Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A...B...a demandé au tribunal administratif de Grenoble :
- d'annuler les décisions du 19 juin 2015 par lesquelles le préfet de l'Isère lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a désigné la Roumanie comme pays de destination ;
- d'enjoindre au préfet de l'Isère de réexaminer sa situation dans le délai de trente jours à compter de la notification du jugement à intervenir, après remise d'une autorisation provisoire de séjour dans les 48 heures.
Par un jugement n° 1506522 du 19 janvier 2016, le tribunal administratif de Grenoble a annulé ces décisions et enjoint au préfet de l'Isère de remettre dans les meilleurs délais une autorisation provisoire de séjour à M.B..., puis de réexaminer sa situation dans le délai d'un mois à compter de la notification de ce jugement.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés le 19 février et le 14 avril 2016, le préfet de l'Isère demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Grenoble du 19 janvier 2016 ;
2°) de rejeter la demande présentée par M. B...devant le tribunal administratif.
Il soutient que :
- M. B...a déclaré, lors de son audition, le 9 juin 2016, être entrée en France le 25 mars 2014 ; c'est donc à tort que le tribunal administratif a estimé qu'elle ne se trouvait pas en France depuis plus de trois mois à la date de la décision.
- aucun des moyens invoqués par l'intéressé n'est fondé.
Par un mémoire enregistré le 31 mars 2016, M. B...conclut au rejet de la requête et à ce que soit mis à la charge de l'Etat le paiement à son conseil d'une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que la fiche de renseignements sur laquelle s'est fondé le préfet porte la mention " personne à l'hôpital. Opéré des dents " et, à la place de la signature de l'intéressé, la mention " Abs ", qui signifie " absent " ; cette même fiche indique aussi qu'il est arrivé en France le 25 mars 2014, mais qu'il en est reparti en janvier 2015 ; une carte d'identité lui a été délivrée en Roumanie le 23 janvier 2015 et la fiche précitée indique qu'il n'est revenu en France qu'en mars 2015 ; il ne se trouvait donc pas en France depuis plus de trois mois à la date de la décision.
M. B...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 23 mars 2016.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Clot a été entendu au cours de l'audience publique.
1. Considérant que par un jugement du 19 janvier 2016, le tribunal administratif de Grenoble a annulé les décisions du 19 juin 2015 par lesquelles le préfet de l'Isère a fait obligation à M.B..., ressortissant roumain, de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination ; que le préfet relève appel de ce jugement ;
2. Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article L. 121-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, tout citoyen de l'Union européenne (...) a le droit de séjourner en France pour une durée supérieure à trois mois s'il satisfait à l'une des conditions suivantes : / 1° S'il exerce une activité professionnelle en France ; / 2° S'il dispose pour lui et pour les membres de sa famille tels que visés au 4° de ressources suffisantes afin de ne pas devenir une charge pour le système d'assistance sociale, ainsi que d'une assurance maladie ; / 3° S'il est inscrit dans un établissement fonctionnant conformément aux dispositions législatives et réglementaires en vigueur pour y suivre à titre principal des études ou, dans ce cadre, une formation professionnelle, et garantit disposer d'une assurance maladie ainsi que de ressources suffisantes pour lui et pour les membres de sa famille tels que visés au 5° afin de ne pas devenir une charge pour le système d'assistance sociale ; / 4° S'il est un descendant direct âgé de moins de vingt et un ans ou à charge, ascendant direct à charge, conjoint, ascendant ou descendant direct à charge du conjoint, accompagnant ou rejoignant un ressortissant qui satisfait aux conditions énoncées aux 1° ou 2° ; / 5° S'il est le conjoint ou un enfant à charge accompagnant ou rejoignant un ressortissant qui satisfait aux conditions énoncées au 3°. " ;
3. Considérant que l'article L. 121-4 du même code ajoute que : " Tout citoyen de l'Union européenne (...) qui ne (peut) justifier d'un droit au séjour en application de l'article L. 121-1 ou de l'article L. 121-3 ou dont la présence constitue une menace à l'ordre public peut faire l'objet, selon le cas, d'une décision de refus de séjour, d'un refus de délivrance ou de renouvellement d'une carte de séjour ou d'un retrait de celle-ci ainsi que d'une mesure d'éloignement prévue au livre V. " ; qu'aux termes de l'article L. 121-4-1 de ce code : " Tant qu'ils ne deviennent pas une charge déraisonnable pour le système d'assistance sociale, les citoyens de l'Union européenne (...) ont le droit de séjourner en France pour une durée maximale de trois mois, sans autre condition ou formalité que celles prévues pour l'entrée sur le territoire français. " ;
4. Considérant, d'autre part, qu'aux termes de L. 511-3-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative compétente peut, par décision motivée, obliger un ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne (...) à quitter le territoire français lorsqu'elle constate : / 1° Qu'il ne justifie plus d'aucun droit au séjour tel que prévu par les articles L. 121-1, L. 121-3 ou L. 121-4-1 (...). / L'autorité administrative compétente tient compte de l'ensemble des circonstances relatives à sa situation, notamment la durée du séjour de l'intéressé en France, son âge, son état de santé, sa situation familiale et économique, son intégration sociale et culturelle en France, et de l'intensité de ses liens avec son pays d'origine. / L'étranger dispose, pour satisfaire à l'obligation qui lui a été faite de quitter le territoire français, d'un délai qui, sauf urgence, ne peut être inférieur à trente jours à compter de sa notification. A titre exceptionnel, l'autorité administrative peut accorder un délai de départ volontaire supérieur à trente jours. / L'obligation de quitter le territoire français fixe le pays à destination duquel il est renvoyé en cas d'exécution d'office. / (...). " ;
5. Considérant qu'il incombe à l'administration, en cas de contestation sur la durée du séjour d'un citoyen de l'Union européenne dont elle a décidé l'éloignement, de faire valoir les éléments sur lesquels elle se fonde pour considérer qu'il ne remplit plus les conditions pour séjourner en France ; que l'administration peut, notamment, s'appuyer sur les déclarations préalablement faites par l'intéressé ; qu'il appartient à l'étranger qui demande l'annulation de cette décision d'apporter tout élément de nature à en contester le bien-fondé, selon les modalités habituelles de l'administration de la preuve ;
6. Considérant que pour établir que M. B...se trouvait en France depuis plus de trois mois le 19 juin 2015, date de la décision par laquelle il lui a fait obligation de quitter le territoire, le préfet se prévaut d'une " fiche de recensement " signée par l'intéressé, selon laquelle il aurait déclaré être entré en France le 25 mars 2014 ; que, si le document, que l'administration produit, mentionne que l'intéressé a déclaré être entré en France à cette date, il ajoute qu'il est retourné en Roumanie au mois de janvier 2015 et qu'il est revenu en France en mars 2015 ; que ce document n'a pas été signé par l'intéressé, la mention " Abs " ayant été portée à l'emplacement prévu à cet effet ; que, dès lors, si, contrairement à ce qu'ont estimé les premiers juges, M. B... n'a pas déclaré être entré en France le 25 mars 2015, c'est néanmoins à bon droit que, pour annuler les décisions en litige, ils se sont fondés sur le motif tiré de ce que le préfet n'établissait pas que l'intéressé séjournait en France depuis plus de trois mois à la date de ces décisions ;
7. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le préfet de l'Isère n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a annulé les décisions en litige ;
8. Considérant que M. B...a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle ; que, par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me Costa, avocat de M.B..., renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat, de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me Costa de la somme de 1 000 euros ;
DECIDE :
Article 1er : La requête du préfet de l'Isère est rejetée.
Article 2 : L'Etat versera à Me Costa, avocat de M. B..., la somme de 1 000 euros en application des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve qu'il renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à M. A...B.... Copie en sera adressée au préfet de l'Isère.
Délibéré après l'audience du 21 juin 2016, à laquelle siégeaient :
M. Clot, président de chambre,
M. Picard, président-assesseur,
Mme Vaccaro-Planchet, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 12 juillet 2016.
''
''
''
''
5
N° 16LY00625
mg