Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
La société Essentiel Formation Entreprises a demandé au tribunal administratif de Lyon l'annulation de la décision du 13 janvier 2012 par laquelle le préfet de la région Rhône-Alpes a rejeté son recours gracieux et a confirmé la décision du 10 octobre 2011 du directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi Rhône-Alpes prononçant à son encontre, en application de l'article L. 6362-5 du code du travail, le rejet de la demande de décharge de la somme de 510 689 euros au titre de l'exercice clos au 31 décembre 2010, ensemble la décision initiale du 10 octobre 2011.
Par un jugement n° 1200536 du 27 mai 2014, le tribunal administratif de Lyon a annulé la décision du préfet de la région Rhône-Alpes du 13 janvier 2012 en tant qu'elle n'a pas exclu dans l'assiette de calcul de la somme les formations financées au-delà de l'obligation légale des entreprises concernées.
Procédure devant la cour
Par une requête enregistrée le 4 août 2014 et des mémoires enregistrés le 3 décembre 2014 et le 8 avril 2015, le ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social demande à la cour d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Lyon du 27 mai 2014 en tant qu'il a partiellement annulé sa décision du 13 janvier 2012.
Il soutient :
- que la remise d'ordinateurs portables aux stagiaires à l'issue du stage ne répond à aucune finalité pédagogique et que les dépenses afférentes à ce matériel ne relèvent donc pas de la formation continue ;
- que le contrôle prévu par les articles L. 6361-1 et L. 6361-3 du code du travail porte sur l'ensemble du financement de la formation professionnelle continue par les personnes publiques et les employeurs et non uniquement sur le montant minimum de participation prévu par certaines dispositions du code du travail.
Par des mémoires en défense enregistrés le 10 octobre 2014, le 20 février 2015 et le 2 juin 2015, la société Essentiel Formation Entreprises, représentée par MeA..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler en totalité la décision du préfet de la région Rhône-Alpes du 13 janvier 2012 ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir :
- que la décision du préfet de la région Rhône-Alpes est entachée d'erreur de droit dès lors que la remise d'ordinateurs portables aux stagiaires répond exclusivement à des fins pédagogiques et que les dépenses afférentes à ce matériel relèvent donc de la formation continue ;
- que la décision du préfet de la région Rhône-Alpes est entachée d'erreur de droit dès lors que les formations financées par les employeurs sur des fonds privés, au-delà du montant minimum requis en matière de formation professionnelle continue, doivent être exclues du contrôle et de l'assiette de la somme rejetée.
Un mémoire présenté par le ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social a été enregistré le 3 juillet 2015 mais non communiqué.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code du travail ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Beytout, premier conseiller ;
- les conclusions de Mme Vigier-Carrière, rapporteur public,
- et les observations de Me Heilpern, avocat de la société Essentiel Formation Entreprises.
1. Considérant qu'à la suite du contrôle administratif et financier de la société Essentiel Formation Entreprises réalisé par les services de l'Etat au titre des activités de formation professionnelle continue, le préfet de la région Rhône-Alpes a estimé, par décision du 13 janvier 2012, que la somme de 510 689 euros de dépenses au titre de l'exercice clos le 31 décembre 2010, correspondant au coût de la remise d'un ordinateur portable à chaque stagiaire en fin de formation à la bureautique et à internet ne pouvait être retenue à titre de dépense de formation, et en a ordonné le reversement au Trésor public ; que le ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social relève appel du jugement du 27 mai 2014 par lequel le tribunal administratif de Lyon a annulé la décision du 13 janvier 2012 en tant qu'elle n'avait pas exclu les formations financées au-delà de l'obligation légale des entreprises concernées, de l'assiette de calcul de la somme dont le reversement était imposé à la société Essentiel Formation Entreprises ; que par la voie de l'appel incident, cette société conclut à l'annulation dudit jugement en tant qu'il n'a prononcé qu'une annulation partielle de la décision en litige ;
Sur les conclusions à fin d'annulation :
2. Considérant qu'en vertu de l'article L. 6361-1 du code du travail, l'Etat exerce un contrôle administratif et financier sur les dépenses de formation exposées par les employeurs au titre de leur obligation de participation au développement de la formation professionnelle continue et sur les actions entrant dans le champ de la formation professionnelle continue ou du droit à l'information, à l'orientation et à la qualification professionnelles qu'ils conduisent et qui sont financées par certains organismes ou administrations ; qu'en vertu de l'article L. 6361-2 du même code, l'Etat exerce également un tel contrôle sur les activités en matière de formation professionnelle continue conduites par, notamment, les organismes de formation ; qu'aux termes du premier alinéa de l'article L. 6361-3 du même code, ce contrôle " porte sur l'ensemble des moyens financiers, techniques et pédagogiques, à l'exclusion des qualités pédagogiques, mis en oeuvre pour la formation professionnelle continue " ; qu'en vertu des articles L. 6362-5 et L. 6362-7 de ce code, les organismes de formation sont tenus " de justifier le rattachement et le bien-fondé " des dépenses exposées pour l'exercice des activités conduites en matière de formation professionnelle continue et, à défaut, font l'objet d'une décision de rejet des dépenses considérées et versent au Trésor public une somme égale au montant des dépenses ainsi rejetées ;
En ce qui concerne le rattachement des dépenses exposées par la société Essentiel Formation Entreprises à des activités de formation continue :
3. Considérant que les deux mille ordinateurs portables cédés aux stagiaires à l'issue de leur formation au cours de l'exercice 2010, quand bien même ils n'auraient pas permis l'effacement des logiciels déjà intégrés et le téléchargement de nouveaux logiciels, comportaient cependant des applications de base dont rien n'interdisait qu'il en soit fait un usage personnel par les stagiaires à qui les appareils avaient été offerts ; qu'ils n'étaient pas ainsi configurés en vue d'une utilisation exclusivement professionnelle ; que s'ils contenaient un dossier " Apprenant ", comportant des supports de cours et des exercices, ceux-ci auraient pu être stockés par d'autres moyens, et étaient d'ailleurs également fournis sous forme de disques de type " cd-rom ", de telle sorte que l'attribution définitive de l'ordinateur au stagiaire n'apparaissait pas comme absolument nécessaire ; que si la société requérante met également en avant la possibilité pour les stagiaires d'accéder à une formation à distance par voie télématique pendant trois ans, une telle " autoformation ", d'initiative uniquement individuelle, ne faisait l'objet d'aucune contractualisation, ni d'aucun suivi ou contrôle ; qu'en outre, le suivi de ces " autoformations " ne permettait pas non plus de justifier que l'ordinateur portable soit définitivement laissé entre les mains du stagiaire, dès lors que la mise à disposition de codes d'accès et de numéros d'identifiant pouvait suffire à rendre les documents de formation accessibles via d'autres postes, la limitation de l'accès à l'utilisation du seul matériel informatique fourni ne trouvant aucune justification pédagogique ; que, dès lors, la société Essentiel Formation Entreprises n'est pas fondée à soutenir que le préfet de la région Rhône-Alpes a commis une erreur de droit en regardant ce matériel comme n'étant pas un support pédagogique dont la cession en fin de stage était nécessaire, et dont conséquemment la valeur devait être exclue du décompte des sommes effectivement affectées à des activités de formation professionnelle continue ;
En ce qui concerne l'assiette de calcul de la somme rejetée :
4. Considérant qu'il résulte de la combinaison des dispositions précitées que le contrôle de l'administration prévu par l'article L. 6362-5 du code du travail porte sur l'ensemble des dépenses engagées par les organismes de formation en matière de formation professionnelle continue, au-delà des seules dépenses provenant de fonds publics ou réglementés ; que l'administration ne peut légalement imposer à un organisme de formation de verser au Trésor public des sommes qu'il aurait perçues sans que les personnes publiques ou employeurs privés les aient comptabilisées au titre de la formation professionnelle continue ; qu'il en va à l'inverse lorsque ces sommes correspondent à des dépenses engagées par les entreprises en matière de formation professionnelle continue, y compris lorsque lesdites dépenses excèdent le montant minimal de participation financière obligatoire imposé par les dispositions législatives et réglementaires applicables, et ce eu égard aux avantages, notamment fiscaux, qui s'attachent à la qualification de telles dépenses ; que par suite, le préfet de la région Rhône-Alpes n'a pas commis d'erreur de droit en intégrant dans l'assiette de calcul de la somme en litige, l'ensemble des sommes versées à la société Essentiel Formation Entreprises par des entreprises au titre de la formation professionnelle continue ;
5. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a annulé la décision du 13 janvier 2012 en tant qu'elle n'a pas exclu les formations financées au-delà de l'obligation légale de l'assiette de calcul retenue ; qu'il résulte également de tout ce qui précède que les conclusions présentées par la société Essentiel Formation Entreprises par la voie de l'appel incident, tendant à l'annulation du jugement en tant qu'il n'a prononcé qu'une annulation partielle de la décision en litige, doivent être rejetées ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
6. Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que demande la société Essentiel Formation Entreprises au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
DECIDE :
Article 1er : L'article 1er du jugement du tribunal administratif de Lyon du 27 mai 2014 est annulé.
Article 2 : Les conclusions de la société Essentiel Formation Entreprises présentées par la voie de l'appel incident et ses conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social et à la société Essentiel Formation Entreprises.
Délibéré après l'audience du 8 décembre 2016 à laquelle siégeaient :
M. Faessel, président de chambre,
M. Seillet, président-assesseur,
Mme Beytout, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 10 janvier 2017.
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N° 14LY02543