Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. C...A...a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler la décision en date du 9 août 2012 par laquelle le directeur interrégional des services pénitentiaires de Lyon a rejeté le recours administratif préalable formé contre la sanction disciplinaire prise à son encontre le 12 juillet 2012 par la commission de discipline du centre pénitentiaire de Bourg-en-Bresse, de condamner l'Etat à lui verser la somme de 2 500 euros en réparation de son préjudice moral et de mettre à la charge de l'Etat la somme de 500 euros au profit de son conseil par application combinée de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Par un jugement n° 1300301 du 20 janvier 2015, le tribunal administratif de Lyon a rejeté la demande de M.A....
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 30 mars 2015 au greffe de la cour administrative d'appel de Lyon sous le n° 15LY01120, M.A..., représenté par MeD..., demande :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Lyon en tant qu'il a rejeté sa demande d'annulation de la décision en date du 9 août 2012 du directeur interrégional des services pénitentiaires de Lyon rejetant son recours administratif préalable formé contre la sanction disciplinaire infligée le 12 juillet 2012 par la commission de discipline du centre pénitentiaire de Bourg-en-Bresse ;
2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, les décisions susmentionnées ;
3°) de mettre à la charge de l'État le versement à son conseil d'une somme de
1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique, sous réserve que ce dernier renonce au bénéfice de la part contributive de l'Etat à l'aide juridictionnelle.
Il soutient que :
- la procédure disciplinaire suivie à son encontre est contraire tant aux stipulations de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales qu'aux dispositions de l'article préliminaire du code de procédure pénale ;
- la sanction de mise en cellule disciplinaire a été prononcée par la commission de discipline en méconnaissance du droit à un procès équitable garanti par l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la commission de discipline, qui a refusé d'auditionner les témoignages de détenu pourtant demandé par M.A..., et le tribunal ont commis une erreur de fait quant à la matérialité de l'incident litigieux ;
- la décision litigieuse est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.
Par un mémoire enregistré le 23 septembre 2015, la garde des sceaux, ministre de la justice, conclut au rejet de la requête.
Elle fait valoir que les moyens soulevés par M. A...ne sont pas fondés.
M. A...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle du 24 février 2015.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales
- le code de procédure pénale ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Mesmin d'Estienne, président-assesseur,
- les conclusions de M. Dursapt, rapporteur public.
1. Considérant qu'une sanction de dix jours de cellule disciplinaire a été infligée le 12 juillet 2012 par la commission de discipline du centre pénitentiaire de Bourg-en-Bresse à M. C... A..., alors incarcéré dans cet établissement ; que cette sanction a été prononcée au motif que M. A...aurait insulté, le 10 mai 2012, une monitrice de sport du centre pénitentiaire ainsi que la surveillante qui avait relevé que le requérant détenait un téléphone mobile dans sa cellule ; que suite au rejet de son recours administratif préalable, le 9 août 2012, par le directeur interrégional des services pénitentiaires, M. A...a demandé le 14 janvier 2013 au tribunal administratif de Lyon, l'annulation de la décision du directeur interrégional des services pénitentiaires de Lyon et la condamnation de l'Etat à l'indemniser pour le préjudice moral ainsi subi ; que M. A...fait appel du jugement du 20 janvier 2015 du tribunal administratif de Lyon en tant seulement que celui-ci a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette sanction ;
Sur la légalité de la décision du directeur interrégional des services pénitentiaires de Lyon du 9 août 2012 :
2. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue (...) publiquement (...) par un tribunal indépendant et impartial établi par la loi, qui décidera, soit des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil, soit du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle (...) ; ;
3. Considérant, d'une part, que les sanctions disciplinaires pouvant être infligées aux détenus ne constituent pas des accusations en matière pénale au sens de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que, si elles peuvent être regardées comme portant sur des contestations sur des droits à caractère civil au sens des stipulations du paragraphe 1 de l'article 6, la nature administrative de l'autorité prononçant les sanctions disciplinaires fait obstacle à ce que les stipulations de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales soient applicables à la procédure disciplinaire dans les établissements pénitentiaires ; que, par ailleurs, les sanctions disciplinaires susceptibles d'être infligées aux détenus sont prises " en commission de discipline " par le président de cette instance puis, après recours préalable, par le directeur interrégional des services pénitentiaires ; que contrairement à ce que soutient le requérant, elles ne sont pas prononcées par un tribunal au sens de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et ne relèvent pas de la matière pénale ;
4. Considérant, d'autre part, que si M. A...soutient que la sanction disciplinaire en litige peut être à l'origine de la minoration ultérieure par le juge d'application des peines du nombre de ses crédits de réduction de peine, cette circonstance est sans incidence sur la qualification de la sanction disciplinaire et ne suffit pour lui conférer le caractère d'une accusation en matière pénale :
5. Considérant, par suite, que M. A...ne peut utilement invoquer, pour contester le prononcé de la sanction prise à son encontre, la méconnaissance des stipulations du paragraphe 1 de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
6. Considérant, en deuxième lieu, que le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article préliminaire du code de procédure pénale, relatif aux grands principes gouvernant la procédure pénale, n'est pas assorti des précisions nécessaires pour permettre à la cour d'en apprécier la portée ;
7. Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article R. 57-7-2 du code de procédure pénale : " Constitue une faute disciplinaire du deuxième degré le fait, pour une personne détenue : 1° De formuler des insultes, des menaces ou des outrages à l'encontre d'un membre du personnel de l'établissement, d'une personne en mission ou en visite au sein de l'établissement pénitentiaire ou des autorités administratives ou judiciaires ; (...) ; / 10° De détenir des objets ou substances interdits par une disposition législative ou réglementaire, par le règlement intérieur de l'établissement ou par toute autre instruction de service ou d'en faire l'échange contre tout bien, produit ou service, hors les cas prévus aux 7°, 8° et 9° de l'article R. 57-7-1 ;(...) " ; qu'aux termes de l'article R. 57-7-47 du même code de procédure pénale : " Pour les personnes majeures, la durée de la mise en cellule disciplinaire ne peut excéder vingt jours pour une faute disciplinaire du premier degré, quatorze jours pour une faute disciplinaire du deuxième degré et sept jours pour une faute disciplinaire du troisième degré. / Cette durée peut être portée à trente jours lorsque les faits commis constituent une des fautes prévues au 1° et au 2° de l'article R. 57-7-1. " ;
8. Considérant, d'une part, que les circonstances précises de l'incident et la description des agissements et propos reprochés à M. A...ont été rapportées dans un compte-rendu d'incident dressé par l'agent auquel les insultes s'adressaient ; que le refus d'entendre le témoignage d'un autre détenu ne permet pas de remettre en cause l'exactitude matérielle des faits litigieux ainsi consignés ; qu'aucun texte ni aucun principe, n'oblige la commission de discipline saisie pour statuer sur la sanction envisagée, d'accueillir la demande par le prévenu de l'audition d'un témoin lorsque les faits en cause ne sont pas sérieusement contestables ; que si les faits reprochés à M.A..., qui a reconnu devant la commission de discipline s'être emporté face à ce surveillant, sont désormais contestés sans preuve par ce dernier, ils peuvent cependant être tenus pour établis ; que, par suite, le moyen tiré de l'erreur de fait entachant la décision litigieuse ne peut qu'être écarté ;
9. Considérant, d'autre part, qu'en infligeant à M.A..., eu égard à la gravité des faits qui lui étaient reprochés et à leur caractère répété, alors que l'intéressé avait fait l'objet depuis son incarcération le 11 juin 2010 de 12 procédures disciplinaires dont quatre pour des faits d'insultes et cinq pour des faits de violences, une sanction consistant en dix jours de cellule disciplinaire, l'administration n'a pas commis d'erreur d'appréciation ;
10. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. A...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que le jugement attaqué le tribunal administratif de Lyon, a rejeté sa demande d'annulation de la décision en date du 9 août 2012 du directeur interrégional des services pénitentiaires de Lyon, rejetant son recours administratif préalable contre la sanction disciplinaire prise à son encontre le 12 juillet 2012 par la commission de discipline du centre pénitentiaire de Bourg-en-Bresse ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
11. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante, une quelconque somme au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ; que les conclusions présentées sur ce fondement par M. A...doivent, par suite, être rejetées ;
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. A...est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... A...et au garde des sceaux, ministre de la justice.
Délibéré après l'audience du 29 septembre 2016 à laquelle siégeaient :
M. d'Hervé, président,
M. Mesmin d'Estienne, président-assesseur,
Mme Samson-Dye, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 20 octobre 2016.
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N° 15LY01120