La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

19/07/2016 | FRANCE | N°16LY00827

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 6ème chambre - formation à 3, 19 juillet 2016, 16LY00827


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B...E...a demandé le 9 juillet 2015 au tribunal administratif de Lyon :

- d'annuler les décisions du 16 janvier 2015 par lesquelles le préfet de la Loire a refusé de lui délivrer un certificat de résidence et l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours tout en fixant le pays à destination duquel elle pourra être éloignée ;

- d'enjoindre audit préfet de lui délivrer un certificat de résidence algérien portant la mention " vie privée et familiale "

ou à titre subsidiaire de réexaminer sa situation dans un délai de deux mois et de lui remett...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B...E...a demandé le 9 juillet 2015 au tribunal administratif de Lyon :

- d'annuler les décisions du 16 janvier 2015 par lesquelles le préfet de la Loire a refusé de lui délivrer un certificat de résidence et l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours tout en fixant le pays à destination duquel elle pourra être éloignée ;

- d'enjoindre audit préfet de lui délivrer un certificat de résidence algérien portant la mention " vie privée et familiale " ou à titre subsidiaire de réexaminer sa situation dans un délai de deux mois et de lui remettre une autorisation provisoire de séjour dans un délai de huit jours à compter de la notification du jugement à intervenir, sous astreinte de 50 euros par jour de retard ;

- de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 200 euros à verser à son conseil au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi n° 91-67 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.

Par un jugement n° 1506174 du 2 décembre 2015, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 4 mars 2016, présentée pour MmeE..., il est demandé à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Lyon du 2 décembre 2015 ;

2°) d'annuler les décisions susmentionnées du 16 janvier 2015 du préfet de la Loire ;

3°) d'enjoindre audit préfet de lui délivrer un certificat de résidence algérien portant la mention " vie privée et familiale " ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation dans un délai de deux mois et de lui remettre une autorisation provisoire de séjour avec droit au travail dans un délai de huit jours à compter de la notification du jugement à intervenir, sous astreinte de 50 euros par jour de retard ;

4°) de condamner l'Etat à verser à son conseil une somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi n° 91-67 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.

Elle soutient que :

- le jugement est irrégulier en raison de l'insuffisance de motivation concernant le refus de certificat de résidence ;

S'agissant de la décision portant refus de certificat de résidence :

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation car le préfet, qui peut toujours exercer son pouvoir dérogatoire, aurait dû regarder sa situation d'épouse victime de violences conjugales et appliquer les dispositions protectrices de l'article L. 431-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et de l'instruction ministérielle du 9 septembre 2011 ; elle a produit des pièces établissant avoir subi des violences conjugales ;

- au regard des circonstances, le préfet aurait dû lui accorder de droit un certificat de résidence ;

S'agissant de la décision portant obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours :

- par voie d'exception, l'illégalité du refus de titre de séjour implique l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français.

Par décision du 27 janvier 2016, l'aide juridictionnelle totale a été accordée à Mme E....

Par mémoire enregistré le 13 juin 2016, présenté pour MmeE..., elle maintient ses conclusions. Elle ajoute que la décision de refus de certificat de résidence méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et que la décision portant obligation de quitter le territoire est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation quant à ses conséquences sur sa situation personnelle.

Par mémoire enregistré le 23 juin 2016 présenté par le préfet de la Loire, il conclut au rejet de la requête en indiquant s'en remettre à ses écritures de première instance.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 ;

- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique du 28 juin 2016 :

- le rapport de Mme Cottier, premier conseiller ;

- et les conclusions de Mme Vigier-Carrière, rapporteur public.

1. Considérant que MmeE..., ressortissante algérienne née le 16 mars 1962, a épousé, le 2 janvier 2012, en Algérie, M. A...D..., ressortissant algérien, né en 1946, titulaire d'un certificat de résidence de dix ans ; que par un arrêté du 23 octobre 2012, le préfet de la Loire a accordé le bénéfice du regroupement familial en faveur de Mme E...; qu'elle est entrée régulièrement en France le 1er avril 2013 sous couvert d'un visa long séjour ; qu'elle a sollicité, dans le cadre de ce regroupement familial, le 2 septembre 2013, la délivrance d'un certificat de résidence de 10 ans sur le fondement de l'article 4 de l'accord franco-algérien susvisé ; que par jugement du 14 mai 2014, le tribunal de Bejaia (Algérie) a prononcé le divorce de Mme E... et de M.D... ; que parallèlement, une instance en divorce a été introduite devant les juridictions françaises ; que par ordonnance du 16 septembre 2014 sur tentative de conciliation, le juge aux affaires familiales du tribunal de grande instance de Saint Etienne a constaté la rupture de la vie commune depuis le 10 janvier 2014 au regard de conflits existants entre Mme E...et ses beaux-enfants adultes et de la plainte déposée par Mme E... à leur égard pour des faits de nature délictuelle et a notamment condamné M. D... à verser à Mme E...350 euros par mois à titre de pension alimentaire ; que par des décisions du 16 janvier 2015, le préfet de la Loire lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours à destination de tout pays où elle établirait être légalement admissible ; que par jugement du 2 décembre 2015, le tribunal administratif de Lyon a rejeté la demande de Mme E...tendant à l'annulation desdites décisions préfectorales du 16 janvier 2015 ; que Mme E...interjette appel de ce jugement du 2 décembre 2015 ;

Sur la régularité du jugement :

2. Considérant, qu'aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés. " ; que le jugement attaqué, qui comporte une analyse des moyens de la requérante et ceux du préfet de la Loire et écarte les moyens de MmeE..., est suffisamment motivé ;

Sur la légalité du refus de certificat de résidence :

3. Considérant en premier lieu, qu'aux termes des stipulations de l'article 4 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 : " Les membres de la famille qui s'établissent en France sont mis en possession d'un certificat de résidence de même durée de validité que celui de la personne qu'ils rejoignent. sans préjudice des dispositions de l'article 9, l'admission sur le territoire français en vue de l'établissement des membres de famille d'un ressortissant algérien titulaire d'un certificat de résidence d'une durée de validité d'au moins un an, présent en France depuis au moins un an sauf cas de force majeure, et l'octroi du certificat de résidence sont subordonnés à la délivrance de l'autorisation de regroupement familial par l'autorité française compétente [...] " ; qu'aux termes du titre II du protocole annexé au même accord : " Les membres de la famille s'entendent du conjoint d'un ressortissant algérien " ; qu'aux termes de l'article 7 du même accord : " Les dispositions du présent article et celles de l'article 7 bis fixent les conditions de délivrance du certificat de résidence aux ressortissants algériens autres que ceux visés à l'article 6 nouveau. [...] d) Les ressortissants algériens autorisés à séjourner en France au titre du regroupement familial, s'ils rejoignent un ressortissant algérien lui-même titulaire d'un certificat de résidence d'un an, reçoivent de plein droit un certificat de résidence de même durée de validité, renouvelable et portant la mention vie privée et familiale de l'article 7 bis " ; qu'aux termes de l'article 7 bis du même accord : " Le certificat de résidence valable dix ans est délivré de plein droit sous réserve de la régularité du séjour pour ce qui concerne les catégories visées au a), au b), au c) et au g) : [...] d) Aux membres de la famille d'un ressortissant algérien titulaire d'un certificat de résidence valable dix ans qui sont autorisés à résider en France au titre du regroupement familial. " ; que ces stipulations régissent d'une manière complète les conditions dans lesquelles les ressortissants algériens peuvent être admis à séjourner en France et y exercer une activité professionnelle, les règles relatives à la nature des titres de séjour qui peuvent leur être délivrés, ainsi que les conditions dans lesquelles leurs conjoints et leurs enfants mineurs peuvent s'installer en France ;

4. Considérant que, dans ces conditions, MmeE..., ressortissante algérienne, ne peut utilement, pour contester la légalité de la décision du 16 janvier 2015 du préfet de la Loire, invoquer la méconnaissance des dispositions de l'article L. 431-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile prévoyant, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, en cas de rupture de la vie commune, la délivrance d'une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale" à l'étranger ayant subi après son arrivée en France des violences conjugales de la part de son conjoint ; qu'elle ne peut non plus utilement se prévaloir des orientations générales que le ministre de l'intérieur a pu adresser aux préfets pour les éclairer dans la mise en oeuvre de leur pouvoir de régularisation et invoquer la méconnaissance des dispositions de l'instruction ministérielle de 2011 relative au droit au séjour des personnes victimes de violences conjugales ;

5. Considérant que si la requérante ne peut pas se prévaloir de l'article L. 431-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, il appartient toutefois au préfet, dans l'exercice du pouvoir discrétionnaire dont il dispose, d'apprécier, compte tenu de l'ensemble des éléments de la situation personnelle de l'intéressée, notamment eu égard à l'examen des violences conjugales alléguées, l'opportunité d'une mesure de régularisation ; que si la requérante soutient qu'elle a fait l'objet de violence de la part de son époux et des fils de ce dernier qui l'ont conduite à quitter le domicile conjugal, les pièces produites en appel, dont l'arrêt de la cour d'appel de Grenoble suite à sa plainte déposée auprès des services de police et des certificats médicaux établis le 11 décembre 2013 par un médecin généraliste et le 21 février 2014 par un médecin du CHU de Saint-Etienne, qui mentionnent que les violences dont Mme E...serait l'objet sont dues uniquement aux enfants de son conjoint issus d'une précédente union et qui n'indiquent pas la participation de son époux à de telles violences ou une absence d'intervention de ce dernier pour les faire cesser, ne permettent pas d'établir la réalité des violences commises par son ex-époux à son égard ; que Mme E...ne résidait en France que depuis moins de deux ans à la date de la décision de refus de certificat de résidence alors qu'elle a vécu 51 ans en Algérie ; qu'elle se borne à évoquer sa prise en charge de janvier à octobre 2014 par une association de femmes victimes de violences sans autre précision et ne mentionne aucune autre insertion sociale ou professionnelle ; que dans de telles circonstances, Mme E...n'est par suite pas fondée à soutenir que le préfet de la Loire aurait commis une erreur manifeste d'appréciation en refusant de lui accorder dans le cadre de son pouvoir dérogatoire de régularisation un certificat de résidence ;

6. Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui " ;

7. Considérant que Mme E...se borne à soutenir ne plus avoir d'attaches familiales en Algérie suite au décès de ses parents respectivement en 2004 et en 2016 ; que toutefois, il ressort des pièces du dossier que Mme E...est entrée en France le 1er avril 2013 après avoir vécu 51 ans en Algérie, pays dans lequel elle n'établit pas avoir perdu tout lien et dans lequel son divorce a été prononcé le 14 mai 2014 ; que dans les circonstances de l'espèce et compte tenu notamment de la courte durée de son séjour en France, la décision de refus de délivrance d'un certificat de résidence n'a pas porté au droit de l'intéressée au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise ; qu'elle n'a, ainsi, pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Sur la légalité de l'obligation de quitter le territoire :

8. Considérant, que, comme il a été dit ci-dessus, la décision refusant de délivrer un certificat de résidence à Mme E...n'est pas entachée d'illégalité ; que, par suite, le moyen tiré, par voie d'exception, de l'illégalité de ce refus doit être écarté ;

9. Considérant que l'intéressée soutient qu'elle est susceptible d'être mal accueillie par sa famille ou d'être confrontée à des insinuations malveillantes en cas de retour en Algérie ; que toutefois, de telles allégations, au demeurant non corroborées par des éléments précis, ne sauraient suffire à établir que le préfet a entaché sa décision portant obligation de quitter le territoire d'une erreur manifeste d'appréciation quant à ses conséquences sur la situation personnelle de la requérante ;

10. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme E...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande ; que doivent être rejetées par voie de conséquence ses conclusions à fin d'injonction et au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

DECIDE :

Article 1er : La requête de Mme E...est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B...E...et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet de la Loire.

Délibéré après l'audience du 28 juin 2016 à laquelle siégeaient :

M. Seillet, président,

M. C...et Mme Cottier, premiers conseillers.

Lu en audience publique, le 19 juillet 2016.

''

''

''

''

5

N° 16LY00827


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 6ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 16LY00827
Date de la décision : 19/07/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03 Étrangers. Séjour des étrangers. Refus de séjour.


Composition du Tribunal
Président : M. SEILLET
Rapporteur ?: Mme Cécile COTTIER
Rapporteur public ?: Mme VIGIER-CARRIERE
Avocat(s) : ROYON

Origine de la décision
Date de l'import : 02/08/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2016-07-19;16ly00827 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award