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27/10/2016 | FRANCE | N°15LY00019

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 6ème chambre - formation à 3, 27 octobre 2016, 15LY00019


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C...a demandé dans le dernier état de ses écritures au tribunal administratif de Grenoble :

- de déclarer engagée la responsabilité de la commune de Saint-Hilaire-du-Rosier pour la chute à bicyclette dont il a été victime le 14 avril 2009 ;

- d'ordonner avant dire droit une expertise pour les préjudices liés à son état de santé et de condamner la commune de Saint-Hilaire-du-Rosier à lui verser la somme de 1 748 euros à titre de son préjudice matériel et la somme de 8 000 euros,

titre provisionnel, concernant son état de santé ;

- de mettre à la charge la commune de ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C...a demandé dans le dernier état de ses écritures au tribunal administratif de Grenoble :

- de déclarer engagée la responsabilité de la commune de Saint-Hilaire-du-Rosier pour la chute à bicyclette dont il a été victime le 14 avril 2009 ;

- d'ordonner avant dire droit une expertise pour les préjudices liés à son état de santé et de condamner la commune de Saint-Hilaire-du-Rosier à lui verser la somme de 1 748 euros à titre de son préjudice matériel et la somme de 8 000 euros, à titre provisionnel, concernant son état de santé ;

- de mettre à la charge la commune de Saint-Hilaire-du-Rosier une somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

La caisse primaire d'assurance maladie de l'Isère a demandé le 18 février 2011 la condamnation de la commune de Saint-Hilaire-du-Rosier à lui verser 15 559,97 euros au titre de ses débours provisoires.

Par un jugement n° 1100283 du 6 novembre 2014, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté les demandes de M. C...et les conclusions de la caisse primaire d'assurance maladie de l'Isère.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 5 janvier 2015, M. C...demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Grenoble du 6 novembre 2014 et de déclarer la commune de Saint-Hilaire-du-Rosier responsable des préjudices subis du fait de sa chute du 14 avril 2009 ;

2°) de condamner la commune de Saint-Hilaire-du-Rosier à lui verser une somme de 1 748 euros en réparation de son préjudice matériel (bicyclette et tenue de sport) ;

3°) de condamner la commune de Saint-Hilaire-du-Rosier à lui verser une somme de 22 910 euros en réparation de son préjudice corporel , et à titre subsidiaire d'ordonner, avant dire droit sur le préjudice relatif à son état de santé, une expertise aux fins de décrire les séquelles qu'il a subies à la suite de sa chute et, dans l'attente, à lui payer, à titre provisionnel, la somme de 22 910 euros à valoir sur l'indemnisation des conséquences dommageables de son préjudice corporel ;

4°) de mettre à la charge de ladite commune une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le 14 avril 2009, alors qu'il circulait à bicyclette venant de la rue des marronniers et tournait à droite pour s'engager sur le chemin des scieries, il a fait une chute ;

- un témoin atteste avoir vu " la roue avant de son vélo se coincer et glisser sur la voie ferrée qui longe ce chemin " ;

- l'emplacement d'une telle voie ferrée abandonnée pose des difficultés pour les deux-roues, l'accotement de la rue de marronniers est en mauvais état et n'est pas entretenu, de la terre et des cailloux se déversent sur la chaussée de la rue des marronniers et la rendent glissante même par temps sec, des cailloux sont présents sur l'ancienne voie ferrée ;

- d'autres personnes ont indiqué avoir chuté à plusieurs reprises à cet endroit alors qu'elles circulaient en deux-roues ;

- la responsabilité de la commune de Saint-Hilaire-du-Rosier est engagée à raison du défaut d'entretien de cet ouvrage public, ce risque étant accru par l'absence de panneau pour signaler le danger d'un tel ouvrage pour les usagers des deux-roues ;

- sa faute éventuelle de vigilance n'exclut pas nécessairement la responsabilité de la commune pour défaut d'entretien normal de la voie communale ;

- à tort, les premiers juges n'ont pas retenu la responsabilité de la commune dans la signalisation des dangers de la voie communale ;

- il justifie d'un préjudice matériel (vélo, tenue) d'un montant de 1 748 euros ;

- le Dr E...a estimé à 168,56 euros son déficit fonctionnel temporaire total, à 1 697,64 euros son déficit fonctionnel temporaire partiel, à 7 000 euros son préjudice pour souffrances endurées, à 4 000 euros son préjudice esthétique, à 1 800 euros son déficit fonctionnel permanent, à 5 000 euros son préjudice d'agrément et à 3 243,70 euros son préjudice professionnel ;

Par mémoires, enregistrés le 3 mars 2015 et le 8 juillet 2015, pour la commune de Saint-Hilaire-du-Rosier, elle conclut à l'irrecevabilité de la requête, à titre subsidiaire au rejet de la requête de M. C...et à la condamnation de M. C...à lui verser 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- ne formulant plus comme en première instance une demande de provision à valoir sur son préjudice corporel mais une condamnation directe de la commune à lui verser différentes sommes en réparation de son préjudice corporel, une telle demande, nouvelle en appel, est irrecevable ;

- le juge du fond n'est pas compétent pour se prononcer sur l'attribution d'une somme provisionnelle, cette faculté étant réservée au juge des référés, la demande au fond d'une provision est donc irrecevable ;

- M. C...n'a pas précisé dans sa demande initiale devant le tribunal administratif le lieu exact de son accident ; plusieurs voies dont la route départementale 21 se croisent au lieudit La Nipsa ; le constat d'huissier produit plus de trois ans après ne saurait servir utilement de preuve sur la configuration présumée des lieux ; l'huissier pour mesurer la profondeur des interstices laissés par les rails a dû enlever de la terre pour atteindre la partie dure au fond de l'interstice et donc lesdites constatations de l'huissier ne permettent pas de rendre compte de la profondeur effective des rails au jour de l'accident ;

- la cause de l'accident ne réside pas du glissement de la roue du vélo sur des graviers ou des cailloux mais de la présence des rails laquelle ne constitue pas en tant que tel un défaut d'entretien de l'ouvrage public ;

- des dénivellations de 4 cm sont considérées comme normales par la jurisprudence administrative ; au cas présent les saillies laissées par les rails sont peu profondes (1 ou 2 cm) et non 4 cm comme relevé par l'huissier après enlèvement de la terre ; un comblement par des graviers a été réalisé ;

- les attestations produites relatives à des accidents au même endroit sont trop évasives et incomplètes ;

- M. C...a fait preuve d'imprudence, l'accident s'étant produit en plein jour, la configuration des lieux était visible et était connue par le requérant qui habitant la commune depuis de nombreuses années connaissait parfaitement les lieux ; cette imprudence est la cause exclusive de cet accident et exonère en totalité la responsabilité de la commune ;

- à titre subsidiaire, l'évaluation du préjudice corporel, réalisée sans constatations contradictoires, est surévaluée et doit être minorée ; la somme de 510 euros pour l'achat d'une literie n'est pas en lien avec le préjudice subi ; le devis établi sur papier libre ne permet pas d'établir que le remplacement des éléments de son vélo a été réalisé ;

- M. C...souffre d'une arthrose évoluée du genou droit sur antécédent du ligament croisé sans lien avec la chute de bicyclette en litige ;

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Cottier, premier conseiller ;

- les conclusions de Mme Vigier-Carrière, rapporteur public ;

- et les observations de MeB..., pour M. C...et de MeA..., pour la commune de Saint-Hilaire-du-Rosier.

1. Considérant que le 14 avril 2009 vers 16 h 45, M.C..., qui circulait à bicyclette en compagnie d'un ami sur la voie communale n°14 à Saint-Hilaire-du-Rosier, a fait une chute en tournant à droite en direction de la voie communale dénommée " chemin des scieries " ; que M.C..., imputant ladite chute au mauvais entretien de la voirie du fait de la présence d'une ligne de chemin de fer abandonnée implantée dans la chaussée, a présenté une demande auprès du tribunal administratif de Grenoble aux fins de reconnaissance de la responsabilité de la commune de Saint-Hilaire-du-Rosier ; que par le jugement du 6 novembre 2014 dont appel, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande ainsi que les conclusions de la caisse primaire d'assurance maladie de l'Isère tendant au remboursement des sommes exposées pour le compte de son assuré ;

Sur la responsabilité :

2. Considérant qu'il appartient à la victime d'un dommage survenu à l'occasion de l'utilisation d'un ouvrage public d'apporter la preuve du lien de causalité entre l'ouvrage public dont elle était usager et le dommage dont elle se prévaut ; que la collectivité en charge de l'ouvrage public peut s'exonérer de sa responsabilité en rapportant la preuve soit de l'entretien normal de l'ouvrage, soit de ce que le dommage est imputable à la faute de la victime ou à un cas de force majeure ;

3. Considérant qu'il résulte de l'instruction, et notamment des photographies et plans de situation, que l'accident s'est produit à hauteur des rails d'une voie de chemin de fer désaffectée incorporée à la voirie communale, et non sur la voie départementale n°21 comme l'expose la commune de Saint-Hilaire-du-Rosier ; que M. C...impute sa chute à un mauvais entretien de la rue du fait, en particulier, de la présence de ces rails désaffectés, lesquels créeraient un risque spécifique pour les deux-roues à raison d'un accotement dégradé sur plusieurs mètres qui a amené des cailloux et graviers à se répandre sur la voie ; que toutefois, il résulte de l'instruction que le témoin de cet accident se borne à indiquer qu'il a vu la roue avant de la bicyclette de M. C... " se coincer et glisser sur une voie ferrée " et qu'il ne fait pas mention de la présence de gravillons ou de cailloux provenant des jardinières abimées quelques mètres plus haut que le lieu de l'accident ; que dans de telles circonstances, le requérant n'établit pas de lien de causalité entre sa chute et la prétendue dégradation de la voie ; qu'en ce qui concerne les interstices existant entre les rails et l'asphalte à l'endroit de la chute, la commune de Saint-Hilaire-du-Rosier indique à juste titre, et conformément aux éléments figurant à l'instruction, que M. C...ne saurait se prévaloir de la dangerosité de ceux-ci et par suite d'un défaut d'entretien normal de la voirie, de tels interstices, qui n'excèdent pas 4 cm de profondeur, étant comblés pour ne constituer que des dénivellations n'excédant pas, par leur nature et leur importance, celles qu'un usager de la voie publique doit normalement s'attendre à rencontrer sur un chemin secondaire ; que dès lors, dans de telles circonstances, la commune de Saint-Hilaire-du-Rosier doit être regardée comme apportant la preuve qui lui incombe de l'entretien normal de la chaussée ;

4. Considérant qu'aux termes de l'article L. 2212-2 du code général des collectivités territoriales : " La police municipale a pour objet d'assurer le bon ordre, la sûreté, la sécurité et la salubrité publiques. Elle comprend notamment : 1° Tout ce qui intéresse la sûreté et la commodité du passage dans les rues, quais, places et voies publiques, ce qui comprend le nettoiement, l'éclairage, l'enlèvement des encombrements, la démolition ou la réparation des édifices et monuments funéraires menaçant ruine, l'interdiction de rien exposer aux fenêtres ou autres parties des édifices qui puisse nuire par sa chute ou celle de rien jeter qui puisse endommager les passants ou causer des exhalaisons nuisibles ainsi que le soin de réprimer les dépôts, déversements, déjections, projections de toute matière ou objet de nature à nuire, en quelque manière que ce soit, à la sûreté ou à la commodité du passage ou à la propreté des voies susmentionnées (...) 5° Le soin de prévenir, par des précautions convenables, et de faire cesser, par la distribution des secours nécessaires, les accidents et les fléaux calamiteux ainsi que les pollutions de toute nature, tels que les incendies, les inondations, les ruptures de digues, les éboulements de terre ou de rochers, les avalanches ou autres accidents naturels, les maladies épidémiques ou contagieuses, les épizooties, de pourvoir d'urgence à toutes les mesures d'assistance et de secours et, s'il y a lieu, de provoquer l'intervention de l'administration supérieure (...)" ;

5. Considérant qu'en appel, le requérant soutient que la zone dans laquelle il a chuté était, avant les travaux récents menés par la commune et ayant conduit à l'enlèvement des rails, particulièrement dangereuse et aurait dû faire l'objet d'une signalisation spécifique ; qu'il indique également que plusieurs accidents de cyclistes ou de scooters ont eu lieu à proximité de cette zone ; que toutefois, à supposer soulevé le moyen tiré d'un manquement du maire dans l'exercice de ses pouvoirs de police, il ne résulte pas de l'instruction que la configuration des lieux imposait la mise en place d'un panneau de signalisation spécifique dès lors que les attestations produites au dossier, relatives à des accidents survenus aux abords de la voie, ne sont pas suffisamment circonstanciées, notamment en ce qui concerne leur localisation exacte, leur date, leur déroulement et la connaissance que la commune pouvait en avoir ; que par suite, aucun manquement fautif du maire dans l'exercice de son pouvoir de police ne saurait être retenu ;

6. Considérant dès lors que M.C..., et sans qu'il soit besoin de statuer sur les fins de non-recevoir opposées par la commune de Saint-Hilaire-du-Rosier, n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

7. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soient mises à la charge de la commune de Saint-Hilaire-du-Rosier qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que le requérant demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ; qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées par la commune de Saint-Hilaire-du-Rosier sur le même fondement ;

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. C...et les conclusions présentées par la commune de Saint-Hilaire-du-Rosier au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. D...C..., à la commune de Saint-Hilaire-du-Rosier et à la caisse primaire d'assurances maladie de l'Isère.

Délibéré après l'audience du 6 octobre 2016 à laquelle siégeaient :

M. Faessel, président,

M. Seillet, président-assesseur,

Mme Cottier, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 27 octobre 2016.

2

N° 15LY00019


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 6ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 15LY00019
Date de la décision : 27/10/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

67-02-01-02 Travaux publics. Règles communes à l'ensemble des dommages de travaux publics. Notion de dommages de travaux publics. Absence.


Composition du Tribunal
Président : M. FAESSEL
Rapporteur ?: Mme Cécile COTTIER
Rapporteur public ?: Mme VIGIER-CARRIERE
Avocat(s) : CDMF-AVOCATS AFFAIRES PUBLIQUES

Origine de la décision
Date de l'import : 12/11/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2016-10-27;15ly00019 ?
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