Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
Mme C...E...a demandé au tribunal administratif de Lyon de condamner les Hospices civils de Lyon et l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) à lui verser une somme totale de 477 277,62 euros en réparation des préjudices subis du fait de l'intervention pratiquée le 16 décembre 2009 au sein de l'hôpital neurologique et neurochirurgical de Lyon.
Par un jugement n° 1206281 du 24 mars 2015, le tribunal administratif de Lyon a rejeté cette demande.
Procédure devant la cour
Par une requête enregistrée le 11 mai 2015, MmeE..., représentée par Me G..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Lyon du 24 mars 2015 ;
2°) de condamner les Hospices civils de Lyon et l'ONIAM à lui verser une somme totale de 477 277,62 euros en réparation des préjudices subis du fait de l'intervention réalisée le 16 décembre 2009 au sein de l'hôpital neurologique et neurochirurgical de Lyon ;
3°) de condamner lesdits établissements aux dépens ;
4°) de mettre à leur charge une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient :
En ce qui concerne la responsabilité des Hospices civils de Lyon et de l'ONIAM :
- qu'elle souffre de douleurs lombaires persistantes et d'un état dépressif sévère ;
- qu'eu égard à ses difficultés sociales et psychologiques, l'indication opératoire n'était pas adaptée, de sorte l'hôpital a commis une faute en proposant ce traitement et a manqué à son devoir d'information ;
- que compte tenu de la gravité de son état, lequel est lié à l'intervention chirurgicale du 16 décembre 2009, l'ONIAM doit prendre en charge ses préjudices au titre de la solidarité nationale ;
En ce qui concerne les préjudices subis :
- que ses frais divers s'élèvent à 675 euros ;
- que l'assistance par une tierce personne, à raison de trois puis deux heures par jour, doit être indemnisée à hauteur de 23 320 euros avant consolidation et à 338 282,62 euros après consolidation ;
- que l'incidence professionnelle doit être estimée à 50 000 euros ;
- que les souffrances endurées, évaluées à 4 sur 7, doivent être réparées à hauteur de 12 000 euros ;
- que son déficit fonctionnel permanent, évalué à 25 %, doit être indemnisé à hauteur de 50 000 euros ;
- que son préjudice esthétique doit être fixé à 1 500 euros ;
- que son préjudice d'agrément doit être évalué à 1 500 euros.
Par un mémoire en défense enregistré le 21 juillet 2015, l'ONIAM, représenté par Me D..., conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que les conditions pour une indemnisation au titre de la solidarité nationale ne sont pas remplies dès lors :
- que l'état actuel de Mme E...est en lien avec son état antérieur ;
- qu'en tout état de cause, ne présente pas un caractère anormal au regard de son état de santé initial comme de l'évolution prévisible de celui-ci ;
- qu'au surplus, les seuils de gravité ouvrant droit à une indemnisation au titre de la solidarité nationale ne sont pas atteints.
Par un mémoire en défense enregistré le 8 avril 2016, les Hospices civils de Lyon, représentés par MeF..., concluent au rejet de la requête.
Ils font valoir :
- qu'aucune faute médicale ne peut leur être reprochée dans la prise en charge de Mme E... ;
- qu'ils n'ont pas manqué à leur devoir d'information ;
- que Mme E...ne justifie de ses préjudices ni dans leur principe ni dans leur montant.
Par une ordonnance du 28 juin 2016, la clôture d'instruction a été fixée au 19 juillet 2016, en application des articles R. 613-1 et R. 613-3 du code de justice administrative.
Un mémoire, présenté pour MmeE..., a été enregistré le 12 septembre 2016 mais non communiqué.
Par une décision du 2 juin 2015, Mme E...a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de la santé publique ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Beytout, premier conseiller,
- les conclusions de Mme Vigier-Carrière, rapporteur public,
- et les observations de MeB..., représentant MmeE....
1. Considérant que MmeE..., qui est née le 29 juin 1961, a été opérée en 2001 d'une hernie discale lombaire responsable d'une lombo-sciatique ; que suite à de nouvelles douleurs radiculaires L4-L5 bilatérales en 2008, elle a été prise en charge au sein de l'hôpital neurologique et neurochirurgical de Lyon, lequel dépend des Hospices civils de Lyon ; que les examens réalisés ont mis en évidence une double compression L4-L5 et L5-S1 conduisant à l'indication chirurgicale de discectomie L4-L5 ; que lors de cette opération, qui a eu lieu le 16 décembre 2009, est survenue une brèche de la dure-mère, nécessitant une reprise opératoire le 22 décembre suivant ; qu'en dépit de la discectomie, Mme E...a continué à ressentir des douleurs ; que des examens ont mis en évidence la persistance d'une hernie L4-L5 et l'existence d'une hernie L5-S1 ; que Mme E...a en outre présenté un syndrome dépressif sévère ; que par la présente requête, Mme E...relève appel du jugement du tribunal administratif de Lyon rejetant sa demande tendant à la condamnation des Hospices civils de Lyon et de l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) à lui verser une somme totale de 477 277,62 euros en réparation des préjudices subis du fait de l'intervention pratiquée le 16 décembre 2009 au sein de l'hôpital neurologique et neurochirurgical de Lyon ;
Sur la responsabilité des Hospices civils de Lyon :
En ce qui concerne l'existence d'une faute dans le choix thérapeutique effectué :
2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique : " I. - Hors le cas où leur responsabilité est encourue en raison d'un défaut d'un produit de santé, les professionnels de santé mentionnés à la quatrième partie du présent code, ainsi que tout établissement, service ou organisme dans lesquels sont réalisés des actes individuels de prévention, de diagnostic ou de soins ne sont responsables des conséquences dommageables d'actes de prévention, de diagnostic ou de soins qu'en cas de faute. " ;
3. Considérant qu'il résulte de l'instruction, et notamment du rapport de l'expertise réalisée par le DrA..., qu'après consolidation, Mme E...présente des lombalgies entraînant un déficit fonctionnel permanent de 5 % et un état dépressif sévère correspondant à un déficit fonctionnel permanent de 20 % ; que l'expert relève que l'indication opératoire de discectomie était justifiée par l'importance des doléances ; qu'il précise que l'intervention du 16 décembre 2009 a été conduite selon les règles de l'art et que la brèche de la dure-mère, qui constitue une complication fréquente et classique, a été correctement prise en charge ; qu'il indique que l'état actuel de Mme E..." est d'origine multifactorielle et dépend dans des proportions difficiles à déterminer avec précision du contexte social, personnel et psychologique au moment de l'intervention (...), de l'échec du traitement chirurgical (...) de la complication (non fautive) survenue lors de l'intervention du 16 décembre, guérie par la seconde intervention du 22 décembre et du traumatisme psychologique vécu pendant l'hospitalisation " et en conclut que cet état de Mme E...apparaît " comme l'évolution prévisible de son état antérieur, l'échec du traitement chirurgical n'apparaissant que comme un facteur déclenchant " ; qu'ainsi, les troubles actuels de Mme E...ne découlent pas d'une faute commise dans la réalisation de l'intervention mais résultent simplement d'un échec thérapeutique, lequel ne saurait engager la responsabilité des Hospices civils de Lyon ;
En ce qui concerne l'existence d'un défaut d'information :
4. Considérant qu'aux termes de l'article L. 1111-2 du code de la santé publique : " Toute personne a le droit d'être informée sur son état de santé. Cette information porte sur les différentes investigations, traitements ou actions de prévention qui sont proposés, leur utilité, leur urgence éventuelle, leurs conséquences, les risques fréquents ou graves normalement prévisibles qu'ils comportent ainsi que sur les autres solutions possibles et sur les conséquences prévisibles en cas de refus. Lorsque, postérieurement à l'exécution des investigations, traitements ou actions de prévention, des risques nouveaux sont identifiés, la personne concernée doit en être informée, sauf en cas d'impossibilité de la retrouver. / Cette information incombe à tout professionnel de santé dans le cadre de ses compétences et dans le respect des règles professionnelles qui lui sont applicables. Seules l'urgence ou l'impossibilité d'informer peuvent l'en dispenser. /. (...) " ;
5. Considérant qu'il résulte de l'instruction, et notamment du rapport d'expertise précité, que Mme E...a été informée du risque d'échec thérapeutique de l'intervention chirurgicale proposée ; que le risque de dépression lié à un tel échec thérapeutique n'avait pas à faire l'objet d'une information particulière, compte tenu de l'absence de lien spécifique avec la pathologie dont souffrait MmeE... ;
Sur les conclusions à fin d'indemnisation par l'ONIAM au titre de la solidarité nationale :
6. Considérant qu'aux termes des dispositions du II de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique : " Lorsque la responsabilité d'un professionnel, d'un établissement, service ou organisme mentionné au I ou d'un producteur de produits n'est pas engagée, un accident médical, une affection iatrogène ou une infection nosocomiale ouvre droit à la réparation des préjudices du patient, et, en cas de décès, de ses ayants droit au titre de la solidarité nationale, lorsqu'ils sont directement imputables à des actes de prévention, de diagnostic ou de soins et qu'ils ont eu pour le patient des conséquences anormales au regard de son état de santé comme de l'évolution prévisible de celui-ci et présentent un caractère de gravité, fixé par décret, apprécié au regard de la perte de capacités fonctionnelles et des conséquences sur la vie privée et professionnelle mesurées en tenant notamment compte du taux d'atteinte permanente à l'intégrité physique ou psychique, de la durée de l'arrêt temporaire des activités professionnelles ou de celle du déficit fonctionnel temporaire. / Ouvre droit à réparation des préjudices au titre de la solidarité nationale un taux d'incapacité permanente supérieur à un pourcentage d'un barème spécifique fixé par décret ; ce pourcentage, au plus égal à 25 %, est déterminé par ledit décret " ;
7. Considérant qu'il résulte de ces dispositions que l'ONIAM doit assurer, au titre de la solidarité nationale, la réparation des dommages résultant directement d'actes de prévention, de diagnostic ou de soins à la double condition qu'ils présentent un caractère d'anormalité au regard de l'état de santé du patient comme de l'évolution prévisible de cet état, et que leur gravité excède le seuil défini à l'article D. 1142-1 du code de la santé publique ;
8. Considérant qu'ainsi qu'il a été dit au point 3, l'état actuel de MmeE..., à savoir des lombalgies persistantes et un syndrome dépressif sévère, résulte de l'échec thérapeutique de l'intervention réalisée le 16 décembre 2009 ; que cet état n'est pas ainsi directement imputable à des actes de prévention, de diagnostic ou de soins, mais est lié à son état de santé antérieur et à l'évolution prévisible de celui-ci ; qu'un tel échec thérapeutique n'a pas vocation à être indemnisé par l'ONIAM au titre de la solidarité nationale ;
9. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède, que Mme E...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande ; que, par voie de conséquence, ses conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées ;
DECIDE :
Article 1er : La requête de Mme E...est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C...E..., aux Hospices civils de Lyon, à l'Office d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales et à la caisse primaire d'assurance maladie du Rhône.
Délibéré après l'audience du 10 novembre 2016 à laquelle siégeaient :
M. Faessel, président de chambre,
M. Seillet, président-assesseur,
Mme Beytout, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 1er décembre 2016.
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N° 15LY01586