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10/01/2017 | FRANCE | N°14LY03927

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 3ème chambre - formation à 3, 10 janvier 2017, 14LY03927


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. B... A...a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 13 janvier 2012 par lequel le ministre de l'intérieur lui a infligé la sanction de l'abaissement de deux échelons, d'enjoindre au ministre de reconstituer sa carrière à compter du 9 mars 2012, de condamner l'Etat à lui payer une somme mensuelle de 169,20 euros jusqu'à son rétablissement au 12ème échelon de son grade et une indemnité de 7 000 euros en réparation des conséquences dommageables de l'ar

rêté précité du 13 janvier 2012 et de mettre à la charge de l'Etat une somme de...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. B... A...a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 13 janvier 2012 par lequel le ministre de l'intérieur lui a infligé la sanction de l'abaissement de deux échelons, d'enjoindre au ministre de reconstituer sa carrière à compter du 9 mars 2012, de condamner l'Etat à lui payer une somme mensuelle de 169,20 euros jusqu'à son rétablissement au 12ème échelon de son grade et une indemnité de 7 000 euros en réparation des conséquences dommageables de l'arrêté précité du 13 janvier 2012 et de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1202250 du 8 octobre 2014, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 16 décembre 2014 et le 9 juin 2015, M. B... A..., représenté par la SELARL Baudelet et Pinet, avocat, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement n° 1202250 du tribunal administratif de Grenoble du 8 octobre 2014 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 13 janvier 2012 par lequel le ministre de l'intérieur lui a infligé la sanction de l'abaissement de deux échelons ;

3°) d'enjoindre au ministre de l'intérieur de reconstituer sa carrière à compter du 9 mars 2012 ;

4°) de condamner l'Etat à lui payer une somme mensuelle de 169,20 euros jusqu'à son rétablissement au 12ème échelon de son grade et une indemnité de 7 000 euros, en réparation des conséquences dommageables de l'arrêté précité du 13 janvier 2012 ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le tribunal administratif n'a pas répondu au moyen tiré de l'inexactitude du grief tiré de ce qu'il s'était fait remarquer défavorablement par le passé ;

- les faits incriminés, qui se sont déroulés au domicile d'une femme et non en public, ne sont pas contraires à l'article 29 du décret n° 95-654 du 9 mai 1995 ;

- le grief d'alcoolisation n'est pas établi ;

- des faits antérieurs d'alcoolisation ne sont pas établis ;

- le fait de se faire remettre une somme d'argent en vue de jouer n'est pas constitutif d'une faute de nature à justifier une sanction disciplinaire ;

- ce fait n'est pas établi ; qu'en effet, l'arrêté du 13 janvier 2012 en litige, qui mentionne qu'il devait restituer à une femme la somme de 140 euros ou lui rapporter les preuves de jeu, méconnaît l'autorité de la chose jugée par le jugement nos 1101654, 1103410 du 18 novembre 2011 du tribunal administratif de Grenoble qui a considéré que l'abus de confiance n'était pas établi ; qu'il a toujours affirmé avoir voulu restituer par chèque à cette femme, qui a refusé cette restitution, la somme dont le montant est de 60 euros et non de 140 euros ;

- le motif de la décision contestée tiré de ce qu'il s'était fait remarquer défavorablement par le passé n'est pas établi ;

- que la sanction litigieuse d'abaissement de deux échelons est disproportionnée par rapport au fait d'avoir eu une relation amoureuse pendant près de deux années avec ladite femme qui explique les gestes familiers qu'il a eu à son égard et alors que cette personne a déposé dans le passé des plaintes à l'encontre de tiers rencontrés dans des bars, dans des circonstances similaires de consommation d'alcool et avec lesquels elle avait eu des relations affectives et accepté des attitudes familières ;

- que du fait de la sanction contestée d'abaissement de deux échelons, il subit une perte de rémunération s'élevant à la somme mensuelle de 169,20 euros et un préjudice moral qui sera indemnisé à hauteur de 7 000 euros.

Par un mémoire en défense, enregistré le 13 mai 2015, le ministre de l'intérieur conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que les moyens présentés par le requérant ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 modifiée portant droits et obligations des fonctionnaires ;

- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 modifiée portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat ;

- le décret n° 95-654 du 9 mai 1995 modifié fixant les dispositions communes applicables aux fonctionnaires actifs des services de la police nationale ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Hervé Drouet, président-assesseur,

- et les conclusions de M. Marc Clément, rapporteur public ;

Sur la régularité du jugement attaqué :

1. Considérant qu'à l'appui de sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 13 janvier 2012 du ministre de l'intérieur et à la réparation des conséquences dommageables de cette décision, M. A... soutenait notamment que le motif de la décision contestée tiré de ce qu'il s'était fait remarquer défavorablement par le passé n'était pas établi ; que le tribunal ne s'est pas prononcé sur ce moyen, qui n'était pas inopérant ; que, par suite, son jugement doit être annulé ;

2. Considérant qu'il y a lieu pour la cour d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par M. A... devant le tribunal administratif de Grenoble ;

Sur les conclusions de la demande de première instance dirigées contre l'arrêté du 13 janvier 2012 :

3. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes du deuxième alinéa de l'article 19 de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 modifiée portant droits et obligations des fonctionnaires, dans sa rédaction applicable à la date de la décision en litige : " Le fonctionnaire à l'encontre duquel une procédure disciplinaire est engagée a droit à la communication de l'intégralité de son dossier individuel et de tous les documents annexes et à l'assistance de défenseurs de son choix. L'administration doit informer le fonctionnaire de son droit à communication du dossier. Aucune sanction disciplinaire autre que celles classées dans le premier groupe par les dispositions statutaires relatives aux fonctions publiques de l'Etat, territoriale et hospitalière ne peut être prononcée sans consultation préalable d'un organisme siégeant en conseil de discipline dans lequel le personnel est représenté. " ;

4. Considérant que, lorsqu'une sanction disciplinaire a été annulée par le juge et si l'autorité administrative édicte une nouvelle sanction à raison des mêmes faits, elle n'est pas tenue d'inviter l'intéressé à prendre à nouveau connaissance de son dossier et des faits qui lui sont reprochés ni de l'informer de la possibilité de se faire assister par les défenseurs de son choix ni de saisir à nouveau le conseil de discipline compétent dès lors que ces formalités ont été régulièrement accomplies avant l'intervention de la première sanction ;

5. Considérant que M. A..., gardien de la paix affecté à la circonscription de sécurité publique de Valence, a fait l'objet d'une révocation par un arrêté du 4 mars 2011 du ministre de l'intérieur ; qu'à la suite de l'annulation de cette décision par un jugement nos 1101654, 1103410 du 18 novembre 2011 du tribunal administratif de Grenoble, le ministre a pris à l'encontre de l'intéressé et pour les même faits une sanction disciplinaire d'abaissement de deux échelons par l'arrêté en litige du 13 janvier 2012 ; qu'il est constant qu'avant le prononcé de la sanction disciplinaire du 4 mars 2011, M. A... a été invité à prendre connaissance de son dossier et des faits qui lui étaient reprochés et a été informé de la possibilité de se faire assister par les défenseurs de son choix et que le conseil de discipline a émis un avis sur les poursuites disciplinaire engagées à l'encontre de ce agent après l'avoir entendu ; que, dans ces conditions, et alors que la sanction en litige est fondée sur les mêmes faits que ceux ayant donné lieu à la révocation du 4 mars 2011, M. A... ne saurait utilement soutenir que les formalités mentionnées au deuxième alinéa de l'article 19 de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 modifiée auraient dû être de nouveau accomplies avant l'édiction de la décision contestée du 13 janvier 2012 ;

6. Considérant, en deuxième lieu, que l'annulation contentieuse de la révocation du 4 mars 2011 a eu pour effet de faire disparaître rétroactivement cette sanction de l'ordonnancement juridique ; que, dès lors, M. A... n'est pas fondé à soutenir qu'en prenant la sanction litigieuse du 13 janvier 2012 pour les même faits, le ministre aurait méconnu le principe "non bis in idem" ;

7. Considérant, en dernier lieu, qu'il est reproché à M. A... dans la décision en litige, d'une part, de s'être rendu très tard, un soir du mois de juillet 2010, sous l'emprise de l'alcool, au sein du domicile d'une femme et d'avoir eu des gestes d'une grande familiarité à son égard et, d'autre part, de ne pas avoir joué une somme de 140 euros que cette femme lui avait confié à cette fin et de ne pas lui avoir restitué cette somme ;

8. Considérant, d'une part, qu'il ressort des pièces du dossier de première instance et notamment du rapport du 1er octobre 2010 du chef de la délégation interrégionale d'enquêtes Rhône-Alpes et Auvergne de l'inspection générale de la police nationale, que les faits d'alcoolisation de M. A... ledit soir de juillet 2010 sont établis ;

9. Considérant, d'autre part, que si le fait pour M. A... de se rendre, sous l'emprise de l'alcool, au domicile d'une femme qu'il connaissait et d'avoir eu des gestes d'une grande familiarité à son égard n'est pas constitutif d'actes commis en public au sens de l'article 29 du décret n° 95-654 du 9 mai 1995 modifié fixant les dispositions communes applicables aux fonctionnaires actifs des services de la police nationale, ces faits, qui sont établis et qui portent atteinte à la dignité des fonctions de gardien de la paix de l'intéressé, justifient le prononcé à son encontre d'une sanction disciplinaire ;

10. Considérant, en outre, qu'il résulte de l'instruction que le ministre de l'intérieur aurait pris à l'encontre de M. A...la même sanction s'il ne s'était fondé que sur les faits mentionnés aux points 8 et 9 qui, comme il a été dit ci-dessus, sont établis ; que M. A... ne peut, dans ces conditions, utilement critiquer le motif de la décision attaquée, qui présente un caractère surabondant, tiré de ce qu'il n'aurait pas restitué une somme d'argent qu'il se serait fait remettre en vue de jouer, en soutenant que les faits en cause ne sont pas établis, qu'ils ne sont pas constitutifs d'une faute disciplinaire, ou que ce grief méconnaît l'autorité de la chose jugée par le tribunal administratif de Grenoble ;

11. Considérant, par ailleurs, qu'il résulte de ses termes mêmes que la décision en litige n'est pas fondée, pour la prise en compte de son comportement antérieur sur des faits antérieurs d'alcoolisation, mais sur la seule circonstance que M. A...s'est fait remarquer défavorablement par le passé ; qu'ainsi, et alors qu'il ressort des pièces du dossier de première instance et notamment de la page 5 du rapport précité du 1er octobre 2010, qu'il avait fait l'objet de sanctions disciplinaires avant le mois de juillet 2010, M. A...n'est pas fondé à soutenir que la décision contestée est entachée d'erreur de fait en ce qu'elle mentionne qu'il s'était déjà fait remarquer défavorablement par le passé ;

12. Considérant, de plus, qu'alors même que M. A... avait eu pendant près de deux années, avec la femme au domicile de laquelle il s'est rendu le soir de juillet 2010, une relation amoureuse - laquelle était terminée au moment des faits litigieux - et que cette personne aurait dans le passé déposé des plaintes à l'encontre de tiers rencontrés dans des bars, dans des circonstances similaires de consommation d'alcool, avec lesquels elle aurait eu des relations affectives et accepté des attitudes familières, les faits mentionnés au point 9 sont de nature à justifier, sans erreur d'appréciation, le prononcé d'une sanction disciplinaire à l'encontre de l'intéressé, fonctionnaire de police qui s'était antérieurement déjà fait remarquer défavorablement par son administration, ainsi qu'il a été dit au point précédent ;

13. Considérant, enfin, qu'il résulte de ce qui a été dit aux points 11 et 12 qu'en prononçant à l'encontre de M. A... la sanction de l'abaissement de deux échelons, le ministre de l'intérieur n'a pas entaché sa décision en litige d'erreur d'appréciation ;

14. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que doivent être rejetées les conclusions de la demande de première instance de M. A... tendant à l'annulation de l'arrêté du 13 janvier 2012 par lequel le ministre de l'intérieur lui a infligé la sanction de l'abaissement de deux échelons ;

Sur les conclusions de la demande à fin d'injonction :

15. Considérant que le présent arrêt, qui rejette les conclusions de la demande de M. A... dirigées contre l'arrêté du 13 janvier 2012 du ministre de l'intérieur lui infligeant la sanction de l'abaissement de deux échelons, n'appelle aucune mesure d'exécution ; que, par suite, les conclusions du requérant à fin d'injonction ne peuvent qu'être rejetées ;

Sur les conclusions de la demande à fin d'indemnisation :

16. Considérant que la sanction disciplinaire prononcée le 13 janvier 2012 à l'encontre de M. A... n'étant pas entachée d'illégalité fautive, ainsi qu'il a été dit aux points 3 à 14, M. A... n'est pas fondé à demander, du fait de cette sanction, la condamnation de l'Etat au paiement d'une somme mensuelle de 169,20 euros jusqu'au rétablissement de l'intéressé au 12ème échelon de son grade en réparation de son préjudice financier et d'une indemnité de 7 000 euros en réparation de son préjudice moral ;

Sur les conclusions de la requête tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

17. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que M. A... demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;

DECIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1202250 du 8 octobre 2014 du tribunal administratif de Grenoble est annulé.

Article 2 : La demande présentée par M. A... devant le tribunal administratif de Grenoble et le surplus des conclusions de sa requête sont rejetés.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A...et au ministre de l'intérieur.

Délibéré après l'audience du 13 décembre 2016, à laquelle siégeaient :

- M. Jean-François Alfonsi, président de chambre,

- M. Hervé Drouet, président assesseur,

- M. Samuel Deliancourt, premier conseiller.

Lu en audience publique le 10 janvier 2017.

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N° 14LY03927

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 3ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 14LY03927
Date de la décision : 10/01/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Fonctionnaires et agents publics - Discipline - Motifs.

Fonctionnaires et agents publics - Discipline - Sanctions.


Composition du Tribunal
Président : M. ALFONSI
Rapporteur ?: M. Hervé DROUET
Rapporteur public ?: M. CLEMENT
Avocat(s) : SELARL BAUDELET ET PINET

Origine de la décision
Date de l'import : 24/01/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2017-01-10;14ly03927 ?
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