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06/12/2016 | FRANCE | N°15LY01640

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 3ème chambre - formation à 3, 06 décembre 2016, 15LY01640


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme C...B...a demandé au tribunal administratif de Grenoble :

1°) d'annuler l'arrêté du 19 décembre 2014 par lequel le préfet de la Haute-Savoie a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination ;

2°) d'enjoindre au préfet de la Haute-Savoie de lui délivrer une carte de séjour avec autorisation de travail dans un délai de trente jours, sous astreinte de 50 euros par jour de

retard, si la décision est annulée pour un motif de fond, ou de lui délivrer une autorisat...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme C...B...a demandé au tribunal administratif de Grenoble :

1°) d'annuler l'arrêté du 19 décembre 2014 par lequel le préfet de la Haute-Savoie a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination ;

2°) d'enjoindre au préfet de la Haute-Savoie de lui délivrer une carte de séjour avec autorisation de travail dans un délai de trente jours, sous astreinte de 50 euros par jour de retard, si la décision est annulée pour un motif de fond, ou de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour avec autorisation de travail dans un délai de trente jours, sous astreinte de 50 euros par jour de retard, si la décision est annulée pour un motif de forme, et de justifier du retrait de son signalement sur le fichier des personnes recherchées, sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de trente jours ;

3°) de faire application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1500259 du 9 avril 2015, le tribunal administratif de Grenoble a annulé l'arrêté du 19 décembre 2014, enjoint au préfet de la Haute-Savoie de procéder au réexamen de la demande de Mme B...dans un délai de deux mois et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans un délai de quinze jours et a mis à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 800 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Procédure devant la cour

Par une requête, enregistrée le 18 mai 2015, le préfet de la Haute-Savoie demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Grenoble du 9 avril 2015 ;

2°) de rejeter la demande de MmeB....

Il soutient que :

- contrairement à ce qu'ont indiqué les premiers juges, Mme B...n'a pas sollicité son admission exceptionnelle au séjour sur le fondement de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile au titre du travail mais uniquement au titre de son état de santé ; elle n'a mentionné son activité professionnelle qu'à titre subsidiaire ; il n'était donc pas tenu d'examiner si l'intéressée remplissait les conditions de délivrance d'un titre de séjour en qualité de salarié ;

- il n'était pas tenu d'exposer dans son arrêté tous les éléments de fait dont il a pu avoir connaissance mais seulement ceux sur lesquels il s'est fondé pour prendre sa décision ; le refus de titre de séjour et l'obligation de quitter le territoire français sont suffisamment motivés au regard de l'absence de considération humanitaire attachée à l'état de santé de Mme B... et à sa situation personnelle et familiale ;

- la requérante ne remplit pas les conditions de délivrance d'un titre de séjour sur le fondement des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

Par un mémoire en défense, enregistré le 6 juillet 2015, MmeB..., représentée par MeA..., conclut :

1°) au rejet de la requête ;

2°) à ce qu'il soit enjoint au préfet de la Haute-Savoie de produire l'intégralité de son dossier, de lui délivrer une carte de séjour temporaire avec autorisation de travail sous astreinte de 50 euros par jour de retard ou de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour avec autorisation de travail sous la même astreinte ;

3°) à ce que soit mis à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 1 600 euros en application des dispositions de l'article L. 761 1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que :

- elle a sollicité une carte de séjour temporaire sur le fondement de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- c'est à bon droit que les premiers juges ont estimé que le refus de titre de séjour était insuffisamment motivé, dès lors qu'elle se prévalait également de sa situation professionnelle ;

- le préfet a, eu égard aux dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, porté sur sa situation une appréciation manifestement erronée ;

- le refus de titre de séjour méconnaît les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et l'obligation de quitter le territoire français celles du 10° de l'article L. 511-4 du même code ; la procédure prévue par l'arrêté du 8 juillet 1999 n'a pas été respectée ; son état de santé ne peut, contrairement à ce qu'allègue le préfet, être pris en charge de manière adaptée dans son pays d'origine ;

- le refus de titre de séjour procède d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de ses conséquences sur sa situation personnelle.

Mme B...a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision du bureau d'aide juridictionnelle du 22 juillet 2015.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme Peuvrel a été entendu au cours de l'audience publique.

1. Considérant que MmeB..., ressortissante kosovare née le 16 février 1977 et entrée en France le 10 juin 2009, a présenté une demande de titre de séjour sur le fondement de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile le 3 juin 2013 et sur le fondement du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile le 10 juin 2013 ; que, par arrêté du 19 décembre 2014, le préfet de la Haute-Savoie a rejeté cette demande, a obligé Mme B...à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a désigné un pays de renvoi ; que, par jugement du 9 avril 2015, le tribunal administratif de Grenoble a annulé cet arrêté, motif pris de l'insuffisance de motivation du refus de titre de séjour, a enjoint au préfet de la Haute-Savoie de réexaminer la demande de Mme B...dans un délai de deux mois et a mis à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 800 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; que le préfet de la Haute-Savoie relève appel de ce jugement ;

Sur les conclusions à fin d'annulation :

2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée au 1° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 311-7. (...) " ; qu'en présence d'une demande de régularisation présentée sur le fondement de l'article L. 313-14 précité par un étranger qui ne serait pas en situation de polygamie et dont la présence en France ne présenterait pas une menace pour l'ordre public, il appartient à l'autorité administrative de vérifier, dans un premier temps, si l'admission exceptionnelle au séjour par la délivrance d'une carte portant la mention "vie privée et familiale" répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard de motifs exceptionnels, et à défaut, dans un second temps, s'il est fait état de motifs exceptionnels de nature à permettre la délivrance, dans ce cadre, d'une carte de séjour temporaire portant la mention "salarié" ou "travailleur temporaire" ; que, dans cette hypothèse, il appartient à l'autorité administrative, sous le contrôle du juge, d'examiner, notamment, si la qualification, l'expérience et les diplômes de l'étranger ainsi que les caractéristiques de l'emploi auquel il postule, de même que tout élément de sa situation personnelle dont l'étranger ferait état à l'appui de sa demande, tel que par exemple, l'ancienneté de son séjour en France, peuvent constituer, en l'espèce, des motifs exceptionnels d'admission au séjour ; qu'il appartient en conséquence au préfet de motiver sa décision de refus de titre de séjour, comme toute décision défavorable entrant dans le champ d'application de la loi du 11 juillet 1979, en énonçant les faits de l'espèce qu'il retient ou écarte, notamment, au regard de la qualification, de l'expérience et des diplômes du demandeur ainsi que des caractéristiques de l'emploi auquel il postule, de même qu'au regard de tout élément de sa situation personnelle dont le demandeur aurait fait état ;

3. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que, pour rejeter la demande de titre de séjour de MmeB..., le préfet de la Haute-Savoie a observé qu'elle était célibataire sans enfant, se maintenait de manière irrégulière sur le territoire français, n'établissait pas être dépourvue d'attaches au Kosovo, où elle avait vécu jusqu'à l'âge de trente-deux ans, ne démontrait pas que le centre de ses intérêts se situait en France et que la durée de son séjour en France, le fait que l'une de ses soeurs y réside, sa situation familiale et ses conditions d'existence sur le territoire français ne constituaient pas des circonstances suffisantes pour caractériser des considérations humanitaires ou des motifs exceptionnels au sens des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; qu'il ressort des pièces du dossier que, dans sa demande du 3 juin 2013 reçue le 24 juin 2013, Mme B...faisait valoir qu'elle avait suivi auprès de la MJC Rhône-Alpes une formation en alternance, avait travaillé de novembre 2012 à mars 2013 pendant l'examen de sa demande d'asile et qu'elle disposait de "possibilités d'insertion professionnelle" ; qu'étaient joints à ce courrier une "déclaration d'embauche" et des bulletins de salaire ; que, dans un courrier complémentaire du 24 septembre 2014, reçu par le préfet le 30 septembre 2014, auquel elle a annexé les pièces justificatives correspondantes, à savoir une promesse d'embauche et un document CERFA de demande d'autorisation de travail, elle faisait valoir plus précisément que la société AALPE 74 était disposée à l'embaucher en contrat à durée indéterminée et qu'un particulier souhaitait l'employer à domicile pour une durée de six heures par semaine ; que le préfet de la Haute-Savoie, en se bornant à examiner la situation personnelle et familiale de Mme B...sans examiner sa situation professionnelle, alors que les dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile permettent de délivrer soit une carte de séjour temporaire portant la mention vie privée et familiale, soit une carte de séjour temporaire portant la mention "salarié" et que l'intéressée avait fait valoir ces deux volets dans sa demande, a, comme en ont jugé à bon droit les premiers juges, insuffisamment motivé le refus de titre de séjour qu'il a opposé à MmeB... ;

4. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le préfet de la Haute-Savoie n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande ;

Sur les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte présentées par Mme B... :

5. Considérant que les premiers juges ont, à bon droit, estimé qu'eu égard à son motif, l'annulation prononcée par le présent arrêt impliquait seulement le réexamen de la demande de Mme B...tendant à la délivrance d'un titre de séjour et enjoint au préfet de la Haute-Savoie de procéder à ce réexamen dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement et de délivrer à l'intéressée une autorisation provisoire de séjour dans un délai de quinze jours à compter de la notification du l'arrêt, sans qu'il n'y ait lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte ; que, par suite, à supposer que Mme B...ait entendu demander, par la voie de l'appel incident, l'annulation du jugement attaqué en ce qu'il a rejeté ses conclusions tendant à ce qu'il soit enjoint au préfet de la Haute-Savoie de lui délivrer un titre de séjour, ces conclusions doivent être rejetées ;

Sur les frais non compris dans les dépens :

6. Considérant que MmeB..., qui a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale, ne justifie pas avoir exposé des frais excédant ceux au titre desquels elle a obtenu l'aide juridictionnelle ; que, par suite, ses conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées ;

DECIDE :

Article 1er : La requête du préfet de la Haute-Savoie est rejetée.

Article 2 : Les conclusions incidentes de Mme C...B...et ses conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à Mme C...B....

Copie en sera adressée au préfet de la Haute-Savoie.

Délibéré après l'audience du 15 novembre 2016, à laquelle siégeaient :

- M. Alfonsi, président de chambre,

- M. Drouet, président-assesseur,

- Mme Peuvrel, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 6 décembre 2016.

2

N° 15LY01640


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 3ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 15LY01640
Date de la décision : 06/12/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. ALFONSI
Rapporteur ?: Mme Nathalie PEUVREL
Rapporteur public ?: M. CLEMENT
Avocat(s) : LEREIN FRANCES MERGUY

Origine de la décision
Date de l'import : 27/12/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2016-12-06;15ly01640 ?
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