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30/08/2016 | FRANCE | N°15LY01245

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 2ème chambre - formation à 3, 30 août 2016, 15LY01245


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... F..., veuve B... a demandé au tribunal administratif de Dijon d'annuler la décision du préfet de l'Yonne du 24 mars 2015, l'assignant à résidence chez M. A... B...I..., 18 rue Sylvain Dupechez à Sens (89100) jusqu'à ce qu'il soit procédé à son éloignement du territoire français et pour une durée maximale de quarante-cinq jours renouvelable une fois.

Par un jugement n° 1500908 du 31 mars 2015, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Dijon a rejeté sa deman

de.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire en réplique, enregistré...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... F..., veuve B... a demandé au tribunal administratif de Dijon d'annuler la décision du préfet de l'Yonne du 24 mars 2015, l'assignant à résidence chez M. A... B...I..., 18 rue Sylvain Dupechez à Sens (89100) jusqu'à ce qu'il soit procédé à son éloignement du territoire français et pour une durée maximale de quarante-cinq jours renouvelable une fois.

Par un jugement n° 1500908 du 31 mars 2015, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés le 13 avril 2015 et le 8 février 2016, Mme F..., veuveB..., représentée par Me H..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Dijon du 31 mars 2015 ;

2°) d'annuler la décision susmentionnée pour excès de pouvoir ;

3°) d'enjoindre au préfet de l'Yonne de lui délivrer un titre de séjour provisoire, dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 200 euros par jour de retard et de lui restituer son passeport, dans un délai d'un mois sous astreinte de 200 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 500 euros, au profit de son conseil, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

S'agissant du jugement attaqué :

- il est entaché d'une omission à statuer dès lors que le premier juge n'a pas répondu à son moyen selon lequel l'assignation à résidence méconnaît les garanties prévues par l'article L. 611-1-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors qu'elle ne s'est vu notifier aucun élément pendant la durée de sa retenue ;

S'agissant de la décision portant assignation à résidence :

- elle est entachée d'incompétence ;

- elle est irrégulière dès lors qu'elle ne lui a été notifiée qu'à une heure tardive ;

- elle est entachée d'irrégularités relatives à la procédure de retenue dès lors que cette mesure ne respecte pas les garanties prévues par l'article L. 611-1-1 précité et qu'il ne lui a pas été remis un récépissé valant preuve d'identité en échange de son passeport en méconnaissance de l'article R. 561-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; le premier juge a inversé la charge de la preuve alors qu'il appartient au préfet d'établir qu'elle est détentrice d'un document valant justification d'identité ;

- la décision est entachée d'une erreur de droit au regard des dispositions de l'article L. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle est entachée d'une erreur de fait au regard des dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors qu'elle ne mentionne pas la gravité de son état de santé et ne comporte pas d'indication sur sa capacité à voyager sans risque vers son pays d'origine où il n'existe pas de traitement approprié à sa pathologie ;

- elle a méconnu les articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi que l'article L. 313-11 7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

Par un mémoire en défense, enregistré le 22 décembre 2015, le préfet de l'Yonne conclut au rejet de la requête et demande de mettre à la charge de Mme F... veuve B...la somme de 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il fait valoir que les moyens de la requête ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Terrade, premier conseiller,

- et les observations de MeE..., représentant le préfet de l'Yonne.

1. Considérant que Mme F..., veuveB..., ressortissante de la République du Congo née le 24 juillet 1951 à Brazzaville, est arrivée en France le 16 avril 2013 sous couvert d'un passeport revêtu d'un visa de court séjour ; que, le 12 juillet 2013, elle a sollicité la délivrance d'un titre de séjour en qualité d'étranger malade sur le fondement du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que, par arrêté du 31 mars 2014, le préfet de l'Yonne lui a opposé un refus, qu'il a assorti d'une obligation de quitter le territoire français sous trente jours et d'une décision fixant le pays de renvoi ; que, par arrêté du 24 mars 2015, le préfet de l'Yonne l'a assignée à résidence à Sens ; que Mme F..., veuve B...fait appel du jugement du 31 mars 2015 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette dernière décision ;

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Considérant que pour écarter le moyen tiré de ce que la décision attaquée est entachée d'irrégularité au motif qu'elle aurait été prise en méconnaissance des garanties prévues par l'article L. 611-1-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en ce que la requérante ne s'est vu notifier " aucun élément " pendant la durée de sa retenue, le premier juge a considéré que les irrégularités invoquées dans la procédure d'interpellation et de rétention, à les supposer établies, étaient sans influence sur la légalité de la mesure d'assignation à résidence ; que, par suite, contrairement à ce que soutient Mme F... veuveB..., le jugement attaqué, en écartant le moyen comme inopérant, n'est pas entaché d'une omission à statuer ;

Sur la décision portant assignation à résidence :

3. Considérant, en premier lieu, que l'arrêté contesté porte la signature de Mme G... D..., qui dispose, par arrêté du 1er décembre 2014 régulièrement publié au recueil des actes administratifs de la préfecture de l'Yonne, spécial n°51 du mois de décembre 2014, d'une délégation à fin de signer tous arrêtés, décisions, circulaires, rapports, correspondances et documents relevant des attributions de l'Etat dans le département de l'Yonne, à l'exception d'actes au nombre desquels ne figurent pas les décisions relatives à la police des étrangers ; que, dès lors, le moyen tiré de l'incompétence du signataire de l'arrêté contesté ne peut qu'être écarté comme manquant en fait ;

4. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article L. 611-1-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, tels qu'issu de la loi n° 2012-1560 du 31 décembre 2012, entrée en vigueur le 1er janvier 2013 : " I - Si, à l'occasion d'un contrôle effectué en application de l'article L. 611-1 du présent code, (...) il apparaît que l'étranger n'est pas en mesure de justifier de son droit de circuler ou de séjourner en France, il peut être conduit dans un local de police ou de gendarmerie et y être retenu par un officier de police judiciaire (...) aux fins de vérification de son droit de circulation ou de séjour sur le territoire français. (...) / L 'étranger ne peut être retenu que pour le temps strictement exigé par l'examen de son droit de circulation ou de séjour et, le cas échéant, le prononcé et la notification des décisions administratives applicables. La retenue ne peut excéder seize heures à compter du début du contrôle mentionné au premier alinéa du présent I. (...) " ;

5. Considérant qu'il n'appartient pas au juge administratif de se prononcer sur la régularité des conditions de contrôle et de retenue prévues par les dispositions précitées de l'article L. 611-1-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; qu'en tout état de cause, si Mme F... veuve B...soutient que l'arrêté portant assignation à résidence ne lui aurait été notifié qu'à une heure tardive et qu'aucune des garanties prévues à l'article L. 611-1-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile n'auraient été respectées, ces circonstances sont, à les supposer même établies, sans influence sur la légalité de la décision litigieuse ;

6. Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article L. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Dans les cas prévus à l'article L. 551-1, l'autorité administrative peut prendre une décision d'assignation à résidence à l'égard de l'étranger pour lequel l'exécution de l'obligation de quitter le territoire demeure une perspective raisonnable et qui présente des garanties de représentation effectives propres à prévenir le risque, mentionné au II de l'article L. 511-1, qu'il se soustraie à cette obligation. Les trois derniers alinéas de l'article L. 561-1 sont applicables, sous réserve de la durée maximale de l'assignation, qui ne peut excéder une durée de quarante-cinq jours, renouvelable une fois " ; et qu'aux termes de l'article L. 551-1 du même code : " A moins qu'il ne soit assigné à résidence en application de l'article L. 531-2, l'étranger qui ne peut quitter immédiatement le territoire français peut être placé en rétention par l'autorité administrative dans des locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire, pour une durée de cinq jours, lorsque cet étranger : (...) / 6° Fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français prise moins d'un an auparavant et pour laquelle le délai pour quitter le territoire est expiré ou n'a pas été accordé (...) " ; qu'aux termes de l'article R. 561-3 du même code : " L'étranger assigné à résidence en application de l'article L. 561-1, de l'article L. 561-2 ou d'une des mesures prévues aux articles L. 523-3, L. 523-4 et L. 523-5 peut être tenu de remettre à l'autorité administrative l'original de son passeport et de tout autre document d'identité ou de voyage en sa possession en échange d'un récépissé valant justification d'identité sur lequel est portée la mention de l'assignation à résidence jusqu'à l'exécution de la mesure d'éloignement dont il fait l'objet. " ;

7. Considérant, d'une part, que si Mme F... veuve B...soutient que le récépissé prévu à l'article R. 561-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne lui aurait pas été remis, cette circonstance est, à la supposer même établie, sans incidence sur la légalité de la décision litigieuse ;

8. Considérant, d'autre part, que quels que soient les motifs pour lesquels Mme F..., veuve B...a refusé d'embarquer à bord de l'avion qui devait la reconduire dans son pays d'origine, il ressort des pièces du dossier qu'elle n'a pas exécuté l'obligation de quitter le territoire français du 31 mars 2014 que lui a notifié le préfet de l'Yonne le 11 avril 2014, soit moins d'un an avant la décision d'assignation à résidence litigieuse, et pour laquelle le délai de départ volontaire était expiré ; que l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français demeurait une perspective raisonnable et Mme F..., veuveB..., titulaire d'un passeport en cours de validité et d'un hébergement chez son fils, présentait des garanties de représentation effectives ; que si la requérante soutient que lors de son interpellation son éloignement n'a pas été possible du fait d'une " contradiction entre les agents de police sur les conditions et les circonstances d'exécution d'une telle mesure " et non de son fait, ces circonstances, au demeurant non établies par les pièces du dossier, sont sans incidence sur la légalité de la décision en cause ; que, par suite, le préfet a pu, sans méconnaître les dispositions précitées, décider de l'assigner à résidence pour une durée maximale de 45 jours renouvelable une fois ;

9. Considérant que les moyens tirés de la méconnaissance des articles L. 313-11 7° et L. 313-11 11° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dirigés contre une décision d'assignation à résidence sont inopérants dès lors qu'il ne s'agit pas d'une décision refusant la délivrance d'un titre de séjour et ne peuvent qu'être écartés ;

10. Considérant qu'aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou des traitements inhumains ou dégradants " ; qu'aux termes de l' article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950. "

11. Considérant que la circonstance que la décision d'assignation à résidence ne mentionne pas l'état de santé de Mme F..., veuveB..., et ne comporte aucune indication quant à sa capacité à voyager sans risque vers son pays d'origine est sans incidence sur sa légalité ; que le moyen tiré de ce qu'il n'existe pas de traitement approprié pour ses pathologies au Congo-Brazzaville est inopérant à l'encontre de la décision d'assignation à résidence ; qu'il en est de même du moyen tiré de la violation, pour ce motif, des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que, par suite, ces moyens doivent être écartés ;

12. Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui. " ;

13. Considérant qu'en se prévalant de la circonstance qu'elle réside chez ses enfants qui sont ainsi que ses petits-enfants des citoyens français, la requérante ne démontre pas que la décision litigieuse l'assignant à résidence porterait une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale au regard des buts en vue desquels elle a été prise ; que, par suite, le moyen tiré de la violation des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté ;

14. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme F..., veuve B...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande ; que, par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction et de mise à la charge de l'Etat des frais exposés par elle et non compris dans les dépens doivent être rejetées ; que, dans les circonstances de l'espèce, la demande présentée par le préfet de l'Yonne sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doit être rejetée ;

DECIDE :

Article 1er : La requête de Mme F..., veuveB..., est rejetée.

Article 2 : Les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative par le préfet de l'Yonne sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C...F..., veuveB..., et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet de l'Yonne.

Délibéré après l'audience du 5 juillet 2015, à laquelle siégeaient :

Mme Mear, président,

Mme Terrade, premier conseiller,

Mme Duguit-Larcher, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 30 août 2016.

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N° 15LY01245


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 2ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 15LY01245
Date de la décision : 30/08/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-04-01 Étrangers. Séjour des étrangers. Restrictions apportées au séjour. Assignation à résidence.


Composition du Tribunal
Président : Mme MEAR
Rapporteur ?: Mme Emmanuelle TERRADE
Rapporteur public ?: M. BESSE
Avocat(s) : MATINGOU

Origine de la décision
Date de l'import : 13/09/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2016-08-30;15ly01245 ?
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