Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
M. B...C...et Mme A...C...son épouse née F...ont, par deux demandes enregistrées le 29 septembre 2015 sous les nos 1508364 et 1508365, respectivement demandé au tribunal administratif de Lyon :
1°) d'annuler les décisions du 13 mai 2015 du préfet de l'Ain portant refus de délivrance d'un titre de séjour assortie d'une obligation de quitter le territoire et fixant le pays de destination ;
2°) d'enjoindre au préfet de l'Ain de leur délivrer un titre de séjour dans les quinze jours suivant le jugement à intervenir sous astreinte de 50 euros par jour de retard et à titre subsidiaire, de procéder au réexamen de la demande de titre de séjour dans un délai d'un mois ;
3°) de condamner l'Etat français à payer à leur conseil la somme de 1 200 euros en application des dispositions de 1'article L. 761-1 du code de justice administrative et du deuxième alinéa de 1'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, à charge pour ce dernier de renoncer au bénéfice de 1'aide juridictionnelle.
Par un jugement nos 1508364-1508365 du 15 mars 2016, le tribunal administratif de Lyon a joint les deux demandes et les a rejetées.
Procédure devant la cour
Par une requête, enregistrée le 8 juin 2016, présentée pour les épouxC..., il est demandé à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Lyon du 15 mars 2016 ;
2°) d'annuler les décisions susmentionnées du 13 mai 2015 du préfet de l'Ain ;
3°) d'enjoindre au préfet de l'Ain de leur délivrer un titre de séjour dans le délai de quinze jours suivant l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 75 euros par jour de retard et à titre subsidiaire, de procéder au réexamen de la demande de titre de séjour dans un délai de quinze jours ;
4°) de condamner l'Etat à payer à leur conseil la somme de 1 000 euros en application des dispositions de 1'article L. 761-1 du code de justice administrative et du deuxième alinéa de 1'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, à charge pour ce dernier de renoncer au bénéfice de 1'aide juridictionnelle.
Ils soutiennent que :
S'agissant de la décision portant refus d'autorisation provisoire de séjour :
- elle méconnaît les stipulations des articles 6-5 et 6-7 de l'accord franco-algérien ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation sur leur situation ;
S'agissant de la décision fixant le pays de destination :
- elle méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Par mémoire enregistré le 2 novembre 2016 produit par le préfet de l'Ain, il conclut au rejet de la requête.
Il soutient que :
- les stipulations du 7) de l'article 6 de l'accord franco-algérien ne sont pas méconnues car les requérants ne contredisent pas les données médicales relatives à leur enfant selon lesquelles si la communication intra-ventriculaire donne un jour des problèmes, ceci n'aura pas lieu avant de nombreuses années et ne fournissent pas d'éléments circonstanciés et personnalisés remettant en cause l'avis du médecin de l'agence régionale de santé et démontrant l'absence d'accès de leur enfant en Algérie à des soins ou à un suivi médical adapté à son état de santé ;
- le refus de certificat de résidence n'est pas entaché d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- les stipulations du 5) de l'article 6 de l'accord franco-algérien, de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant n'ont pas été méconnues ;
- les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne sont pas méconnues car si son grand-père a la qualité de harki, l'intéressé a de la famille en Algérie et n'établit pas la réalité et l'existence de risques personnels actuels en cas de retour en Algérie ;
Par mémoire enregistré le 2 décembre 2016, non communiqué, les requérants maintiennent leurs conclusions.
L'aide juridictionnelle totale ayant été accordée à M. et Mme C...par décision du 11 mai 2016 ;
Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 ;
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 sur l'aide juridique ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
A été entendu au cours de l'audience publique du 8 décembre 2016 le rapport de Mme Cottier, premier conseiller ;
1. Considérant que M. et MmeC..., ressortissants algériens, nés respectivement les 14 mai 1977 et 26 janvier 1986, sont entrés en France le 12 décembre 2011 ; que, le 6 mars 2012, l' Office français de protection des réfugiés et apatrides a rejeté leurs demandes d'asile, décisions confirmées par la Cour nationale du droit d'asile le 3 octobre 2012 ; qu'ils se sont mariés en France le 24 juillet 2012 ; qu'ils ont sollicité, le 12 octobre 2012, des titres de séjour en qualité d'accompagnant d'enfant malade ; qu'après avoir obtenu une autorisation provisoire de séjour, ils en ont sollicité le renouvellement le 22 octobre 2013 ; que le préfet de l'Ain a, par arrêtés en date du 3 février 2014, rejeté leurs demandes, les a obligés à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel ils pourraient être reconduits ; que ces arrêtés ont été annulés par jugement du tribunal administratif de Lyon du 16 septembre 2014 ; qu'en application de ce même jugement, le préfet a réexaminé leurs demandes de certificat de résidence et, par décisions du 13 mai 2015, a refusé de leur délivrer ce titre, leur a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination ; que M. et Mme C...interjettent appel du jugement nos 1508364-1508365 du 15 mars 2016 par lequel le tribunal administratif de Lyon a joint leurs demandes à fin d'annulation desdites décisions préfectorales du 13 mai 2015 et les a rejetées ;
Sur la légalité des décisions du 13 mai 2015 portant refus de certificat de résidence :
2. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 susvisé : " Les dispositions du présent article (...) fixent les conditions de délivrance et de renouvellement du certificat de résidence aux ressortissants algériens établis en France ainsi qu'à ceux qui s'y établissent (...) Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : (...) 7) au ressortissant algérien, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve qu'il ne puisse pas effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans son pays. " ;
3. Considérant, d'une part, qu'il est constant que les épouxC..., qui n'indiquent pas être malades, n'ont jamais demandé à se voir délivrer un certificat de résidence au regard de leur état de santé respectif ; que, d'autre part, en tout état de cause, le certificat de résidence prévu par les stipulations du 7) de l'article 6 de l'accord franco-algérien est uniquement délivré à l'étranger lui-même malade, et non à l'accompagnant d'enfant malade ; que, par suite, les époux C...ne sont pas fondés à soutenir que les décisions portant refus de certificat de résidence ont méconnu les stipulations du 7) de l'article 6 de l'accord franco-algérien en raison de la pathologie dont souffre leur enfant ;
4. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 : " (...) Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : (...) 5) au ressortissant algérien, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus (...) " ; qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui. " ;
5. Considérant que les époux C...indiquent que leur fils D...né en 2012 est atteint d'une pathologie cardiaque nécessitant des consultations régulières et que son suivi médical serait meilleur en France qu'en Algérie ; qu'ils mentionnent séjourner en France depuis plus de 3 ans à la date des décisions de refus, être hébergés au sein de la famille de M. C...en France et avoir ainsi d'importantes attaches sur le territoire national ; que toutefois, il résulte des pièces du dossier, et notamment de l'avis du médecin de l'agence régionale de santé établi le 21 avril 2015 relatif au jeuneD..., que l'état de santé de ce dernier nécessite une prise en charge médicale dont le défaut ne devrait pas entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, qu'il existe un traitement approprié dans le pays dont il est originaire, que les soins nécessités par son état présentent un caractère de longue durée et que cet enfant peut voyager sans risque vers son pays d'origine ; que les requérants ne contestent pas les éléments médicaux sur l'état de santé de leur fils indiqués en première instance par le préfet et tirés notamment du certificat médical du Dr E... du 15 janvier 2014 relatif à l'absence actuelle de problème ventriculaire pour cet enfant et à l'absence de risques avant de nombreuses années ; qu'ils ne produisent pas en appel de nouvelles pièces contredisant de telles données médicales et excluant la possibilité de soins adaptés en Algérie ; que les époux C...ont vécu la majorité de leur existence en Algérie, pays dans lequel ils n'établissent pas avoir perdu toutes attaches ; qu'ils ne démontrent pas une insertion sociale et professionnelle en France, en se bornant à indiquer la présence de certains membres de leur famille en France et un hébergement par un de leurs proches ; que compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, la décision de refus de délivrance d'un certificat de résidence n'a pas porté au droit des intéressés au respect de leur vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise ; qu'elle n'a, ainsi, pas méconnu les stipulations précitées de l'accord franco-algérien et de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
6. Considérant qu'aux termes de l'article 3-1 de la convention relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent des enfants, qu'elles soient le fait (...) des tribunaux, des autorités administratives (...), l'intérêt supérieur des enfants doit être une considération primordiale " ; qu'il résulte de ces stipulations, qui peuvent être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir formé contre une décision de refus de délivrance d'un titre de séjour, que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant ;
7. Considérant que les requérants se bornent à évoquer l'état de santé de leur enfant ; que toutefois comme il a été dit précédemment, D..., alors âgé de 3 ans ne souffrait, à la date des décisions de refus de certificats de résidence, d'aucune pathologie grave et pouvait bénéficier en Algérie de soins adaptés à son état ; que les requérants n'allèguent pas de difficultés de scolarisation de leur fils en cas de retour en Algérie ; que, dans ces conditions, le moyen tiré de ce que les décisions de refus de séjour méconnaissent les stipulations précitées de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant doit être écarté ;
8. Considérant qu'au regard de ce qui a été exposé précédemment, ces décisions de refus de séjour ne sont pas entachées d'erreur manifeste d'appréciation quant à la situation personnelle des requérants ;
Sur la légalité des décisions fixant le pays de destination :
9. Considérant qu'aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou des traitements inhumains ou dégradants" ; qu'aux termes de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (. . .) Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950. " ;
10. Considérant que les requérants font valoir qu'ils ne peuvent pas retourner sans crainte en Algérie eu égard au fait que M. C...est petit-fils de harki et que l'une de ses soeurs a obtenu en 2009 la qualité de réfugiée ; que toutefois, les requérants, qui ont vu rejetées leurs demandes d'asile en avril et octobre 2012, puis en 2015, n'apportent pas en appel d'éléments susceptibles d'établir l'existence de risques actuels et personnels en cas de retour en Algérie, alors qu'ils ne contestent pas les allégations du préfet en première instance, quant à la présence en Algérie d'au moins une soeur et un frère de M.C..., ainsi que d'un enfant issu d'une précédente union de M. C...; que par suite, les moyens tirés de la méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'erreur manifeste d'appréciation doivent être écartés ;
11. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que les époux C...ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Lyon a rejeté leurs demande ; que doivent être rejetées par voie de conséquence leurs conclusions à fin d'injonction et au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. et Mme C...est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B...C..., à Mme A...C...et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet de l'Ain.
Délibéré après l'audience du 8 décembre 2016 à laquelle siégeaient :
M. Faessel, président de chambre,
M. Seillet, président-assesseur,
Mme Cottier, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 10 janvier 2017.
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N° 16LY01936