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20/12/2016 | FRANCE | N°15LY00706

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 4ème chambre - formation à 3, 20 décembre 2016, 15LY00706


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

I. Mme A...C...a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler l'arrêté du 30 juillet 2012 de la garde des sceaux, ministre de la justice, la suspendant de ses fonctions, ensemble la décision du 24 octobre 2012 rejetant son recours gracieux.

Par un jugement n° 1206677 du 31 décembre 2014, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.

II. Mme A...C...a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler l'arrêté du 27 novembre 2012 de la garde des sceaux, ministre d

e la justice prolongeant la suspension de ses fonctions.

Par un jugement n° 1206681...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

I. Mme A...C...a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler l'arrêté du 30 juillet 2012 de la garde des sceaux, ministre de la justice, la suspendant de ses fonctions, ensemble la décision du 24 octobre 2012 rejetant son recours gracieux.

Par un jugement n° 1206677 du 31 décembre 2014, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.

II. Mme A...C...a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler l'arrêté du 27 novembre 2012 de la garde des sceaux, ministre de la justice prolongeant la suspension de ses fonctions.

Par un jugement n° 1206681 du 31 décembre 2014, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

I. Par une requête, et un mémoire complémentaire et récapitulatif, enregistrés le 2 mars 2015 et le 10 décembre 2015, Mme A...C..., représentée par MeB..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1206677 du tribunal administratif de Grenoble du 31 décembre 2014 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 30 juillet 2012 de la garde des sceaux, ministre de la justice, la suspendant de ses fonctions, ensemble la décision du 24 octobre 2012 rejetant son recours gracieux ;

3°) de supprimer, en application de l'article L. 741-2 du code de justice administrative, les passages " De plus les écoutes téléphoniques réalisées sur son téléphone portable en application (...) affaire de blanchiment, d'association de malfaiteurs et de trafic de stupéfiant " et " Dès lors, MadameC..., ne rentrant pas dans les cas limitativement énumérés (...) ne pouvait légalement divulguer l'information à caractère secret à MmeD... " du mémoire en défense présenté par la garde des sceaux, ministre de la justice ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, outre 35 euros au titre du timbre fiscal de premier instance.

Elle soutient que :

- elle a été suspendue de ses fonctions sans que le principe du contradictoire et les droits de la défense soient respectés, en méconnaissance des stipulations de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; le jugement attaqué ne répond ni à ces moyens, ni à celui tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 5 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et ni à celui tiré de l'atteinte disproportionnée à son droit d'exercer son activité professionnelle, en méconnaissance de principe constitutionnel du droit au travail et de la liberté du travail ; l'équité et le principe de présomption d'innocence n'ont pas été respectées ;

- l'article 30 de la loi du 13 juillet 1983 a été méconnu faute de saisine sans délai de l'autorité disciplinaire ;

- l'arrêté contesté, qui n'est pas motivé, est entaché d'erreur de fait et d'erreur manifeste d'appréciation.

Par un mémoire en défense, enregistré le 22 octobre 2015, la garde des sceaux, ministre de la justice, conclut au rejet de la requête.

Elle fait valoir que :

- les moyens relatifs à la régularité du jugement attaqué sont inopérants ;

- les autres moyens ne sont pas fondés.

Par ordonnance du 27 avril 2016, la clôture d'instruction a été fixée au 13 mai 2016.

Un mémoire présenté par la garde des sceaux, ministre de la justice, a été enregistré le 12 mai 2016.

II. Par une requête, et un mémoire en réplique et récapitulatif, enregistrés le 2 mars 2015 et le 10 décembre 2015, Mme A...C..., représentée par MeB..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1206681 du tribunal administratif de Grenoble du 31 décembre 2014 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 27 novembre 2012 de la garde des sceaux, ministre de la justice prolongeant sa suspension de fonctions ;

3°) d'enjoindre, sous astreinte, à l'administration de procéder dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir à la reconstitution de sa carrière et au versement de ses droits au titre des traitements, primes et accessoires et congés payés, outre règlement de son plein traitement et de la totalité des accessoires liés à sa rémunération, pour la période d'effet de l'arrêté contesté, soit du 27 novembre 2012 au 17 juillet 2013 ;

4°) de supprimer, en application de l'article L. 741-2 du code de justice administrative, les passages " De plus les écoutes téléphoniques réalisées sur son téléphone portable en application (...) affaire de blanchiment, d'association de malfaiteurs et de trafic de stupéfiant " et " Dès lors, MadameC..., ne rentrant pas dans les cas limitativement énumérés (...) ne pouvait légalement divulguer l'information à caractère secret à MmeD... " du mémoire en défense présenté par la garde des sceaux, ministre de la justice ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, outre 35 euros au titre du timbre fiscal de premier instance.

Elle soutient que :

- l'arrêté contesté a été pris sans que le principe du contradictoire, garanti par l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, et celui de la présomption d'innocence ainsi que l'équité ne soient respectés ;

- cet arrêté porte une atteinte disproportionnée à son droit à exercer son activité professionnelle, en méconnaissance de principe constitutionnel du droit au travail et de la liberté du travail ;

- l'article 30 de la loi du 13 juillet 1983 a été méconnu faute de saisine sans délai de l'autorité disciplinaire ;

- l'arrêté contesté est entaché d'une erreur de fait et d'une erreur manifeste d'appré-ciation.

Par un mémoire en défense, enregistré le 22 octobre 2015, la garde des sceaux, ministre de la justice, conclut au rejet de la requête.

Elle fait valoir que les moyens soulevés ne sont pas fondés.

Un mémoire présenté par la garde des sceaux, ministre de la justice, a été enregistré le 22 avril 2016.

Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu :

- la constitution ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 modifiée relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public ;

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 modifiée portant droits et obligations des fonctionnaires ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience.

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Michel, premier conseiller

- et les conclusions de Dursapt, rapporteur public.

1. Considérant que MmeC..., adjoint administratif de première classe en fonction au tribunal de grande instance de Grenoble, était affectée au service de l'accueil du greffe du juge de l'application des peines lorsque une information judicaire a été ouverte à son encontre le 26 juillet 2012 du chef de violation du secret professionnel ; que, le même jour, le juge d'instruction a décidé sa mise en examen et l'a placée sous contrôle judiciaire avec interdiction d'exercer son activité professionnelle et de se rendre au palais de justice de Grenoble ; qu'estimant que les soupçons de divulgation d'information à caractère secret pesant sur Mme C... s'opposaient au maintien en fonction de l'agent, la garde des sceaux, ministre de la justice a suspendu l'intéressée de ses fonctions avec maintien de son plein traitement par un arrêté du 30 juillet 2012 ; que cet arrêté a été confirmé sur recours gracieux par une décision du 24 octobre 2012 ; que par un jugement n° 1206677 du 31 décembre 2014, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté la requête de Mme C...tendant à l'annulation de ces arrêté et décision ; que, par un jugement n° 1206681 du même jour, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté la requête de Mme C...tendant à l'annulation de l'arrêté du 27 novembre 2012 de la garde des sceaux, ministre de la justice prolongeant sa suspension de fonctions avec demi-traitement, à compter du 4 décembre 2012 ; que, par deux requêtes distinctes, MmeC..., qui a été rétablie dans ses fonctions au tribunal de grande instance de Grenoble par un arrêté du 12 juillet 2013 après une ordonnance de non-lieu du juge d'instruction du 21 juin 2013, relève appel de ces deux jugements ;

2. Considérant que les deux requêtes visées ci-dessus de Mme C...concernent la situation d'un même fonctionnaire et ont fait l'objet d'une instruction commune ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt ;

Sur la régularité du jugement n° 1206677 :

3. Considérant d'une part, que le tribunal s'est expressément prononcé au point 4 du jugement attaqué sur les moyens tirés de la méconnaissance de la procédure disciplinaire et des droits de la défense en les écartant comme inopérants, et au point 6, sur le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 5 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, en l'écartant pour défaut de précision ; que, d'autre part, la requête de Mme C...présentée devant le tribunal administratif de Grenoble ne développait pas le moyen tiré de l'atteinte disproportionnée à son droit d'exercer son activité professionnelle, en méconnaissance du principe constitutionnel du droit au travail et de la liberté du travail ; que la requérante n'est dès lors pas fondée à soutenir que le jugement attaqué serait entaché d'irrégularité pour défaut de réponse à des moyens suffisamment développés dans sa requête ;

Sur le bien fondé des jugements attaqués :

4. Considérant qu'aux termes de l'article 30 de la loi du 13 juillet 1983 visée ci-dessus, dans sa rédaction alors applicable : " En cas de faute grave commise par un fonctionnaire, qu'il s'agisse d'un manquement à ses obligations professionnelles ou d'une infraction de droit commun, l'auteur de cette faute peut être suspendu par l'autorité ayant pouvoir disciplinaire qui saisit sans délai, le conseil de discipline. / Le fonctionnaire suspendu conserve son traitement, l'indemnité de résidence, le supplément familial de traitement et les prestations familiales obligatoires. Sa situation doit être définitivement réglée dans le délai de quatre mois. Si à l'expiration de ce délai aucune décision n'a été prise par l'autorité ayant pouvoir disciplinaire, l'intéressé, sauf s'il est l'objet de poursuites pénales est rétabli dans ses fonctions. Le fonctionnaire qui, en raison de poursuites pénales, n'est pas rétabli dans ses fonctions, peut subir une retenue, qui ne peut être supérieure à la moitié de la rémunération mentionnée à l'alinéa précédent (...) " ;

5. Considérant que la mesure de suspension prise en considération des faits graves reprochés à Mme C...ne constitue pas une sanction disciplinaire mais une mesure conservatoire qui n'exige pas que le fonctionnaire qui en fait l'objet soit mis à même de présenter au préalable sa défense ; que, par suite, les moyens tirés de la méconnaissance des principes du contradictoire, de la présomption d'innocence et d'équité, ainsi que des droits de la défense, en tant qu'ils sont dirigés contre la suspension des fonctions, ne peuvent qu'être écarté ; que, par ailleurs, cette mesure étant exclue du champ de l'article 6 § 1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales relatif au droit au procès équitable, le moyen tiré de la méconnaissance de ces stipulations est inopérant ;

6. Considérant que la mesure de suspension n'est pas au nombre des décisions qui doivent être motivées par application de la loi du 11 juillet 1979 visée ci-dessus ; que, par suite, le moyen tiré du défaut de sa motivation est inopérant ;

7. Considérant qu'il ne peut être utilement soutenu que la mesure de suspension aurait été prise en méconnaissance des stipulations de l'article 5 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en vertu duquel nul ne peut être privé de sa liberté, sauf dans les cas limitativement énumérés, dès lors que la suspension ne constitue pas une mesure privative de liberté de travail ; que l'agent suspendu étant maintenu en position d'activité, le moyen tiré de l'atteinte disproportionnée au droit au travail, consacré principe particulièrement nécessaire à notre temps par le préambule de la Constitution du 27 octobre 1946, est également inopérant ;

8. Considérant que si les dispositions précitées de l'article 30 de la loi du 13 juillet 1983 qui ont imparti à l'administration un délai de quatre mois pour statuer sur le cas d'un fonctionnaire ont pour objet de limiter les conséquences de la suspension, aucun texte n'enferme cependant dans un délai déterminé l'exercice de l'action disciplinaire, que l'autorité investie du pouvoir disciplinaire n'est par ailleurs pas obligée d'engager ; que Mme C...n'est donc pas fondée à soutenir que, faute d'avoir immédiatement engagé la procédure disciplinaire à son encontre, la garde des sceaux, ministre de la justice, a entaché d'illégalité la décision par laquelle elle a prononcé sa suspension ;

9. Considérant que Mme C...pouvait être légalement suspendue en raison d'une information judiciaire dirigée contre elle, de sa mise en examen et de son placement sous contrôle judiciaire ; qu'en raison de l'existence de poursuites pénales à l'encontre de l'intéressée, soupçonnée de divulgation d'information à caractère secret, les faits qui lui étaient reprochés présentaient, à la date des arrêtés contestés, un caractère suffisant de gravité et de vraisemblance ; qu'eu égard à ces circonstances, la garde des sceaux, ministre de la justice n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation en prolongeant le 27 novembre 2012 la suspension de fonctions de MmeC..., décidée le 30 juillet 2012, jusqu'au 12 juillet 2013, quand bien même l'ordonnance de placement sous contrôle judiciaire intervenue le 26 juillet 2012 avait été réformée par un arrêt du 24 août 2012 de la cour d'appel de Grenoble, en ce qui concerne l'interdiction faite à Mme C...de ne pas se rendre au tribunal de grande instance de Grenoble ;

10. Considérant qu'en l'absence d'illégalité de l'arrêté du 27 novembre 2012 prolongeant la suspension de fonctions dont elle faisait l'objet avec demi-traitement, Mme C... ne peut prétendre à la réparation d'un préjudice directement lié à cette illégalité fautive ;

11. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme C...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par les jugements attaqués, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté ses demandes ; que ses conclusions à fin d'injonction doivent être rejetées par voie de conséquence ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 741-2 du code de justice administrative :

12. Considérant que les passages des mémoires en défense présentés par la garde des sceaux, ministre de la justice le 22 octobre 2015 dont Mme C...demande la suppression en application de l'article L. 741-2 du code de justice administrative, ne peuvent être regardés comme injurieux ou diffamatoires au sens de la loi du 29 juillet 1881, à laquelle renvoie cet article ; qu'il n'y a, par suite, pas lieu de faire droit à la demande de MmeC... ;

Sur la contribution à l'aide juridictionnelle :

13. Considérant que Mme C...étant la partie perdante en appel et en l'absence de circonstances particulières de l'affaire, il n'y a pas lieu de condamner l'Etat à lui rembourser la somme de 35 euros exposée au titre de la contribution à l'aide juridictionnelle

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

14. Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le somme que Mme C...demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.

DECIDE :

Article 1er : Les requêtes de Mme C...sont rejetées.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A...C...et au garde des Sceaux, ministre de la justice.

Délibéré après l'audience du 1er décembre 2016 où siégeaient :

M. d'Hervé, président de chambre,

Mme Michel, président-assesseur,

Mme Samson Dye, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 20 décembre 2016.

7

Nos 15LY00706, 15LY00707


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 4ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 15LY00706
Date de la décision : 20/12/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

36-09-01 Fonctionnaires et agents publics. Discipline. Suspension.


Composition du Tribunal
Président : M. d'HERVE
Rapporteur ?: Mme Céline MICHEL
Rapporteur public ?: M. DURSAPT
Avocat(s) : GONDOUIN

Origine de la décision
Date de l'import : 11/07/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2016-12-20;15ly00706 ?
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