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29/09/2016 | FRANCE | N°16LY00509

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 5ème chambre - formation à 3, 29 septembre 2016, 16LY00509


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... C...a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler l'arrêté du 9 avril 2015 du préfet du Rhône refusant de lui délivrer un titre de séjour, l'obligeant à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et désignant le pays de renvoi ainsi que la décision du 22 octobre 2015 du préfet de l'Ain le plaçant en rétention administrative.

Par un jugement n° 1508948 du 28 octobre 2015, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lyon a renvoyé dev

ant une formation collégiale les conclusions de la demande dirigées contre la décision d...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... C...a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler l'arrêté du 9 avril 2015 du préfet du Rhône refusant de lui délivrer un titre de séjour, l'obligeant à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et désignant le pays de renvoi ainsi que la décision du 22 octobre 2015 du préfet de l'Ain le plaçant en rétention administrative.

Par un jugement n° 1508948 du 28 octobre 2015, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lyon a renvoyé devant une formation collégiale les conclusions de la demande dirigées contre la décision de refus de titre de séjour, annulé la décision de placement en rétention administrative et rejeté les conclusions tendant à l'annulation des décisions portant obligation de quitter le territoire français et désignation du pays de renvoi.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 12 février 2016, M. C..., représenté par Me A..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Lyon du 28 octobre 2015, en tant qu'il a rejeté les conclusions de sa demande dirigées contre la décision portant obligation de quitter le territoire français et celle désignant le pays de renvoi ;

2°) d'annuler les décisions susmentionnées pour excès de pouvoir ;

3°) d'enjoindre au préfet du Rhône de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans le délai d'un mois à compter de la notification de la décision à intervenir ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 200 euros, au profit de son conseil, en application des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée.

Il soutient que :

S'agissant de la régularité du jugement :

- le jugement attaqué est entaché d'un défaut de motivation et d'un défaut d'examen circonstancié des pièces du dossier ;

S'agissant de la décision portant obligation de quitter le territoire français :

- elle est entachée d'un défaut de motivation et d'examen de sa situation personnelle ;

- il excipe de l'illégalité du refus de titre de séjour, qui méconnaît les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, du fait de l'impossibilité pour son épouse de recevoir des soins appropriés en Albanie ;

- l'obligation de quitter le territoire français méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation quant à ses conséquences sur sa situation personnelle ;

S'agissant de la décision fixant le pays de renvoi :

- elle est entachée d'un défaut de motivation et d'examen de sa situation personnelle ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

En application de l'article R. 611-8 du code de justice administrative, l'affaire a été dispensée d'instruction.

M. C... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 7 janvier 2016.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative ;

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

M. C...a été régulièrement averti du jour de l'audience.

A été entendu, au cours de l'audience publique, le rapport de M. Pourny.

1. Considérant que M. C..., ressortissant albanais né le 24 août 1973, est entré irrégulièrement en France le 1er octobre 2012, selon ses déclarations, accompagné de son épouse et de leurs deux enfants mineurs ; qu'il a vu sa demande d'asile rejetée en dernier lieu par la Cour nationale du droit d'asile, le 27 mai 2014 ; que, le 11 mars 2015, M. C... a sollicité son admission au séjour sur le fondement des dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, afin de pouvoir demeurer en France aux côtés de son épouse malade ; que, par arrêté du 9 avril 2015, le préfet du Rhône lui a opposé un refus, qu'il a assorti d'une obligation de quitter le territoire français et d'une décision fixant le pays de renvoi ; que M. C... conteste le jugement du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lyon, en tant qu'il a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation des décisions portant obligation de quitter le territoire français et désignation du pays de renvoi ;

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés " ;

3. Considérant qu'à supposer que M. C... ait entendu soulever un moyen tiré de l'insuffisance de motivation du jugement du tribunal administratif en relevant que le jugement attaqué ne fait pas mention du traitement suivi par MmeD..., épouse du requérant, il ressort des mentions du jugement attaqué que le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lyon, qui n'était pas tenu de répondre à l'ensemble des arguments des parties, a répondu de manière suffisamment motivée à tous les moyens qui lui étaient présentés ; que, par suite, les moyens tirés d'une insuffisance de motivation du jugement attaqué et de l'absence d'examen particulier des pièces du dossier par ce magistrat ne peuvent qu'être écartés ;

Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français :

4. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " I. - L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne, d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse et qui n'est pas membre de la famille d'un tel ressortissant au sens des 4° et 5° de l'article L. 121-1, lorsqu'il se trouve dans l'un des cas suivants : (...) 3° Si la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé à l'étranger ou si le titre de séjour qui lui avait été délivré lui a été retiré ; (...) La décision énonçant l'obligation de quitter le territoire français est motivée. Elle n'a pas à faire l'objet d'une motivation distincte de celle de la décision relative au séjour dans les cas prévus aux 3° et 5° du présent I, sans préjudice, le cas échéant, de l'indication des motifs pour lesquels il est fait application des II et III. (...)" ;

5. Considérant que le préfet du Rhône a, par un même arrêté, refusé de délivrer un titre de séjour à M. C...et fait obligation à ce dernier de quitter le territoire français ; que la décision d'obligation de quitter le territoire français, prise sur le fondement des dispositions du 3° du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, applicables à M. C..., n'a pas à faire l'objet d'une motivation distincte de celle de la décision relative au séjour qui, en l'espèce, est suffisamment motivée, tant en droit qu'en fait ; qu'il ressort également des mentions de l'arrêté en litige que le préfet du Rhône a procédé à un examen préalable de la situation de l'intéressé avant de décider de son éloignement du territoire français ;

En ce qui concerne l'exception d'illégalité du refus de titre de séjour :

6. Considérant, qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République (...) " ;

7. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. C... est arrivé sur le territoire français à l'âge de trente-neuf ans, deux ans et demi seulement avant l'arrêté contesté ; que si son épouse, qui a également fait l'objet d'un refus de délivrance de titre de séjour assorti d'une mesure d'éloignement en date du 9 avril 2015, souffre de dépression pour laquelle elle est prise en charge médicalement en France par le biais d'une prescription médicamenteuse et d'une psychothérapie rendue difficile par son absence de maîtrise de la langue française, il ressort des pièces produites par le préfet devant le tribunal administratif, et en particulier d'un document établi par l'Organisation internationale pour les migrations, de la liste des médicaments disponibles en Albanie ainsi que d'un courriel du médecin conseil de l'ambassade de France en Albanie, que ce pays compte notamment des hôpitaux psychiatriques publics et possède les capacités nécessaires pour soigner les maladies psychiatriques ; qu'il ne ressort en outre pas des pièces du dossier que l'affection dont est atteinte l'épouse du requérant trouverait son origine dans des événements traumatisants vécus en Albanie qui seraient tels qu'ils ne permettraient pas qu'elle puisse effectivement bénéficier de soins appropriés dans ce pays ; qu'il ne ressort ainsi pas des pièces du dossier que l'état de santé de l'épouse du requérant exigeait qu'elle demeurât en France pour raisons de soins à la date de l'arrêté en litige ; que si, à cette même date, les deux enfants mineurs du requérant étaient scolarisés, respectivement en classe de sixième et de cours moyen première année, rien ne les empêche de poursuivre leur scolarité en Albanie, où elle a débuté ; que, dès lors, rien ne fait obstacle à ce que la cellule familiale se reconstitue hors de France, et notamment en Albanie, pays dont tous les membres du foyer ont la nationalité et où ce dernier s'est constitué ; que, dans ces conditions, compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, et alors même que M. C...dispose d'une promesse d'embauche, la décision refusant de lui délivrer un titre de séjour n'a pas porté au droit du requérant au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux motifs du refus ; que, par suite, elle n'a pas méconnu les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

En ce qui concerne les autres moyens de légalité interne :

8. Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui. " ;

9. Considérant que, pour les mêmes motifs que ceux énoncés au point 7, en faisant obligation à M. C...de quitter le territoire français, le préfet du Rhône n'a pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et n'a pas davantage entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation quant à ses conséquences sur la situation personnelle de l'intéressé ;

Sur la décision fixant le pays de renvoi :

10. Considérant, en premier lieu, que la décision par laquelle le préfet du Rhône a désigné le pays à destination duquel M. C...pourrait être éloigné d'office est régulièrement motivée en droit par le visa des dispositions du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile qui prévoient que " l'obligation de quitter le territoire français fixe le pays à destination duquel l'étranger est renvoyé en cas d'exécution d'office " ; que cette décision doit être regardée comme régulièrement motivée en fait par l'indication que M. C...est de nationalité albanaise et qu'il pourra être reconduit d'office à la frontière du pays dont il a la nationalité ; qu'il ressort également des mentions de l'arrêté contesté que le préfet du Rhône a procédé à l'examen de la situation de M.C..., notamment au regard des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

11. Considérant, en second lieu, qu'aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou des traitements inhumains ou dégradants " ;

12. Considérant que M. C...soutient que sa famille est menacée en Albanie en raison des fonctions concernant la police des constructions qu'il exerçait au sein du ministère de l'urbanisme albanais, qui lui ont valu, ainsi qu'à son épouse et ses enfants, d'être victimes d'agressions suite à la destruction, en 2012, d'une mosquée construite illégalement ; que M. C... n'établit toutefois pas, par les pièces qu'il produit, constituées notamment de photographies, du témoignage d'un ancien collègue, d'une attestation d'un commissariat de police et du directeur de l'ancienne école fréquentée par ses enfants ainsi que d'une décision mettant fin, à sa demande, à ses fonctions au sein des services de l'inspection nationale des constructions d'Albanie, la réalité des faits allégués et l'existence de risques actuels et personnels qu'il encourrait en cas de retour en Albanie ; que, par suite, en désignant ce pays comme pays de renvoi, le préfet du Rhône n'a pas méconnu les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

13. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. C...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lyon, a rejeté sa demande ; que ses conclusions aux fins d'injonction et de mise à la charge de l'Etat des frais exposés par lui et non compris dans les dépens doivent être rejetées par voie de conséquence ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. C...est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B...C...et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet du Rhône.

Délibéré après l'audience du 8 septembre 2016 à laquelle siégeaient :

M. Pourny, président,

Mme Dèche, premier conseiller,

M. Savouré, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 29 septembre 2016.

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N° 16LY00509


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 5ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 16LY00509
Date de la décision : 29/09/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. POURNY
Rapporteur ?: M. François POURNY
Rapporteur public ?: Mme BOURION
Avocat(s) : FRERY

Origine de la décision
Date de l'import : 11/10/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2016-09-29;16ly00509 ?
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