Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Le département de la Drôme a demandé au tribunal administratif de Grenoble la décharge des cotisations primitives à l'impôt sur les sociétés auxquelles son laboratoire départemental d'analyses a été assujetti au titre des exercices clos en 2005, 2006, 2007 et 2008.
La direction du contrôle fiscal Rhône-Alpes Bourgogne a, en application des dispositions des articles R. 199-1 et R. 200-3 du livre des procédures fiscales, soumis d'office au tribunal administratif de Grenoble la réclamation présentée par le département de la Drôme tendant, d'une part, à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et des pénalités y afférentes, auxquelles son laboratoire départemental d'analyses a été assujetti au titre des exercices 2006 et 2007 et, d'autre part, à la décharge, s'agissant de la taxe sur la valeur ajoutée, de la pénalité prévue à l'article 1788 A du code général des impôts.
Par un jugement n° 1103359-1301674 du 6 novembre 2014, le tribunal administratif de Grenoble a prononcé la décharge des cotisations primitives et supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles le laboratoire départemental d'analyses de la Drôme a été assujetti au titre des exercices clos en 2005, 2006, 2007 et 2008 (article 1er) et prononcé la décharge de la pénalité prévue à l'article 1788 A du code général des impôts (article 2).
Procédure devant la cour :
Par un recours et un mémoire, enregistrés le 3 mars 2015 et le 7 juin 2016, le ministre des finances et des comptes publics demande à la cour :
1°) d'annuler l'article 1er du jugement du tribunal administratif de Grenoble du 6 novembre 2014 en tant qu'il a déchargé le laboratoire départemental d'analyses de la Drôme des cotisations d'impôt sur les sociétés auxquelles il a été assujetti au titre des exercices clos en 2005, 2006, 2007 et 2008 et des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles il a été assujetti au titre des exercices clos en 2006 et 2007 ;
2°) de rétablir ces impositions et les pénalités y afférentes.
Le ministre soutient que :
Sur la fin de non-recevoir tirée de la tardiveté du recours :
- la fin de non-recevoir tirée de la tardiveté du recours manque en fait, dès lors qu'il résulte d'une lettre de la présente cour du 4 mars 2015 que ladite requête a bien été enregistrée le 3 mars 2015 ; que, par suite, l'appel a été présenté dans le délai prévu à l'article R. 200-18 du livre des procédures fiscales et est recevable.
Sur le bien-fondé de l'imposition :
- le laboratoire départemental d'analyses de la Drôme, régie simple dotée de l'autonomie financière, doit être regardé comme exerçant une activité lucrative, et à ce titre est, en application de l'article 206-1 du code général des impôts, passible de l'impôt sur les sociétés, dès lors que sa clientèle est composée de personnes publiques mais également de personnes privées, qu'il dispose d'outils de communication identiques à ceux d'une entreprise privée, qu'il est en concurrence avec les laboratoires privés, propose des tarifs compétitifs, offre des prestations de même nature que celles offertes par des laboratoires privés, a des conditions d'exploitation identiques à celles de laboratoires privés et dégage des bénéfices d'exploitation ;
- le laboratoire ne peut être regardé comme exécutant un service indispensable à la satisfaction des besoins collectifs des habitants du département, de telle sorte que l'exonération d'impôt sur les sociétés prévue au 6° de l'article 207-1 du code général des impôts ne lui est pas applicable.
Par un mémoire en défense, enregistré le 27 janvier 2016, le département de la Drôme, représenté par MeA..., conclut au rejet du recours et demande à la cour de condamner l'Etat à lui verser 10 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Le département de la Drôme soutient que :
- le recours du ministre est tardif ;
- l'activité exercée par le laboratoire départemental d'analyse ne revêt pas de caractère lucratif mais consiste en une activité de service public, et, au demeurant, doit être regardée comme indispensable à la satisfaction de besoins collectifs intéressant l'ensemble des habitants du département ; par suite, il remplit les conditions d'exonération d'impôt sur les sociétés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des collectivités locales ;
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code rural ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Duguit-Larcher, premier conseiller,
- les conclusions de M. Besse, rapporteur public,
- et les observations de MeA..., représentant le département de la Drôme.
1. Considérant que le laboratoire départemental d'analyses de la Drôme est un service du département de la Drôme, géré sous forme de régie simple, mais doté d'autonomie financière, qui a pour mission de fournir des analyses scientifiques dans les domaines de l'environnement, l'agroalimentaire et la biologie vétérinaire ; qu'à la suite d'un courrier du 2 février 2004 de l'administration fiscale lui indiquant qu'il était assujetti à l'impôt sur les sociétés, il a déposé des déclarations et a été soumis, conformément à ses déclarations, à cet impôt au titre des exercices 2005, 2006, 2007 et 2008 ; qu'il a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur les exercices clos en 2005, 2006 et 2007, à l'issue de laquelle des rehaussements en matière d'impôt sur les sociétés lui ont été notifiés, pour ces trois années, par des propositions de rectification du 16 décembre 2008 et 27 juillet 2009 ; que l'administration a également décidé, au terme de cette vérification de comptabilité, d'assujettir le laboratoire, au titre de ces différents exercices, à la taxe d'apprentissage, à la participation des employeurs à l'effort de construction et à la taxe sur les véhicules de sociétés ; que le laboratoire a contesté les rehaussements opérés en matière d'impôt sur les sociétés par lettres du 5 février 2009 et du 2 octobre 2009 ; que ces rehaussements ont été confirmés partiellement par lettres des 13 février 2009 et 18 janvier 2010 ; qu'une réclamation contentieuse a été déposée le 22 février 2010 par le laboratoire départemental d'analyses de la Drôme afin de contester les cotisations primitives d'impôt sur les sociétés mises à sa charge ; que, le 24 novembre 2011, la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires a émis un avis favorable sur les rehaussements opérés en matière d'impôt sur les sociétés tout en se déclarant incompétente sur le principe même d'assujettissement à cet impôt ; que les cotisations supplémentaires à l'impôt sur les sociétés résultant du contrôle, assorties d'intérêts de retard ont été mises en recouvrement le 10 avril 2012 au titre des exercices clos en 2006 et en 2007 ; qu'une seconde réclamation contentieuse a été déposée le 3 mai 2012 par le laboratoire, à la suite de la mise en recouvrement des impositions supplémentaires, afin de contester ces cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés ; que le laboratoire contestait également, dans cette réclamation, la mise à sa charge, en matière de taxe sur la valeur ajoutée, de la pénalité prévue à l'article 1788 A du code général des impôts ; que le département de la Drôme a demandé au tribunal administratif de Grenoble la décharge des cotisations primitives à l'impôt sur les sociétés auxquelles son laboratoire départemental d'analyses a été assujetti au titre des exercices clos en 2005, 2006, 2007 et 2008 tandis que la direction du contrôle fiscal Rhône-Alpes Bourgogne a déféré d'office à ce même tribunal la réclamation présentée par le département de la Drôme tendant, d'une part, à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et des pénalités y afférentes, auxquelles le laboratoire a été assujetti au titre des exercices 2006 et 2007 et, d'autre part, à la décharge, s'agissant de la taxe sur la valeur ajoutée, de la pénalité prévue à l'article 1788 A du code général des impôts ; que, par un jugement du 6 novembre 2014, le tribunal administratif de Grenoble a, en son article 1er, déchargé le laboratoire des cotisations primitives et supplémentaires auxquelles il a été assujetti au titre des exercices clos en 2005, 2006, 2007 et 2008, et, en son article 2, déchargé le laboratoire de la pénalité à laquelle il avait été assujetti en matière de taxe sur la valeur ajoutée ; que le ministre des finances et des comptes publics relève appel de ce jugement en tant qu'il a déchargé le laboratoire départemental d'analyses de la Drôme des cotisations primitives et supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles il a été assujetti au titre des exercices clos en 2005, 2006, 2007 et 2008 ;
Sur la fin de non-recevoir tirée de la tardiveté du recours :
2. Considérant qu'aux termes de l'article R. 200-18 du livre des procédures
fiscales : " A compter de la notification du jugement du tribunal administratif qui a été faite au directeur du service de la direction générale des finances publiques ou de la direction générale des douanes et droits indirects qui a suivi l'affaire, celui-ci dispose d'un délai de deux mois pour transmettre, s'il y a lieu, le jugement et le dossier au ministre chargé du budget. Le délai imparti pour saisir la cour administrative d'appel court, pour le ministre, de la date à laquelle expire le délai de transmission prévu à l'alinéa précédent ou de la date de la signification faite au ministre. " ; qu'aux termes de l'article R. 414-1 du code de justice administrative : " Lorsqu'elle est présentée par (...) une personne morale de droit public (...), la requête peut être adressée à la juridiction par voie électronique au moyen d'une application informatique dédiée accessible par le réseau internet. / Les caractéristiques techniques de cette application (...) permettent également d'établir de manière certaine la date et l'heure de la mise à disposition d'un document ainsi que celles de sa première consultation par son destinataire. " ;
3. Considérant que le jugement rendu par le tribunal administratif de Grenoble le 6 novembre 2014 a été notifié aux parties par un courrier le 7 novembre 2014, dont la direction départementale des finances publiques de la Drôme a accusé réception le 12 novembre 2014 ; que si le greffier en chef de la cour administrative d'appel de Lyon a adressé, à sa demande, au département de la Drôme un certificat de non-appel le 5 mars 2015 aux termes duquel les registres du greffe n'avaient enregistré à ce jour aucun recours contre le jugement n° 1103359-1301674 du 6 novembre 2014 du tribunal administratif de Grenoble, toutefois, les mentions portées sur l'application Télérecours, qui font foi, indiquent que le recours du ministre des finances et des comptes publics à l'encontre de ce jugement a été enregistré le 3 mars 2015 à 16h55 ; que ces mentions sont confirmées par le fait que par un courrier du 4 mars 2015, la cour a notifié au ministre l'enregistrement de son recours au greffe le 3 mars 2015 ; que les conditions de délivrance d'un certificat de non appel sont sans incidence sur la computation des délais ; que, par suite, la fin de non-recevoir opposée par le département de la Drôme doit être rejetée comme manquant en fait ;
Sur le fond :
4. Considérant qu'aux termes du 1 de l'article 206 du code général des impôts : " (...) sont passibles de l'impôt sur les sociétés (...) sous réserve des dispositions des 6° et 6° bis du 1 de l'article 207, les établissements publics, les organismes de l'Etat jouissant de l'autonomie financière, les organismes des départements et des communes et toutes autres personnes morales se livrant à une exploitation ou à des opérations de caractère lucratif" ; qu'aux termes de l'article 1654 de ce code : " Les établissements publics, les exploitations industrielles ou commerciales de l'Etat ou des collectivités locales (...) doivent (...) acquitter, dans les conditions de droit commun, les impôts et taxes de toute nature auxquels seraient assujetties des entreprises privés effectuant les mêmes opérations./(...) " ; qu'aux termes de l'article 165 de l'annexe IV du code général des impôts : " 1. Nonobstant toutes dispositions contraires les établissements publics ayant un caractère industriel ou commercial sont passibles de tous les impôts directs et taxes assimilées applicables aux entreprises privées similaires. / Le même régime est appliqué à tous les organismes de l'Etat des départements ou des communes ayant un caractère industriel ou commercial, s'ils bénéficient de l'autonomie financière, à l'exception, en ce qui concerne l'impôt sur les sociétés, des régies de services publics des départements, communes et syndicats de communes qui sont exonérées de cet impôt. / 2. S'ils ne bénéficient pas de l'autonomie financière, les organismes de l'Etat visés au 1 sont passibles de tous les impôts directs et taxes assimilées applicables aux entreprises privées similaires, à l'exception de l'impôt sur les sociétés, dont ils sont exonérés " ; qu'aux termes, enfin, de l'article 207 du même code : " 1. Sont exonérés de l'impôt sur les sociétés : / (...) 6° Les régions et les ententes interrégionales, les départements et les ententes interdépartementales, les communes, les établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre, les syndicats de communes et syndicats mixtes constitués exclusivement de collectivités territoriales ou de groupements de ces collectivités, ainsi que leurs régies de services publics. /(...) " ;
5. Considérant qu'il résulte de la combinaison des dispositions du 1 de l'article 206 du code général des impôts et de l'article 1654 du même code qu'une régie de collectivité territoriale, dotée ou non de la personnalité morale, n'est pas passible de l'impôt sur les sociétés si le service qu'elle gère ne relève pas, eu égard à son objet ou, à défaut, aux conditions particulières dans lesquelles il est géré, d'une exploitation à caractère lucratif ; qu'il résulte des dispositions du 6° du 1 de l'article 207 du code général des impôts que si le service relève d'une exploitation à caractère lucratif, la régie ne bénéficie de l'exonération d'impôt sur les sociétés que si la collectivité territoriale a le devoir d'assurer ce service, c'est-à-dire s'il est indispensable à la satisfaction des besoins collectifs intéressant l'ensemble des habitants de la collectivité territoriale ;
En ce qui concerne la charge de la preuve :
6. Considérant qu'aux termes de l'article R. 194-1 du livre des procédures fiscales : " Lorsque, ayant donné son accord à la rectification ou s'étant abstenu de répondre dans le délai légal à la proposition de rectification, le contribuable présente cependant une réclamation faisant suite à une procédure contradictoire de rectification, il peut obtenir la décharge ou la réduction de l'imposition, en démontrant son caractère exagéré. / Il en est de même lorsqu'une imposition a été établie d'après les bases indiquées dans la déclaration souscrite par un contribuable (...) " ; que les cotisations primitives d'impôt sur les sociétés mises à la charge du département de la Drôme au titre des exercices 2005, 2006, 2007 et 2008 ayant été établies conformément à ses déclarations, il lui incombe d'apporter la preuve que son laboratoire départemental d'analyses n'entrait pas dans le champ d'assujettissement à l'impôt sur les sociétés ou qu'il devait en être exonéré ;
7. Considérant que sous réserve des cas où la loi attribue la charge de la preuve au contribuable, il appartient au juge de l'impôt, au vu de l'instruction et compte tenu, le cas échéant, de l'abstention d'une des parties à produire les éléments qu'elle est seule en mesure d'apporter et qui ne sauraient être réclamés qu'à elle-même, d'apprécier si la situation du contribuable entre dans le champ de l'assujettissement à l'impôt sur les sociétés ou, le cas échéant, s'il remplit les conditions légales d'une exonération ; qu'il en va ainsi s'agissant des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés mises à la charge du département, établies selon la procédure contradictoire, et pour lesquelles le département a présenté des observations à la suite de la notification des propositions de rectifications ;
En ce qui concerne l'assujettissement du département de la Drôme, pour l'activité du laboratoire départemental d'analyses, à l'impôt sur les sociétés :
8. Considérant que le laboratoire départemental d'analyses de la Drôme est une régie, dotée de l'autonomie financière, créée par délibération du conseil général de la Drôme du 20 novembre 2000, qui a pour objet " tout type d'analyse mettant en oeuvre les compétences sanitaires des collectivités publiques " ; que son règlement prévoit que des analyses à caractère privé pourront être faites et qu'elles devront avoir un caractère annexe ; qu'il résulte des données produites par le ministre, telles qu'elles figuraient sur le site internet du département de la Drôme et sur un prospectus relatif à l'activité du laboratoire, que le laboratoire départemental d'analyses de la Drôme assure, pour le compte d'autres collectivités publiques et pour des entreprises privées des analyses chimiques et microbiologiques dans les domaines de l'environnement, de l'hygiène alimentaire et de la biologie vétérinaire ; que le département qui conteste cette présentation de l'activité de son laboratoire, n'a produit, hormis un tableau sur les échantillons analysés par le laboratoire en 2005, 2006 et 2007, qui fait apparaître que 90 % des prestations ont été faites pour le compte du secteur public, aucun élément permettant d'apprécier de façon plus précise la nature des prestations qu'il a réalisées au cours de la période litigieuse, alors qu'il est seul en mesure de le faire ; qu'ainsi, et alors même que le laboratoire départemental d'analyses intervient dans l'organisation des secours de la préfecture de la Drôme dans le cadre des plans ORSEC, appartient au réseau Biotox Piratox dont le but est la lutte contre le terrorisme, collabore avec les services d'incendie et de secours, peut réaliser les analyses permettant aux services compétents de constater des infractions pénales dans le domaine sanitaire, participe à la surveillance des maladies animales transmissibles à l'homme ou induisant des pertes économiques importantes, exerce un contrôle sanitaire des eaux d'alimentation et de baignades et participe à la mise en oeuvre des directives européennes visant notamment à l'amélioration de la qualité des eaux, les prestations rendues par le laboratoire d'analyses de la Drôme ont essentiellement la nature de prestations que des entreprises privées poursuivant un but lucratif sont susceptibles de rendre, sans que puisse avoir d'incidence sur cette appréciation la circonstance que les clients pour lesquels il réalise ces prestations sont majoritairement des personnes publiques ;
9. Considérant que le laboratoire départemental d'analyses, qui soumissionne à des appels d'offre auprès de tiers et propose ses services à des entreprises privées, dispose d'outils permettant de mettre en oeuvre une promotion commerciale ; qu'il ne résulte pas de l'instruction, hormis le cas des conventions qu'il a passées avec les services départementaux d'incendie et de secours de la Drôme et de l'Ardèche, dont il n'est pas établi qu'elles ne présenteraient pas un caractère marginal par rapport à l'ensemble de l'activité du laboratoire, que les prestations seraient offertes gratuitement ou que les tarifs pratiqués pour chaque prestation, au demeurant non communiqués, seraient modulés en fonction de critères socio-économiques ou seraient réservés à un public qui ne pourrait normalement accéder aux services offerts par les entreprises commerciales exerçant une activité identique ; que ses activités d'analyses doivent ainsi être regardées comme principalement exercées dans des conditions économiques normales ; qu'ainsi, le département de la Drôme, seul en mesure de le faire, n'établit pas que son laboratoire d'analyses gérerait le service public dont il a la charge dans des conditions particulières ne relevant pas d'une exploitation à caractère lucratif ; que ni le statut de droit public de ses agents, ni le fait qu'il est soumis au code des marchés publics, ni le fait qu'il offre ses prestations principalement à des personnes publiques, ni la circonstance que la gestion du laboratoire est désintéressée, n'est de nature à remettre en cause cette appréciation ;
10. Considérant qu'il résulte de ce qui précède, et alors qu'il appartenait au département de la Drôme d'en apporter la preuve contraire s'agissant des cotisations primitives et de fournir au juge les éléments qu'il était seul en mesure de produire s'agissant des cotisations supplémentaires, ce qu'il n'a pas fait, que c'est à bon droit que l'administration a estimé que, eu égard à son objet, et eu égard aux conditions dans lesquelles il était géré, qui relevaient d'une exploitation à caractère lucratif, le laboratoire départemental d'analyses de la Drôme était passible de l'impôt sur les sociétés ;
En ce qui concerne le bénéfice de l'exonération d'impôt sur les sociétés :
11. Considérant qu'en application de l'article L. 201-1 du code rural, dans sa rédaction issue de l'article 115 de la loi n° 2005-157 du 23 février 2005 : "Le ministre chargé de l'agriculture prend toutes mesures destinées à collecter des données et informations d'ordre épidémiologique dans le domaine de la santé publique vétérinaire ou de la protection des végétaux et à en assurer le traitement et la diffusion. / Les départements participent à cette veille sanitaire par l'intermédiaire des laboratoires d'analyses départementaux. " ; que l'article L. 202-1 du même code prévoit : " Le contrôle du respect des dispositions du présent livre est assuré par les services de l'Etat compétents ou leurs délégataires au moyen notamment d'analyses de laboratoire. / Sont habilités à réaliser ces analyses : / - les laboratoires des services chargés des contrôles et les laboratoires d'analyses départementaux, agréés à cette fin par l'autorité administrative ; (...) " ; qu'en outre, l'article L. 2515-8 du code général des collectivités territoriales, issu de l'article 26 de la loi n° 2004-811 du 13 août 2004 de modernisation de la sécurité civile, prévoit que : " En cas de menace ou d'atteinte graves à la santé publique, le représentant de l'Etat dans le département dispose sans délai, en tant que de besoin, pour l'exercice de ses attributions, du laboratoire du service vétérinaire du département ou du laboratoire hydrologique ou, à défaut, de ceux d'un autre département en coordination avec le représentant de l'Etat dans le département concerné. " ;
12. Considérant que si, en vertu de ces dispositions, et eu égard aux missions ci-dessus énumérées qu'il exerce auprès de personnes publiques, le laboratoire départemental d'analyses de la Drôme participe à l'exercice de missions de service public dans le domaine sanitaire et de l'hygiène, ce service public ne revêt pas, pour le département de la Drôme, un caractère obligatoire ; que, par suite, le laboratoire départemental d'analyses de la Drôme ne peut être regardé comme exerçant un service indispensable à la satisfaction des besoins collectifs des habitants du département ; qu'en conséquence, ce dernier ne pouvait bénéficier de l'exonération d'impôt sur les sociétés prévue par les dispositions précitées des articles 207 du code général des impôts et 165 à l'annexe IV du même code ;
13. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que c'est à tort que le tribunal administratif de Grenoble, pour décharger le laboratoire d'analyses de la Drôme des impositions et pénalités litigieuses, s'est fondé sur le fait que son activité était indispensable à la satisfaction des besoins collectifs intéressant l'ensemble des habitants du département et que la régie devait être exonérée d'impôt sur les sociétés en vertu des dispositions du 6° du I de l'article 207 du code général des impôts ; que le département de la Drôme n'ayant présenté aucun autre moyen, devant le tribunal ou devant la cour, pour contester les impositions et pénalités litigieuses, le ministre de l'économie et des finances est fondé à soutenir que c'est à tort que, par l'article 1er du jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a prononcé la décharge des cotisations primitives et supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles le laboratoire départemental d'analyses de la Drôme a été assujetti au titre des exercices 2005 à 2008 ; qu'il y a lieu d'annuler l'article 1er du jugement attaqué et de remettre à la charge du laboratoire départemental d'analyses de la Drôme les cotisations primitives et supplémentaires d'impôt sur les sociétés ainsi que les pénalités y afférentes auxquelles il a été assujetti au titre des exercices 2005 à 2008 ;
Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
14. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas partie perdante, une somme au titre des frais exposés par le département de la Drôme et non compris dans les dépens ;
DÉCIDE :
Article 1er : L'article 1er du jugement n° 1103359-1301674 du 6 novembre 2014 du tribunal administratif de Grenoble est annulé.
Articles 2 : Les cotisations primitives et supplémentaires d'impôt sur les sociétés ainsi que les pénalités y afférentes auxquelles le laboratoire départemental d'analyses de la Drôme a été assujetti au titre des exercices 2005 à 2008 sont remises à sa charge.
Article 3 : Les conclusions du département de la Drôme tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au département de la Drôme et au ministre de l'économie et des finances.
Délibéré après l'audience du 20 septembre 2016 à laquelle siégeaient :
M. Bourrachot, président de chambre,
Mme Mear, président-assesseur,
Mme Duguit-Larcher, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 13 octobre 2016.
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N° 15LY00757