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29/09/2016 | FRANCE | N°14LY03103

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 5ème chambre - formation à 3, 29 septembre 2016, 14LY03103


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B...A...a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler l'arrêté, en date du 24 janvier 2014, par lequel le préfet de l'Isère a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai d'un mois et a désigné le pays à destination duquel il serait reconduit.

Les conclusions de M. A...tendant à l'annulation des décisions portant obligation de quitter le territoire français dans un délai d'un mois et fixation du pays de destination ont

été transmises au tribunal administratif de Nîmes, à la suite du placement de M. A...e...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B...A...a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler l'arrêté, en date du 24 janvier 2014, par lequel le préfet de l'Isère a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai d'un mois et a désigné le pays à destination duquel il serait reconduit.

Les conclusions de M. A...tendant à l'annulation des décisions portant obligation de quitter le territoire français dans un délai d'un mois et fixation du pays de destination ont été transmises au tribunal administratif de Nîmes, à la suite du placement de M. A...en rétention administrative par une décision du 23 juin 2014, et le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nîmes a annulé ces décisions par un jugement n° 1401985 - 1402016 du 27 juin 2014, puis, par un jugement n° 1402756 du 15 septembre 2014, le tribunal administratif de Grenoble a annulé la décision du 24 janvier 2014 par laquelle le préfet de l'Isère a refusé à M. A... la délivrance d'un titre de séjour, enjoint à ce préfet de délivrer un titre de séjour à M. A... et mis une somme de 1 000 euros à la charge de l'Etat au profit de Me Schürmann au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 15 octobre 2014, le préfet de l'Isère demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Grenoble du 15 septembre 2014 ;

2°) de rejeter la demande de M.A....

Il soutient qu'il n'a pas méconnu les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors qu'il existe un traitement approprié à l'état de santé de M. A...en République démocratique du Congo et qu'il ne ressort d'aucune pièce du dossier qu'un retour de M. A...dans ce pays engendrerait une aggravation de son état de santé.

La requête a été communiquée à M. A...et à Me Schürmann, qui n'ont pas produit d'observations.

M. A...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 18 décembre 2014.

Une mise en demeure a été adressée le 10 novembre 2015 à Me Schürmann, avocat désigné par le bureau d'aide juridictionnelle pour représenter M.A....

M. A...a été informé par lettre du 21 décembre 2015 que l'avocat désigné pour le représenter n'avait pas produit d'observations.

Par ordonnance du 2 février 2016, la clôture d'instruction a été fixée au 27 mai 2016.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative ;

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

A été entendu, au cours de l'audience publique, le rapport de M. Pourny.

1. Considérant que M. B...A..., ressortissant de la République démocratique du Congo né en 1987, est entré irrégulièrement en France le 15 octobre 2012, selon ses déclarations ; que sa demande d'asile, examinée selon la procédure prioritaire, a été rejetée par une décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides le 6 février 2013, confirmée par la Cour nationale du droit d'asile le 4 septembre 2013 ; qu'il a présenté une demande de titre de séjour sur le fondement des dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que le préfet de l'Isère a rejeté cette demande par un arrêté du 24 janvier 2014 portant refus de titre de séjour, obligation de quitter le territoire français dans un délai d'un mois et fixation de pays de destination ; que, suite au placement de M. A...en rétention à Nîmes, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nîmes a annulé cet arrêté en tant qu'il porte obligation de quitter le territoire français et fixation de pays de destination par un jugement du 27 juin 2014 ; que le tribunal administratif de Grenoble a annulé cet arrêté en tant qu'il porte refus de titre de séjour par un jugement du 15 septembre 2014 ; que, par ce même jugement, le tribunal administratif de Grenoble a également enjoint au préfet de l'Isère de délivrer un titre de séjour à M. A... et mis à la charge de l'Etat une somme de 1 000 euros au profit de Me Schürmann au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ; que le préfet de l'Isère conteste ce jugement du tribunal administratif de Grenoble du 15 septembre 2014 ;

2. Considérant que sous réserve des cas où la loi attribue la charge de la preuve à l'une des parties, il appartient au juge administratif, au vu des pièces du dossier, et compte tenu le cas échéant de l'abstention d'une des parties à produire les éléments qu'elle est seule en mesure d'apporter et qui ne sauraient être réclamés qu'à elle-même, d'apprécier si l'état de santé d'un étranger nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle ;

3. Considérant que la partie qui justifie d'un avis du médecin de l'agence régionale de santé qui lui est favorable doit être regardée comme apportant des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence ou l'absence d'un état de santé de nature à justifier la délivrance ou le refus d'un titre de séjour ; que, dans ce cas, il appartient à l'autre partie, dans le respect des règles relatives au secret médical, de produire tous éléments permettant d'apprécier l'état de santé de l'étranger et, le cas échéant, l'existence ou l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi ; que la conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si l'état de santé d'un étranger justifie la délivrance d'un titre de séjour dans les conditions ci-dessus rappelées, se détermine au vu de ces échanges contradictoires ; qu'en cas de doute, il lui appartient de compléter ces échanges en ordonnant toute mesure d'instruction utile ;

4. Considérant que par avis rendu le 9 août 2013, le médecin de l'agence régionale de santé a estimé que l'état de santé de M. A...nécessitait une prise en charge médicale d'une durée de six mois, dont le défaut aurait pour l'intéressé des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qu'un traitement approprié n'existait pas dans son pays d'origine ; que, toutefois, le préfet de l'Isère a refusé à M. A...la délivrance du titre de séjour qu'il sollicitait sur le fondement du 11° de l'article L. 313-11 en considérant au contraire qu'il résultait d'éléments relatifs aux capacités locales en matière de soins médicaux et de médicaments disponibles en République démocratique du Congo que les institutions de santé de ce pays étaient à même de traiter la majorité des maladies courantes et en particulier psychiatriques et que M. A...pourrait y bénéficier d'un traitement approprié ; que si M. A...a soutenu en première instance qu'il n'était pas atteint d'une maladie courante, il ressort des pièces du dossier que l'intéressé souffrait d'un épisode dépressif majeur lié à un stress post-traumatique, l'intéressé n'ayant fait état d'aucune autre pathologie ; que, par suite, eu égard aux pièces versées au dossier, pour la première fois en appel, par le préfet de l'Isère, et notamment eu égard au courriel du 5 septembre 2013 du médecin référent de l'ambassade de France à Kinshasa, indiquant que la pathologie psychiatrique est prise en charge dans les grandes villes de République démocratique du Congo et que les médicaments y sont disponibles, et à la liste nationale des médicaments essentiels disponibles dans ce pays, il ressort des pièces du dossier qu'un traitement médical approprié est disponible en République démocratique du Congo ; que, par suite, et alors que M. A...ne fait valoir aucune circonstance humanitaire exceptionnelle au sens du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et n'apporte, en tout état de cause, aucun élément à l'appui de ses allégations concernant un accès effectif aux soins nécessaires, le préfet de l'Isère est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a annulé la décision du 24 janvier 2014 refusant la délivrance d'un titre de séjour à M. A... pour méconnaissance de ces dispositions ;

5. Considérant qu'il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige dans le cadre de l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens présentés pour M.A... ;

6. Considérant, en premier lieu, que l'arrêté du 24 janvier 2014 rejetant la demande de titre de séjour de M. A... a été signé par Mme Préveirault, secrétaire générale adjointe, secrétaire générale par intérim, qui disposait d'une délégation de signature du préfet de l'Isère, par arrêté du 20 décembre 2013 publié au recueil des actes administratifs de la préfecture spécial n° 81 en décembre 2013 à l'effet de signer notamment tous les actes, arrêtés, décisions, documents et correspondances administratives relevant des attributions de l'Etat dans le département, à l'exception de certains actes parmi lesquels ne figurent pas les refus de titre de séjour ; que, par suite, le moyen tiré de l'incompétence du signataire de la décision portant refus de titre de séjour doit être écarté comme manquant en fait ;

7. Considérant, en deuxième lieu, que la décision portant refus de titre de séjour comporte l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de cette décision ; que le moyen tiré de ce qu'elle serait insuffisamment motivée doit par suite être écarté ;

8. Considérant, en troisième lieu, que si M. A...soutient que le préfet ne pouvait pas lui opposer un refus de titre de séjour avant que la Cour nationale du droit d'asile ne se soit prononcée sur le recours qu'il avait formé à l'encontre de la décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, ce moyen manque tant en fait, la Cour nationale du droit d'asile ayant rejeté le recours de M. A... par une décision du 4 septembre 2013, qu'en droit, dès lors qu'il résulte des dispositions de l'article L. 742-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que l'étranger dont la demande d'asile entre dans l'un des cas visés aux 2° à 4° de l'article L. 741-4 du même code ne bénéficie du droit de se maintenir en France que jusqu'à la notification de la décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides ; que, par ailleurs, la circonstance que le préfet ne connaissait pas la pathologie dont souffrait M. A...ne faisait pas obstacle à ce qu'il puisse considérer, au vu des informations dont il disposait sur les capacités des institutions de santé en République démocratique du Congo, qu'il pourrait bénéficier d'un traitement approprié dans son pays d'origine, dès lors que ces institutions sont à même de traiter la majorité des maladies courantes et que l'intéressé n'avait pas fait état d'une pathologie particulière ;

9. Considérant, en quatrième lieu, que M. A...ne peut, en tout état de cause, pas utilement se prévaloir d'une prétendue violation des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales par le refus de délivrance de titre de séjour qui lui est opposé, ce refus ne lui faisant pas, par lui-même, obligation de retourner dans son pays d'origine ; qu'il n'est pas davantage fondé à invoquer une méconnaissance de l'article 13 de la même convention dès lors qu'il a disposé d'un droit de recours devant le tribunal administratif ;

10. Considérant, en dernier lieu, qu'eu égard à la durée et aux conditions du séjour de M. A... en France, au fait qu'il n'est pas dépourvu d'attaches familiales dans son pays d'origine et au fait que sa compagne et ses enfants ne se trouvent pas sur le territoire français, le moyen tiré de ce que le refus de titre de séjour qui lui est opposé serait entaché d'erreur manifeste d'appréciation doit être écarté ;

11. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le préfet de l'Isère est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a annulé sa décision du 24 janvier 2014 refusant la délivrance d'un titre de séjour à M.A... ; que, par suite, il est également fondé à soutenir que c'est à tort que le même jugement lui a enjoint de délivrer un titre de séjour à M. A...et a mis à la charge de l'Etat une somme de 1 000 euros au profit de Me Schürmann au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1402756 du tribunal administratif de Grenoble du 15 septembre 2014 est annulé.

Article 2 : Les conclusions de la demande de M. A...tendant à l'annulation de la décision du 24 janvier 2014 lui refusant la délivrance d'un titre de séjour, à ce qu'il soit enjoint au préfet de l'Isère de lui délivrer un titre de séjour et à la condamnation de l'Etat au versement d'une somme à Me Schürmann au titre des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur, à M. B...A...et à Me Schürmann. Copie en sera adressée au préfet de l'Isère.

Délibéré après l'audience du 8 septembre 2016 à laquelle siégeaient :

M. Pourny, président,

Mme Dèche, premier conseiller,

M. Savouré, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 29 septembre 2016.

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N° 14LY03103


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 5ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 14LY03103
Date de la décision : 29/09/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03 Étrangers. Séjour des étrangers. Refus de séjour.


Composition du Tribunal
Président : M. POURNY
Rapporteur ?: M. François POURNY
Rapporteur public ?: Mme BOURION
Avocat(s) : SCHURMANN

Origine de la décision
Date de l'import : 11/10/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2016-09-29;14ly03103 ?
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