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04/10/2016 | FRANCE | N°15LY00766

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 3ème chambre - formation à 3, 04 octobre 2016, 15LY00766


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A...a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler les décisions du 11 septembre 2014 par lesquelles le préfet du Rhône a rejeté sa demande de titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français et a fixé le pays à destination duquel il sera renvoyé, d'enjoindre sous astreinte au préfet, à titre principal, de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " ou " salarié ", à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation et de mett

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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A...a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler les décisions du 11 septembre 2014 par lesquelles le préfet du Rhône a rejeté sa demande de titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français et a fixé le pays à destination duquel il sera renvoyé, d'enjoindre sous astreinte au préfet, à titre principal, de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " ou " salarié ", à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation et de mettre à la charge de l'Etat au profit de son conseil une somme de 1 200 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée relative à l'aide juridique.

Par un jugement n° 1407337 du 22 janvier 2015, le tribunal administratif de Lyon a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 4 mars 2015, M. B... A..., représenté par Me Sabatier, avocat, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement n° 1407337 du 22 janvier 2015 du tribunal administratif de Lyon ;

2°) d'annuler les décisions du 11 septembre 2014 par lesquelles le préfet du Rhône a rejeté sa demande de titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français et a fixé le pays à destination duquel il sera renvoyé ;

3°) à titre principal, d'enjoindre au préfet de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " ou " salariée " sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de l'arrêt à intervenir ;

4°) à titre subsidiaire, d'enjoindre au préfet de réexaminer sa situation sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de l'arrêt à intervenir ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat au profit de son conseil une somme de 1 200 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée relative à l'aide juridique.

Il soutient que :

s'agissant du refus de titre de séjour :

- il est illégal du fait de l'illégalité de la décision du 22 juillet 2014 du préfet du Rhône rejetant sa demande d'autorisation de travail ; qu'en effet, cette décision du 22 juillet 2014 a été prise à la suite d'une inspection de la législation du travail que le préfet du Rhône n'avait pas le pouvoir de diligenter ;

- en opposant la situation de l'emploi, le préfet a entaché cette décision d'erreur de droit, dès lors que la demande d'autorisation de travail a été déposée à l'appui d'une demande de régularisation à titre exceptionnel sur le fondement de la circulaire du 28 novembre 2012 du ministre de l'intérieur, laquelle prévoit que la situation de l'emploi ne sera pas opposée pour la mise en oeuvre de la procédure d'admission exceptionnelle au séjour ;

- cette décision méconnaît l'article R. 5221-20 du code du travail, dès lors que la société EGRC, qui l'emploie depuis le 11 janvier 2003, ne souhaitait pas prendre le risque de recruter une personne dont elle ne connaissait pas les qualités professionnelles ;

- le préfet ne pouvait refuser l'autorisation de travail au motif de l'absence de production d'éléments qui n'avaient pas été sollicités ;

- il n'a pas été tenu compte de la particularité de la situation ;

- il méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, l'article 7 quater de l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988 modifié, le 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et le premier alinéa de l'article L. 313-14 du même code et est entaché d'erreur manifeste d'appréciation, dès lors qu'il réside en France depuis huit ans, qu'il bénéficie d'une promesse d'embauche, qu'il vit chez son frère, de nationalité tunisienne et titulaire d'une carte de résident, et que sa soeur est de nationalité française et réside en France ;

s'agissant de l'obligation de quitter le territoire français :

- elle est illégale du fait de l'illégalité du refus de titre de séjour ;

- elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

s'agissant de la décision fixant le pays de renvoi, elle est illégale du fait de l'illégalité du refus de titre de séjour et de l'obligation de quitter le territoire français.

Par un mémoire en défense, enregistré le 18 août 2016, le préfet du Rhône conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir qu'il s'en rapporte à ses écritures de première instance.

M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 22 avril 2015.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988 modifié relatif au séjour et au travail des personnes ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code du travail ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée relative à l'aide juridique ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Drouet, président assesseur, a été entendu au cours de l'audience publique.

Sur la légalité du refus de titre de séjour :

1. Considérant, en premier lieu, que M. A... excipe à l'encontre du refus de titre qui lui a été opposé de l'illégalité de la décision du 22 juillet 2014 du préfet du Rhône rejetant sa demande d'autorisation de travail ;

2. Considérant, d'une part, que si ladite décision du 22 juillet 2014 mentionne un contrôle effectué par les services du travail dans les locaux de la société EGRC, il ressort des pièces du dossier que ce contrôle a été ordonné par le préfet au service chargé de l'emploi et au service de l'inspection du travail ; que, par suite, doit être écarté le moyen tiré de ce que cette décision du 22 juillet 2014 a été prise à la suite d'un contrôle de l'inspection du travail que le préfet du Rhône n'avait pas le pouvoir de diligenter ;

3. Considérant, d'autre part, qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que l'administration ne se serait pas livrée à un examen particulier de la situation personnelle du demandeur dans le cadre de l'instruction de la demande d'autorisation de travail ;

4. Considérant, en outre, que M. A... ne saurait utilement se prévaloir des termes de la circulaire du 28 novembre 2012 du ministre de l'intérieur, lesquels sont dépourvus de caractère impératif ; que, par suite, doit être écarté le moyen tiré de ce que le préfet ne pouvait légalement, pour rejeter la demande d'autorisation de travail, se fonder sur la situation de l'emploi dont ladite circulaire prévoit qu'elle ne sera pas opposée pour la mise en oeuvre de la procédure d'admission exceptionnelle au séjour ;

5. Considérant, par ailleurs, qu'aux termes de l'article 3 de l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988 modifié relatif au séjour et au travail des personnes : " Les ressortissants tunisiens désireux d'exercer une activité professionnelle salariée en France, pour une durée d'un an au minimum, et qui ne relèvent pas des dispositions de l'article 1er du présent accord, reçoivent, après contrôle médical et sur présentation d'un contrat de travail visé par les autorités compétentes, un titre de séjour valable un an et renouvelable et portant la mention "salarié". " ; que selon l'article 2 du même accord : " (...) 2.3.3. Le titre de séjour portant la mention " salarié ", prévu par le premier alinéa de l'article 3 de l'accord du 17 mars 1988 modifié, est délivré à un ressortissant tunisien en vue de l'exercice, sur l'ensemble du territoire français, de l'un des métiers énumérés sur la liste figurant à l'annexe I du présent protocole, sur présentation d'un contrat de travail visé par l'autorité française compétente sans que soit prise en compte la situation de l'emploi (...) " ; que l'article R. 5221-20 du code du travail dispose : " Pour accorder ou refuser l'une des autorisations de travail mentionnées à l'article R. 5221-11, le préfet prend en compte les éléments d'appréciation suivants : / 1° La situation de l'emploi dans la profession et dans la zone géographique pour lesquelles la demande est formulée, compte tenu des spécificités requises pour le poste de travail considéré, et les recherches déjà accomplies par l'employeur auprès des organismes de placement concourant au service public du placement pour recruter un candidat déjà présent sur le marché du travail ; / 2° L'adéquation entre la qualification, l'expérience, les diplômes ou titres de l'étranger et les caractéristiques de l'emploi auquel il postule ; / 3° le respect par l'employeur, l'utilisateur mentionné à l'article L. 1251-1 ou l'entreprise d'accueil de la législation relative au travail et à la protection sociale ; / 4° Le cas échéant, le respect par l'employeur, l'utilisateur, l'entreprise d'accueil ou le salarié des conditions réglementaires d'exercice de l'activité considérée ; / 5° Les conditions d'emploi et de rémunération offertes à l'étranger, qui sont comparables à celles des salariés occupant un emploi de même nature dans l'entreprise ou, à défaut, dans la même branche professionnelle ; / 6° Le salaire proposé à l'étranger qui, même en cas d'emploi à temps partiel, est au moins équivalent à la rémunération minimale mensuelle mentionnée à l'article L. 3232-1 ; / (...) " ; que, pour examiner une demande d'autorisation de travail d'un ressortissant tunisien, il incombe à l'administration de se fonder sur l'ensemble des critères afférents à l'examen de la situation de cet étranger, à l'exception du 1° de l'article R. 5221-20 du code du travail dans le cas où le métier envisagé figure sur la liste annexée à l'accord du 17 mars 1988 ;

6. Considérant que M. A..., de nationalité tunisienne, a produit, à l'appui de sa demande, un contrat de travail établi le 11 janvier 2013 en qualité de peintre en bâtiment auprès de la société EGRC ; que, pour refuser l'autorisation de travail sollicitée, le préfet s'est notamment fondée sur la circonstance que cette société n'avait pu s'assurer qu'aucun demandeur d'emploi ne pouvait être recruté, le futur employeur n'apportant pas la preuve de diligences préalables en vue de rechercher des candidats disponibles sur le marché du travail ;

7. Considérant que le métier de peintre en bâtiment ne figure pas, dans les accords franco-tunisiens, au nombre de ceux auxquels ne s'applique pas le critère de l'opposition de la situation de l'emploi ; que, dès lors, le préfet n'a pas entaché sa décision contestée d'erreur de droit en opposant la situation de l'emploi à la demande d'autorisation de travail de M. A... ;

8. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier, et notamment des termes de la décision litigieuse et n'est pas contesté, que le nombre de demandeurs d'emploi est sensiblement supérieur à celui des offres proposées pour l'emploi considéré ; que si M. A... a déjà occupé le poste pendant huit mois et donné satisfaction dans l'exercice de ses fonctions, il ne ressort pas des pièces du dossier que cet emploi n'aurait pu être utilement pourvu par un candidat inscrit sur le marché du travail ; que, dans ces conditions, le préfet n'a pas fait une inexacte application des dispositions précitées de l'article R. 5221-20 du code du travail en opposant la situation de l'emploi à la demande d'autorisation de travail de M. A... ;

9. Considérant, enfin, que le préfet a également fondé sa décision de refus d'autorisation de travail sur l'absence de production par la société EGRC des registres de sécurité prévus aux articles R. 4534-18 et R. 4534-19 du code du travail et des justificatifs des visites médicales d'embauche de nombreux salariés ; qu'il ressort des pièces du dossier, et notamment des mentions de la décision en litige, que, contrairement à ce que soutient le requérant, la production de ces documents a été sollicitée le 13 mai 2014 par l'administration à ladite société ;

10. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à exciper, à l'encontre du refus de titre qui lui a été opposé, de l'illégalité de la décision du 22 juillet 2014 du préfet du Rhône rejetant sa demande d'autorisation de travail ;

11. Considérant, en second lieu, que M. A..., né le 14 août 1970 et de nationalité tunisienne, fait valoir qu'il réside en France depuis huit ans, qu'il bénéficie d'une promesse d'embauche, qu'il vit chez son frère, de nationalité tunisienne et titulaire d'une carte de résident, et que sa soeur est de nationalité française et réside en France ; que, toutefois, l'intéressé, qui est célibataire et sans charge de famille, n'apporte des preuves de sa présence sur le territoire français qu'à compter de l'année 2008 ; qu'il n'est pas dépourvu d'attaches familiales dans son pays d'origine où il a vécu au moins jusqu'à l'âge de trente-cinq ans et où résident sa mère et une soeur ; que, par suite, compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, la décision contestée de refus de titre de séjour n'a pas porté au droit de M. A... au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux motifs du refus et n'a, ainsi, pas méconnu les stipulations précitées de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ni les dispositions précitées du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et n'est pas entachée d'erreur manifeste d'appréciation quant à ses conséquences sur la situation personnelle et familiale du requérant ; que, pour les mêmes motifs, le préfet n'a pas davantage commis, au regard des dispositions précitées de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, d'erreur manifeste d'appréciation de la situation du requérant qui n'établit pas l'existence de considérations humanitaires ni de motifs exceptionnels justifiant son admission au séjour ;

Sur la légalité de l'obligation de quitter le territoire français :

12. Considérant, d'une part, qu'il résulte de ce qui a été dit aux points 1 à 11 que M. A... n'est pas fondé à exciper, à l'encontre de la décision l'obligeant à quitter le territoire français, de l'illégalité de la décision rejetant sa demande de titre de séjour ;

13. Considérant, d'autre part, que pour les mêmes motifs que ceux retenus au point 11 dans le cadre de l'examen de la légalité de la décision de refus de titre de séjour, la décision obligeant M. A... à quitter le territoire français n'a pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Sur la légalité de la décision fixant le pays de renvoi :

14. Considérant qu'il résulte de ce qui a été dit aux points 1 à 13 que M. A... n'est pas fondé à exciper, à l'encontre de la décision fixant le pays de renvoi, de l'illégalité de la décision rejetant sa demande de titre de séjour et de la décision l'obligeant à quitter le territoire français ;

15. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande ; que, par voie de conséquence, doivent être rejetées ses conclusions aux fins d'injonction sous astreinte et de mise à mise à la charge de l'Etat des frais exposés et non compris dans les dépens dans les conditions prévues par les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée ;

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A..., à Me Sabatier et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet du Rhône.

Délibéré après l'audience du 13 septembre 2016, à laquelle siégeaient :

- M. Alfonsi, président de chambre,

- M. Drouet, président assesseur,

- M. Deliancourt, premier conseiller.

Lu en audience publique le 4 octobre 2016.

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N° 15LY00766


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 3ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 15LY00766
Date de la décision : 04/10/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers - Refus de séjour.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. ALFONSI
Rapporteur ?: M. Hervé DROUET
Rapporteur public ?: M. CLEMENT
Avocat(s) : SABATIER

Origine de la décision
Date de l'import : 22/11/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2016-10-04;15ly00766 ?
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