y a pas lieu par ailleurs de prendre en compte les aides au logement perçues par MmeC... ; que par suite, le préfet du Rhône n'a pas commis d'erreur de fait quant au caractère nettement inférieur au salaire minimum interprofessionnel de croissance des ressources de la requérante pour la période de mai 2010 à avril 2011 ;
6. Considérant que Mme C...fait valoir qu'elle s'est investie moralement dans cette démarche de kafala après le décès de son époux, qu'elle a confié la garde matérielle de la jeune D...à une de ses soeurs résidant en Algérie, qu'elle lui rend visite une fois par an et envoie régulièrement de l'argent pour financer les besoins quotidiens de l'enfant ; que toutefois, et alors que les premiers juges avaient mentionné l'absence d'éléments probants sur l'existence de liens réels avec la jeuneD..., la requérante n'apporte aucun justificatif en appel pour établir l'intensité de sa relation avec l'enfant, qui réside depuis sa naissance en Algérie et dont elle a toujours vécu éloignée hormis quelques visites, sur lesquelles elle n'apporte au demeurant aucune précision ; que la requérante ne conteste pas l'appréciation des premiers juges sur le fait que la jeune D...n'est ni isolée ni en danger en Algérie ; que comme exposé plus haut, les ressources de la requérante sont très largement inférieures au salaire minimum interprofessionnel de croissance et ne permettent pas de garantir à l'enfant des conditions d'accueil suffisantes en France ; que, dès lors, dans les circonstances de l'espèce, la décision en litige, qui n'a pas méconnu l'intérêt supérieur de l'enfant confiée à Mme C...par acte de kafala, n'a pas porté au droit des intéressés au respect de leur vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise et n'a ainsi méconnu ni les stipulations précitées de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni les stipulations de l'article 3-1 de la convention susvisée relative aux droits de l'enfant ; qu'elle n'est pas davantage entachée d'une erreur manifeste d'appréciation quant à ses conséquences sur la situation personnelle des intéressés ;
7. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme C...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande ; que doivent être rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction ainsi que ses conclusions tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
DECIDE :
Article 1er : La requête de Mme C...est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Noura B...veuve C...et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet du Rhône.
Délibéré après l'audience du 8 décembre 2016 à laquelle siégeaient :
M. Faessel, président de chambre,
M. Seillet, président-assesseur,
Mme Cottier, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 10 janvier 2017.
1
5
N° 16LY02120