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12/07/2016 | FRANCE | N°16LY01137

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 3ème chambre - formation à 3, 12 juillet 2016, 16LY01137


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C...A...a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler un arrêté du préfet de la Haute-Savoie du 20 octobre 2015 portant retrait de sa carte de séjour, obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et désignation du pays de renvoi en cas d'exécution d'office de cette obligation.

Par un jugement n° 1507077 du 19 février 2016, le tribunal administratif de Grenoble a annulé cet arrêté préfectoral du 20 octobre 2015 en tant qu'il retire la carte de séjou

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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C...A...a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler un arrêté du préfet de la Haute-Savoie du 20 octobre 2015 portant retrait de sa carte de séjour, obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et désignation du pays de renvoi en cas d'exécution d'office de cette obligation.

Par un jugement n° 1507077 du 19 février 2016, le tribunal administratif de Grenoble a annulé cet arrêté préfectoral du 20 octobre 2015 en tant qu'il retire la carte de séjour dont M. A... était titulaire et en tant qu'il porte obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et désignation du pays de renvoi, a enjoint au préfet de réexaminer la situation de M. A...dans le délai de trois mois en lui délivrant une autorisation provisoire de séjour, a mis à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 600 euros à Me D...au titre des frais non compris dans les dépens et a rejeté le surplus des conclusions de la demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 31 mars 2016, le préfet de la Haute-Savoie demande à la Cour d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Grenoble du 19 février 2016 en tant qu'il prononce l'annulation de son arrêté du 20 octobre 2015 et met à la charge de l'Etat une somme de 600 euros au titre des frais non compris dans les dépens.

Il soutient que c'est à tort que les premiers juges se sont fondés sur le motif selon lequel le retrait de titre de séjour ne pouvait intervenir légalement au-delà d'un délai de quatre mois, alors que ce délai n'était pas opposable en l'espèce, s'agissant d'un titre délivré pour se conformer à une décision juridictionnelle que l'administration était tenue d'exécuter.

Par un mémoire enregistré le 20 juin 2016, M. C...A..., représentée par Me D..., conclut au rejet de la requête et à la confirmation de l'annulation prononcée par le tribunal administratif et demande à la Cour :

1°) d'enjoindre à l'autorité administrative de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" sous astreinte de 200 euros par jour de retard à compter de la notification de l'arrêt ou, à défaut, de lui enjoindre de réexaminer sa situation dans un délai de trente jours ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat, au titre des frais non compris dans les dépens, une somme de 1 500 euros à verser à son avocat sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.

Il fait valoir :

- que la requête du préfet apparaît tardive ;

S'agissant du retrait de titre de séjour :

- que cette décision est insuffisamment motivée ;

- que le titre de séjour retiré est fondé sur le 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et non sur le jugement du tribunal administratif et que l'annulation de ce jugement par la Cour ne lui fait pas perdre son droit au séjour ;

- que le délai de retrait de quatre mois, résultant de la loi du 12 avril 2000 et de la jurisprudence, a été méconnu ;

- que le 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et l'article 8 de la convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales ont été méconnus ;

- que le préfet a méconnu l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et commis une erreur manifeste d'appréciation ;

S'agissant de l'obligation de quitter le territoire français :

- que cette décision est insuffisamment motivée ;

- qu'elle est illégale par voie de conséquence de l'illégalité de la décision de retrait de la carte de séjour ;

- qu'elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- qu'elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

S'agissant de décision portant désignation du pays de renvoi :

- qu'elle est illégale par voie de conséquence de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français ;

- qu'elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

M. A...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle du 15 juin 2016.

Vu les autres pièces du dossier :

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 modifiée, relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

- la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations ;

- le code de justice administrative ;

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Boucher, président ;

- les conclusions de M. Clément, rapporteur public,

- et les observations de MeD..., pour M.A....

1. Considérant que M.A..., ressortissant de la République du Cameroun, entré en France en mars 2011 selon ses déclarations et alors âgé de dix-sept ans, a été pris en charge par l'aide sociale à l'enfance et a bénéficié d'un contrat jeune, puis d'un programme "formation-insertion des jeunes" ; qu'il a ainsi obtenu une carte de séjour mention "étudiant" valable du 6 septembre 2012 au 5 septembre 2013 ; qu'il a sollicité, en août 2013, un changement de statut afin de pouvoir poursuivre une activité salariée d'agent de sécurité ; que la société au sein de laquelle il comptait occuper cet emploi a toutefois renoncé à l'embaucher ; que, dans ce contexte, le préfet de la Haute-Savoie a, par arrêté du 10 décembre 2013, rejeté la demande de carte de séjour de M. A...et prononcé à son encontre une obligation de quitter le territoire français ; que, par jugement du 9 octobre 2014, le tribunal administratif de Grenoble a annulé ces décisions et a enjoint au préfet de délivrer à l'intéressé une carte de séjour portant la mention "vie privée et familiale" ; que, pour se conformer à cette injonction, le préfet a délivré à M. A...une carte de séjour valable du 6 février 2015 au 5 février 2016 ; que, par un arrêt du 9 juillet 2015, la présente Cour a annulé le jugement du tribunal administratif de Grenoble du 9 octobre 2014 et a rejeté la demande de M. A...devant ce Tribunal ; que le préfet de la Haute-Savoie a alors, par arrêté du 20 octobre 2015, retiré la carte de séjour qu'il avait délivrée à M. A...pour se conformer à l'injonction du Tribunal, a assorti ce retrait d'une obligation de quitter le territoire français et a désigné le pays de renvoi en cas d'éloignement d'office ; que, par le jugement du 19 février 2016 dont le préfet de la Haute-Savoie relève appel, le tribunal administratif de Grenoble a annulé cet arrêté préfectoral du 20 octobre 2015 en tant qu'il retire la carte de séjour dont M. A... était titulaire et en tant qu'il porte obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et désignation du pays de renvoi, a enjoint au préfet de réexaminer la situation de M. A...dans le délai de trois mois, a mis à la charge de l'Etat une somme de 600 euros au titre des frais non compris dans les dépens et a rejeté un surplus de conclusions ;

Sur la recevabilité de la requête du préfet de la Haute-Savoie :

2. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier de première instance que le préfet de la Haute-Savoie a reçu notification du jugement dont il relève appel le 29 février 2016, au moyen de l'application "Télérecours" ; que le jour de cette notification étant le dernier jour du mois, sa requête, enregistrée au greffe de la Cour le 31 mars 2016, dernier jour du mois suivant, a été présentée dans le délai d'un mois imparti par les dispositions de l'article R. 776-9 du code de justice administrative ; que la fin de non-recevoir opposée par M. A...doit, dès lors, être écartée ;

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

3. Considérant, d'une part, qu'en vertu du premier alinéa du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, l'autorité administrative qui retire son titre de séjour à un étranger pour un motif autre que l'existence d'une menace à l'ordre public, peut assortir sa décision d'une obligation de quitter le territoire français ; que le retrait mentionné par ces dispositions, qui ne produit d'effet que pour l'avenir, a le caractère d'une abrogation ;

4. Considérant, d'autre part, qu'un acte administratif délivré pour exécuter une décision juridictionnelle frappée de recours peut être abrogé par l'administration à tout moment, en cas d'annulation de cette décision juridictionnelle par une décision juridictionnelle ultérieure ;

5. Considérant qu'après l'annulation en appel du jugement du 9 octobre 2014 par lequel le tribunal administratif de Grenoble avait annulé le refus de titre de séjour assorti d'une obligation de quitter le territoire français opposé à M. A...par arrêté du préfet de la Haute-Savoie du 10 décembre 2013 et enjoint à l'administration de délivrer à l'intéressé une carte de séjour temporaire, le préfet pouvait légalement, à tout moment, retirer à l'intéressé la carte de séjour qu'il lui avait délivrée dans ces conditions, c'est-à-dire procéder à son abrogation ; que le préfet de la Haute-Savoie est dès lors fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a annulé l'arrêté du 20 octobre 2015 par lequel il a retiré cette carte de séjour, obligé M. A...à quitter le territoire et désigné le pays de renvoi, au motif que ces décisions ont été prises au-delà d'un délai de quatre mois après la délivrance de la carte retirée ;

6. Considérant qu'il y a lieu, au titre de l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M.A... ;

Sur la décision de retirer la carte de séjour :

7. Considérant, en premier lieu, que la décision retirant à M. A...sa carte de séjour expose de manière circonstanciée les éléments de fait propres à la situation de M. A...et les considérations de droit sur lesquels le préfet a entendu se fonder ; que cette décision est ainsi suffisamment motivée, conformément aux exigences des articles 1er 3 de la loi du 11 juillet 1979 susvisée ;

8. Considérant, en deuxième lieu, que s'il ressort des pièces du dossier que M.A..., entré en France quelques mois avant l'âge de sa majorité, a été, dans un premier temps, pris en charge par le service de l'aide sociale à l'enfance et a bénéficié d'actions d'insertion professionnelle, avant d'occuper des emplois intérimaires de courte durée, puis d'obtenir un contrat à durée indéterminée avec une entreprise de sécurité auquel l'employeur a mis fin pendant la période d'essai à la suite du retrait de son titre de séjour, cette situation, alors par ailleurs que l'intéressé est dépourvu d'attaches familiales en France et qu'il a vécu jusqu'à l'âge de dix-sept ans au Cameroun, son pays d'origine, ne permet pas de regarder la décision du préfet de lui retirer la carte de séjour qui lui avait été délivrée dans les conditions rappelées au point 1, comme portant à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée, ni au sens du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile qui prévoit la délivrance de plein droit d'une carte de séjour temporaire à l'étranger dont les liens personnels et familiaux en France sont tels qu'un refus d'admission au séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une telle atteinte, ni au regard de l'article 8 de la convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales garantissant à toute personne un tel droit ;

9. Considérant, en troisième lieu, qu'au regard de l'ensemble des éléments exposés au point précédent, le préfet ne peut être regardé comme ayant commis une erreur manifeste d'appréciation de la situation de M.A..., ni au regard des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile qui lui permettent de délivrer une carte de séjour pour des motifs exceptionnels ou des considérations humanitaires, ni, plus généralement, au regard des conséquences de sa décision sur la situation personnelle de M.A... ;

Sur l'obligation de quitter le territoire français :

10. Considérant, en premier lieu, qu'il résulte de ce qui a été dit aux points 3 à 9 que le moyen selon lequel l'obligation de quitter le territoire français serait illégale du fait de l'illégalité du retrait de la carte de séjour, doit être écarté ;

11. Considérant, en deuxième lieu, que l'arrêté du préfet de la Haute-Savoie du 20 octobre 2015, ainsi qu'il a été dit au point 7, expose de manière circonstanciée les éléments de fait propres à la situation de M. A...et les considérations de droit sur lesquels le préfet a entendu se fonder pour prononcer tant le retrait de la carte de séjour que l'obligation de quitter le territoire français ; que cette dernière mesure est ainsi suffisamment motivée, ainsi que l'exige l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

12. Considérant, en troisième lieu, que lorsque l'autorité compétente envisage de prendre une mesure de retrait d'un titre de séjour assortie d'une obligation de quitter le territoire français, qui prive un étranger du droit au séjour en France, il lui incombe notamment, y compris lorsque le retrait concerne un titre délivré pour se conformer à une décision juridictionnelle qui a été annulée, de s'assurer, en prenant en compte l'ensemble des circonstances relatives à la vie privée et familiale de l'intéressé jusqu'à la date de la décision de retrait, que cette mesure n'est pas de nature à porter à celle-ci une atteinte disproportionnée ; que, toutefois, dans les circonstances de l'espèce et pour les motifs déjà exposés au point 8, le moyen selon lequel l'obligation de quitter le territoire français en litige porterait au droit de M. A...au respect de sa vie privée et familiale une telle atteinte, doit être écarté ; que, pour les mêmes motifs, cette obligation n'apparaît pas entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de ses conséquences sur la situation personnelle de l'intéressé ;

Sur la décision fixant le pays de renvoi :

13. Considérant, en premier lieu, qu'il résulte de ce qui a été dit aux points 10 à 12 que le moyen selon lequel la décision fixant le pays de renvoi serait illégale du fait de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français, doit être écarté ;

14. Considérant, en second lieu, qu'au regard de la situation de M. A...telle qu'elle est exposée au point 8, cette décision n'apparaît pas davantage entachée d'une erreur manifeste d'appréciation quant à ses conséquences pour l'intéressé ;

15. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le préfet de la Haute-Savoie est fondé à demander l'annulation du jugement du tribunal administratif de Grenoble du 19 février 2016 en ce qu'il fait droit partiellement aux conclusions de la demande de M. A...et le rejet des conclusions de cette demande auxquelles ce jugement a fait droit ;

Sur les frais non compris dans les dépens :

16. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la somme dont M. A...demande le versement à son avocat au titre des frais non compris dans les dépens soit mise à la charge de l'Etat qui n'est pas, dans la présente instance, partie perdante

DECIDE :

Article 1er : Les articles 1er, 2 et 3 du jugement du tribunal administratif de Grenoble du 19 février 2016 sont annulés.

Article 2 : Les conclusions de la demande de M. A...devant le tribunal administratif de Grenoble auxquelles il a été fait droit par les articles du jugement du 19 février 2016 annulés à l'article 1er ci-dessus, sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur, à M. C...A...et à Me B...D....

Copie en sera adressée au préfet de la Haute-Savoie.

Délibéré après l'audience du 30 juin 2016 à laquelle siégeaient :

- M. Boucher, président de chambre ;

- M. Drouet, président-assesseur ;

- Mme Dèche, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 12 juillet 2016.

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N° 16LY01137


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 3ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 16LY01137
Date de la décision : 12/07/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers.

Étrangers - Séjour des étrangers - Refus de séjour.


Composition du Tribunal
Président : M. BOUCHER
Rapporteur ?: M. Yves BOUCHER
Rapporteur public ?: M. CLEMENT
Avocat(s) : GHANASSIA

Origine de la décision
Date de l'import : 02/08/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2016-07-12;16ly01137 ?
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