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10/01/2017 | FRANCE | N°15LY01933

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 6ème chambre - formation à 3, 10 janvier 2017, 15LY01933


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

La SAS Prysmian Câbles et Systèmes France a demandé le 19 février 2014 au tribunal administratif de Dijon, en premier lieu d'annuler la décision du 23 juin 2013 par laquelle l'inspecteur du travail a refusé d'autoriser le licenciement de Mme F...ainsi que la décision du 31 décembre 2013 par laquelle le ministre du travail a confirmé la décision du 23 juin 2013 de l'inspecteur du travail et, en second lieu, d'enjoindre à l'inspecteur du travail d'autoriser le licenciement de MmeF....

Par un jugement

n° 1400550 du 26 mars 2015, le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa dema...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

La SAS Prysmian Câbles et Systèmes France a demandé le 19 février 2014 au tribunal administratif de Dijon, en premier lieu d'annuler la décision du 23 juin 2013 par laquelle l'inspecteur du travail a refusé d'autoriser le licenciement de Mme F...ainsi que la décision du 31 décembre 2013 par laquelle le ministre du travail a confirmé la décision du 23 juin 2013 de l'inspecteur du travail et, en second lieu, d'enjoindre à l'inspecteur du travail d'autoriser le licenciement de MmeF....

Par un jugement n° 1400550 du 26 mars 2015, le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête, enregistrée le 9 juin 2015, présentée pour la SAS Prysmian, il est demandé à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Dijon du 26 mars 2015 ;

2°) d'annuler les décisions susmentionnées du 23 juin 2013 de l'inspecteur du travail et du 31 décembre 2013 du ministre du travail ;

3°) d'autoriser le licenciement pour faute grave de MmeF... ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ainsi que les dépens ;

Elle soutient que :

- MmeF..., docteur en matériaux, a été embauchée le 8 septembre 2008 en qualité de responsable produits et technologie ; elle travaille sur des projets de recherche et développement concernant l'appareillage ; son contrat de travail comporte une clause de non concurrence et une clause " déontologique de propriété industrielle " laquelle mentionne que pendant la durée de son contrat de travail et après la rupture de celui-ci, elle s'engage à " conserver la discrétion et la réserve la plus absolue sur les informations dont la divulgation, tant en interne qu'en externe est susceptible de porter atteinte aux intérêts de l'entreprise. Cette confidentialité porte sur toutes les informations, quelles que soient leur nature, forme ou support d'expression qui auront été portées à votre connaissance " ;

- Mme F...exerçait à compter du 9 mai 2011 le mandat de représentante syndicale au comité d'entreprise et était ainsi salariée protégée ; à compter du 20 février 2015, date de démission de son mandat, elle bénéficie d'une protection résiduelle en qualité d'ancienne représentante syndicale au comité d'entreprise et de candidate aux élections du 19 mars 2015 ;

- depuis le 15 novembre 2010, la SAS Prysmian travaille avec un sous-traitant, la société INS spécialisée en recherche et développement et notamment la mécanique des contacts (usure, frottement, lubrification, corrosion, adhésion) ;

- lors d'une réunion avec INS le 15 mars 2013, des opérationnels de la SAS Prysmian ont constaté que certains salariés d'INS présents à cette réunion connaissaient des éléments entrant dans la composition de matériaux élastomères EPDM développés par Prysmian dont l'élément " SUNPAR 2280 " et le grade de ce composant ; lors d'une réunion de suivi de projet le 17 septembre 2012 INS-Prysmian représentée par MmeF..., cette dernière aurait communiqué des informations sur la composition des gaines élastomères à ses interlocuteurs de l'INS en mentionnant une huile SUNPAR :

- la divulgation de ces informations peut avoir des conséquences financières et sociales à raison de pertes de part de marchés pour la SAS Prysmian ; de tels agissements sont gravement fautifs et condamnables pénalement à raison de la divulgation d'un secret de fabrication ;

- la SAS Prysmian a notifié à Mme F...le 3 mai 2013 une mise à pied conservatoire et l'a convoqué à un entretien préalable à son éventuel licenciement le 13 mai 2013 ;

- le comité d'entreprise a été réuni le 13 mai 2013 sur le projet de licenciement pour faute grave de Mme F...et a rendu un avis défavorable pour un tel licenciement ;

- l'inspecteur du travail a refusé le 28 juin 2013 d'autoriser le licenciement de Mme F... ; suite à un recours hiérarchique mené par la SAS Prysmian, le ministre du travail a confirmé ce refus d'autorisation de licenciement ;

- si Mme F...nie avoir communiqué la liste de tous les éléments ainsi que le dosage précis du " SUNPAR 2280 ", elle a mentionné un élément majeur le " SUNPAR 2280 ", huile paraffinique de traitement " ;

- les huiles paraffiniques selon leurs grades ont des propriétés de viscosité et de pureté différents ;

- la société INS n'aurait pas pu connaître le grade de l'huile utilisé, en l'occurrence le SUNPAR 2280, sans divulgation de Mme F...et une telle information n'était pas nécessaire pour développer la collaboration entre la SAS Prysmian et la société INS ; cette connaissance était susceptible de faire gagner un temps précieux à la concurrence ;

- la circonstance qu'INS ait conclu avec Prysmian un contrat d'études garantissant la confidentialité des échanges ne dispense pas les salariés de Prysmian de remplir les obligations découlant de leur contrat de travail ;

- Mme F...n'a pas informé les salariés d'INS du caractère confidentiel des informations transmises et INS n'était pas censée avoir connaissance du caractère confidentiel de telles informations ; il existe une rotation dans les équipes d'INS, ce qui ne garantit pas la confidentialité ;

- si INS n'est pas un concurrent actuel de Prysmian, rien ne garantit qu'il ne le sera pas dans le futur ou que des salariés d'INS n'iront pas travailler ultérieurement pour des concurrents de Prysmian ;

- la divulgation de la mention SUNPAR 2280 constitue une faute d'une gravité suffisante pour justifier le licenciement de Mme F...pour faute grave ; sa hiérarchie avait déjà averti Mme F...de certains manquements à son obligation de confidentialité ;

- il n'existe pas un climat social conflictuel ;

- Mme F...était en charge du projet avec INS ;

- l'audit réalisé le 1er février 2013 sur les modes de production n'a pas permis à des salariés INS d'avoir connaissance du procédé de fabrication de l'EPDM lequel est produit en Italie ;

- les attestations au dossier sont suffisamment précises ;

- si l'utilisation du SUNPAR 2280 est connue pour les câbles, cette information ne l'était pas pour les accessoires :

- si l'utilisation du SUNPAR est connue dans la profession, différents grades existent ;

- l'information a été donnée lors d'une réunion à des salariés d'INS qui n'avaient pas à en connaître ;

- la circonstance qu'elle n'ait pas fait l'objet de précédentes sanctions disciplinaires est indifférente ;

- le compte-rendu d'un entretien du 10 janvier 2014 ne doit pas être pris en compte ;

- Mme F...ne justifie pas des " conditions particulièrement vexatoires " de la procédure ;

Par un mémoire, enregistré le 19 février 2016, pour MmeF..., elle conclut à l'irrecevabilité de la requête et à l'irrecevabilité des conclusions tendant à ce qu'il soit autorisé son licenciement et à titre subsidiaire au rejet de la requête. Elle formule également des conclusions aux fins de condamnation de la société Prysmian à lui verser une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- depuis septembre 2015, elle est élue au comité d'hygiène et de sécurité du site de Gron ;

- contrairement aux affirmations de la société Prysmian, le climat social est très difficile ; du fait de son engagement syndical, elle subit des pressions constantes de sa hiérarchie directe et indirecte ; suite à une plainte de l'inspecteur du travail et de la CGT, une enquête a été diligentée par le procureur de la République et l'ensemble des salariés du service EetD a été auditionné par la gendarmerie de Sens ;

- le contrat d'étude entre Prysmian et INS organisait la confidentialité des informations échangées et prévoyait pour le suivi de l'étude un comité composé de 3 représentants de chaque société, en l'occurrence pour Prysmian M.G..., elle-même et M.I... ; ce n'est qu'en juillet 2012 qu'elle est intervenue en qualité de chef de projet ;

- elle a rencontré le 17 septembre 2012 trois salariés d'INS, Mme H...technicienne supérieure chimiste, responsable technique de l'étude, M.D..., responsable hiérarchique de Mme H...et Mme A...E..., ingénieur qualité ; elle a adressé un courriel le 19 septembre 2012 à Mme H...sur l'organisation ayant été adoptée ;

- un audit a été réalisé le 1er février 2013 par INS à Gron auquel elle n'était pas présente ;

- la requête est irrecevable car non présentée par un avocat, car non signée par un des mandataires régulièrement constitué, car ne mentionnant pas le nom et le domicile des parties ;

- les conclusions demandant à la cour d'autoriser son licenciement sont irrecevables, seul l'inspecteur du travail pouvant autoriser le licenciement d'un salarié protégé et il n'appartient pas au juge de se substituer à l'administration ;

- au fond, les faits lui étant reprochés ne sont pas démontrés ; la société Prysmian ne démontre pas qu'elle soit à l'origine de la transmission d'informations confidentielles alors qu'il appartient à l'employeur d'établir la matérialité des faits reprochés et d'alléguer des faits précis ; les notes manuscrites présentes au dossier sont anonymes et la plupart non datées et comportent des retranscriptions différentes de la réunion du 17 septembre 2012 ainsi que des éléments personnels connus seulement par leurs rédacteurs, certains éléments techniques lui étant inconnus ; M. B...n'était pas présent à la réunion ; il ne peut pas être extrapolé sur le courriel du centre de transfert de technologie du Mans lequel se borne à indiquer qu'il n'a pas la capacité technique de mener ce type d'analyse mais ne dit rien sur la capacité d'autres entités à le faire ; les attestations de M. D...et Mme H...établies huit à 10 mois après la réunion ne mentionnent que l'huile Sunpar et non pas le grade de cette huile ;

- le produit élaspeed est un assemblage de 3 pièces de caoutchouc EPDM indépendantes et qui sont conçues à partir de plusieurs mélanges spécifiques comprenant 7 à 11 ingrédients précis ; si elle a mentionné le nom de composants génériques de certains des mélanges de ces EPDM, elle n'a jamais reconnu avoir divulgué une information sur le SUNPAR 2280 ; évoquer une huile paraffinique de coupage est une désignation générique ; il était nécessaire de donner à INS des informations sur les composants génériques afin que celle-ci puisse travailler

- elle n'était pas en charge du projet avec INS depuis 2009, ce dernier n'ayant démarré qu'en novembre 2010 ;

- elle a respecté les règles de confidentialité et apporte des attestations sur le respect des règles ; elle produit des documents montrant qu'INS n'avait pas la composition des différents éléments entrant dans la composition des EPDM après la réunion du 17 septembre 2012 et de telles informations ont dû être évoquées par d'autres membres de Prysmian après cette réunion ; l'utilisation de Sunpar 2280 n'est pas un élément confidentiel et n'est pas un secret de fabrication, le recours à la Sunpar 2280 est connue pour être un standard dans la fabrication des mélanges EPDM pour les câbles et les accessoires, certains brevets tombés dans le domaine public mentionnent le Sunpar 2280 et notamment deux brevets tombés dans le domaine public en 2007 et 2013 ; le mail du 13 juin 2013 n'a pas été envoyé par MmeF... ; les concurrents de Prysmian connaissent l'application du Sunpar dans les EPDM et du Sunpar 2280 ; Prysmian communique sur l'utilisation du Sunpar 2280 avec des partenaires sans en mentionner le caractère confidentiel ; Prysmian communique ouvertement sur cette huile sunpar 2280 dans le cadre de cette procédure contentieuse et n'anonymise pas le nom du produit ni son grade, ce qui démontre le caractère non-confidentiel de cette information ; la formule détenue par Prysmian ne saurait être reconstituée sur la base du seul élément Sunpar 2280, d'autres éléments beaucoup plus précis étant nécessaires (7 à 11 ingrédients , leurs dosages, leurs conditions d'utilisation et de mise en oeuvre) ;

- le contrat d'études liant Prysmian et INS permettait d'assurer la confidentialité des échanges et des informations ; l'information relative à la présence de l'huile Sunpar 2280 est une spécification technique couverte par l'obligation de confidentialité à laquelle était soumise les membres de la société INS ;

- les faits reprochés n'ont pas le caractère d'une faute d'une gravité suffisante ; la société Prysmian n'a déposé aucune plainte au pénal ; l'information n'était pas confidentielle ; aucune atteinte aux intérêts commerciaux de Prysmian n'est démontrée ; la hiérarchie de Mme F... n'a jamais appliqué strictement les règles de confidentialité ; aucun antécédent disciplinaire n'existe ; les premiers juges ont à bon droit estimé qu'aucun secret de fabrication de nature à porter atteinte aux intérêts de la société requérante n'a été divulgué ;

Par des mémoires, enregistrés les 22 février et 22 mars 2016, pour la société Prysmian, elle indique renoncer à ses conclusions à fin d'injonction et maintient ses autres conclusions par les mêmes moyens.

Elle ajoute que :

- la requête est recevable car elle a été déposée par avocat, elle est signée, elle mentionne les nom et domicile ;

Par un mémoire, enregistré le 22 avril 2016, pour MmeF..., elle maintient ses conclusions par les mêmes moyens. Elle ajoute que la cour pourra rejeter les conclusions à fin d'injonction ou prendre acte du désistement de telles conclusions par la société Prysmian.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code du travail ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Cottier, premier conseiller ;

- les conclusions de Mme Vigier-Carrière, rapporteur public ;

- et les observations de Me Trédan, avocat de la société Prysmian Câbles et Systèmes France, et de Me Delavay, avocat de MmeF....

1. Considérant que Mme F...a été embauchée par la société Prysmian le 8 septembre 2008 en qualité de responsable produits et technologie au sein de la direction de l'appareillage ; que le 9 mai 2010, Mme F...a été désignée représentante syndicale au comité d'entreprise ; que la société Prysmian l'a mise à pied à titre conservatoire le 3 mai 2013, au motif de divulgation d'informations confidentielles à un sous-traitant en charge de la réalisation d'une étude sur les lubrifiants, et a convoqué le comité d'entreprise pour avis sur un licenciement envisagé pour faute ; que le 13 mai 2013, le comité d'entreprise a émis un avis défavorable ; que le 15 mai 2013, la société Prysmian a demandé à l'inspecteur du travail de l'Yonne l'autorisation de licencier Mme F...pour faute grave, pour avoir méconnu ses obligations de discrétion et de confidentialité en dévoilant, lors d'une réunion avec un sous-traitant, la nature d'un composant entrant dans la fabrication des élastomères EPDM ; que, par décision du 28 juin 2013, l'inspecteur du travail a refusé l'autorisation de licenciement ; que la société Prysmian a formé un recours hiérarchique auprès du ministre ; qu'une décision implicite de rejet est née le 6 décembre 2013, confirmée par décision explicite en date du 31 décembre 2013 ; que la société Prysmian interjette appel du jugement du 26 mars 2015 par lequel le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision de l'inspecteur du travail du 28 juin 2013 portant refus d'autorisation de licenciement de MmeF..., ensemble de la décision du ministre du travail du 31 décembre 2013 rejetant son recours hiérarchique ;

2. Considérant qu'en vertu des dispositions du code du travail, le licenciement des salariés légalement investis de fonctions représentatives, qui bénéficient d'une protection exceptionnelle dans l'intérêt de l'ensemble des travailleurs qu'ils représentent, ne peut intervenir que sur autorisation de l'inspecteur du travail ; que, lorsque leur licenciement est envisagé, celui-ci ne doit pas être en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées ou avec leur appartenance syndicale ; que, dans le cas où la demande de licenciement est motivée par un comportement fautif, il appartient à l'inspecteur du travail saisi et, le cas échéant, au ministre compétent, de rechercher, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, si les faits reprochés au salarié sont d'une gravité suffisante pour justifier le licenciement, compte tenu de l'ensemble des règles applicables au contrat de travail de l'intéressé et des exigences propres à l'exécution normale du mandat dont il est investi ; qu'en outre, pour refuser l'autorisation sollicitée, l'autorité administrative a la faculté de retenir des motifs d'intérêt général relevant de son pouvoir d'appréciation de l'opportunité, sous réserve qu'une atteinte excessive ne soit pas portée à l'un ou l'autre des intérêts en présence ;

Sans qu'il soit besoin de statuer sur la recevabilité de la requête ;

3. Considérant, que la société Prysmian a sollicité, le 15 mai 2013, l'autorisation de licencier MmeF..., alors représentante syndicale au comité d'entreprise, au motif de la méconnaissance par cette dernière de ses obligations contractuelles de discrétion et de confidentialité professionnelles, en lui reprochant d'avoir divulgué des informations lors d'une réunion avec la société INS, alors que la révélation de cette information était susceptible d'avoir des conséquences graves sur une avancée technologique conditionnant ses résultats commerciaux ;

4. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que la société requérante et la société INS, société d'études sur les lubrifiants, ont conclu un contrat d'études le 15 novembre 2010, relatif à un procédé de lubrification sèche des parties caoutchouc dits EPDM du produit de raccordement moyenne tension " élaspeed " ; que cette étude comprenait la stabilisation de la formulation existante de graisse, des tests et la mise au point d'une solution industrielle lubrifiante ; que Mme F...qui était membre du comité de suivi de ce projet pour Prysmian a été nommée chef de projet en juillet 2012 ; qu'elle a reconnu, devant le comité d'entreprise réuni le 13 mai 2013, qu'à l'occasion d'une réunion de suivi du projet avec ses interlocuteurs INS, elle avait, le 17 septembre 2012, afin de permettre la poursuite des travaux d'études, indiqué la nature des " composants génériques " utilisés pour l'un des EPDM ; qu'elle conteste toutefois avoir mentionné lors de cette réunion le grade de l'huile paraffinique en cause, en l'occurrence le " sunpar 2280 ", et indique sans véritable contestation de la société Prysmian n'avoir pas apporté d'autres précisions sur les différents composants propres à chacun des EPDM, sur la proportion de ceux-ci, sur leur assemblage ou sur les formules, lesquelles sont élaborées en Italie et ne lui ont d'ailleurs pas été communiquées ; que si la société Prysmian présente des notes manuscrites prises selon elle par certains de ses salariés lors de la réunion du 17 septembre 2012, dont l'une relate l'évocation explicite du " sunpar 2280 " par MmeF..., ces documents ne sont pas datés et ne comportent pas l'indication du nom de leurs rédacteurs ; que de plus une partie de ces notes se borne à évoquer le " Sunpar ", sans mention du grade de cette huile ; que dès lors, et à défaut au dossier d'éléments corroborant la communication par Mme F...de données sur le " Sunpar 2280 ", il n'est pas matériellement établi que celle-ci a, lors de la réunion du 17 septembre 2012, effectivement manqué à son obligation de secret, ceci en supposant d'ailleurs que cette donnée sur le grade 2280 de l'huile " sunpar " ait véritablement revêtu en l'espèce un caractère confidentiel ; qu'il s'ensuit que le manquement reproché ne peut être retenu comme étant avéré ;

5. Considérant au surplus, que dans l'hypothèse où cette précision sur la présence d'une huile " sunpar 2280 " dans la composition d'un des EPDM aurait été communiquée par Mme F...lors de la réunion dont s'agit, il est constant que le contrat d'étude conclu entre Prysmian et INS prévoyait l'impossibilité pour INS de mener des activités de recherche et de développement pour le compte de tiers en relation avec l'objet du contrat, ainsi qu'une clause de confidentialité sur tous les échanges d'informations de Prysmian à INS dans le cadre de cette étude ; qu'ainsi, dans l'hypothèse où Mme F...aurait mentionné la présence de " Sunpar 2280 " dans l'un des EPDM, la divulgation de cette information, qui était couverte par la clause de confidentialité signée par INS, lequel n'est pas un concurrent de Prysmian mais un de ses fournisseurs privilégiés, aurait pris place dans un cadre relationnel sécurisé limitant la diffusion de l'information aux seuls salariés INS en charge de l'étude, et dans un but conforme à la mission de suivi de la progression de l'étude assignée par Prysmian à Mme F...; que par ailleurs, et sans qu'y fasse obstacle la circonstance qu'un des laboratoires consultés par Prysmian serait dans l'incapacité de mener certains travaux d'analyse pour identifier le " sunpar 2280 " dans l'un des EPDM, il ressort des pièces au dossier que l'utilisation de l'huile " Sunpar 2280 " dans les élastomères et ses accessoires était une information accessible à INS et aux concurrents de Prysmian, dès lors que plusieurs brevets sont entrés dans le domaine public et que leurs caractéristiques sont connues des professionnels concurrents de Prysmian ; qu'ainsi, d'une part, l'information litigieuse n'était pas susceptible d'être considérée comme couverte par un secret de fabrication de Prysmian et, d'autre part, la divulgation à INS d'une telle information générique, sans autre précision permettant de reconstituer l'intégralité des formules des différents EPDM, n'était pas susceptible de porter atteinte aux intérêts de la société requérante ; qu'au demeurant il n'est pas contesté qu'aucun manquement aux règles de confidentialité susceptible de faire l'objet d'une sanction disciplinaire n'avait été reproché à MmeF..., préalablement à ce licenciement ; que dès lors, les circonstances sus-décrites ne pouvaient être regardées comme constitutives d'une faute de nature à justifier une mesure de licenciement ;

6. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la société Prysmian n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande présentée à fin d'annulation des décisions litigieuses ; que, la société Prysmian étant la partie perdante, les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge de l'Etat au titre de cet article ; que dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de condamner la société Prysmian à verser la somme de 1 500 euros à Mme F...au titre de ce même article ;

DECIDE :

Article 1er : La requête de la SAS Prysmian Câbles et Systèmes France est rejetée.

Article 2 : La SAS Prysmian Câbles et Systèmes France versera à Mme F...une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à SAS Prysmian Câbles et Systèmes France, au ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social et à Mme C...F....

Délibéré après l'audience du 8 décembre 2016 à laquelle siégeaient :

M. Faessel, président de chambre,

M. Seillet, président-assesseur,

Mme Cottier, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 10 janvier 2017.

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N° 15LY01933


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 6ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 15LY01933
Date de la décision : 10/01/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

66-07 Travail et emploi. Licenciements.


Composition du Tribunal
Président : M. FAESSEL
Rapporteur ?: Mme Cécile COTTIER
Rapporteur public ?: Mme VIGIER-CARRIERE
Avocat(s) : CMS BUREAU FRANCIS LEFEBVRE

Origine de la décision
Date de l'import : 24/01/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2017-01-10;15ly01933 ?
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