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22/09/2016 | FRANCE | N°15LY02762

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 4ème chambre - formation à 3, 22 septembre 2016, 15LY02762


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Dokever a demandé au tribunal administratif de Clermont-Ferrand d'annuler la décision par laquelle le président du service départemental d'incendie et de secours (SDIS) de la Haute-Loire a décidé de signer la convention conclue le 26 septembre 2014 avec l'association Le Grand Trail du Saint-Jacques pour la constitution d'un dispositif prévisionnel de secours.

Par le jugement n° 1402059 du 30 juin 2015, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande.

Procédure

devant la cour :

Par une requête et trois mémoires enregistrés respectivement le 6 ao...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Dokever a demandé au tribunal administratif de Clermont-Ferrand d'annuler la décision par laquelle le président du service départemental d'incendie et de secours (SDIS) de la Haute-Loire a décidé de signer la convention conclue le 26 septembre 2014 avec l'association Le Grand Trail du Saint-Jacques pour la constitution d'un dispositif prévisionnel de secours.

Par le jugement n° 1402059 du 30 juin 2015, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et trois mémoires enregistrés respectivement le 6 août 2015, les 2 mars, 14 juin et 18 août 2016, la société Dokever, représentée par Me B..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Clermont-Ferrand pour irrégularité ;

2°) d'évoquer et d'annuler la décision du président du conseil d'administration du SDIS 43 de signer la convention du 26 septembre 2014 pour l'assistance médicale dans le cadre de l'édition 2014 de l'évènement sportif " Outdoor " du Grand Trail du Saint-Jacques ;

3°) de mettre à la charge du SDIS de la Haute-Loire la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

La société soutient que :

- le jugement est irrégulier ; le tribunal administratif n'a pas communiqué un mémoire contenant un élément nouveau et produit trois jours avant la clôture de l'instruction ; les modalités de communication du sens des conclusions du rapporteur public ne sont pas satisfaisantes car elles sont trop synthétiques (rejet au fond) et tardives (veille de l'audience) ; en outre, des mémoires n'ont été ni visés et ni communiqués, le tribunal administratif n'a pas répondu à tous les moyens, en particulier à celui selon lequel le SDIS dans le cadre d'un dispositif prévisionnel de secours ne peut intervenir en tant qu'opérateur unique, le jugement est insuffisamment motivé, le tribunal administratif a commis une erreur de droit et dénaturé les pièces du dossier ;

- sa demande d'annulation de l'acte détachable du contrat était bien recevable, nonobstant la jurisprudence " Département de Tarn-et-Garonne " dès lors que le contrat passé entre le SDIS 43 et l'association relève du droit privé ;

- la décision du président du conseil d'administration du SDIS 43 de signer la convention du 26 septembre 2014 pour l'assistance médicale dans le cadre de l'édition 2014 de l'évènement sportif Outdoor du Grand Trail du Saint-Jacques est irrégulière car il n'y a pas d'intérêt public ; les modalités de la tarification par le SDIS de son intervention sont illégales, la facturation envisagée par la convention ne couvre pas l'intégralité des coûts exposés afin d'assurer cette prestation ; or de telles interventions ne sauraient être organisées dans des conditions de tarification conduisant à la prise en charge par un budget public de dépenses concourant à l'organisation d'une manifestation privée et en faussant les conditions de la concurrence.

Par trois mémoires en défense enregistrés les 1er février, 4 avril et 11 juillet 2016, le service départemental d'incendie et de secours (SDIS) de la Haute-Loire demande à la cour :

1°) à titre principal de rejeter la requête pour irrecevabilité ;

2°) à titre subsidiaire de la rejeter comme non-fondée ;

3°) de mettre à la charge de la société Dokever la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Le SDIS fait valoir que :

- la requête est irrecevable ; la société Dokever demande l'annulation d'un acte détachable d'un contrat administratif, puisqu'il contient une clause exorbitante ; or, en application de la jurisprudence " Département de Tarn-et-Garonne ", les tiers ne peuvent contester les actes détachables du contrat que dans le cadre d'une action en contestation de la validité du contrat ;

- la procédure d'instruction devant le tribunal administratif n'est pas irrégulière, puisque le mémoire en réplique du 11 mars 2015 n'apportait aucun élément nouveau et que ce défaut de communication ne lui a pas porté préjudice ; la communication des conclusions du rapporteur public n'a été en l'espèce entachée d'aucune irrégularité ; la circonstance que des courriers de l'association Le Grand Trail du Saint-Jacques n'aient pas été visés est sans incidence sur la régularité du jugement ; ce dernier est suffisamment motivé sur l'application de l'article L. 1424-2 du code général des collectivités territoriales ; il n'y a aucune dénaturation des pièces du dossier ni erreur de droit ;

- l'organisation d'un dispositif prévisionnel de secours est expressément autorisée par l'article L. 1424-42 du code général des collectivités territoriales et la mise en place d'un tel dispositif nécessite le paiement d'une participation financière par l'autorité organisatrice ; cette organisation revêt un intérêt public ;

- les tarifs proposés par le SDIS 43 n'impliquent pas que ceux-ci soient inférieurs aux coûts réels des interventions ; la loi autorise les SDIS à solliciter une " participation aux frais " dans les conditions déterminées par délibération du conseil d'administration ; aux termes de la convention du 26 septembre 2014, le SDIS 43 est tenu d'appliquer la tarification financière fixée par la délibération de son conseil d'administration du 19 décembre 2013 qui n'a jamais été contestée par la société Dokever.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Gondouin,

- les conclusions de M. Dursapt, rapporteur public,

- et les observations de Me B..., représentant la société Dokever et de Me A..., représentant le service départemental d'incendie et de secours de la Haute-Loire.

Une note en délibéré présentée par la société Dokever a été enregistrée le 1er septembre 2016.

1. Considérant que, le 26 septembre 2014, le service départemental d'incendie et de secours de la Haute-Loire et l'association Le Grand Trail du Saint-Jacques ont passé une convention en vertu de laquelle le SDIS 43 mettra à la disposition de cette association des personnels et des matériels en vue d'assurer un dispositif prévisionnel de secours le samedi 27 septembre 2014 à l'occasion du " Grand Trail du Saint-Jacques - Le Puy-en-Velay " ; que la société Dokever, qui avait présenté un devis pour cette manifestation, a contesté la décision du président du service départemental d'incendie et de secours de la Haute-Loire de signer la convention précitée ; qu'elle relève appel du jugement du 30 juin 2015 par lequel le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande dirigée contre cette décision ;

Sur la régularité du jugement :

2. Considérant qu'à l'appui de sa demande la société Dokever soutenait notamment que " le SDIS 43 n'a pas agi en qualité de soutien mais bien en tant qu'acteur unique en charge de l'assistance médicale (...) soit encore de manière exclusive, c'est-à-dire en dehors des conditions prévues par la loi, et donc en méconnaissance des intérêts publics dont le législateur a entendu donner la charge aux SDIS " ; que le tribunal administratif ne s'est pas prononcé sur ce moyen qui n'était pas inopérant ; que, dès lors, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens tirés de l'irrégularité du jugement attaqué, la société requérante est fondée à soutenir que ce jugement est irrégulier ; que, par suite ce jugement doit être annulé ;

3. Considérant qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par la société Dokever devant le tribunal administratif de Clermont-Ferrand ;

Sur la recevabilité de la demande :

4. Considérant qu'indépendamment des actions dont disposent les parties à un contrat administratif et des actions ouvertes devant le juge de l'excès de pouvoir contre les clauses réglementaires d'un contrat ou devant le juge du référé contractuel sur le fondement des articles L. 551-13 et suivants du code de justice administrative, tout tiers à un contrat administratif susceptible d'être lésé dans ses intérêts de façon suffisamment directe et certaine par sa passation ou ses clauses est recevable à former devant le juge du contrat un recours de pleine juridiction contestant la validité du contrat ou de certaines de ses clauses non réglementaires qui en sont divisibles ; que ce recours doit être exercé, y compris si le contrat contesté est relatif à des travaux publics, dans un délai de deux mois à compter de l'accomplissement des mesures de publicité appropriées, notamment au moyen d'un avis mentionnant à la fois la conclusion du contrat et les modalités de sa consultation dans le respect des secrets protégés par la loi ; que la légalité du choix du cocontractant de la délibération autorisant la conclusion du contrat et de la décision de le signer, ne peut être contestée qu'à l'occasion du recours ainsi défini ;

5. Considérant que les services départementaux d'incendie et de secours sont, en vertu de l'article L. 1424-1 du code général des collectivités territoriales, des établissements publics ; qu'aux termes de l'article L. 1424-2 du même code, ils " sont chargés de la prévention, de la protection et de la lutte contre les incendies. / Ils concourent, avec les autres services et professionnels concernés, à la protection et à la lutte contre les autres accidents, sinistres et catastrophes, à l'évaluation et à la prévention des risques technologiques ou naturels ainsi qu'aux secours d'urgence. / Dans le cadre de leurs compétences, ils exercent les missions suivantes : / 1° La prévention et l'évaluation des risques de sécurité civile ; / 2° La préparation des mesures de sauvegarde et l'organisation des moyens de secours ; / 3° La protection des personnes, des biens et de l'environnement ; / 4° Les secours d'urgence aux personnes victimes d'accidents, de sinistres ou de catastrophes ainsi que leur évacuation " ; qu'outre les missions de service public définies à cet article, ils peuvent aussi, en vertu du deuxième alinéa de l'article L. 1424-42 du même code, procéder " à des interventions ne se rattachant pas directement à l'exercice de ces missions " et " demander aux personnes bénéficiaires une participation aux frais, dans les conditions déterminées par délibération du conseil d'administration " ; qu'il est constant que la participation du service départemental d'incendie et de secours de la Haute-Loire lors du " Grand Trail du Saint-Jacques - Le Puy-en-Velay " s'inscrivait dans le cadre de ces interventions ne se rattachant pas directement à l'exercice des missions de service public définies à l'article L. 1424-2 précité ; que, toutefois, l'article 5 de la convention passée avec l'association Le Grand Trail du Saint-Jacques prévoit qu'" En cas de nécessité absolue, le service départemental se réserve formellement le droit de retirer sans préavis, tout ou partie du personnel et du matériel, sans que ce retrait anticipé puisse ouvrir, au preneur, droit à une indemnité quelconque ou le dispenser d'acquitter le remboursement des frais " ; que, par les prérogatives reconnues au SDIS dans l'exécution du contrat, cette clause qui permet au SDIS d'assurer les missions de service public qu'il remplit habituellement implique, dans l'intérêt général, que le contrat litigieux relève du régime exorbitant des contrats administratifs ;

6. Considérant que, par suite, la société Dokever, qui disposait du recours de pleine juridiction pour contester ce contrat conclu le 26 septembre 2014 entre le service départemental d'incendie et de secours de la Haute-Loire et l'association Le Grand Trail du Saint-Jacques, n'est pas recevable à attaquer par la voie du recours pour excès de pouvoir, la décision du président du service départemental d'incendie et de secours de la Haute-Loire de signer la convention du 26 septembre 2014 liant ce service à l'association Le Grand Trail du Saint-Jacques ;

Sur les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

7.Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge du service départemental d'incendie et de secours de la Haute-Loire, qui n'est pas en l'espèce partie perdante, la somme que la société Dokever réclame au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ; qu'il y a lieu, en revanche, de mettre à la charge de la société Dokever la somme de 2 000 euros sur le fondement des mêmes dispositions ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1402059 du 30 juin 2015 du tribunal administratif de Clermont-Ferrand est annulé.

Article 2 : La demande de la société Dokever est rejetée.

Article 3 : La société Dokever versera 2 000 euros au service départemental d'incendie et de secours de la Haute-Loire sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la société Dokever et au service départemental d'incendie et de secours de la Haute-Loire.

Copie en sera adressée à l'association Le Grand Trail du Saint-Jacques.

Délibéré après l'audience du 1er septembre 2016 où siégeaient :

- M. Mesmin d'Estienne, président,

- Mme Gondouin, premier conseiller,

- Mme Samson-Dye, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 22 septembre 2016.

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N° 15LY02762


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