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29/09/2016 | FRANCE | N°16LY01008

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 5ème chambre - formation à 3, 29 septembre 2016, 16LY01008


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... A...a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler les décisions du préfet du Rhône, du 3 février 2015, lui refusant la délivrance d'un titre de séjour, l'obligeant à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et désignant le pays à destination duquel il serait reconduit d'office à l'expiration de ce délai.

Par un jugement n° 1504473 du 22 décembre 2015, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une r

equête, enregistrée le 18 mars 2016, M. A..., représenté par Me B..., demande à la cour :

1°) d'a...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... A...a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler les décisions du préfet du Rhône, du 3 février 2015, lui refusant la délivrance d'un titre de séjour, l'obligeant à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et désignant le pays à destination duquel il serait reconduit d'office à l'expiration de ce délai.

Par un jugement n° 1504473 du 22 décembre 2015, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 18 mars 2016, M. A..., représenté par Me B..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Lyon du 22 décembre 2015 ;

2°) d'annuler les décisions susmentionnées pour excès de pouvoir ;

3°) d'enjoindre au préfet du Rhône de lui délivrer un titre de séjour d'une durée d'un an renouvelable, dans le délai d'un mois à compter de la notification de la décision à intervenir, sous astreinte de 50 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 300 euros, au profit de son conseil, en application des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée.

Il soutient que :

S'agissant de la décision portant refus de délivrance de titre de séjour :

- la décision est insuffisamment motivée ;

- elle est entachée d'une erreur de droit en ce que le préfet s'est estimé lié par le refus d'autorisation de travail opposé par la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi ;

- elle est entachée d'une erreur de droit en ce que le préfet n'a pas examiné sa demande sur le fondement de l'accord franco-sénégalais relatif à la gestion concertée des flux migratoires ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation quant à ses conséquences sur sa situation personnelle ;

S'agissant de la décision portant obligation de quitter le territoire français :

- la décision méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation quant à ses conséquences sur sa situation personnelle.

En application de l'article R. 611-8 du code de justice administrative, l'affaire a été dispensée d'instruction.

M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 17 février 2016.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'accord relatif à la gestion concertée des flux migratoires entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République du Sénégal, signé à Dakar le 23 septembre 2006, et son avenant signé à Dakar le 25 février 2008 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code du travail ;

- la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative ;

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

M. A...a été régulièrement averti du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Pourny,

- et les observations de MeD..., pour M.A....

1. Considérant que M. A..., ressortissant sénégalais né le 18 juillet 1977, est arrivé en France le 21 octobre 2011, sous couvert d'un passeport en cours de validité revêtu d'un visa de long séjour valant titre de séjour en qualité de " conjoint de Française ", valable du 12 octobre 2011 au 12 octobre 2012, puis a obtenu une carte de séjour temporaire en qualité de conjoint de Française renouvelée jusqu'au 11 octobre 2014 ; que, le 13 octobre 2014, M. A... a demandé la délivrance d'une carte de résident sur le fondement du 3° de l'article L. 314-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ainsi que d'une carte de séjour temporaire en qualité de salarié sur le fondement de l'article L. 313-10 de ce même code ; que, par arrêté du 3 février 2015, le préfet du Rhône a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a désigné le pays de destination en cas d'exécution d'office de la mesure d'éloignement ; que M. A... conteste le jugement par lequel le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces décisions ;

Sur la décision portant refus de délivrance de titre de séjour :

2. Considérant, en premier lieu, que la décision de refus de délivrance d'un titre de séjour salarié contestée est régulièrement motivée en droit par le visa de l'article L. 313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; qu'elle est suffisamment motivée en fait par l'indication que la demande d'autorisation de travail de M. A...a été rejetée pour des motifs dont l'intéressé a eu connaissance par courrier du 11 décembre 2014, que le requérant ne conteste pas avoir reçu ; que la circonstance que les motifs du refus d'autorisation de travail ne soient pas énoncés dans la décision de refus de délivrance de titre de séjour et que la décision de refus d'autorisation de travail n'ait pas été jointe à celle-ci est sans incidence sur la régularité de la motivation de la décision contestée au regard des exigences des articles 1er et 3 de la loi du 11 juillet 1979 ;

3. Considérant qu'aux termes de l'article L. 313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La carte de séjour temporaire autorisant l'exercice d'une activité professionnelle est délivrée : / 1° A l'étranger titulaire d'un contrat de travail visé conformément aux dispositions de l'article L. 341-2 du code du travail. / Pour l'exercice d'une activité professionnelle salariée dans un métier et une zone géographique caractérisés par des difficultés de recrutement et figurant sur une liste établie au plan national par l'autorité administrative, après consultation des organisations syndicales d'employeurs et de salariés représentatives, l'étranger se voit délivrer cette carte sans que lui soit opposable la situation de l'emploi sur le fondement du même article L. 341-2. / La carte porte la mention "salarié" lorsque l'activité est exercée pour une durée supérieure ou égale à douze mois. Elle porte la mention "travailleur temporaire" lorsque l'activité est exercée pour une durée déterminée inférieure à douze mois. (...) " ; qu'aux termes de l'article R. 5221-20 du code du travail : " Pour accorder ou refuser l'une des autorisations de travail mentionnées à l'article R. 5221-11, le préfet prend en compte les éléments d'appréciation suivants : (...) 3° le respect par l'employeur, l'utilisateur mentionné à l'article L. 1251-1 ou l'entreprise d'accueil de la législation relative au travail et à la protection sociale ; (...) 6° Le salaire proposé à l'étranger qui, même en cas d'emploi à temps partiel, est au moins équivalent à la rémunération minimale mensuelle mentionnée à l'article L. 3232-1 ; (...) " ;

4. Considérant que les dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile relatives aux titres de séjour qui peuvent être délivrés aux étrangers et aux conditions de délivrance de ces titres s'appliquent, ainsi que le rappelle l'article L. 111-2 de ce code, " sous réserve des conventions internationales " ; qu'en ce qui concerne les ressortissants sénégalais, les stipulations de la convention du 1er août 1995 entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République du Sénégal relative à la circulation et au séjour des personnes ainsi que celles de l'accord du 23 septembre 2006 relatif à la gestion concertée des flux migratoires, telles que modifiées par un avenant signé le 25 février 2008 s'appliquent ;

5. Considérant que le préfet du Rhône a examiné la demande de titre de séjour en qualité de " salarié " de M. A...sur le fondement des dispositions de l'article L. 313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; qu'il n'a pas examiné sa situation au regard des stipulations de l'accord franco-sénégalais du 23 septembre 2006, dans sa rédaction issue du point 1 de l'article 2 de l'avenant du 25 février 2008, entré en vigueur le 1er août 2009 qui stipule en son paragraphe 321 de l'article 3 que : " La carte de séjour temporaire portant la mention " salarié ", d'une durée de douze mois renouvelable ou celle portant la mention " travailleur temporaire " sont délivrées, sans que soit prise en compte la situation de l'emploi, au ressortissant sénégalais titulaire d'un contrat de travail visé par l'Autorité française compétente, pour exercer une activité salariée dans l'un des métiers énumérés à l'annexe IV.(...) Les ressortissants sénégalais peuvent travailler dans tous les secteurs s'ils bénéficient d'un contrat de travail. Pour faciliter leur orientation, la France s'engage à porter à leur connaissance une liste d'emplois disponibles (Annexe IV). (...) " ; que toutefois le sous-paragraphe 321 précité de l'article 3 de l'accord de 2006 ne peut être regardé comme régissant la délivrance des titres de séjour en qualité de salarié et n'a pas remis en cause l'article 13 de la convention du 1er août 1995 qui renvoie aux législations des deux Etats pour la délivrance des titres de séjour mais s'est borné à prévoir une liste de métiers pour lesquels la situation de l'emploi en France ne pouvait être opposée aux ressortissants sénégalais, demandeurs d'un titre de séjour comme travailleurs salariés ; qu'ainsi, c'est à bon droit que le préfet a examiné la situation de M. A...au regard des dispositions de l'article L. 313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

6. Considérant qu'il ressort de la décision du 11 décembre 2014, par laquelle le directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi a refusé de délivrer une autorisation de travail à M.A..., que ce refus, au vu duquel la décision de refus de délivrance de titre de séjour salarié a été pris, se fonde, non pas sur la situation de l'emploi en France mais sur les conditions, prévues à l'article R. 5221-20 du code du travail, tenant au non-respect par l'employeur de la législation relative au travail et à la protection sociale et au caractère insuffisant du montant du salaire proposé à M. A... par rapport à celui de la rémunération minimale mensuelle prévue à l'article L. 3232-1 du code du travail ; que, par suite, la circonstance que M. A...avait présenté une promesse d'embauche pour un emploi d'agent à domicile, garde d'enfant, lequel métier figure sur la liste établie à l'annexe IV de l'accord franco-sénégalais susmentionné pour laquelle la situation de l'emploi en France n'est pas opposable, est sans incidence et ne faisait pas obligation à l'administration d'examiner sa situation au regard de cet accord bilatéral ;

7. Considérant qu'il ressort de mentions de l'arrêté contesté que le préfet du Rhône, qui a examiné la possibilité de faire bénéficier M. A...d'une mesure dérogatoire, ne s'est pas estimé lié par le refus d'autorisation de travail opposé à l'intéressé pour refuser à ce dernier la délivrance d'un titre de séjour " salarié " et n'a donc pas méconnu l'étendue de son pouvoir d'appréciation ;

8. Considérant, qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui. " ;

9. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. A... est entré sur le territoire français à l'âge de trente-quatre ans, trois ans seulement avant la date de l'arrêté en litige, après avoir passé la majeure partie de sa vie dans son pays d'origine, où il conserve des attaches familiales et où il est retourné du 31 janvier au 22 août 2012 selon les mentions figurant sur son passeport ; que s'il a fait preuve d'une volonté d'insertion sociale et professionnelle en France, M. A..., désormais séparé de son épouse française et sans enfant, ne justifie pas, compte tenu de sa durée de séjour sur le territoire français et des liens conservés avec son pays, avoir fixé en France le centre de ses intérêts privés et familiaux ; qu'ainsi, compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, la décision refusant de lui délivrer un titre de séjour n'a pas porté au droit de M. A... au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux motifs du refus ; qu'elle n'a, par suite, pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

10. Considérant qu'il résulte de ce qui précède et notamment de la durée de séjour en France de M. A...et des liens conservés par ce dernier avec le Sénégal, et alors même que l'intéressé a réalisé des efforts d'insertion sociale et professionnelle en France en exerçant une activité professionnelle, en effectuant des formations et en s'investissant dans le monde associatif, qu'en refusant de régulariser sa situation administrative, le préfet du Rhône n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation quant aux conséquences de cette décision sur sa situation personnelle ;

Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français :

11. Considérant que, pour les mêmes motifs que ceux énoncés au point 9, les moyens tirés de la violation, par l'obligation de quitter le territoire français, de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'erreur manifeste d'appréciation dont cette mesure d'éloignement serait entachée, à supposer même que le requérant ait entendu les soulever à l'encontre de la décision d'obligation de quitter le territoire français, doivent être écartés comme non fondés ;

12. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande ; que ses conclusions aux fins d'injonction et de mise à la charge de l'Etat des frais exposés par lui et non compris dans les dépens doivent être rejetées par voie de conséquence ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. A...est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C...A...et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet du Rhône.

Délibéré après l'audience du 8 septembre 2016 à laquelle siégeaient :

M. Pourny, président,

Mme Dèche, premier conseiller,

M. Savouré, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 29 septembre 2016.

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N° 16LY01008


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 5ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 16LY01008
Date de la décision : 29/09/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers - Refus de séjour.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. POURNY
Rapporteur ?: M. François POURNY
Rapporteur public ?: Mme BOURION
Avocat(s) : SCP ROBIN VERNET

Origine de la décision
Date de l'import : 11/10/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2016-09-29;16ly01008 ?
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