Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
Mme C...D...et M. B...D...ont demandé au tribunal administratif de Lyon l'annulation des arrêtés du 20 avril 2015 par lesquels le préfet du Rhône a refusé de leur délivrer un certificat de résidence, a assorti ces refus d'obligations de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.
Par un jugement n° 1504641-1504643 du 10 novembre 2015, le tribunal administratif de Lyon a rejeté ces demandes.
Procédure devant la cour
Par deux requêtes enregistrées le 25 janvier 2016 et des mémoires en réplique enregistrés le 1er septembre 2016, M. et Mme D...demandent à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Lyon du 10 novembre 2015 ;
2°) d'annuler les arrêtés du préfet du Rhône du 20 avril 2015 ;
3°) d'enjoindre au préfet du Rhône de leur délivrer un certificat de résidence et dans l'attente de leur délivrer une autorisation de séjour et de travail dans un délai de 48h à compter de la notification de l'arrêté à intervenir, sous astreinte de 5 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à leur conseil d'une somme de 2 500 euros au titre des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Ils soutiennent :
En ce qui concerne les refus de titre de séjour :
- que la compétence de leur auteur n'est pas rapportée ;
- qu'ils ne sont pas suffisamment motivés ;
- qu'ils sont entachés d'erreur manifeste d'appréciation concernant la disponibilité du traitement ;
- qu'ils méconnaissent le 5) de l'article 6 de l'accord franco-algérien et l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- qu'ils violent l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
En ce qui concerne les obligations de quitter le territoire français :
- qu'elles sont dépourvues de base légale du fait de l'illégalité des refus de titre de séjour ;
- que la compétence de leur auteur n'est pas rapportée ;
- qu'elles méconnaissent le 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- qu'elles violent l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- qu'elles violent l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.
Par des mémoires en défense enregistrés le 27 juillet 2016, le préfet du Rhône conclut au rejet des deux requêtes.
Il fait valoir qu'un suivi médical adapté est disponible en Algérie.
M. et Mme D...ont été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décisions du bureau d'aide juridictionnelle du 17 décembre 2015.
Vu les autres pièces des dossiers.
Vu :
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant signée à New-York le 26 janvier 1990 ;
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'accord franco algérien du 27 décembre 1968 modifié relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour des ressortissants algériens et de leurs familles ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée relative à l'aide juridique ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
A été entendu au cours de l'audience publique le rapport de Mme Beytout, premier conseiller.
1. Considérant que les requêtes susvisées sont relatives à la situation de deux membres d'un même couple et présentent à juger des questions semblables ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par un même arrêt ;
2. Considérant que MmeD..., ressortissante algérienne, est entrée régulièrement en France le 15 septembre 2013 avec ses trois enfants mineurs ; que M. D... est, quant à lui, entré régulièrement sur le territoire français le 13 avril 2014 ; que M. et Mme D...ont sollicité la délivrance d'un certificat de résidence sur le fondement des stipulations du 5) de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 susvisé eu égard à l'état de santé de leur fille cadetteA..., née le 27 novembre 2011 ; que celle-ci, atteinte d'une surdité totale, a bénéficié le 19 mai 2014 d'une implantation cochléaire bilatérale ; que, par deux arrêtés du 20 avril 2015, le préfet du Rhône a rejeté leurs demandes, leur a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination ; que M. et Mme D...relèvent appel du jugement du 10 novembre 2015 par lequel le tribunal administratif de Lyon a rejeté leurs demandes ;
Sur les conclusions à fin d'annulation :
3. Considérant que par un avis du 21 mai 2014, le médecin de l'agence régionale de santé a estimé que l'état de santé de A...nécessitait une prise en charge dont le défaut pouvait avoir des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qu'elle ne pouvait avoir accès dans son pays d'origine à un traitement approprié ; que s'il ressort des pièces produites par le préfet du Rhône que plusieurs hôpitaux algériens sont équipés pour traiter les implantations cochléaires, il ressort également des pièces qu'il a lui-même produites en appel qu'il existe des carences dans l'accompagnement des patients bénéficiaires de ces implantations ; que M. et Mme D...produisent en outre un certificat médical du professeur Djennaoui, chef du service ORL au CHU Mustapha d'Alger, en date du 5 août 2015, qui indique que le type d'implant utilisé pour la jeuneA..., implant de dernière génération totalement inconnu en Algérie, nécessite des réglages permanents, spécifiques et précis qui ne peuvent être réalisés en Algérie ; qu'ainsi, il n'existe pas en Algérie de traitement approprié à la pathologie de A...; que compte tenu de la nécessité pour les parents de rester auprès de leur fille, eu égard à son jeune âge et à son état de santé, le préfet du Rhône a commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences des refus de séjour sur la situation personnelle des intéressés ;
4. Considérant qu'il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens des deux requêtes, que M. et Mme D... sont fondés à soutenir que les décisions du préfet portant refus de titre de séjour sont illégales, de même que, par voie de conséquence, celles portant obligation de quitter le territoire français ;
5. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme D...sont fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté leurs demandes ;
Sur les conclusions à fin d'injonction :
6. Considérant que le présent arrêt implique qu'il soit enjoint au préfet du Rhône de délivrer aux requérants un certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale ", dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ; qu'il y a également lieu d'enjoindre au préfet du Rhône de délivrer aux requérants une autorisation provisoire de séjour avec autorisation de travail dans l'attente de la délivrance de ces titres ; qu'il n'y a pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 :
7. Considérant que M. et Mme D...ont obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale ; que, par suite, leur avocat peut se prévaloir des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 susvisée ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre, à ce titre, à la charge de l'Etat la somme totale de 1 000 euros au profit de Me Chellal, avocate des requérants, sous réserve qu'elle renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat à l'aide juridictionnelle ;
DECIDE :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Lyon du 10 novembre 2015 et les arrêtés du préfet du Rhône du 20 avril 2015 sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au préfet du Rhône de délivrer à M. et Mme D...un certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " dans le délai d'un mois suivant la notification du présent arrêt, et dans l'intervalle, de leur délivrer une autorisation provisoire de séjour avec autorisation de travail.
Article 3 : L'Etat versera à Me Chellal une somme totale de 1 000 euros au titre des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve qu'elle renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat à l'aide juridictionnelle.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C...D..., à M.B... D... et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet du Rhône.
Délibéré après l'audience du 20 octobre 2016 à laquelle siégeaient :
M. Faessel, président de chambre,
M. Seillet, président-assesseur,
Mme Beytout, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 15 novembre 2016.
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N° 16LY00352...