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13/10/2016 | FRANCE | N°15LY00631

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 6ème chambre - formation à 3, 13 octobre 2016, 15LY00631


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A...B...a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler la décision du 20 décembre 2011 du ministre de la défense rejetant sa demande tendant au bénéfice de la loi n° 2010-2 du 5 janvier 2010 relative à la reconnaissance et à l'indemnisation des victimes des essais nucléaires français.

Par un jugement n° 1200809 du 24 décembre 2014, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 19 février 2015

, présentée pour M. A...B..., domicilié..., il est demandé à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A...B...a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler la décision du 20 décembre 2011 du ministre de la défense rejetant sa demande tendant au bénéfice de la loi n° 2010-2 du 5 janvier 2010 relative à la reconnaissance et à l'indemnisation des victimes des essais nucléaires français.

Par un jugement n° 1200809 du 24 décembre 2014, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 19 février 2015, présentée pour M. A...B..., domicilié..., il est demandé à la cour :

1°) d'annuler ce jugement n° 1200809 du 24 décembre 2014 du tribunal administratif de Grenoble ;

2°) d'annuler la décision susmentionnée et de condamner l'Etat à indemniser les préjudices subis ;

3°) d'enjoindre au ministre de la défense de procéder à l'évaluation des préjudices de toute nature imputables à la maladie radio-induite dont il est atteint, dans le délai de trois mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros, au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, ainsi que les dépens de l'instance.

Il soutient que :

- dès lors qu'il apporte la preuve qu'il a été atteint d'une maladie radio induite visée dans le décret n° 2010-653 et qu'il été affecté " dans une zone concernée par les essais nucléaires " et " à une période de contamination effective ", déterminé à l'article 2 de la loi, il bénéficie du principe de présomption ;

- le ministre de la défense, en se fondant exclusivement sur une formule mathématique intégrant des paramètres au mieux approximatifs, voire des données erronées ou inexistantes, ne rapporte pas une preuve susceptible de renverser la présomption dont bénéficie le demandeur ;

- le poste de mécanicien qu'il occupait consistait à travailler sur les machines des vedettes dont les composants étaient susceptibles d'être contaminés par l'eau de mer utilisée pour le refroidissement des circuits et elle-même contaminée par les retombées radioactives, et comme le souligne le bilan établi par le médecin en chef Poirrier, il a été affecté à des travaux sous rayonnements ionisants lors de son affectation au centre d'expérimentation du Pacifique ; il a également travaillé en zone contrôlée et avait le statut de " personnel directement affecté " à des travaux sous rayonnements ionisants comme le laisse apparaitre sa fiche médico-radiobiologique avec la mention " PDA " ;

- les résultats de l'examen des " urines des 24 heures " réalisé le 13 Novembre 1968 ont permis d'établir une contamination au Cérium 144 et au Strontium 90, radionucléides émetteurs bêta ; les résultats des examens d'anthropogammamétrie montrent qu'entre le 5 Avril 1968 et le 5 Août 1968, le nombre de C.P.M. par kg a été multiplié par près de 6 et si l'examen du 31 Octobre 1968 montre une légère épuration des pollutions radioactives, le nombre de C.P.M par kg est toujours quatre fois plus élevé qu'en avril 1968 ;

- c'est à tort que le tribunal a considéré qu'il ne ressortait d'aucun élément du dossier que les mesures de dosimétrie externe auraient été effectuées avec des matériels et selon des méthodes non fiables et que la circonstance que les examens de dosimétrie interne, menés par anthrogammaspectrométrie dans les semaines ayant suivi les essais de nature à mettre notamment en évidence des radioéléments, à vie longue, n'aient pas eu lieu immédiatement après ces tirs, n'était pas de nature à en invalider les résultats compte tenu de la durée de vie des éléments mis en exergue par ces examens et du caractère régulier et connu de leur croissance radiologique et biologique ;

- la production de résultats de dosimétrie externe, alors que la fiabilité d'un tel instrument de mesure, qui ne mesure que les seuls rayonnements gamma et n'est pas apte à dépister d'une manière correcte les contaminations, n'est pas démontrée, ne peut suffire à établir le caractère négligeable du risque attribuable aux essais nucléaires, à défaut d'éléments permettant d'établir l'absence de contamination par inhalation et ingestion de poussières et de gaz radioactifs, et eu égard à une volonté de dissimulation de la part de l'Etat ; les données émanant d'autres examens du type anthropospectrogammamétrie et analyses biologiques du sang et/ou de l'urine, ne sont généralement guère exploitables dans la mesure où elles sont rares et obtenues dans de mauvaises conditions de réalisation ;

- dès lors que sa demande remplit les conditions légales définies par la loi du 5 janvier 2010 et ses décrets d'application et que le ministre de la défense n'apporte pas la preuve, qui doit reposer sur les éléments du dossier et non uniquement sur des éléments purement statistiques, du caractère négligeable du risque attribuable aux essais nucléaires, il est fondé à solliciter la réparation intégrale des préjudices subis, au besoin en recourant à une expertise médicale.

Par un mémoire, enregistré le 5 septembre 2016, le ministre de la défense conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- si la présomption de causalité édictée par les dispositions de la loi du 5 janvier 2010 et de son décret d'application du 11 juin 2010 est établie en l'espèce, eu égard aux zones de résidence et de séjour et à l'inscription de la maladie dont a souffert M. B... sur la liste annexée audit décret, cette présomption est renversée dès lors qu'ainsi qu'il résulte de la recommandation du CIVEN, le risque attribuable aux essais nucléaires peut être considéré comme négligeable, la probabilité d'une relation de causalité entre l'exposition aux rayonnements ionisants subie par l'intéressé lors de sa présence sur les sites d'expérimentations nucléaires et la maladie dont il a été atteint, étant très inférieure à 1 % ;

- contrairement à ce que soutient le requérant, la méthode utilisée par le CIVEN, dont l'avis ne repose pas uniquement sur des données purement statistiques mais sur les éléments du dossier, pour apprécier le lien de causalité entre la maladie contractée et le niveau d'exposition, est conforme à la volonté du législateur ; il n'est pas démontré que cette méthode ne serait pas fiable alors que la probabilité de causalité résulte d'un calcul qui se fonde sur des études validées par la communauté scientifique internationale ;

- M. B...a bénéficié, comme tous les employés militaires et civils des sites d'expérimentation, de la législation générale concernant la protection des travailleurs contre les dangers des rayonnements ionisants ;

- M.B..., qui n'a pas été affecté à un poste de travail radiologiquement exposé pendant son séjour en Polynésie française, au cours duquel cinq essais atmosphériques ont été effectués, a bénéficié d'une surveillance de dosimétrie externe, par le port de 10 dosimètres individuels, et interne, réalisée par trois anthroporadiométries qui ont donné un résultat normal, ce qui démontre l'absence de contamination, outre une analyse radiotoxicologique ; le CIVEN a pris aussi en compte les dosimètres d'ambiance ; le risque de contamination interne était limité étant donné que le personnel militaire ou civil en poste ne consommait aucun légume, fruit, poisson provenant des sites d'expérimentation dont l'usage était rigoureusement interdit.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 2010-2 du 5 janvier 2010 ;

- le décret n° 2010-653 du 11 juin 2010 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique du 22 septembre 2016 :

- le rapport de M. Seillet, président-assesseur ;

- les conclusions de Mme Vigier-Carrière, rapporteur public ;

- et les observations de Me Macouillard, avocat de M.B....

1. Considérant que M. B..., né le 9 octobre 1949, engagé dans la Marine nationale en 1967, a été affecté, avec le grade de matelot, du 24 mars 1968 au 20 septembre 1969, au centre d'expérimentations du Pacifique, en qualité de mécanicien, à bord des bâtiments-base, " Maurienne ", du 24 mars 1968 au 17 septembre 1968, " Moselle ", du 17 septembre 1968 au 27 juin 1969, puis " Morvan ", du 27 juin au 17 septembre 1969 ; que ces navires, présents en Polynésie française, ont participé alors à une campagne d'expérimentation durant laquelle il a été procédé à cinq tirs nucléaires atmosphériques ; que M. B... a développé ultérieurement un cancer du rein, diagnostiqué en 1997 et considéré comme guéri ; qu'il a présenté, par une lettre du 10 septembre 2010, une demande d'indemnisation des préjudices subis au comité d'indemnisation des victimes des essais nucléaires (CIVEN) en se prévalant des dispositions de la loi n° 2010-2 du 5 janvier 2010 relative à la reconnaissance et à l'indemnisation des victimes des essais nucléaires français ; que le ministre de la défense a, par une décision du 20 décembre 2011, suivant la recommandation émise par le CIVEN, rejeté la demande présentée par M. B... ; que celui-ci fait appel du jugement du 24 décembre 2014 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ladite décision du 20 décembre 2011 et à l'indemnisation des préjudices subis en conséquence de la maladie dont il souffre ;

2. Considérant qu'aux termes de l'article 1er de la loi du 5 janvier 2010 modifiée relative à la reconnaissance et à l'indemnisation des victimes des essais nucléaires français : " Toute personne souffrant d'une maladie radio-induite résultant d'une exposition à des rayonnements ionisants dus aux essais nucléaires français et inscrite sur une liste fixée par décret en Conseil d'Etat conformément aux travaux reconnus par la communauté scientifique internationale peut obtenir réparation intégrale de son préjudice dans les conditions prévues par la présente loi. Si la personne est décédée, la demande de réparation peut être présentée par ses ayants droit " ; que l'article 2 de cette même loi définit les conditions de temps et de lieu de séjour ou de résidence que le demandeur doit remplir ; qu'aux termes du I de l'article 4 de cette même loi, dans sa version applicable au litige : " Les demandes d'indemnisation sont soumises à un comité d'indemnisation (...) " et qu'aux termes du II de ce même article : " Ce comité examine si les conditions de l'indemnisation sont réunies. Lorsqu'elles le sont, l'intéressé bénéficie d'une présomption de causalité à moins qu'au regard de la nature de la maladie et des conditions de son exposition le risque attribuable aux essais nucléaires puisse être considéré comme négligeable. Le comité le justifie auprès de l'intéressé (...) " ; qu'aux termes de l'article 7 du décret du 11 juin 2010 pris pour l'application de la loi du 5 janvier 2010, dans sa rédaction alors applicable : " (...) Le comité d'indemnisation détermine la méthode qu'il retient pour formuler sa recommandation au ministre en s'appuyant sur les méthodologies recommandées par l'Agence internationale de l'énergie atomique. (...) " ;

3. Considérant qu'il résulte de ces dispositions que le législateur a entendu faire bénéficier toute personne souffrant d'une maladie radio-induite ayant résidé ou séjourné, durant des périodes déterminées, dans des zones géographiques situées en Polynésie française et en Algérie, d'une présomption de causalité aux fins d'indemnisation du préjudice subi en raison de l'exposition aux rayonnements ionisants due aux essais nucléaires ; que, toutefois, cette présomption peut être renversée lorsqu'il est établi que le risque attribuable aux essais nucléaires, apprécié tant au regard de la nature de la maladie que des conditions particulières d'exposition du demandeur, est négligeable ; qu'à ce titre, l'appréciation du risque peut notamment prendre en compte le délai de latence de la maladie, le sexe du demandeur, son âge à la date du diagnostic, sa localisation géographique au moment des tirs, les fonctions qu'il exerçait effectivement, ses conditions d'affectation, ainsi que, le cas échéant, les missions de son unité au moment des tirs ;

4. Considérant que le calcul de la dose reçue de rayonnements ionisants constitue l'un des éléments sur lequel l'autorité chargée d'examiner la demande peut se fonder afin d'évaluer le risque attribuable aux essais nucléaires ; que si, pour ce calcul, l'autorité peut utiliser les résultats des mesures de surveillance de la contamination tant interne qu'externe des personnes exposées, qu'il s'agisse de mesures individuelles ou collectives en ce qui concerne la contamination externe, il lui appartient de vérifier, avant d'utiliser ces résultats, que les mesures de surveillance de la contamination interne et externe ont, chacune, été suffisantes au regard des conditions concrètes d'exposition de l'intéressé, et sont ainsi de nature à établir si le risque attribuable aux essais nucléaires était négligeable ; qu'en l'absence de mesures de surveillance de la contamination interne ou externe et en l'absence de données relatives au cas des personnes se trouvant dans une situation comparable à celle du demandeur du point de vue du lieu et de la date de séjour, il appartient à cette même autorité de vérifier si, au regard des conditions concrètes d'exposition de l'intéressé précisées ci-dessus, de telles mesures auraient été nécessaires ; que si tel est le cas, l'administration ne peut être regardée comme rapportant la preuve de ce que le risque attribuable aux essais nucléaires doit être regardé comme négligeable et la présomption de causalité ne peut être renversée ;

5. Considérant qu'il est constant que M. B... a été affecté, ainsi qu'il a été dit au point 1, du 24 mars 1968 au 20 septembre 1969, au centre d'expérimentations nucléaires en Polynésie française ; que durant cette période il a été procédé à cinq tirs nucléaires atmosphériques ; que M. B... a ainsi séjourné dans des lieux et durant une période fixés par les dispositions de l'article 2 de la loi du 5 janvier 2010 ; qu'il est également constant qu'il a été atteint d'un cancer du rein et qu'il a ainsi souffert d'une pathologie figurant sur la liste des maladies annexée au décret du 11 juin 2010 ; que, pour rejeter sa demande d'indemnisation, le ministre de la défense s'est toutefois fondé sur le motif tiré de ce que le risque attribuable aux essais nucléaires français dans la survenance de la maladie dont l'intéressé a été atteint était négligeable, suivant en cela la recommandation du comité d'indemnisation des victimes des essais nucléaires français, lequel avait indiqué que, compte tenu du niveau de l'exposition aux rayonnements ionisants de l'intéressé lors de sa présence sur le site, la probabilité, évaluée selon les recommandations de l'Agence internationale de l'énergie atomique, d'une relation de causalité entre cette exposition et ladite maladie, était très inférieure à 1 % (0,11 %) ;

6. Considérant, en premier lieu, qu'il ressort des pièces du dossier que la méthode retenue par le CIVEN pour évaluer le risque attribuable aux essais nucléaires s'appuie sur une pluralité de critères, recommandés par l'Agence internationale de l'énergie atomique, notamment sur les conditions particulières d'exposition de l'intéressé, et qui, pour le calcul de la dose reçue de rayonnements ionisants, prend en compte, au titre de la contamination externe, les résultats de mesures de surveillance individuelles ou collectives disponibles ou, en leur absence, la dose équivalente à la valeur du seuil de détection des dosimètres individuels pour chaque mois de présence, fondée sur des données de surveillance radiologique atmosphérique permanente effectuée dans les centres d'essais nucléaires et, au titre de la contamination interne, les résultats des mesures individuelles de surveillance, ou en leur absence, les résultats des mesures de surveillance d'individus placés dans des situations comparables ; que ces critères, ainsi qu'il a été dit ci-dessus aux points 2 et 3, ne méconnaissent pas les dispositions de la loi et permettent, sur ce fondement, d'établir, le cas échéant, le caractère négligeable du risque attribuable aux essais nucléaires dans la survenue de la maladie dont souffre l'intéressé ; que, par suite, le requérant ne peut se prévaloir de ce que la méthode utilisée par le CIVEN ne permettait pas de caractériser l'existence d'un risque négligeable attribuable aux essais nucléaires ;

7. Considérant, en deuxième lieu, qu'il ressort des pièces du dossier, et en particulier des informations produites par le ministre de la défense, qu'au moment de chacun des essais nucléaires sous ballon pratiqués lorsque M. B... se trouvait en Polynésie française, à savoir l'essai Capella du 7 juillet 1968, l'essai Castor du 15 juillet 1968, l'essai Pollux du 3 août 1968, l'essai Canopus du 24 août 1968 et, enfin, l'essai Procyon du 8 septembre 1968, les atolls susceptibles de subir une irradiation étaient complètement évacués de leur personnel et de leurs navires, au nombre desquels les bâtiments-base " Morvan ", " Maurienne " et " Moselle " sur lesquels a successivement été affecté M. B..., et qui étaient précisément chargés, lors de chacun de ces essais, d'évacuer les personnels vers une zone comprise entre cinquante et cent kilomètres du point zéro, éloignée des zones de tirs et située au delà de la limite du périmètre de sécurité, pour n'y revenir qu'après avis favorable des spécialistes de la décontamination lorsqu'il était estimé que tout risque radioactif était écarté ; qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que M. B..., affecté en qualité de mécanicien à bord des bâtiments-base " Morvan ", " Maurienne " et " Moselle ", y aurait exercé des fonctions en zone surveillée ou en zone contrôlée l'ayant particulièrement exposé à une irradiation, à l'exception de deux entrées en zone contrôlée, les 15 et 17 juillet 1968, mentionnées sur la fiche individuelle récapitulative des séjours en zone contrôlée produite par le ministre de la défense ; qu'il en ressort à l'inverse que M. B... a fait l'objet, durant sa période d'affectation au centre d'expérimentation du Pacifique, de mesures de surveillance de la contamination externe, par le port d'un dosimètre individuel externe, durant la période de mars 1968 à janvier 1969, et la mise en place d'un dosimètre collectif d'ambiance sur les bâtiments-base sur lesquels il était affecté ; qu'il a également fait l'objet de mesures de la dosimétrie interne résultant de trois examens anthropogammaspectrométriques réalisés les 5 avril, 5 août et 31 octobre 1968 et d'une radiotoxicologie urinaire pratiquée le 13 novembre 1968 ; qu'ainsi, eu égard tant aux conditions d'exposition de M. B... et aux fonctions effectivement exercées par celui-ci, qu'aux missions et à la localisation des bâtiments-base " Morvan ", " Maurienne " et " Moselle " lors de la campagne de tirs, les mesures de la contamination tant externe qu'interne ont, chacune, été suffisantes ;

8. Considérant, en dernier lieu, qu'il résulte de l'instruction que la maladie dont a souffert M. B... a été diagnostiquée en 1997, vingt-huit années après la fin de sa période de présence en Polynésie française ; qu'il en résulte également que, pour émettre, lors de sa séance du 18 mai 2011, sa recommandation, suivie par le ministre de la défense, selon laquelle le risque attribuable aux essais nucléaires dans la survenue de la maladie de M. B... pouvait être considéré comme négligeable, le CIVEN s'est fondé, en particulier, d'une part, sur les mentions du " relevé d'irradiation externe ", établi le 15 mai 2003 par le médecin en chef responsable du département de suivi des centres d'expérimentations nucléaires, faisant apparaître, au vu des mesures d'un dosimètre externe, effectuées durant la période comprise entre mars 1968 et janvier 1969, une dose " organisme entier " de rayonnement relevée sur l'intéressé, égale à 0 millirem (mrem) ou 0 milliSievert (mSv) et, d'autre part, sur les mesures d'un dosimètre collectif d'ambiance, à bord des bâtiments-base " Morvan ", " Maurienne " et " Moselle ", faisant apparaître une dose de rayonnement égale à 0 millirem pour la période de présence de M. B... sur chacun de ces bâtiments ; qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que les dosimètres individuels et d'ambiance utilisés pour la radioprotection lors des essais nucléaires français en Polynésie n'étaient pas de nature à permettre des mesures fiables ; que le CIVEN s'est également fondé sur les résultats d'examens d'anthropogammamétrie, réalisés les 5 avril, 5 août et 31 octobre 1968 faisant apparaître, ainsi qu'il résulte des fiches d'anthropogammamétrie produites par le ministre de la défense, des indices de tri respectifs de 0,64, 1,10 et 1,02, soit des résultats inférieurs à 2, considérés comme normaux ; que les mesures ainsi effectuées par des examens d'anthropogammamétrie, de nature à permettre de déceler, plus d'un an après leur incorporation dans l'organisme, la présence de radioéléments gamma émetteur à des doses très faibles, et ainsi à mettre en évidence la contamination interne résultant de l'ingestion ou l'inhalation de particules radioactives, et donc de la diffusion plasmatique de radioéléments dans tous les compartiments de l'organisme, qui se traduit par l'exposition aux rayonnements ionisants de certains organes, a conduit en l'espèce à conclure à un examen normal, alors au demeurant que l'examen pratiqué le 5 août l'a été deux jours seulement après le tir Pollux ; qu'il ne ressort pas des pièces du dossier, et en particulier des seules affirmations de M. B... selon lesquelles l'appareil de spectrogammamétrie serait d'un maniement délicat, que les résultats obtenus ne sont pas fiables ; qu'en dernier lieu, si une analyse radiotoxicologique des urines de vingt-quatre heures, réalisée le 13 novembre 1968, a montré des traces de Césium 144 au niveau de 3,5 picocuries ou 130 milliBecquerels, l'équivalent de dose maximal calculé, inférieur à 0,1 mSv, est négligeable, en regard à la norme professionnelle annuelle des travailleurs exposés aux rayonnements ionisants fixée, à l'époque, à 50 mSv ;

9. Considérant que, dans ces conditions, eu égard au caractère négligeable du risque attribuable aux essais nucléaires dans la survenue de la maladie de M. B..., le requérant ne peut invoquer la présomption résultant des dispositions du II de l'article 4 de la loi du 5 janvier 2010 ; que, par suite, en l'absence de démonstration d'un lien de causalité certain et direct entre l'exposition de M. B... aux rayonnements ionisants dus aux essais nucléaires français et les maladies dont il a souffert, le ministre de la défense était fondé à rejeter sa demande d'indemnisation ;

10. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande ; que doivent être rejetées, par voie de conséquence, les conclusions de sa requête aux fins d'injonction et tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B...et au ministre de la défense.

Délibéré après l'audience du 22 septembre 2016 à laquelle siégeaient :

M. Faessel, président de chambre,

M. Seillet, président-assesseur,

Mme Cottier, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 13 octobre 2016.

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N° 15LY00631


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 6ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 15LY00631
Date de la décision : 13/10/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

60-02-08 Responsabilité de la puissance publique. Responsabilité en raison des différentes activités des services publics. Service de l'armée.


Composition du Tribunal
Président : M. FAESSEL
Rapporteur ?: M. Philippe SEILLET
Rapporteur public ?: Mme VIGIER-CARRIERE
Avocat(s) : TEISSONNIERE TOPALOFF LAFFORGUE

Origine de la décision
Date de l'import : 22/11/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2016-10-13;15ly00631 ?
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