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10/11/2016 | FRANCE | N°15LY00365

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 4ème chambre - formation à 3, 10 novembre 2016, 15LY00365


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La commune de Voiron a demandé au tribunal administratif de Grenoble de condamner, solidairement ou in solidum, la société Dhien Sols et le cabinet d'architecte Louis et Perino à lui verser une somme de 50 000 euros, à parfaire éventuellement, au titre des désordres affectant les sols de la salle de spectacle Le Grand Angle.

Par un jugement n° 1206006 du 12 novembre 2014, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande et mis à sa charge les sommes de 1 200 euros à verser à la sociét

é Dhien Sols et à la société Louis et Perino au titre de l'article L. 761-1 du co...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La commune de Voiron a demandé au tribunal administratif de Grenoble de condamner, solidairement ou in solidum, la société Dhien Sols et le cabinet d'architecte Louis et Perino à lui verser une somme de 50 000 euros, à parfaire éventuellement, au titre des désordres affectant les sols de la salle de spectacle Le Grand Angle.

Par un jugement n° 1206006 du 12 novembre 2014, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande et mis à sa charge les sommes de 1 200 euros à verser à la société Dhien Sols et à la société Louis et Perino au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 30 janvier 2015, la commune de Voiron, ayant pour avocat la SCP Martin Marie Guillon, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Grenoble du 12 novembre 2014 ;

2°) d'ordonner une expertise avant dire droit, ou, à défaut, de condamner, solidairement ou in solidum, la société Dhien Sols et le cabinet d'architecte Louis et Perino à lui verser une somme de 50 000 euros, à parfaire ;

3°) de mettre à la charge de la société Dhien Sols et du cabinet d'architecte Louis et Perino, solidairement ou in solidum, une somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- c'est à tort que le tribunal a estimé que les réserves n'avaient pas été levées et que les rapports contractuels s'étaient poursuivis pour rejeter sa demande, dès lors que la levée des réserves est intervenue par procès-verbal du 5 juillet 2011 ;

- elle est fondée à invoquer les dispositions de l'article 1792-3 du code civil car la société Dhien Sols n'est jamais intervenue, malgré ses engagements, pour remédier aux désordres affectant les sols ;

- il y a lieu de désigner un expert, aux fins de se rendre sur les lieux après avoir régulièrement convoqué les parties et leurs conseils, prendre connaissance de tous documents utiles à l'accomplissement de sa mission, rechercher les causes des dommages, fournir au tribunal les éléments matériels qui lui permettront de statuer sur les responsabilités éventuellement encourues, décrire et chiffrer les travaux nécessaires.

Par un mémoire enregistré le 15 avril 2015, la société Dhien Sols, ayant pour avocat la SCP Pierrot et Neel, demande à la cour :

1°) à titre principal, de rejeter la requête ;

2°) à titre subsidiaire, de condamner le cabinet Louis et Perino à la relever et garantir de toute condamnation prononcée à son encontre, ou à tout le moins d'opérer un partage de responsabilité ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Voiron, ou de qui mieux le devra, une somme de 3 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- sa responsabilité ne saurait être engagée sur le fondement des dispositions de l'article 1792-3 du code civil dès lors que le revêtement de sol incriminé ne peut être assimilé à la réalisation d'un ouvrage de construction, s'agissant de travaux portant sur des ouvrages existants et qu'il n'est pas un élément d'équipement dissociable au sens de ces dispositions ;

- sa responsabilité ne saurait être engagée sur le fondement des dispositions de l'article 1792-3 du code civil dès lors que les désordres invoqués étaient apparents lors des opérations de réception et ont fait l'objet de réserves ;

- la réalité des désordres n'est pas établie ;

- les désordres sont imputables aux autres sociétés intervenant sur le chantier qui ont abîmé les revêtements de sol en effectuant les tâches qui leur étaient confiées et alors qu'un dégât des eaux est survenu en cours de chantier ;

- le quantum du préjudice allégué n'est pas établi ;

- elle doit être garantie des éventuelles condamnations prononcées contre elle par la société Louis et Perino eu égard aux fautes commises par celle-ci dans la surveillance et la conduite du chantier ; à tout le moins, il doit être procédé à un partage de responsabilité.

Par un mémoire enregistré le 6 juillet 2015, la société Louis et Perino, représentée par MeA..., conclut au rejet de la requête ainsi que des conclusions dirigées à son encontre et demande à la cour de mettre à la charge de la commune de Voiron ou de tout autre succombant une somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la commune ne peut fonder sa demande de condamnation sur les dispositions de l'article 1792-3 du code civil dès lors que les désordres invoqués ont fait l'objet de réserves lors des opérations de réception et que les relations contractuelles n'ont pas cessé ; le procès-verbal proposant la levée des réserves n'a pas été signé par la commune, qui a manifesté un refus de l'entériner ;

- à titre subsidiaire, les désordres en cause ne sauraient relever de la garantie biennale, dès lors qu'ils relèvent exclusivement de la garantie de parfait achèvement et qu'il s'agit d'éléments d'équipement inertes ;

- à titre infiniment subsidiaire, l'architecte n'est pas débiteur de la garantie biennale ;

- la demande indemnitaire, dépourvue de justification, n'est fondée ni dans son principe, ni dans son quantum ;

- il ne saurait y avoir lieu à condamnation solidaire ou in solidum en absence de démonstration d'une faute commune ;

- l'appel en garantie de la société Dhien sols est insuffisamment motivé dés lors que celle-ci ne s'appuie que sur des jurisprudences émanant de juridictions judiciaires et non administratives ;

- la mission ordonnancement pilotage et coordination ne lui incombait pas mais était à la charge de la société SGI qui n'a pas été mise en cause ;

- la société Dhien sols ne saurait invoquer l'insuffisante surveillance de ses travaux par le maître d'oeuvre dés lors qu'eu égard à sa qualité d'entreprise spécialiste qui se devait de réaliser ses travaux dans les règles de l'art, elle ne peut se prévaloir de sa propre turpitude ;

- une mesure d'expertise n'a pas à être ordonnée pour pallier les carences des parties ; il appartenait à la commune de mettre en oeuvre la garantie de parfait achèvement de son co-contractant dans l'année suivant la réception des travaux, avant le 17 novembre 2011.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code civil ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Samson-Dye, rapporteur,

- les conclusions de M. Dursapt, rapporteur public ;

- les observations de MeA..., représentant le cabinet d'architecte Louis et Perino.

1. Considérant que la commune de Voiron relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à la condamnation de la société Dhien Sols et de la société Louis et Perino à lui verser une somme de 50 000 euros, à parfaire après expertise, sur le fondement de la garantie de bon fonctionnement ;

Sur la garantie de bon fonctionnement :

2. Considérant qu'il résulte de l'instruction que la commune de Voiron a confié la maîtrise d'oeuvre du projet de requalification d'une salle de spectacle à la société Louis et Perino, par contrat conclu le 15 juin 2009 ; que le lot n° 9 relatif aux sols souples a été attribué, le 12 mars 2010, à la société Dhien Sols ; que la commune de Voiron doit être regardée comme recherchant la responsabilité du maître d'oeuvre et de cette entreprise sur le fondement des principes dont s'inspire l'article 1792-3 du code civil, consacrant une obligation de garantie de bon fonctionnement des éléments d'équipement de l'ouvrage à la charge des constructeurs, d'une durée minimale de deux ans à compter de sa réception ;

3. Considérant que la réception est l'acte par lequel le maître de l'ouvrage déclare accepter l'ouvrage avec ou sans réserve et qu'elle met fin aux rapports contractuels entre le maître de l'ouvrage et les constructeurs en ce qui concerne la réalisation de l'ouvrage ; qu'en l'absence de stipulations particulières prévues par les documents contractuels, lorsque la réception est prononcée avec réserves, les rapports contractuels entre le maître de l'ouvrage et les constructeurs se poursuivent concernant les travaux ou les parties de l'ouvrage ayant fait l'objet des réserves ; que, dans ces conditions, et sous réserve de stipulations contraires, la garantie de bon fonctionnement ne peut être mise en oeuvre pour les travaux ou parties d'ouvrage demeurant soumis à ces réserves;

4. Considérant qu'il résulte de l'instruction que, par un document du 19 novembre 2010, le maître d'ouvrage a prononcé la réception des travaux du lot n° 9, sous réserve de l'exécution de divers travaux ; que la commune ne conteste pas que les travaux faisant l'objet de ces réserves sont ceux sur lesquels porte sa demande indemnitaire ; que, si elle soutient, pour la première fois en appel, que les réserves ont été levées, elle se borne à produire, au soutien de cette allégation, un procès-verbal de réception de levée des réserves, sous la forme d'un formulaire EXE 10, qui ne comporte que les seules signatures du maître d'oeuvre et de l'entreprise ; qu'elle ne produit, en revanche, pas de document comportant une proposition formalisée du maître d'oeuvre de lever les réserves, ou, en tout état de cause, d'acte formalisant sa propre décision de lever les réserves ; qu'elle n'invoque pas davantage une levée tacite des réserves ; que le maître d'oeuvre soutient, pour sa part, sans avoir été contredit, que la commune a refusé d'entériner le procès-verbal de réception des réserves ; que, dans ces conditions, ces réserves doivent être regardées comme n'ayant pas été levées ; qu'il ne résulte pas de l'instruction que des stipulations contractuelles permettraient, en l'espèce, de faire jouer la garantie de bon fonctionnement pour les travaux ayant fait l'objet de ces réserves non levées ; que les relations contractuelles continuant à se poursuivre entre la commune et la société Dhien Sols s'agissant des travaux objet de ces réserves, le maître d'ouvrage n'est pas fondé à rechercher la responsabilité du titulaire du lot n° 9 et du maître d'oeuvre sur le fondement de la garantie de bon fonctionnement ; que, par suite, et sans qu'il soit dès lors besoin d'ordonner l'expertise sollicitée, la commune de Voiron n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont rejeté sa demande ;

Sur les frais non compris dans les dépens :

5. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la cour fasse bénéficier la partie perdante du paiement par l'autre partie des frais exposés à l'occasion du litige soumis au juge et non compris dans les dépens ; que, dès lors, les conclusions de la commune de Voiron qui succombe à l'instance doivent être rejetées ;

6. Considérant qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées au même titre par la société Dhien Sols et la société Louis et Perino ;

DECIDE :

Article 1er : La requête de la commune de Voiron est rejetée.

Article 2 : Les conclusions de la société Dhien Sols et de la société Louis et Perino tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Voiron, à la société Dhien Sols et à la société Louis et Perino.

Délibéré après l'audience du 13 octobre 2016 à laquelle siégeaient :

M. d'Hervé, président,

Mme Michel, président-assesseur,

Mme Samson-Dye, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 10 novembre 2016.

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N° 15LY00365


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 4ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 15LY00365
Date de la décision : 10/11/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

39-06-01-03 Marchés et contrats administratifs. Rapports entre l'architecte, l'entrepreneur et le maître de l'ouvrage. Responsabilité des constructeurs à l'égard du maître de l'ouvrage. Responsabilité biennale.


Composition du Tribunal
Président : M. d'HERVE
Rapporteur ?: Mme Aline SAMSON DYE
Rapporteur public ?: M. DURSAPT
Avocat(s) : SCP MMG - MARTIN-MARIE-GUILLON

Origine de la décision
Date de l'import : 27/12/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2016-11-10;15ly00365 ?
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