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13/10/2016 | FRANCE | N°14LY02353

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 6ème chambre - formation à 3, 13 octobre 2016, 14LY02353


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La Sarl La Pompadour a demandé au tribunal administratif de Clermont-Ferrand de condamner l'établissement public national d'aménagement et de restructuration des espaces commerciaux et artisanaux (EPARECA) à lui verser la somme totale de 423 422 euros en réparation du préjudice qu'elle a subi entre le 1er juillet 2006 et le 31 octobre 2011 du fait de la restructuration du quartier de la Gauthière, à Clermont-Ferrand.

Par un jugement n° 1300619 du 3 juin 2014, le tribunal administratif de Clermont-F

errand a rejeté sa demande et mis à sa charge les frais d'expertise ainsi qu'...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La Sarl La Pompadour a demandé au tribunal administratif de Clermont-Ferrand de condamner l'établissement public national d'aménagement et de restructuration des espaces commerciaux et artisanaux (EPARECA) à lui verser la somme totale de 423 422 euros en réparation du préjudice qu'elle a subi entre le 1er juillet 2006 et le 31 octobre 2011 du fait de la restructuration du quartier de la Gauthière, à Clermont-Ferrand.

Par un jugement n° 1300619 du 3 juin 2014, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande et mis à sa charge les frais d'expertise ainsi qu'une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 22 juillet 2014, présentée pour la Sarl La Pompadour, dont le siège social est 29, rue Grande Combaude à Clermont-Ferrand (63100), il est demandé à la cour :

1°) d'annuler ce jugement n° 1300619 du 3 juin 2014 du tribunal administratif de Clermont-Ferrand ;

2°) de prononcer la condamnation demandée ;

3°) de mettre à la charge de l'établissement public national d'aménagement et de restructuration des espaces commerciaux et artisanaux (EPARECA) la somme de 5 000 euros, au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, ainsi que les dépens.

Elle soutient que :

- contrairement à ce qu'ont estimé les premiers juges, il peut être fait grief à l'EPARECA de ne pas lui avoir proposé une solution d'indemnisation adaptée dans des délais raisonnables ;

- la fermeture d'une tour de 170 logements en 2008, s'inscrivant dans le cadre de l'opération de restructuration dont l'EPARECA avait la charge et la responsabilité, ainsi que la fermeture des commerces avoisinants dans le même cadre de cette opération de restructuration sont à l'origine des préjudices dont elle a souffert en raison de la perte de chance d'ouvrir de nouveaux points de vente, dès lors que le laboratoire permettait de produire en plus grande quantité que celui finalement proposé par l'EPARECA, inadapté ;

- eu égard à la convention signée entre la commune de Clermont-Ferrand et l'agence nationale de rénovation urbaine le 4 mai 2006, l'EPARECA, qui avait compétence en matière d'expropriation, se rendre propriétaire du terrain du centre commercial existant et des lots de copropriété permettant la réalisation de l'opération de restructuration, avait vocation, contrairement à ce qu'il prétend, à prendre en charge les indemnités liées au projet de rénovation urbaine ;

- elle a subi un préjudice anormal et spécial dès lors que la réalisation de l'opération de rénovation urbaine dont l'EPARECA avait la charge n'a pas été conduite dans des conditions normales, et se trouve à l'origine de la modification des conditions économiques dans lesquelles elle a été amenée à poursuivre son activité ;

- elle démontre l'existence d'un lien de causalité entre l'intervention de l'EPARECA et ce préjudice, dans le cadre d'un régime de responsabilité sans faute.

Par un mémoire, enregistré le 20 février 2015, présenté pour l'établissement public national d'aménagement et de restructuration des espaces commerciaux et artisanaux (EPARECA), il conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge de la Sarl La Pompadour de la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- l'argument selon lequel l'EPARECA n'aurait formulé que tardivement, en mai 2010, une proposition concrète d'expropriation, est sans lien avec sa responsabilité du fait de la réhabilitation du site et la baisse du chiffre d'affaires de la société requérante, cette question concernant le litige engagé devant le juge de l'expropriation ; cet argument est, en outre, infondé, dès lors que la proposition faite l'a été dans un délai raisonnable après l'arrêté de déclaration d'utilité publique et de cessibilité du 11 mars 2010 ;

- il ne peut être tenu pour responsable d'une perte de clientèle résultant de la démolition d'une tour d'habitation, qui a été effectuée par un autre organisme, Auvergne Habitat, et dont il n'est ni l'auteur ni le maître d'ouvrage, dès lors que l'EPARECA avait seulement la charge de l'opération de réhabilitation du centre commercial et non l'opération de restructuration du quartier de la Gauthière, inscrite dans le cadre d'une opération plus large de rénovation urbaine portée par la commune de Clermont-Ferrand ;

- il n'existe aucun lien de causalité direct entre la baisse du chiffre d'affaires de la société requérante et la prétendue tardiveté de l'intervention de l'EPARECA, dès lors que la baisse de fréquentation depuis 2006 trouve d'autres explications, liées au déclin du quartier d'implantation, antérieur à la restructuration du centre commercial ; le lien est d'autant plus difficile à établir que c'est le chiffre d'affaires des points de vente de Cébazat et Blanzat qui était en baisse depuis 2006, alors que ces deux magasins se situent en dehors du quartier de la Gauthière, et alors que le chiffre d'affaires du point de vente de ce quartier a connu une augmentation en 2010 ;

- le préjudice allégué ne présente pas une ampleur suffisante pour caractériser un préjudice anormal et il ne présente pas non plus un caractère spécial, dès lors que plusieurs commerces installés dans le même centre commercial ont vu leur activité décliner avant de fermer, sans que cela puisse être la résultante de l'opération de rénovation urbaine.

Par un mémoire, enregistré le 13 avril 2015, présenté pour la Sarl La Pompadour, elle maintient les conclusions de sa requête par les mêmes moyens.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique du 22 septembre 2016 :

- le rapport de M. Seillet, président-assesseur ;

- et les conclusions de Mme Vigier-Carrière, rapporteur public.

1. Considérant qu'à la suite de la signature, le 4 mai 2006, d'une convention partenariale entre l'ANRU (agence nationale pour la rénovation urbaine) et l'agglomération clermontoise pour la mise en oeuvre d'un projet de rénovation urbaine sur le territoire de la commune de Clermont-Ferrand, impliquant 17 partenaires publics et privés, et dans le cadre de la mise en oeuvre de ce projet, une seconde convention a été signée, le 9 mai 2006, entre la commune de Clermont-Ferrand et l'établissement public national d'aménagement et de restructuration des espaces commerciaux et artisanaux (EPARECA), ce dernier s'engageant en particulier à " assurer la maîtrise d'ouvrage de la réalisation de l'opération immobilière (centre commercial hors aménagements extérieurs ) " et à financer l'opération portant sur le centre commercial de La Gauthière, à réaliser sur l'emprise laissée libre à la suite de la démolition de la barre " Sud " de la résidence de l'Aiguillade, tandis que la commune de Clermont-Ferrand s'engageait à " autoriser Epareca à avoir recours à la procédure d'expropriation pour cause d'utilité publique indispensable à la réalisation du projet " ; que, par un arrêté du 11 mars 2010, le préfet du Puy-de-Dôme a déclaré d'utilité publique le projet de restructuration du centre commercial en faveur de l'EPARECA ainsi que l'acquisition des parcelles nécessaires à cette opération et a prononcé la cessibilité de ces terrains, en particulier le lot n°1 représentant une superficie de 336,9 m² correspondant aux locaux de la Sarl La Pompadour, laquelle y exploitait depuis le 27 février 2003 un fonds de commerce de boulangerie comportant un fournil lui permettant d'alimenter en outre deux autres fonds, à Blanzat et à Cébazat, ce dernier fonds ayant toutefois été cédé en 2008 ; que l'autorité expropriante a, par une lettre du 4 juin 2010, présenté au gérant de la Sarl La Pompadour une offre de transfert dans un nouveau local, plus petit que le précédent ; qu'en dernier lieu, la cour d'appel de Lyon, par un arrêt 13 avril 2015, a considéré que l'éviction des deux sites était totale, dès lors que le local proposé ne permettait pas la continuation de l'activité économique dans les conditions dans lesquelles elle était exercée dans les locaux expropriés, qui portait notamment sur l'alimentation du site de Blanzat, et a fixé l'indemnité d'éviction à la somme de 214 284 euros ; que, par ailleurs, la Sarl La Pompadour a recherché la responsabilité de l'EPARECA et demandé au tribunal administratif de Clermont-Ferrand, après expertise, de condamner cet établissement public à lui verser une indemnité de 423 422 euros en réparation du préjudice résultant pour elle de la baisse de son chiffre d'affaires entre 2006 et 2010, dont elle voyait la cause dans la restructuration du centre commercial, laquelle était venue modifier ses conditions économiques d'exploitation ; qu'elle fait appel du jugement du 3 juin 2014 par lequel le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande ;

2. Considérant, en premier lieu, que la Sarl La Pompadour n'établit pas l'existence d'un lien de causalité direct et certain entre, d'une part, l'absence de proposition de transfert effectivement adaptée aux caractéristiques du fonds qu'elle exploitait dans le centre commercial La Gauthière avant sa restructuration, circonstance qui a finalement conduit à son éviction et à son indemnisation par le juge de l'expropriation et, d'autre part, la baisse de son chiffre d'affaires pendant la période considérée ;

3. Considérant, en second lieu, qu'il résulte de l'instruction que l'opération de reconstruction du centre commercial La Gauthière a été décidée à la suite du constat d'une perte d'attractivité du lieu, en raison de nombreux problèmes résultant notamment d'une architecture visuellement défavorable, d'un agencement vieillissant et de l'isolement par rapport aux flux de transit, qui avaient conduit " à la fermeture progressive d'une grande partie des commerces et services ", ainsi que le mentionne la convention conclue le 9 mai 2006 entre le commune de Clermont-Ferrand et l'EPARECA ; qu'il en résulte aussi qu'en raison de la fermeture, en 2008, du supermarché Util, à la suite d'un incendie criminel et donc sans lien avec le projet de restructuration conduit par l'EPARECA, la Sarl La Pompadour a perdu une partie importante de la clientèle que drainait ce supermarché ; que l'expert désigné par le tribunal administratif de Clermont-Ferrand mentionne d'ailleurs dans son rapport que " l'incendie du magasin Util serait le déclencheur de la dégradation du quartier (mars 2008) " ; que si un ensemble d'immeubles a été détruit également en 2008 dans le cadre du projet global de restructuration du quartier, l'EPARECA n'était toutefois pas en charge de cette opération, réalisée par la SCIC Habitat Auvergne et Bourbonnais ; qu'il résulte enfin de l'instruction que le chiffre d'affaires du point de vente de La Gauthière était déjà en diminution entre les exercices clos en 2005 et 2006, ainsi que l'indique la note de synthèse d'expert-comptable de 2010 produite par la requérante, et que le chiffre d'affaires du point de vente de Blanzat avait connu une baisse entre 2006 et 2010, tout comme celui du point de vente de Cébazat entre 2006 et sa cession en 2008, alors pourtant que la restructuration du quartier de La Gauthière n'avait pu avoir d'influence ni sur les ventes à Blanzat et Cébazat, ni sur la capacité de production de la Sarl La Pompadour, dès lors qu'avant l'expropriation effective, les locaux et les machines de production n'avaient subi aucune modification ; qu'ainsi la Sarl La Pompadour ne démontre pas davantage l'existence d'un lien de causalité direct et certain entre la restructuration du centre commercial La Gauthière conduit par l'EPARECA et les préjudices résultant de la baisse de son chiffre d'affaires, qui fonde sa demande de réparation ;

4. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Sarl La Pompadour n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande et mis à sa charge les frais de l'expertise ; que doivent être rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

5. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la Sarl La Pompadour une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés à l'occasion de la présente instance par l'EPARECA et non compris dans les dépens ;

DECIDE :

Article 1er : La requête de la Sarl La Pompadour est rejetée.

Article 2 : La Sarl La Pompadour versera la somme de 1 500 euros à l'EPARECA au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la Sarl La Pompadour et l'établissement public national d'aménagement et de restructuration des espaces commerciaux et artisanaux (EPARECA).

Délibéré après l'audience du 22 septembre 2016 à laquelle siégeaient :

M. Faessel, président de chambre,

M. Seillet, président-assesseur,

Mme Beytout, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 13 octobre 2016.

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N° 14LY02353


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 6ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 14LY02353
Date de la décision : 13/10/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

60-01-02-01-03 Responsabilité de la puissance publique. Faits susceptibles ou non d'ouvrir une action en responsabilité. Fondement de la responsabilité. Responsabilité sans faute. Responsabilité encourue du fait de l'exécution, de l'existence ou du fonctionnement de travaux ou d'ouvrages publics.


Composition du Tribunal
Président : M. FAESSEL
Rapporteur ?: M. Philippe SEILLET
Rapporteur public ?: Mme VIGIER-CARRIERE
Avocat(s) : SELARL D'AVOCATS JURI DÔME

Origine de la décision
Date de l'import : 22/11/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2016-10-13;14ly02353 ?
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