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08/12/2016 | FRANCE | N°16LY00251

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 4ème chambre - formation à 3, 08 décembre 2016, 16LY00251


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. A...B...a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler l'arrêté du 8 juin 2015 du préfet de l'Isère refusant de lui délivrer un titre de séjour, l'obligeant à quitter le territoire français dans le délai de 30 jours et fixant le pays de renvoi.

Par un jugement n° 1505925 du 30 décembre 2015, le tribunal administratif de Grenoble a annulé cet arrêté et enjoint au préfet de l'Isère de délivrer à M. B...un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans un d

lai d'un mois à compter de la notification du jugement.

Procédure devant la cour

Par un...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. A...B...a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler l'arrêté du 8 juin 2015 du préfet de l'Isère refusant de lui délivrer un titre de séjour, l'obligeant à quitter le territoire français dans le délai de 30 jours et fixant le pays de renvoi.

Par un jugement n° 1505925 du 30 décembre 2015, le tribunal administratif de Grenoble a annulé cet arrêté et enjoint au préfet de l'Isère de délivrer à M. B...un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai d'un mois à compter de la notification du jugement.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 19 janvier 2016, le préfet de l'Isère demande à la cour d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Grenoble du 30 décembre 2015.

Il soutient que M. B...peut poursuivre ses soins en Guinée, son pays d'origine, où il existe un traitement approprié pour les troubles mentaux et du comportement dont il est atteint et qui dispose d'autres produits de la même classe que celui qui lui est prescrit ; au surplus, il ressort d'un document émanant du ministère de l'intérieur des Pays-Bas qu'il est possible de commander à Paris des médicaments qui parviennent en Guinée en moins de deux semaines.

Par un mémoire en défense, enregistré le 29 mars 2016, M. A...B...conclut au rejet de la requête et à ce que soit mis à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au profit de Me F...qui renoncera, dans cette hypothèse, à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle en application des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient qu'aucun des documents produits par le préfet de l'Isère n'établit la disponibilité en Guinée de la molécule d'antidépresseur escitalopram qui lui est prescrite depuis plus de deux ans qui permet seule le traitement des épisodes dépressifs majeurs ainsi que les troubles paniques, l'anxiété sociale et l'anxiété généralisée ; la Haute Autorité de santé ne préconise pas que les molécules de fluoxétine et d'amitiptyne soient utilisées en remplacement ; l'offre d'antidépresseurs est très insuffisante en Guinée où il n'existe aucun traitement par des psychologues ou des psychothérapeutes ; seul l'hôpital de Donka, qui est en phase de dégradation très poussée, dispose d'un service psychiatrique ; sa pathologie est directement liée au traumatisme qu'il a subi en Guinée et qui l'a obligé à fuir ; le préfet de l'Isère ne peut justifier son arrêté en invoquant la possibilité de commander les médicaments à Paris.

Par ordonnance du 9 mars 2016, la clôture d'instruction a été fixée au 5 avril 2016.

M. B...été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 2 mars 2016.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant signée à New York le 26 janvier 1990 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée relative à l'aide juridique ;

- l'arrêté du 9 novembre 2011 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des avis rendus par les agences régionales de santé en application de l'article R. 313-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en vue de la délivrance d'un titre de séjour pour raison de santé ;

- le code de justice administrative ;

Le président de la formation de jugement code, a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme Michel a été entendu au cours de l'audience publique :

1. Considérant que M.B..., ressortissant guinéen, serait entré en France le 30 octobre 2009 selon ses déclarations, à l'âge de 33 ans ; que sa demande d'admission au statut de réfugié a été définitivement rejetée par un arrêt du 12 mai 2011 de la Cour nationale du droit d'asile ; que l'intéressé, qui a fait l'objet d'un arrêté de refus de séjour assorti d'une obligation de quitter le territoire français le 27 juin 2011, s'est maintenu irrégulièrement sur le territoire français ; que, le 5 juin 2012, il a sollicité auprès de la préfecture de l'Isère la délivrance d'un titre de séjour pour raison de santé, que le préfet de ce département lui a délivré à titre temporaire et a ensuite renouvelé jusqu'au 19 septembre 2014 ; qu'une nouvelle demande de renouvellement a été refusée par un arrêté du 8 juin 2015 du préfet de l'Isère qui a assorti ce refus de décisions portant obligation de quitter le territoire français dans un délai de 30 jours et fixant le pays de renvoi ; que par un jugement du 30 décembre 2015 dont le préfet de l'Isère relève appel, le tribunal administratif de Grenoble a annulé cet arrêté et enjoint au préfet de l'Isère de délivrer à M. B...un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai d'un mois à compter de la notification du jugement ;

Sur le moyen d'annulation retenu par le tribunal :

2. Considérant qu'en vertu du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : " À l'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médical dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays dont il est originaire, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle appréciée par l'autorité administrative après avis du directeur général de l'agence régionale de santé, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative, après avis du médecin de l'agence régionale de santé de la région de résidence de l'intéressé, désigné par le directeur général de l'agence, ou, à Paris, du médecin, chef du service médical de la préfecture de police (...) " ;

3. Considérant qu'il ressort d'un certificat établi le 17 novembre 2015 par un médecin généraliste que M. B...est suivi pour un syndrome dépressif réactionnel sévère qui nécessite un traitement médical depuis son arrivée en France et que le médicament Séroplex lui est prescrit ; qu'il ressort des autres certificats médicaux rédigés uniquement par des médecins généralistes produits par M. B...qu'il suit ce traitement depuis le mois d'octobre 2013 ; que, dans un avis du 15 septembre 2014, le médecin de l'agence régionale de santé Rhône-Alpes a estimé que l'état de santé de M. B...nécessitait une prise en charge médicale pendant une durée de 12 mois, dont le défaut pouvait entraîner pour l'intéressé des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qu'un traitement approprié n'existait pas dans son pays d'origine ; que, toutefois, le préfet de l'Isère, qui n'est pas lié par cet avis, a estimé que M. B...pouvait bénéficier d'un traitement approprié en Guinée ; qu'il produit, pour en justifier, la fiche pays relative à la République de Guinée établie par le ministère de l'intérieur et mise à jour en 2006, dont il ressort que ce pays dispose d'anxiolytiques, d'antidépresseurs et d'une prise en charge spécialisée pour le traitement des états de stress post-traumatique ; que ces éléments sont confirmés par les informations recueillies en 2012 auprès de l'ambassade de France en Guinée et émanant du ministère de l'intérieur néerlandais ; que l'inscription de l'amitriptyline (Laroxyl) et du fluoxétine (Prozac) sur la liste nationale de médicaments essentiels arrêtée par le ministre de la santé et de l'hygiène publique de la République de Guinée, révisée en décembre 2012, confirme l'approvisionnement de ce pays en médicaments utilisés habituellement dans les troubles de l'humeur et dont la Haute Autorité de santé recommande la prescription pour le traitement des épisodes dépressifs majeurs dans le guide médecin validé en 2009 ; que l'absence de difficulté d'approvisionnement en médicaments en Guinée ressort également du courriel du chef de la section consulaire près l'ambassade de France à Conakry du 19 mars 2013 ; qu'il appartient dès lors à M. B...de démontrer en quoi les traitements dont le préfet a établi l'existence dans son pays d'origine ne constitueraient pas des soins appropriés à sa pathologie, étant précisé qu'un traitement approprié n'est pas nécessairement identique à celui dont l'intéressé bénéficie en France ; que la circonstance que le Séroplex soit prescrit pour le traitement des épisodes dépressifs majeurs mais aussi du trouble panique et de l'anxiété sous toutes ses formes ne démontre pas que M. B...présente l'ensemble de ces symptômes dépressifs et que les médicaments dont le préfet établit l'existence dans son pays d'origine ne seraient pas adaptés à sa situation ; que si M. B...fait valoir que le suivi médical par des psychologues ou des psychothérapeutes n'est pas disponible en République de Guinée, l'existence d'une prise en charge spécialisée ressort de la fiche pays relative à la République de Guinée ; qu'au demeurant, M. B...n'établit pas qu'il bénéficierait d'un tel suivi en France ; que, par ailleurs, il ne ressort pas des pièces du dossier que les troubles dont il souffre seraient la conséquence d'évènements traumatisants vécus en Guinée de nature à rendre impossible un traitement approprié dans ce pays ; que, dès lors, c'est à tort ainsi que le soutient le préfet que le tribunal a retenu qu'il n'existait pas de traitement approprié dans le pays d'origine de M. B...et que l'arrêté attaqué méconnaissait par suite les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

4. Considérant, toutefois, qu'il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. B...tant en première instance qu'en appel ;

5. Considérant, en premier lieu, que par un arrêté du 9 mars 2015, régulièrement publié au recueil des actes administratifs de la préfecture, le préfet de l'Isère a donné à M. E...D..., délégation à l'effet de signer tous actes, arrêtés, décisions, documents et correspondances administratives relevant des attributions de l'Etat dans le département à l'exception de certains actes au nombre desquels ne figurent pas les décisions concernant le séjour et l'éloignement des étrangers ; qu'ainsi, le moyen tiré de ce que l'arrêté contesté aurait été signé par une autorité incompétente doit être écarté ;

6. Considérant, en deuxième lieu, qu'il résulte des dispositions de l'article 4 de l'arrêté du 9 novembre 2011 visé ci-dessus que le préfet n'est tenu de saisir pour avis le directeur général de l'agence régionale de santé que lorsque l'étranger porte à sa connaissance des éléments relatifs à sa situation personnelle susceptibles de constituer des circonstances humanitaires exceptionnelles pouvant être prises en compte pour fonder une décision d'admission au séjour ; que les éléments que M. B...invoque, relatifs à la durée et aux conditions de son séjour en France, à sa situation familiale dans ce pays et à sa capacité d'intégration notamment par le travail, ne révèlent pas l'existence de circonstances humanitaires exceptionnelles ; qu'ainsi, le préfet n'était pas tenu de saisir le directeur général de l'agence régionale de santé avant de statuer sur la demande de M. B...;

7. Considérant, en troisième lieu, qu'il résulte des dispositions de l'article L. 312-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que le préfet est tenu de saisir la commission du cas des seuls étrangers qui remplissent effectivement les conditions prévues notamment à l'article L. 313-11 de ce code auxquels il envisage de refuser le titre de séjour sollicité et non de celui de tous les étrangers qui se prévalent de ces dispositions ; qu'ainsi qu'il vient d'être dit, M. B...ne remplissait pas les conditions posées par les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que, par suite, le préfet n'était pas tenu de soumettre son cas à la commission du titre de séjour avant de lui refuser la délivrance d'un titre de séjour sur ce fondement ;

8. Considérant, en quatrième lieu, qu'il ne ressort pas des pièces du dossier, compte tenu en particulier des éléments de fait mentionnés dans l'arrêté contesté, que le préfet n'aurait pas procédé à l'examen de la situation personnelle de M.B... ;

9. Considérant, en dernier lieu, que M.B..., qui a invoqué sa vie privée et familiale devant le préfet, fait valoir qu'il vit en France depuis environ 6 ans, que sa situation administrative est régulière depuis plus de 3 ans, qu'il n'a plus d'attaches familiales dans son pays d'origine et que sa compagne est enceinte de leur troisième enfant ; qu'il ressort, toutefois, de l'arrêté du 8 juin 2015 attaqué que la compagne de M. B...et leurs deux enfants vivent dans l'Oise ; que les pièces produites par l'intéressé ne sont pas de nature à établir l'existence d'une communauté de vie avec sa concubine ; qu'elles n'établissent pas non plus l'intensité des liens qui l'uniraient à ses enfants ; que, dans ces conditions, eu égard à l'ancienneté et aux conditions de son séjour en France, M. B... n'est pas fondé à soutenir qu'en prenant son arrêté, le préfet de l'Isère a porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a été pris ; que, par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté, de même que celui tiré de la méconnaissance des stipulations du 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ; que le préfet de l'Isère n'a pas davantage commis d'erreur manifeste dans l'appréciation de la situation personnelle de M.B... ;

10. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le préfet de l'Isère est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a annulé son arrêté du 8 juin 2015, lui a enjoint de délivrer à M. B...un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai d'un mois à compter de la notification du jugement et a condamné l'Etat à verser la somme de 1 000 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991; que les conclusions présentées devant la cour par M.B..., partie perdante, sur ce dernier fondement doivent être rejetées par voie de conséquence ;

DECIDE :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Grenoble du 30 décembre 2015 est annulé.

Article 2 : La demande présentée par M. B...devant le tribunal administratif de Grenoble et ses conclusions devant la cour fondées sur les articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B...et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de l'Isère.

Délibéré après l'audience du 17 novembre 2016, où siégeaient :

M. d'Hervé, président,

Mme Michel, président-assesseur,

Mme Samson Dye, premier conseiller.

Lu en audience publique le 8 décembre 2016.

6

N° 16LY00251


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 4ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 16LY00251
Date de la décision : 08/12/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. d'HERVE
Rapporteur ?: Mme Céline MICHEL
Rapporteur public ?: M. DURSAPT
Avocat(s) : BORGES DE DEUS CORREIA

Origine de la décision
Date de l'import : 17/12/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2016-12-08;16ly00251 ?
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