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12/07/2016 | FRANCE | N°16LY00598

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 1ère chambre - formation à 3, 12 juillet 2016, 16LY00598


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B...A...a demandé au tribunal administratif de Grenoble :

- d'annuler les décisions du 19 juin 2015 par lesquelles le préfet de l'Isère lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a désigné la Roumanie comme pays de destination ;

- d'enjoindre au préfet de l'Isère de réexaminer sa situation dans le délai de trente jours à compter de la notification du jugement à intervenir, après remise d'une autorisation provisoire de séjour dans les 4

8 heures.

Par un jugement n° 1506528 du 19 janvier 2016, le tribunal administratif de Gre...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B...A...a demandé au tribunal administratif de Grenoble :

- d'annuler les décisions du 19 juin 2015 par lesquelles le préfet de l'Isère lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a désigné la Roumanie comme pays de destination ;

- d'enjoindre au préfet de l'Isère de réexaminer sa situation dans le délai de trente jours à compter de la notification du jugement à intervenir, après remise d'une autorisation provisoire de séjour dans les 48 heures.

Par un jugement n° 1506528 du 19 janvier 2016, le tribunal administratif de Grenoble a annulé ces décisions et enjoint au préfet de l'Isère de remettre dans les meilleurs délais une autorisation provisoire de séjour à MmeA..., puis de réexaminer sa situation dans le délai d'un mois à compter de la notification de ce jugement.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 18 février et le 14 avril 2016, le préfet de l'Isère demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Grenoble du 19 janvier 2016 ;

2°) de rejeter la demande présentée par Mme A...devant le tribunal administratif.

Il soutient que :

- Mme A...a déclaré, lors de son audition, le 9 juin 2016, être entrée en France le 25 mars 2014 ; c'est donc à tort que le tribunal administratif a estimé qu'elle ne se trouvait pas en France depuis plus de trois mois à la date de la décision ;

- aucun des moyens invoqués par l'intéressée n'est fondé.

Par un mémoire enregistré le 31 mars 2016, Mme A...conclut au rejet de la requête et à ce que soit mis à la charge de l'Etat le paiement à son conseil d'une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que le préfet a méconnu l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'article 3-1 de la convention relative aux droits de l'enfant.

Mme A...a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 23 mars 2016.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'article 3-1 de la convention relative aux droits de l'enfant ;

- la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Clot a été entendu au cours de l'audience publique.

1. Considérant que par un jugement du 19 janvier 2016, le tribunal administratif de Grenoble a annulé les décisions du 19 juin 2015 par lesquelles le préfet de l'Isère a fait obligation à MmeA..., ressortissante roumaine, de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination ; que le préfet relève appel de ce jugement ;

2. Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article L. 121-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, tout citoyen de l'Union européenne (...) a le droit de séjourner en France pour une durée supérieure à trois mois s'il satisfait à l'une des conditions suivantes : / 1° S'il exerce une activité professionnelle en France ; / 2° S'il dispose pour lui et pour les membres de sa famille tels que visés au 4° de ressources suffisantes afin de ne pas devenir une charge pour le système d'assistance sociale, ainsi que d'une assurance maladie ; / 3° S'il est inscrit dans un établissement fonctionnant conformément aux dispositions législatives et réglementaires en vigueur pour y suivre à titre principal des études ou, dans ce cadre, une formation professionnelle, et garantit disposer d'une assurance maladie ainsi que de ressources suffisantes pour lui et pour les membres de sa famille tels que visés au 5° afin de ne pas devenir une charge pour le système d'assistance sociale ; / 4° S'il est un descendant direct âgé de moins de vingt et un ans ou à charge, ascendant direct à charge, conjoint, ascendant ou descendant direct à charge du conjoint, accompagnant ou rejoignant un ressortissant qui satisfait aux conditions énoncées aux 1° ou 2° ; / 5° S'il est le conjoint ou un enfant à charge accompagnant ou rejoignant un ressortissant qui satisfait aux conditions énoncées au 3°. " ;

3. Considérant que l'article L. 121-4 du même code ajoute que : " Tout citoyen de l'Union européenne (...) qui ne (peut) justifier d'un droit au séjour en application de l'article L. 121-1 ou de l'article L. 121-3 ou dont la présence constitue une menace à l'ordre public peut faire l'objet, selon le cas, d'une décision de refus de séjour, d'un refus de délivrance ou de renouvellement d'une carte de séjour ou d'un retrait de celle-ci ainsi que d'une mesure d'éloignement prévue au livre V. " ; qu'aux termes de l'article L. 121-4-1 de ce code : " Tant qu'ils ne deviennent pas une charge déraisonnable pour le système d'assistance sociale, les citoyens de l'Union européenne (...) ont le droit de séjourner en France pour une durée maximale de trois mois, sans autre condition ou formalité que celles prévues pour l'entrée sur le territoire français. " ;

4. Considérant, d'autre part, qu'aux termes de L. 511-3-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative compétente peut, par décision motivée, obliger un ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne (...) à quitter le territoire français lorsqu'elle constate : / 1° Qu'il ne justifie plus d'aucun droit au séjour tel que prévu par les articles L. 121-1, L. 121-3 ou L. 121-4-1 (...). / L'autorité administrative compétente tient compte de l'ensemble des circonstances relatives à sa situation, notamment la durée du séjour de l'intéressé en France, son âge, son état de santé, sa situation familiale et économique, son intégration sociale et culturelle en France, et de l'intensité de ses liens avec son pays d'origine. / L'étranger dispose, pour satisfaire à l'obligation qui lui a été faite de quitter le territoire français, d'un délai qui, sauf urgence, ne peut être inférieur à trente jours à compter de sa notification. A titre exceptionnel, l'autorité administrative peut accorder un délai de départ volontaire supérieur à trente jours. / L'obligation de quitter le territoire français fixe le pays à destination duquel il est renvoyé en cas d'exécution d'office. / (...). " ;

5. Considérant qu'il incombe à l'administration, en cas de contestation sur la durée du séjour d'un citoyen de l'Union européenne dont elle a décidé l'éloignement, de faire valoir les éléments sur lesquels elle se fonde pour considérer qu'il ne remplit plus les conditions pour séjourner en France ; que l'administration peut, notamment, s'appuyer sur les déclarations préalablement faites par l'intéressé ; qu'il appartient à l'étranger qui demande l'annulation de cette décision d'apporter tout élément de nature à en contester le bien-fondé, selon les modalités habituelles de l'administration de la preuve ;

6. Considérant que lors de son audition par les services de la préfecture de l'Isère, le 9 juin 2015, Mme A..., de nationalité roumaine, qui était assistée d'un interprète, a déclaré être entrée en France le 25 mars 2014 ; que ses déclarations ont été consignées dans un document qu'elle a signé ; que, dès lors, le préfet de l'Isère ne s'est pas fondé sur des faits matériellement inexacts en estimant, comme il l'a fait par les décisions en litige, du 19 juin 2015, que l'intéressée se trouvait en France depuis plus de trois mois ; que, par suite, c'est à tort que, pour annuler ces décisions, le tribunal administratif s'est fondé sur le motif tiré de ce que Mme A... avait déclaré être entrée en France le 25 mars 2015 et qu'aucun élément n'établissait sa présence sur le territoire depuis plus de trois mois ;

7. Considérant toutefois qu'il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens invoqués par MmeA... ;

8. Considérant, en premier lieu, qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que Mme A... n'aurait pas été assistée d'un interprète lors de son audition par les services de la préfecture ;

9. Considérant, en deuxième lieu, qu'une atteinte au droit d'être entendu n'est susceptible d'affecter la régularité de la procédure à l'issue de laquelle une décision faisant grief est prise que si la personne concernée a été privée de la possibilité de présenter des éléments pertinents qui auraient pu influer sur le contenu de la décision ; que la requérante, qui se borne à soutenir que son droit d'être entendu a été méconnu, ne précise pas en quoi elle disposait d'informations pertinentes tenant à sa situation personnelle qu'elle a été empêchée de porter à la connaissance de l'administration avant que ne soit prise la mesure d'éloignement et qui, si elles avaient pu être communiquées à temps, auraient été de nature à faire obstacle à la décision l'obligeant à quitter le territoire français ; que, par suite, le moyen tiré de ce que les décisions contestées méconnaîtraient l'article 41 de la Charte et le principe général des droits de la défense qui est au nombre des principes fondamentaux du droit de l'Union européenne, ne peut qu'être écarté ;

10. Considérant, en troisième lieu, que les décisions en litige, qui comportent l'énoncé des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement, sont suffisamment motivées ; qu'il ressort des pièces du dossier que le préfet a procédé à l'examen particulier de la situation de MmeA... ;

11. Considérant, en quatrième lieu, qu'à la date des décisions contestées, Mme A...séjournait en France avec son mari et leurs enfants ; qu'elle a déclaré bénéficier d'une aide du département, de l'aide médicale d'Etat et d'une bourse d'étude de 150 euros pour l'un de ses enfants ; qu'ainsi, le préfet a pu, à bon droit, considérer qu'elle ne justifiait ni de ressources suffisantes afin de ne pas devenir une charge déraisonnable pour le système d'assistance sociale, ni d'une assurance maladie ;

12. Considérant, enfin, qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui. " ; qu'aux termes de l'article 3-1 de la convention relative aux droits de l'enfant, signée à New York le 26 janvier 1990 : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale " ;

13. Considérant que M. et MmeA..., qui possèdent l'un et l'autre la nationalité roumaine, sont accompagnés de leurs enfants et petits-enfants ; que par arrêt de ce jour, la cour confirme l'annulation, par le tribunal administratif de Grenoble, des décisions du 19 juin 2015 par lesquelles le préfet de l'Isère a fait obligation à M. A...de quitter le territoire français et a fixé le pays de destination ; que, toutefois, l'intéressé peut suivre son épouse dans leur pays d'origine ; que, dès lors, dans les circonstances de l'espèce, la décision faisant obligation à Mme A...de quitter le territoire français ne porte à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des buts poursuivis ; que, par suite, cette décision n'est pas intervenue en méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; qu'elle n'a pas davantage méconnu les stipulations de l'article 3-1 de la convention relative aux droits de l'enfant ;

14. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le préfet de l'Isère est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a annulé les décisions en litige ;

15. Considérant que les dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 font obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, verse une somme au conseil de Mme A...au titre des frais exposés à l'occasion du litige ;

DECIDE :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Grenoble du 19 janvier 2016 est annulé.

Article 2 : Les conclusions de Mme A...sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à Mme B...A.... Copie en sera adressée au préfet de l'Isère et au procureur de la République près le tribunal de grande instance de Grenoble.

Délibéré après l'audience du 21 juin 2016, à laquelle siégeaient :

M. Clot président de chambre,

M. Picard, président-assesseur,

Mme Vaccaro-Planchet, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 12 juillet 2016.

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N° 16LY00598

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 1ère chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 16LY00598
Date de la décision : 12/07/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335 Étrangers.


Composition du Tribunal
Président : M. CLOT
Rapporteur ?: M. Jean-Pierre CLOT
Rapporteur public ?: M. VALLECCHIA
Avocat(s) : SELARL ALBAN COSTA

Origine de la décision
Date de l'import : 02/08/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2016-07-12;16ly00598 ?
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