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13/10/2016 | FRANCE | N°16LY00121

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 6ème chambre - formation à 3, 13 octobre 2016, 16LY00121


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

MeB..., liquidateur judiciaire de la société Protoy, a demandé au tribunal administratif de Dijon d'annuler la décision, en date du 26 novembre 2014 par laquelle le ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social a retiré sa décision implicite de rejet née le 10 octobre 2014, a annulé la décision de l'inspectrice du travail de la troisième section de l'unité territoriale de Côte-d'Or du 11 avril 2014 autorisant le licenciement de M. C...et a refusé le licenciemen

t de M.C....

Par un jugement n° 1500205 du 5 novembre 2015, le tribunal ad...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

MeB..., liquidateur judiciaire de la société Protoy, a demandé au tribunal administratif de Dijon d'annuler la décision, en date du 26 novembre 2014 par laquelle le ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social a retiré sa décision implicite de rejet née le 10 octobre 2014, a annulé la décision de l'inspectrice du travail de la troisième section de l'unité territoriale de Côte-d'Or du 11 avril 2014 autorisant le licenciement de M. C...et a refusé le licenciement de M.C....

Par un jugement n° 1500205 du 5 novembre 2015, le tribunal administratif de Dijon a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 10 janvier 2016, présentée pour MeB..., liquidateur judiciaire de la société Protoy, il est demandé à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Dijon du 5 novembre 2015 ;

2°) d'annuler la décision du 26 novembre 2014 du ministre du travail susmentionnée ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Il soutient que :

- le jugement est irrégulier car insuffisamment motivé, les premiers juges n'ayant pas répondu à son argumentation sur les carences de M. C...à fournir des informations dans le cadre de la procédure de reclassement ;

- le ministre a entaché sa décision de refus d'autorisation d'une erreur de droit et d'appréciation en estimant que Me D...n'avait pas satisfait à l'obligation de recherche de reclassement en raison de l'absence de transmission d'offres de reclassement ;

- le liquidateur n'est tenu de proposer au salarié protégé que les propositions de reclassement correspondant à des fonctions comparables aux siennes et pour lesquelles il dispose d'une qualification et il est inutile et superfétatoire de proposer un reclassement à un salarié sur un poste qu'il n'est pas susceptible d'occuper en raison de ses qualifications professionnelles ;

- M. C...n'a pas transmis les informations nécessaires à l'appréciation de ses aptitudes et qualifications professionnelles et a fait lui-même obstacle à l'effectivité de la procédure de reclassement ;

- Me D...a sollicité les 12 entreprises du groupe dont faisait partie la société Protoy aux fins de recherche de reclassement en joignant un descriptif des fonctions et a ainsi respecté les obligations de recherche de reclassement en interne ;

- il a également sollicité des entreprises extérieures dans le cadre de l'obligation de recherche de reclassement en externe ; six entreprises ont fait des offres de poste mais aucun des postes proposés ne correspondait aux compétences et qualifications de M. C..." chef métallier " car celles-ci sont notamment supérieures à celles de salarié affecté à la pose sur chantier, à du personnel de chantier et de technicien/agent de maitrise menuiserie aluminium ; Me D...n'avait donc pas à proposer de telles offres qui ne correspondaient pas aux qualifications de M.C... ; la circonstance que ces postes soient des emplois de catégorie inférieure n'est pas à elle seule de nature à imposer une telle proposition ; Me D...n'avait pas connaissance précise des qualifications professionnelles de M.C... et ce dernier ne lui a pas retourné la fiche de reclassement sur ses qualifications et compétences professionnelles ; il ne peut pas être exigé de l'administrateur judiciaire qu'il transmette la totalité des emplois qui lui sont remis à chacun des salariés licenciés ; le salarié en refusant d'aider l'administrateur judiciaire à définir son profil malgré une relance fait lui-même obstacle à la procédure de reclassement ;

Par un mémoire en défense, enregistré le 23 février 2016, présenté pour M. A...C..., il est conclu au rejet de la requête et à la mise à charge de Me B...es qualité de liquidateur judiciaire de la SA Protoy d'une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le jugement du tribunal administratif de Dijon est suffisamment motivé et est par suite régulier, les premiers juges n'ayant pas à répondre au simple argument sur la fiche de reclassement qui ne venait qu'étayer le moyen sur la satisfaction de l'obligation de recherche de reclassement ;

- le ministre n'a pas commis d'erreur de droit ou d'appréciation ;

- les offres de reclassement proposées au salarié doivent être écrites et précises et porter sur des postes ou emplois de même catégorie ou équivalents ou sur des postes de catégorie inférieure ; sauf en cas de reclassement à l'étranger, l'employeur ne peut pas limiter ses offres en fonction de la volonté présumée de l'intéressé de les refuser ou de ses réponses à un questionnaire ; il n'est pas justifié du périmètre du groupe de reclassement, le requérant évoquant 12 entreprises sans aucun justificatif et ne produit par ailleurs que 9 réponses sur 12 entreprises et ne justifie pas de l'envoi d'une demande auprès des 3 autres sociétés et des réponses de

celles-ci ; les courriers adressés à fin de reclassement sont non personnalisés et ne comportent aucun descriptif des compétences personnelles, du profil et du salaire de M C...alors que Me D... avait notamment le contrat de travail et les bulletins de salaires de ce dernier ; pour le reclassement externe, le requérant reconnaît avoir reçu 6 offres de postes et ne lui avoir transmis aucune de ces propositions alors qu'étant métallier maître ouvrier niveau 4, position 1, coefficient 250 de la convention collective du bâtiment et au regard des éléments figurant dans ladite convention collective, il ne fait pas de doute qu'il pouvait occuper le poste de technicien/agent de maitrise menuiserie aluminium et que les deux postes de " salarié affecté à la pose sur chantiers " et personnel de chantier, ceux-ci correspondaient à ses qualifications et compétences bien que de catégorie inférieure ; la circonstance qu'il n'ait pas retourné la fiche de reclassement est sans incidence sur les obligations de propositions de poste par l'employeur, la seule lecture de son bulletin de salaire et de la convention collective établissant qu'au moins trois des six postes disponibles correspondaient à ses qualifications et compétences et le salarié n'ayant pas d'obligation de retourner à son employeur une telle fiche ; la SA Protoy n'a pas loyalement satisfait à son obligation de reclassement dès lors qu'elle ne lui a proposé aucun poste de reclassement en interne ou en externe ;

Par ordonnance en date du 3 mai 2016, la clôture d'instruction a été fixée au 2 juin 2016 en application des articles R. 613-1 et R. 613-3 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code du commerce ;

- le code du travail ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Cottier, premier conseiller,

- et les conclusions de Mme Vigier-Carrière, rapporteur public.

1. Considérant que M. A...C...a été embauché le 2 octobre 1992 en qualité de métallier/ouvrier professionnel niveau 1, P2, coefficient 170 de la convention collective des ouvriers du bâtiment ; que suite à son évolution professionnelle, il a occupé le poste de métallier, maître ouvrier, chef d'équipe métallier, niveau 4, position 1, coefficient 250 de cette même convention collective et a travaillé dans les ateliers ''acier'', ''aluminium'' et ''pose'' ; qu'il détenait au sein de cette entreprise les mandats de membre de la délégation unique du personnel, délégué syndical et membre du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail ; que par jugement daté du 5 février 2013, le tribunal de commerce de Dijon a ouvert une procédure de redressement judiciaire au nom de la société Protoy, a nommé

Me B...en qualité de mandataire judiciaire et Me D...en qualité d'administrateur judiciaire ; que l'administrateur judiciaire a sollicité du juge commissaire l'autorisation de procéder au licenciement pour motif économique des salariés de la société Protoy ; que cette autorisation a été délivrée le 29 mars 2013 ; qu'une première demande de licenciement pour motif économique de M. C...a été rejetée, le ministre du travail ayant refusé l'autorisation de licenciement le 17 décembre 2013 ; que, le 18 février 2014, la mise en liquidation judiciaire de la société a été prononcée ; que l'inspectrice du travail de la troisième section de l'unité territoriale de Côte-d'Or a autorisé le licenciement de M. C...par décision datée du 11 avril 2014 ; que M. C...a formé un recours hiérarchique contre cette décision ; que le ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social a, par décision du 26 novembre 2014, retiré sa décision implicite de rejet née le 10 octobre 2014, a annulé la décision de l'inspectrice du travail du 11 avril 2014 autorisant le licenciement de M. C...et a refusé le licenciement de ce dernier ; que MeB..., liquidateur judiciaire de la SA Protoy, interjette appel du jugement du 5 novembre 2015 par lequel le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ladite décision ministérielle du 26 novembre 2014 ;

Sur la régularité du jugement :

2. Considérant qu'il résulte des motifs mêmes du jugement que le tribunal administratif de Dijon a expressément répondu aux moyens contenus dans le mémoire produit par le requérant ; qu'en particulier, le tribunal administratif, qui n'était pas tenu de répondre à tous les arguments avancés par les parties, n'a pas omis de répondre au moyen tiré de l'erreur de droit et d'appréciation commise par le ministre du travail quant au caractère sérieux des recherches de reclassement et de l'absence d'obligation de proposer des postes à M. C...dès lors qu'ils ne correspondaient pas à ses qualifications ; que, par suite, Me B...n'est pas fondé à soutenir que le jugement est entaché d'irrégularité ;

Au fond :

3. Considérant qu'il résulte des dispositions combinées des articles L. 1224-1 du code du travail et L. 631-22 et L. 642-5 et suivants du code de commerce que si la cession de l'entreprise en redressement judiciaire arrêtée par un jugement du tribunal de commerce entraîne en principe, de plein droit, le transfert d'une entité économique autonome conservant son identité et, par voie de conséquence, la poursuite par le cessionnaire des contrats de travail attachés à l'entreprise cédée, il peut être dérogé à ces dispositions lorsque le plan de redressement prévoit des licenciements pour motif économique, à la condition, prévue par les dispositions de l'article L. 642-5 du code de commerce et de l'article R. 631-36 dudit code dans sa version alors applicable, d'une part, que le plan de cession ait prévu les licenciements devant intervenir dans le délai d'un mois après le jugement arrêtant le plan, d'autre part, que ce jugement indique le nombre de salariés dont le licenciement est autorisé, ainsi que les activités et catégories professionnelles concernées ; que, lorsque le plan de cession arrêté par le tribunal de commerce prévoit des licenciements devant intervenir dans le mois suivant le jugement, les contrats de travail des salariés licenciés en exécution de ce jugement ne sont pas transférés à l'entreprise cessionnaire, et c'est alors l'entreprise cédante qui demeure l'employeur de ces salariés ; qu'aux termes de l'article L. 1233-4 du code de travail : " Le licenciement pour motif économique d'un salarié ne peut intervenir que lorsque tous les efforts de formation et d'adaptation ont été réalisés et que le reclassement de l'intéressé ne peut être opéré dans l'entreprise ou dans les entreprises du groupe auquel l'entreprise appartient. / Le reclassement du salarié s'effectue sur un emploi relevant de la même catégorie que celui qu'il occupe ou sur un emploi équivalent assorti d'une rémunération équivalente. A défaut, et sous réserve de l'accord exprès du salarié, le reclassement s'effectue sur un emploi d'une catégorie inférieure. / Les offres de reclassement proposées au salarié sont écrites et précises. " " le reclassement de l'intéressé ne peut être opéré dans l'entreprise ou dans les entreprises du groupe auquel l'entreprise appartient " ; qu'il résulte de ces dispositions que, pour apprécier si l'employeur a satisfait à son obligation en matière de reclassement, l'autorité administrative doit s'assurer, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, qu'il a procédé à la recherche des possibilités de reclassement du salarié dans les entreprises dont l'organisation, les activités ou le lieu d'exploitation permettent, en raison des relations qui existent avec elles, d'y effectuer la permutation de tout ou partie de son personnel ;

4. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que le plan de cession de la société Protoy dont Me D... était administrateur judiciaire, à la société CIGG, avec reprise partielle du personnel, a été arrêté par un jugement du 14 février 2014 du tribunal de commerce de Dijon ; que le jugement du 14 février 2014 indiquait notamment que l'administrateur devrait procéder, dans le mois, au licenciement des salariés dont l'activité et la catégorie n'étaient pas reprises et fixait le nombre de ces salariés licenciés selon une liste annexée au jugement ; que la mise en liquidation judiciaire de la SA Protoy a été prononcée le 18 février 2014 ; que la demande d'autorisation de licenciement de M.C..., datée du 20 février 2014 et adressée à l'inspection du travail, a été signée par MeD... ; que Me B...indique lui-même que douze sociétés devaient être regardées comme membres du groupe dans lequel devait être recherchées les possibilités de reclassement de M. C...dès lors que l'organisation, les activités ou le lieu d'exploitation permettaient, en raison des relations qui existent avec elles, d'y effectuer la permutation de tout ou partie de son personnel, et que neuf de ces entreprises ont indiqué avoir répondu négativement à la question relative à la disponibilité de postes susceptibles d'accueillir les salariés licenciés de la SA Protoy, dont M.C... ; que toutefois, il n'est pas contesté par Me B...qu'aucune preuve de l'envoi effectif de courriers relatifs à une recherche de reclassement auprès des trois autres sociétés appartenant à ce groupe, et a fortiori aucune réponse de celles-ci, ne peut être présentée ; qu'en outre, il ressort également des pièces du dossier que Me D...n'a adressé aux entreprises concernées aucune information personnalisée sur les salariés dont les postes étaient susceptibles d'être supprimés, que ce soit en termes de classification, d'expériences ou de salaires, et qu'il s'est borné à un simple descriptif des postes à supprimer ; que, dans ces conditions, la SA Protoy ne peut pas être regardée comme ayant justifié de la recherche sérieuse de reclassement au sein des sociétés du groupe dont elle faisait partie et dans lesquelles pouvaient exister des possibilités de permutation du personnel ; qu'il appartenait par suite à l'administration, pour ce seul motif, de rejeter la demande d'autorisation de licenciement qui lui était présentée ;

5. Considérant qu'il résulte de ce qui précède, que MeB..., liquidateur judiciaire de la société Protoy n'est pas fondé se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande ; que, par voie de conséquence, ses conclusions tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées ;

Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

6. Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de condamner Me B..., liquidateur judiciaire de la société Protoy à verser à M. C...la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DECIDE :

Article 1er : La requête de MeB..., liquidateur judiciaire de la société Protoy est rejetée.

Article 2 : MeB..., liquidateur judiciaire de la société Protoy versera à M. A...C...une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à MeB..., liquidateur judiciaire de la société Protoy, au ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social et à M. C....

Délibéré après l'audience du 22 septembre 2016 à laquelle siégeaient :

M. Faessel, président de chambre,

M. Seillet, président-assesseur,

Mme Cottier, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 13 octobre 2016.

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N° 16LY00121


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 6ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 16LY00121
Date de la décision : 13/10/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

66-07 Travail et emploi. Licenciements.


Composition du Tribunal
Président : M. FAESSEL
Rapporteur ?: Mme Cécile COTTIER
Rapporteur public ?: Mme VIGIER-CARRIERE
Avocat(s) : DGK ET ASSOCIES - CABINET D'AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 28/10/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2016-10-13;16ly00121 ?
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