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10/01/2017 | FRANCE | N°15LY00519

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 6ème chambre - formation à 3, 10 janvier 2017, 15LY00519


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme D...G..., agissant en son nom personnel et en qualité de représentante légale de sa fille mineureA..., M. B...G..., Mme E...G...et Mme C...G...ont saisi le tribunal administratif de Clermont-Ferrand d'une demande tendant à la condamnation du centre hospitalier du Puy-en-Velay à réparer les conséquences dommageables de l'infirmité présentée par A...G....

Par un jugement n° 1101540 du 16 décembre 2014, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a condamné le centre hospitalier du Puy-en-Vel

ay à verser :

- à Mme D...G..., en qualité de représentant légal deA..., la somm...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme D...G..., agissant en son nom personnel et en qualité de représentante légale de sa fille mineureA..., M. B...G..., Mme E...G...et Mme C...G...ont saisi le tribunal administratif de Clermont-Ferrand d'une demande tendant à la condamnation du centre hospitalier du Puy-en-Velay à réparer les conséquences dommageables de l'infirmité présentée par A...G....

Par un jugement n° 1101540 du 16 décembre 2014, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a condamné le centre hospitalier du Puy-en-Velay à verser :

- à Mme D...G..., en qualité de représentant légal deA..., la somme de 93 900 euros ainsi que, pour les périodes passées au domicile familial jusqu'à la majorité de l'enfant au prorata du nombre de nuits que l'enfant aura passées au domicile familial, une rente calculée sur la base d'un taux quotidien fixé à 108 euros versée par trimestres échus revalorisée par application des coefficients prévus à l'article L. 434-17 du code de la sécurité sociale ;

- à Mme D...G...la somme de 36 000 euros, à M. B...et Mme E...G...et à Mme C...G...la somme de 5 000 euros chacun ;

- à la caisse primaire d'assurance maladie de la Haute-Loire la somme de 14 234,40 euros, outre intérêts à compter du 9 décembre 2011 et la capitalisation des intérêts échus le 9 décembre 2012, ainsi que, sur justificatif et au fur et à mesure qu'ils seront exposés, dans la limite de 100,80 euros par an, le remboursement du suivi de l'enfant par un psychiatre et, selon ces même modalités et dans la limite de 1 874,84 euros par an, les différents frais exposés par la caisse en lien avec le handicap de l'enfant.

Procédure devant la cour

Par une requête, enregistrée le 16 février 2015, et un mémoire ampliatif, enregistré le 7 avril 2015, présentés pour le centre hospitalier du Puy-en-Velay, dont le siège social est 12 boulevard du Docteur André Chantemesse au Puy-en-Velay (43000), il est demandé à la cour :

1°) d'annuler ce jugement n° 1101540 du 16 décembre 2014 du tribunal administratif de Clermont-Ferrand ;

2°) de rejeter la demande des consorts G...et les conclusions de la caisse primaire d'assurance maladie de la Haute-Loire.

Il soutient que :

- le jugement est insuffisamment motivé au regard des conclusions dont le tribunal a été saisi ;

- c'est à tort que le tribunal administratif a retenu une faute à son encontre, résultant de ce qu'il aurait dû procéder à un enregistrement du rythme cardiaque foetal dans les heures qui ont suivi la tentative de version par manoeuvres externes du foetus, d'autant qu'une décélération du rythme cardiaque avait été constaté au cours de la manipulation, alors que cette analyse est contredite par les experts, le premier expert n'ayant retenu aucun manquement dans la prise en charge de Mme G...et les seconds experts ayant seulement formulé une réserve sur la poursuite de l'enregistrement du rythme cardiaque foetal qui ne peut caractériser, en l'absence de référence à des règles de bonne pratique validées par la communauté scientifique, une faute médicale ; le rythme cardiaque foetal a été enregistré pendant 70 minutes, avant et après la version par manoeuvre externe, et lorsque l'enregistrement du rythme cardiaque foetal a été interrompu, ce dernier avait récupéré progressivement et ne présentait pas d'anomalie particulière ;

- aucune faute ne saurait davantage être retenue au titre de l'absence d'échographie complémentaire à celle réalisée le 8 décembre 2000 devant une suspicion d'hypotrophie foetale, et si les experts notent que, compte tenu des données de l'échographie du 8 décembre 2000, il aurait été souhaitable que d'autres examens échographiques soient réalisés, ils se gardent d'indiquer dans quelle mesure un diagnostic précoce de l'hypotrophie foetale aurait pu faire échapper l'enfant aux troubles dont elle est atteinte ; aucun lien de causalité ne peut être retenu entre la surveillance de la grossesse de MmeG..., la version par manoeuvre externe pratiquée le 15 janvier 2001 et la leucomalacie périventriculaire de l'enfant et il en est de même s'agissant de la surveillance du rythme cardiaque foetal à l'issue de la version par manoeuvre externe ;

- en admettant même que l'on puisse reprocher au centre hospitalier de n'avoir pas contrôlé le rythme cardiaque foetal suffisamment longtemps, le lien de causalité entre la tentative de version par manoeuvres externes et les troubles dont est atteinte A...n'est pas établi ;

- à titre subsidiaire, c'est également à tort que le tribunal a jugé que la responsabilité du centre hospitalier du Puy-en-Velay à raison de ces différentes fautes devait être fixée à une fraction des préjudices résultant de la perte de chance pour A...d'éviter une partie des séquelles dont elle reste atteinte et que cette perte de chance devait être évaluée à 30%, alors qu'aux termes de leur rapport, si les docteurs Rudigoz et F...ont évoqué la notion de perte de chance, ils l'ont évaluée à 10% ;

- à titre encore plus subsidiaire, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a procédé à une évaluation excessive des préjudices.

Par un mémoire, enregistré le 15 mai 2015, présenté pour Mme D...G..., agissant en son nom personnel et en qualité de représentant légal de sa fille mineure, A..., M. B...G..., Mme E...G...et Mme C...G..., ils concluent :

1°) au rejet de la requête ;

2°) à l'annulation du jugement n° 1101540 du 6 septembre 2012 du tribunal administratif de Clermont-Ferrand en tant qu'il a limité à 93 900 euros l'indemnité en réparation du préjudice subi par A...G..., à 36 000 euros l'indemnité due à Mme D...G...et à 5 000 euros l'indemnité due à M. B...G..., Mme E...G...et Mme C...G... ;

3°) à la condamnation du centre hospitalier du Puy-en-Velay à verser, en l'attente de la fixation des préjudices, des sommes provisionnelles suivantes : 500 000 euros pourA..., 40 000 euros pour Mme D...G...et 15 000 euros chacun pour M. B...G..., Mme E... G...et Mme C...G... ;

4°) à ce que soient mis à la charge du centre hospitalier du Puy-en-Velay une somme de 6 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et les entiers dépens de l'instance.

Ils soutiennent que :

- c'est à bon droit que le tribunal a reconnu une faute à l'origine d' une perte de chance pour l'enfant A...de se soustraire aux préjudices dont elle souffre aujourd'hui et mis à la charge du centre hospitalier du Puy en Velay l'indemnisation découlant de cette faute ;

- le centre hospitalier du Puy-en-Velay a commis des fautes résultant d'une mauvaise prise en charge lors de la grossesse, notamment suite à l'échographie du 8 décembre 2001 qui aurait dû donner lieu à d'autres examens, mais aussi des fautes commises dans les suites de la tentative de version de l'enfant réalisée le 15 janvier 2001, voire lors de l'accouchement par césarienne, les examens décelant après la naissance des traumatismes au niveau du crâne de l'enfant ;

- le pourcentage de perte de chance ne saurait être inférieur à 30 % ;

- A...présente une paralysie cérébrale, en rapport avec une leucomalacie périventriculaire bilatérale néonatale, dont elle conserve des séquelles gravissimes visuelles, neurologiques, neuromotrices, orthopédiques ; elle présente une déficience motrice sévère à surveiller particulièrement du point de vue neurologique et neuro-orthopédique, gardant également une fragilité psychique importante ; selon les experts, si le déficit fonctionnel permanent ne peut être fixé avant consolidation, il ne saurait être inférieur à 80%, de sorte qu'une somme provisionnelle de 500 000 euros doit être allouée dans l'attente de la fixation de ses préjudices ;

- Mme G...est fondée à se voir allouer une somme de 20 000 euros au titre du préjudice d'accompagnement et une somme provisionnelle de 20 000 euros au titre du préjudice d'affection ;

- les grands parents et la tante de A...sont fondés à réclamer une somme provisionnelle de 15 000 euros au titre de leur préjudice d'affection et d'accompagnement.

Par un mémoire, enregistré le 19 juin 2015, présenté pour la caisse primaire d'assurance maladie de la Haute-Loire, elle conclut au rejet de la requête.

Elle soutient que :

- contrairement à ce que soutient l'appelant, le tribunal administratif a justement retenu les fautes à la charge du centre hospitalier du Puy-en-Velay, tout comme le lien de causalité entre ces fautes et l'état actuel de A...et ce n'est qu'ultérieurement, après l'examen de ces deux éléments, qu'il a fixé un pourcentage de perte de chance à hauteur de 30 % ;

- dès lors qu'elle a versé des prestations à Mme D...G..., pour la prise en charge de A...suite à l'état de santé présenté par celle-ci, à compter du 25 janvier 2001, elle est recevable et bien fondée à faire valoir sa créance définitive, arrêtée au 27 avril 2012, d'un montant total de 218 033, 51 euros, soit la somme de 47 448, 01 euros au titre des dépenses de santé actuelles, et celle de 170 585, 50 euros au titre des dépenses de santé futures.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de santé publique ;

- le code de la sécurité sociale ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Ont été entendus au cours de l'audience publique du 8 décembre 2016 :

- le rapport de M. Seillet, président-assesseur ;

- et les conclusions de Mme Vigier-Carrière, rapporteur public ;

1. Considérant que Mme D... G...a, le 24 janvier 2001, au centre hospitalier du Puy-en-Velay, donné naissance à une enfant prénomméeA..., qui souffre depuis sa naissance de troubles neurologiques sévères, de troubles visuels, cognitifs, intellectuels et d'un important retard staturo-pondéral en rapport avec une leucomalacie périventriculaire ; que Mme G..., agissant en son nom personnel et en qualité de représentant de sa fille mineure, ainsi que la caisse primaire d'assurance maladie de la Haute-Loire, ont, le 20 octobre 2008, saisi le juge des référés du tribunal administratif de Clermont-Ferrand d'une demande d'expertise ; que l'expert désigné par une ordonnance du 27 novembre 2008 a rendu son rapport le 9 mai 2009 ; que Mme G..., imputant l'état de santé de sa fille à des fautes du centre hospitalier, a ensuite recherché la responsabilité de cet établissement, au nom de sa fille et en son nom propre, devant le tribunal administratif de Clermont-Ferrand ; que les grands-parents deA..., M. B...G...et Mme E...G..., ainsi que Mme C...G..., tante de l'enfant, ont également présenté des conclusions tendant à l'indemnisation de leurs préjudices ; que la caisse primaire d'assurance maladie de la Haute-Loire a présenté devant le tribunal des conclusions tendant, en application des dispositions de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale, à la condamnation du centre hospitalier du Puy-en-Velay à lui rembourser le montant des prestations fournies à Mme G... ; que par un premier jugement, du 22 mai 2012, ce tribunal, après avoir écarté le principe d'une indemnisation par l'ONIAM, initialement mis en cause compte tenu de la date des faits, a ordonné une nouvelle mesure d'expertise, dont la mission a été confiée au Pr Rudigoz, chef du service de gynécologie obstétrique de l'hôpital de la Croix-Rousse, à Lyon, et au Dr F..., pédiatre néonatologue du même établissement hospitalier ; qu'après le dépôt du rapport d'expertise, le 15 février 2013, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand, par un jugement du 16 décembre 2014, a, en premier lieu, condamné le centre hospitalier du Puy-en-Velay, en raison des fautes commises dans la prise en charge de la grossesse de Mme G..., à l'origine d'une perte de chance pour son enfant d'échapper à son infirmité, à verser à Mme G..., en qualité de représentant légal de sa filleA..., une indemnité de 93 900 euros ainsi que, pour les périodes passées au domicile familial jusqu'à la majorité de l'enfant au prorata du nombre de nuits que l'enfant aura passées au domicile familial, une rente calculée sur la base d'un taux quotidien de 108 euros versée par trimestres échus revalorisée par application des coefficients prévus à l'article L. 434-17 du code de la sécurité sociale ; que le tribunal a, en deuxième lieu, condamné le centre hospitalier du Puy-en-Velay à verser à Mme G..., en son nom propre, une indemnité de 36 000 euros, et à M. B...et Mme E...G...et à Mme C...G...une indemnité de 5 000 euros chacun ; qu'en dernier lieu, le centre hospitalier du Puy-en-Velay a, par le même jugement, été condamné à verser à la caisse primaire d'assurance maladie de la Haute-Loire la somme de 14 234,40 euros, outre intérêts à compter du 9 décembre 2011 et capitalisation des intérêts échus le 9 décembre 2012, puis à chaque échéance annuelle ultérieure à compter de cette date, ainsi qu'à verser à ladite caisse, sur justificatif et au fur et à mesure qu'ils seront exposés, dans la limite de 100,80 euros par an, le remboursement du suivi de l'enfant par un psychiatre et, selon ces mêmes modalités et dans la limite de 1 874,84 euros par an, les différents frais exposés par la caisse en lien avec le handicap de l'enfant ; que le centre hospitalier du Puy-en-Velay fait appel de ce jugement ; que les consorts G...font également appel, à titre incident, du même jugement du tribunal administratif de Clermont-Ferrand en tant qu'il a limité à 93 900 euros l'indemnité en réparation du préjudice subi par A...G..., à 36 000 euros l'indemnité due à Mme D...G...et à 5 000 euros l'indemnité due à M. B...G..., Mme E...G...et Mme C...G... ;

Sur la régularité du jugement :

2. Considérant que contrairement à ce que soutient sommairement le centre hospitalier du Puy-en-Velay dans sa requête, sans au demeurant développer ce moyen dans ses mémoires ultérieurs, le jugement attaqué est suffisamment motivé ;

Sur la responsabilité du centre hospitalier du Puy-en-Velay :

3. Considérant, en premier lieu, qu'il résulte de l'instruction, et en particulier du rapport d'expertise du 15 février 2013 mentionné au point 1, qu'un examen échographique effectué par les services du centre hospitalier du Puy-en-Velay le 8 décembre 2000 avait mis en évidence une croissance foetale limite pouvant laisser suspecter un risque particulier d'hypotrophie foetale ; qu'il en résulte également qu'alors que cette suspicion de ralentissement de la croissance justifiait la réalisation d'échographies ultérieures, plus poussées, qui auraient permis de confirmer ou d'infirmer le diagnostic d'hypotrophie foetale, aucun examen échographique n'a été réalisé par la suite jusqu'à la naissance de l'enfant, qui aurait permis de contrôler la croissance biométrique foetale et de confirmer ou d'infirmer l'existence d'un retard de croissance intra-utérin lequel, s'il avait été établi, aurait justifié une prise en charge plus élaborée, comportant une surveillance de la vitalité foetale et une éventuelle extraction foetale anticipée, voire prématurée, qui constituait une alternative thérapeutique préventive ;

4. Considérant, en deuxième lieu, qu'il résulte également du même rapport d'expertise qu'à la suite de l'échographie réalisée au cours du 8ème mois de la grossesse, qui avait révélé une présentation foetale par le siège, une tentative de version par manoeuvres externes, à l'effet de retourner le foetus, a été pratiquée dans les services du centre hospitalier du Puy-en-Velay le 15 janvier 2001 ; que l'enregistrement du rythme cardiaque foetal, effectué lors de cette tentative, a montré, après une première phase, de 9 h 09 à 10 h 23, au cours de laquelle ce rythme était strictement normal, et après une suspension de l'enregistrement au moment où a été effectuée la tentative de version par manoeuvres externes, un rythme de base bas en phase de récupération progressive, de 10 h 30 jusqu'à 10 h 32, traduisant, selon les experts, un ralentissement de ce rythme cardiaque foetal avant sa récupération ; qu'il résulte du rapport d'expertise que si, à partir de 10 h 30, le rythme de base était redevenu satisfaisant, les oscillations étaient réduites ; qu'il en résulte également qu'en dépit de la constatation, après la tentative de version par manoeuvres externes, de l'existence d'un état de bradycardie foetale en cours de récupération, et d'un rythme cardiaque foetal qui n'était pas redevenu strictement normal, avec des oscillations un peu réduites, et qui auraient dû conduire le service à poursuivre cet enregistrement afin d'acquérir la certitude du retour du rythme à la normale, l'enregistrement du rythme cardiaque foetal a pourtant été arrêté à 10 h 47 ; qu'il résulte de l'expertise que les anomalies du rythme cardiaque foetal constatées lors de l'admission de Mme G..., le 24 janvier suivant, à la maternité du centre hospitalier du Puy-en-Velay, peuvent être la conséquence de la tentative de version par manoeuvres externes chez une enfant hypotrophique, et donc fragile ; qu'il résulte, en outre, de l'avis du Pr Milliez, chef du service de gynécologie obstétrique de l'hôpital Saint-Antoine à Paris, produit par Mme G..., qu'il n'était pas conforme à la bonne pratique d'attribuer, sans contrôle, le tracé du rythme cardiaque à la seule absorption d'un médicament administré à Mme G... lors de la tentative de version, alors même que cette préparation, l'Atarax, est connue pour parfois aplatir transitoirement les tracés du rythme cardiaque foetal, sans vérifier ensuite que l'effet éphémère du médicament s'était estompé et que le rythme était redevenu normal ;

5. Considérant qu'il résulte de ce qui a été dit que la responsabilité du centre hospitalier du Puy-en-Velay doit être regardée comme engagée à raison des manquements fautifs relevés par les experts dans la prise en charge de la grossesse de Mme G..., résultant, en premier lieu, de l'absence d'examens échographiques après celui pratiqué le 8 décembre 2000 et, en second lieu, de l'arrêt précoce de l'enregistrement du rythme cardiaque foetal, en dépit de la constatation d'une bradycardie lors des manoeuvres d'une tentative de version, au demeurant contre-indiquée lorsqu'il existe, comme en l'espèce, une forte présomption d'hypotrophie foetale ;

6. Considérant, toutefois que, dans le cas où la faute commise lors de la prise en charge ou du traitement d'un patient dans un établissement public hospitalier a compromis ses chances d'obtenir une amélioration de son état de santé ou d'échapper à son aggravation, le préjudice résultant directement de la faute commise par l'établissement et qui doit être intégralement réparé n'est pas le dommage corporel constaté, mais la perte de chance d'éviter que ce dommage soit advenu ; que la réparation qui incombe à l'hôpital doit alors être évaluée à une fraction du dommage corporel déterminée en fonction de l'ampleur de la chance perdue ;

7. Considérant qu'il résulte de l'instruction, et notamment des différents rapports d'experts, qu'il n'est pas certain que le dommage ne serait pas advenu même si des examens échographiques avaient été pratiqués après celui réalisé le 8 décembre 2000 et avaient conduit à une naissance plus précoce, laquelle n'aurait pas nécessairement garanti l'absence de retentissement neurologique dans un contexte d'hypotrophie ; qu'il n'est pas davantage certain que ce dommage ne serait pas advenu même en l'absence de version par manoeuvres externes ou en cas de prise en charge adaptée de la grossesse résultant d'une surveillance régulière du rythme cardiaque du foetus après ces manoeuvres ; que, cependant, il n'est pas davantage établi avec certitude que les lésions cérébrales étaient irréversiblement acquises dans toute leur ampleur à la date de l'échographie pratiquée le 8 décembre 2000 ou au moment de la tentative de version ; que, dans ces conditions, la responsabilité du centre hospitalier du Puy-en-Velay, engagée à raison de ces différentes fautes, doit être fixée à une fraction des préjudices résultant de la perte de chance pour A...d'éviter une partie des séquelles dont elle reste atteinte ; qu'eu égard à l'origine probable multifactorielle des lésions cérébrales, il ne résulte pas de l'instruction que les premiers juges se sont livrés à une appréciation insuffisante ou excessive de l'ampleur de la chance perdue en l'évaluant à 30 % des préjudices résultant du handicap dont A...est atteinte ;

Sur les préjudices :

En ce qui concerne les préjudices subis parA... :

8. Considérant, en premier lieu, que le principe de la réparation intégrale du préjudice impose que les frais liés à l'assistance à domicile de la victime par une tierce personne, alors même qu'elle serait assurée par un membre de sa famille, soient évalués à une somme qui ne saurait être inférieure au montant du salaire minimum augmenté des charges sociales, appliqué à une durée journalière, dans le respect des règles du droit du travail ;

9. Considérant qu'il résulte du rapport d'expertise que l'état de santé deA..., dont la consolidation ne pourra être déterminée qu'à la fin de sa croissance, nécessitera, en tout état de cause, l'assistance permanente d'une tierce personne tout au long de sa vie ; qu'il sera fait une juste appréciation des besoins en assistance d'une tierce personne à domicile en les évaluant, compte tenu du salaire minimum interprofessionnel de croissance horaire brut augmenté des charges sociales applicables, sur la base d'un coût journalier moyen de 270 euros, sur la période comprise entre le 24 février 2001, date de la fin de l'hospitalisation de A...dans les services du centre hospitalier universitaire de Saint-Etienne où elle avait été admise après sa naissance, jusqu'au 31 décembre 2016 ; qu'il résulte de l'instruction que, durant cette période, A...a été hébergée au domicile de sa famille pendant 5 784 jours ; qu'ainsi ses besoins d'assistance doivent être évalués à 1 561 680 euros pour cette période ; qu'à la date de la présente décision, le poste de préjudice des frais liés au handicap doit ainsi être évalué à ce montant, dont la réparation incombe au centre hospitalier du Puy-en-Velay pour la fraction de 30 % correspondant à sa part de responsabilité, soit 468 504 euros ;

10. Considérant, toutefois, qu'en vertu des principes qui régissent l'indemnisation par une personne publique des victimes d'un dommage dont elle doit répondre, il y a lieu de déduire d'une rente allouée à la victime du dommage dont un établissement public hospitalier est responsable, au titre de l'assistance par tierce personne, les prestations versées par ailleurs à cette victime et ayant le même objet ; qu'il en va ainsi tant pour les sommes déjà versées que pour les frais futurs ; que cette déduction n'a toutefois pas lieu d'être lorsqu'une disposition particulière permet à l'organisme qui a versé la prestation d'en réclamer le remboursement si le bénéficiaire revient à meilleure fortune ;

11. Considérant qu'il y a lieu de déduire de la somme à allouer à l'enfant au titre de l'assistance tierce personne, pour la période comprise entre le 24 février 2001 et le 31 décembre 2016, l'allocation d'éducation de l'enfant handicapé (AEEH) servie par la caisse d'allocations familiales également au titre de la solidarité nationale, et qui est destinée à couvrir les mêmes frais que ceux couverts par l'aide à la tierce personne ; qu'il appartiendra, en conséquence, à MmeG..., de fournir au centre hospitalier du Puy-en-Velay les justificatifs des sommes perçues à ce titre au cours de ladite période ;

12. Considérant, en deuxième lieu, que si le juge n'est pas en mesure de déterminer, lorsqu'il se prononce, si l'enfant sera placé dans une institution spécialisée ou s'il sera hébergé au domicile de sa famille, il lui appartient d'accorder à celui-ci une rente trimestrielle couvrant les frais de son maintien au domicile familial, en fixant un taux quotidien et en précisant que la rente sera versée au prorata de jours que l'enfant aura passés à ce domicile au cours du trimestre considéré ;

13. Considérant que l'indemnité due par le centre hospitalier du Puy-en-Velay, à compter du 1er janvier 2017, au titre des frais liés au handicap, sera égale, à chaque trimestre échu, à 30 % d'un montant représentatif de la prise en charge à domicile de A...déterminé sur la base d'un taux quotidien, qu'il y a lieu de fixer à 280 euros à la date du 1er janvier 2017 et de revaloriser par la suite par application des coefficients prévus à l'article L. 434-17 du code de la sécurité sociale, et qui sera retenu au prorata du nombre de jours passés au domicile familial au cours du trimestre ; qu'il y aura lieu de déduire de la somme à allouer à l'enfant au titre de l'assistance tierce personne l'allocation d'éducation de l'enfant handicapé (AEEH), d'un montant mensuel de 941,61 euros au 1er octobre 2016, ainsi qu'il résulte de la pièce produite par Mme G... ;

14. Considérant, en dernier lieu, qu'en fixant à 13 000 euros, à titre provisionnel et dans l'attente de la consolidation de son état de santé, le préjudice subi par A...à raison des souffrances endurées, dont l'évaluation, selon les experts, ne pourra, tant dans la phase évolutive qu'après sa consolidation, être inférieure à 5 sur une échelle de 1 à 7, et dont la réparation incombe au centre hospitalier du Puy-en-Velay pour la fraction de 30 % correspondant à sa part de responsabilité, soit une indemnité de 3 900 euros, les premiers juges n'ont pas procédé à une évaluation insuffisante ou excessive de ce préjudice ;

En ce qui concerne les préjudices à caractère personnel de Mme D...G... :

15. Considérant qu'il sera fait une juste appréciation du préjudice d'accompagnement et du préjudice d'affection subis par Mme G... à raison du handicap dont son enfant est atteinte en les évaluant à 20 000 euros chacun, dont la réparation incombe au centre hospitalier du Puy-en-Velay pour la fraction de 30 %, correspondant à sa part de responsabilité, pour, alors, un montant total de 12 000 euros ;

En ce qui concerne les préjudices de M. B...G..., Mme E...G...et Mme C... G...:

16. Considérant qu'en fixant à 5 000 euros le préjudice moral subi par les grands-parents et la tante de A...en raison de l'état de santé de cette enfant, dont la réparation incombe au centre hospitalier du Puy-en-Velay pour la fraction de 30 %, correspondant à sa part de responsabilité, les premiers juges n'ont pas procédé à une évaluation insuffisante ou excessive de ce préjudice ;

17. Considérant qu'il résulte de ce qui précède qu'en premier lieu, l'indemnité due par le centre hospitalier du Puy-en-Velay, au titre de l'assistance d'une tierce personne à domicile, pour la période comprise entre le 24 février 2001 et le 31 décembre 2016, doit être évaluée à 468 504 euros, sous déduction des sommes versées au cours de cette période au titre de l'allocation pour l'éducation de l'enfant handicapé ; qu'en deuxième lieu, l'indemnité due par le centre hospitalier du Puy-en-Velay, à compter du 1er janvier 2017 et jusqu'à la majorité de l'enfant, au titre des frais liés au handicap, doit être évalué sur la base, à chaque trimestre échu, de 30 % du montant représentatif de sa prise en charge au domicile déterminé sur la base d'un taux quotidien dont le montant doit être fixé à 280 euros à la date du présent arrêt, au prorata du nombre de jours que l'enfant aura passés au domicile familial durant chaque trimestre écoulé, sous déduction des sommes versées au titre de l'allocation pour l'éducation de l'enfant handicapé, dont il appartiendra à Mme G...de préciser le montant ; qu'en troisième lieu, l'indemnité due par le centre hospitalier du Puy-en-Velay à Mme G... en réparation de ses propres préjudices doit être ramenée à la somme de 12 000 euros ; que le surplus des conclusions des parties doit être rejeté ;

Sur les conclusions tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

18. Considérant qu'il n'y a pas lieu, en tout état de cause, de mettre une somme à la charge du centre hospitalier du Puy-en-Velay au titre des frais exposés par les consorts G...et non compris dans les dépens ;

DECIDE :

Article 1er : Le centre hospitalier du Puy-en-Velay versera à Mme G..., en sa qualité de représentant légal de sa fille mineureA..., une indemnité de 468 504 euros au titre de l'assistance d'une tierce personne à domicile, pour la période comprise entre le 24 février 2001 et le 31 décembre 2016, sous déduction des sommes versées au titre de l'allocation pour l'éducation de l'enfant handicapé.

Article 2 : Le centre hospitalier du Puy-en-Velay versera à Mme G..., en sa qualité de représentant légal de sa fille mineureA..., à compter du 1er janvier 2017 et jusqu'à la majorité de l'enfant, par trimestre échu, une indemnité au titre des frais liés au handicap égale à 30 % du montant représentatif de la prise en charge au domicile de A...déterminé sur la base d'un taux quotidien fixé à 280 euros, retenu au prorata du nombre de jours passés au domicile familial au cours du trimestre, sous déduction des sommes versées au titre de l'allocation pour l'éducation de l'enfant handicapé.

Article 3 : La rente visée à l'article 2 sera revalorisée par la suite par application des coefficients prévus à l'article L. 434-17 du code de la sécurité sociale.

Article 4 : L'indemnité de 36 000 euros, mise à la charge du centre hospitalier du Puy-en-Velay par l'article 2 du jugement du tribunal administratif de Clermont-Ferrand du 16 décembre 2014 en réparation des préjudices personnels de Mme G..., est ramenée à la somme de 12 000 euros.

Article 5 : Le jugement n° 1101540 du 16 décembre 2014 du tribunal administratif de Clermont-Ferrand est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 6 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

Article 7 : Le présent arrêt sera notifié au centre hospitalier du Puy-en-Velay, à Mme D...G..., à M. B...G...et Mme E...G..., à Mme C...G... et à la caisse primaire d'assurance maladie de la Haute-Loire.

Délibéré après l'audience du 8 décembre 2016 à laquelle siégeaient :

M. Faessel, président de chambre,

M. Seillet, président-assesseur,

Mme Cottier, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 10 janvier 2017.

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N° 15LY00519


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 6ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 15LY00519
Date de la décision : 10/01/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

60-02 Responsabilité de la puissance publique. Responsabilité en raison des différentes activités des services publics.


Composition du Tribunal
Président : M. FAESSEL
Rapporteur ?: M. Philippe SEILLET
Rapporteur public ?: Mme VIGIER-CARRIERE
Avocat(s) : LE PRADO

Origine de la décision
Date de l'import : 24/01/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2017-01-10;15ly00519 ?
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