Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
M. C...A...a demandé au tribunal administratif de Lyon de condamner l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) à lui verser une indemnité, fixée en dernier lieu à la somme de 483 800,07 euros, en réparation des préjudices résultant des suites de l'intervention qu'il a subie le 27 septembre 2006 à l'hôpital Edouard Herriot à Lyon.
Par un jugement n° 1100147 du 14 novembre 2014, le tribunal administratif de Lyon a condamné l'ONIAM à verser à M. A... la somme de 98 030,45 euros, au titre de la solidarité nationale, en réparation des préjudices de tous ordres imputables à l'accident thérapeutique dont il a été victime lors de l'intervention pratiquée le 26 septembre 2006.
Procédure devant la cour
Par une requête, enregistrée le 7 janvier 2015, présentée pour l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM), dont le siège est sis Tour Gallieni II 36, avenue du Général de Gaulle à Bagnolet (93175), il est demandé à la cour :
1°) d'annuler ce jugement n° 1100147 du 14 novembre 2014 du tribunal administratif de Lyon en tant qu'il a condamné l'ONIAM à verser une indemnité de 98 030,45 euros à M. A... ;
2°) de rejeter la demande de M. A....
Il soutient que le dommage n'a pas eu de conséquences anormales au sens des dispositions de l'article L. 1142-1 II du code de la santé publique et que les conditions ouvrant droit à une indemnisation au titre de la solidarité nationale ne sont donc pas réunies, dès lors que l'intervention subie, indispensable en raison d'un risque d'évolution vers une insuffisance hépatique létale, qui était difficile et complexe et présentait des risques élevés, s'est compliquée d'une hémorragie au niveau de la tranche de section avec plaie au niveau d'une branche porte et que l'intéressé a donc présenté des complications aiguës de l'hépatectomie dont le risque majeur est l'hémorragie, le foie étant un organe très vascularisé et dont la deuxième complication majeure est l'insuffisance hépatique liée notamment au volume du foie restant ; ainsi l'expertise des docteurs Robert et Fenouillet a relevé que l'hépatectomie dont l'indication n'était pas discutable présentait un risque de mortalité de 5 % et de morbidité de 20 % dans lequel figurent les complications hémorragiques - comme ce qui en 1'espèce est survenu -, de thrombose en particulier au niveau des anastomoses vasculaires et de complication biliaire ; il ne peut être ici conclu à 1'existence de conséquences anormales au regard de l'état de santé de M. A... et de son évolution prévisible ;
Par un mémoire, enregistré le 10 mai 2016, présenté pour M.A..., il conclut :
1°) au rejet de la requête ;
2°) à titre incident, à la condamnation de l'ONIAM à lui verser une indemnité d'un montant total de 485 487,87 euros en réparation de ses préjudices ;
3°) à ce que soient mis à la charge de l'ONIAM la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ainsi que les entiers dépens de l'instance.
Il soutient que :
- comme l'a relevé l'expert désigné par le tribunal, le dommage est en rapport avec son état initial, requérant obligatoirement une hépatectomie, mais n'est pas en rapport avec l'évolution prévisible de cet état, le dommage constituant une conséquence anormale de l'hépatectomie pratiquée au regard de l'état initial ou de l'évolution prévisible du patient et remplissant, en outre, le caractère de gravité ;
- il est bien fondé à solliciter la confirmation de l'analyse des premiers juges, et que soit confirmée l'obligation indemnitaire de l'ONIAM à hauteur des conclusions maintenues en appel.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de la santé publique ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique du 24 novembre 2016 :
- le rapport de M. Seillet, président-assesseur ;
- et les conclusions de Mme Vigier-Carrière, rapporteur public.
1. Considérant qu'à la suite d'une échographie réalisée en 2006, dans le cadre de la surveillance hépatique de M. A..., né le 27 mai 1966, qui souffre depuis l'enfance d'une glycogénose de type 1 A ou " maladie de Von Gierke ", ayant révélé la présence d'un nodule hépatique volumineux du segment VII, et d'une IRM ayant confirmé la présence d'adénomes hépatiques, dont un de plus de 5 cm, avec un risque de dégénérescence maligne, a été posée l'indication d'une hépatectomie partielle ; que cette intervention a été pratiquée le 27 septembre 2006 à l'hôpital Edouard Herriot de Lyon, établissement dépendant des Hospices civils de Lyon ; qu'au cours de cette intervention est survenue une complication, résultant de plaies de la veine sus-hépatique droite, puis de la veine cave inférieure, nécessitant une suture puis, devant la persistance de l'hémorragie en salle de réveil, plusieurs reprises chirurgicales, les 27 et 28 septembre, et, en raison de l'impossibilité de maintenir un niveau hémodynamique suffisant et de la survenue d'une nécrose hépatique, une transplantation hépatique, pratiquée le 29 septembre 2006 ; que M. A..., qui demeure atteint d'une cécité de l'oeil gauche et d'une surdité de perception de l'oreille droite en conséquence d'un accident vasculaire cérébral, et qui a, par ailleurs, conservé une insuffisance rénale chronique, a saisi la commission régionale de conciliation et d'indemnisation (CRCI) Rhône-Alpes, le 16 mai 2007, laquelle a diligenté une expertise médicale, réalisée par les docteurs Fouillet, neurologue, et Aubert, gastroentérologue ; que, dans son avis du 13 octobre 2009, la CRCI a rejeté la demande d'indemnisation, en estimant, au vu de l'importance du risque hémorragique et de la vulnérabilité du patient, que les conséquences subies ne pouvaient être considérées comme anormales au sens de l'article L. 1142-1 II du code de la santé publique ; que M. A... a alors saisi le tribunal administratif de Lyon d'une demande d'indemnisation de ses préjudices, dirigée initialement contre les Hospices civils de Lyon, conclusions dont il s'est ensuite désisté, et contre l'ONIAM, au titre de la solidarité nationale ; que, par un premier jugement, du 4 juin 2013, le tribunal administratif de Lyon a ordonné une expertise avant dire droit afin d'établir le fait générateur, la responsabilité, le patrimoine responsable, ainsi que la nature et l'étendue du préjudice subi par M. A... ; que l'expert désigné, le Pr Chipponi, a remis son rapport le 25 septembre 2013 ; que par un second jugement, du 14 novembre 2014, le tribunal administratif de Lyon a mis à la charge de l'ONIAM, au titre de la solidarité nationale, une indemnité d'un montant total de 98 030,45 euros ; que l'ONIAM fait appel de ce jugement ; qu'à titre incident, M. A... conteste ce jugement en tant qu'il a limité à 98 030,45 euros l'indemnité mise à la charge de l'ONIAM ;
2. Considérant qu'aux termes du II de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique, dans sa rédaction applicable au litige : " Lorsque la responsabilité d'un professionnel, d'un établissement, service ou organisme mentionné au I ou d'un producteur de produits n'est pas engagée, un accident médical, une affection iatrogène ou une infection nosocomiale ouvre droit à la réparation des préjudices du patient au titre de la solidarité nationale, lorsqu'ils sont directement imputables à des actes de prévention, de diagnostic ou de soins et qu'ils ont eu pour le patient des conséquences anormales au regard de son état de santé comme de l'évolution prévisible de celui-ci et présentent un caractère de gravité, fixé par décret, apprécié au regard de la perte de capacités fonctionnelles et des conséquences sur la vie privée et professionnelle mesurées en tenant notamment compte du taux d'atteinte permanente à l'intégrité physique ou psychique, de la durée de l'arrêt temporaire des activités professionnelles ou de celle du déficit fonctionnel temporaire " ; que l'article D. 1142-1 du même code définit le seuil de gravité prévu par ces dispositions législatives ;
3. Considérant qu'il résulte de ces dispositions que l'ONIAM doit assurer, au titre de la solidarité nationale, la réparation des dommages résultant directement d'actes de prévention, de diagnostic ou de soins à la double condition qu'ils présentent un caractère d'anormalité au regard de l'état de santé du patient comme de l'évolution prévisible de cet état et que leur gravité excède le seuil défini à l'article D. 1142-1du code de la santé publique ;
4. Considérant que la condition d'anormalité du dommage prévue par ces dispositions doit toujours être regardée comme remplie lorsque l'acte médical a entraîné des conséquences notablement plus graves que celles auxquelles le patient était exposé de manière suffisamment probable en l'absence de traitement ;
5. Considérant que, lorsque les conséquences de l'acte médical ne sont pas notablement plus graves que celles auxquelles le patient était exposé par sa pathologie en l'absence de traitement, elles ne peuvent être regardées comme anormales sauf si, dans les conditions où l'acte a été accompli, la survenance du dommage présentait une probabilité faible ; qu'ainsi, elles ne peuvent être regardées comme anormales au regard de l'état du patient lorsque la gravité de cet état a conduit à pratiquer un acte comportant des risques élevés dont la réalisation est à l'origine du dommage ;
6. Considérant, en premier lieu, qu'il résulte de l'instruction, et en particulier du rapport de l'expert désigné par le tribunal, qui qualifie l'indication opératoire de " parfaitement justifiée ", que l'état de santé de M. A..., qui présentait un " adénome hépatique du secteur VII dont le risque de dégénérescence était important " eu égard à " un foyer de carcinome hépatocellulaire ", requérait " obligatoirement " une hépatectomie ; que M. A... admet au demeurant lui-même dans ses écritures que " la transformation hétérogène des lésions constituait un risque potentiel de dégénérescence maligne " ; qu'il résulte également d'une note technique, rédigée à la demande de l'ONIAM par le Pr Baste, et dont les conclusions ne sont pas contredites par M. A..., que l'évolution naturelle de l'adénome que présentait M. A... " se serait faite sans aucun doute vers une transformation en hépatocarcinome " et que " un tel hépatocarcinome non traité évolue vers une insuffisance hépatique létale " ; que, dès lors, eu égard au risque de dégénérescence maligne de l'adénome hépatique présenté par M. A..., l'intervention chirurgicale pratiquée le 27 septembre 2006 n'a pas entraîné des conséquences notablement plus graves que celles auxquelles M. A... était exposé de manière suffisamment probable en l'absence de traitement ;
7. Considérant, en second lieu, qu'il résulte des rapports des experts désignés par la CRCI de Rhône-Alpes et par le tribunal administratif de Lyon, tout comme du rapport rédigé le 22 janvier 2010 par le Dr B...à la demande de M. A..., que la mortalité de l'hépatectomie est évaluée à 5 % ; qu'il résulte encore du rapport rédigé par les Drs Fouillet et Aubert, à la demande de la CRCI, que l'intervention d'hépatectomie partielle subie par M. A... présentait également une morbidité qui atteint un " taux de 20 % ", résidant essentiellement dans le risque de complication hémorragique, de thrombose, en particulier au niveau des anastomoses vasculaires, et de complication biliaire ; que les deux complications majeures qu'a connues M.A..., à savoir une cécité de l'oeil gauche et une surdité de l'oreille droite, en rapport avec un accident vasculaire cérébral, résultent probablement, selon le Pr Chipponi, des conditions hémodynamiques et des troubles de la coagulation qu'il présentait ; que l'intéressé se trouvait dès lors exposé, du fait de l'intervention chirurgicale pratiquée, à un risque d'hémorragie avec un taux de probabilité de 20 % ; qu'il s'ensuit que, eu égard au risque important d'apparition d'une hémorragie en conséquence de l'intervention pratiquée, dans les conditions où l'acte a été accompli, la survenance d'un tel dommage ne présentait pas une probabilité faible ; que, par suite, la condition d'anormalité prévue au II de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique n'est pas remplie ;
8. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que l'ONIAM est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a mis une indemnité à sa charge, au titre de la solidarité nationale ; qu'en revanche M. A... n'est pas fondé à demander le rehaussement de l'indemnité mise à la charge de l'ONIAM ;
9. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'ONIAM, qui n'a pas la qualité de partie perdante dans la présente instance, une somme au titre des frais exposés par M. A... et non compris dans les dépens ;
DECIDE :
Article 1er : L'article 2 du jugement n° 1100147 du 14 novembre 2014 du tribunal administratif de Lyon est annulé.
Article 2 : Les conclusions de la demande de M. A..., présentées devant le tribunal administratif de Lyon tendant à la condamnation de l'ONIAM, et les conclusions d'appel incident de M. A...sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) et à M. C... A....
Délibéré après l'audience du 24 novembre 2016 à laquelle siégeaient :
M. Faessel, président de chambre,
M. Seillet, président-assesseur,
Mme Cottier, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 15 décembre 2016.
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N° 15LY00086