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12/07/2016 | FRANCE | N°15LY02730

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 1ère chambre - formation à 3, 12 juillet 2016, 15LY02730


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... C...A...a demandé au tribunal administratif de Grenoble :

- d'annuler les décisions du 26 mars 2015 par lesquelles le préfet de l'Isère a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français sans délai et a désigné le pays de destination ;

- d'enjoindre audit préfet de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ", ou de réexaminer sa demande de titre de séjour et de lui délivrer une autorisation provisoire

de séjour lui permettant de travailler.

Par un jugement n° 1502160 du 30 juin 2015, le tribun...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... C...A...a demandé au tribunal administratif de Grenoble :

- d'annuler les décisions du 26 mars 2015 par lesquelles le préfet de l'Isère a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français sans délai et a désigné le pays de destination ;

- d'enjoindre audit préfet de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ", ou de réexaminer sa demande de titre de séjour et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour lui permettant de travailler.

Par un jugement n° 1502160 du 30 juin 2015, le tribunal administratif de Grenoble a annulé ces décisions et a enjoint au préfet de l'Isère de délivrer à M. A...un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ".

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 5 août 2015, le préfet de l'Isère demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Grenoble du 30 juin 2015 ;

2°) de rejeter la demande de M. A...devant le tribunal administratif.

Il soutient que compte tenu des conditions de son séjour en France, c'est à tort que, pour annuler les décisions contestées, le tribunal administratif s'est fondé sur le motif tiré de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

Par un mémoire enregistré le 15 juin 2016, M. A...conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge de l'Etat du paiement à son conseil d'une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient qu'aucun des moyens invoqués par le préfet n'est fondé.

M. A...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 16 mars 2016.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention relative aux droits de l'enfant ;

- la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- la directive 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Clot a été entendu au cours de l'audience publique.

1. Considérant que M. A..., né le 2 avril 1978 au Nigéria, pays dont il possède la nationalité, qui déclare être entré en France le 31 octobre 2010, a obtenu une autorisation provisoire de séjour au titre de l'asile le 9 novembre 2010 ; que sa demande d'asile a été rejetée par une décision de l'office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) du 27 mai 2011, confirmée par la cour nationale du droit d'asile (CNDA) le 13 mars 2012 ; qu'après le rejet de sa demande de titre de séjour, par un arrêté du 31 juillet 2012 lui faisant obligation de quitter le territoire français, M. A... a sollicité, le 12 février 2013, un titre de séjour en se prévalant de sa situation personnelle et familiale ; que le 11 juillet 2013, le préfet de l'Isère lui a opposé un refus, lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai et a désigné le pays de destination ; que le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces décisions du 11 juillet 2013 et que l'appel de M. A... contre ce jugement a été rejeté par un arrêt de la cour du 5 février 2015 ; que le 26 mars 2015, le préfet de l'Isère a refusé de lui délivrer le titre de séjour qu'il avait sollicité sur le fondement du 7° de l'article L. 313-11 ou de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai et a désigné le pays de destination ; que le préfet relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Grenoble a annulé ces décisions du 26 mars 2015 ;

2. Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui. " ;

3. Considérant qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 7° A l'étranger (...) dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus (...) " ;

4. Considérant que M. A..., qui se trouve en France depuis le 31 octobre 2010, a noué une relation de concubinage avec l'une de ses compatriotes et que de cette relation sont nées deux enfants, le 17 novembre 2012 et le 14 septembre 2014 ; que toutefois, il lui a été fait obligation de quitter le territoire français par des décisions des 31 juillet 2012 et 11 juillet 2013, qu'il n'a pas exécutées ; que, dès lors, dans les circonstances de l'espèce, compte tenu de la durée et des conditions de son séjour en France, le nouveau refus de titre de séjour que le préfet de l'Isère lui a opposé le 26 mars 2015 ne peut être regardé, eu égard aux buts poursuivis, comme portant une atteinte disproportionnée au droit de l'intéressé au respect de sa vie privée et familiale ; que, par suite, c'est à tort que, pour annuler ce refus, le tribunal administratif s'est fondé sur le motif tiré de la méconnaissance du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

5. Considérant toutefois qu'il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens invoqués par M. A... ;

Sur la légalité du refus de titre de séjour :

6. Considérant que la décision contestée, qui comporte l'énoncé des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement, est suffisamment motivée ;

7. Considérant que, pour les motifs indiqués au point 4 ci-dessus, le refus de titre de séjour en litige n'est pas entaché d'une erreur manifeste d'appréciation des conséquences qu'il est susceptible de comporter pour la situation personnelle de M.A... ;

Sur la légalité de l'obligation de quitter le territoire français :

8. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " I. L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne (...) lorsqu'il se trouve dans l'un des cas suivants : (...) 3° Si la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé à l'étranger ou si le titre de séjour qui lui avait été délivré lui a été retiré (...). La décision énonçant l'obligation de quitter le territoire français est motivée. Elle n'a pas à faire l'objet d'une motivation distincte de celle de la décision relative au séjour dans les cas prévus aux 3° et 5° du présent I, sans préjudice, le cas échéant, de l'indication des motifs pour lesquels il est fait application des II et III (...) " ;

9. Considérant que M. A..., à qui la délivrance d'un titre de séjour a été refusée le 26 mars 2015, se trouvait ainsi, à cette date, dans le cas prévu par les dispositions du 3° du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans lequel le préfet peut faire obligation à un étranger de quitter le territoire français ;

10. Considérant, en deuxième lieu, qu'il résulte de ce qui a été dit ci-dessus que M. A... ne peut exciper de l'illégalité de la décision portant refus de titre de séjour au soutien de ses conclusions tendant à l'annulation de la décision lui faisant obligation de quitter le territoire français ;

11. Considérant, en troisième lieu, qu'en se bornant à faire valoir, sans autre précision, qu'il n'a pas été entendu préalablement à l'édiction de l'obligation de quitter le territoire français, M. A..., qui a été à même de faire valoir tout élément utile tenant à sa situation personnelle à l'occasion du dépôt de sa demande de titre de séjour et tout au long de l'instruction de sa demande et ne fait état d'aucun élément pertinent qu'il aurait été empêché de porter à la connaissance de l'administration et qui aurait été susceptible d'influer sur le prononcé ou les modalités d'exécution de la mesure d'éloignement prise à son encontre, n'est pas fondé à soutenir que son droit à être entendu préalablement à une décision administrative défavorable, énoncé au paragraphe 2 de l'article 41 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, a été méconnu ;

12. Considérant, en quatrième lieu, qu'il convient d'écarter, pour les mêmes motifs que ceux précédemment énoncés dans le cadre de l'examen de la légalité de la décision de refus de titre de séjour, les moyens, dirigés contre la décision portant obligation de quitter le territoire français, tirés de l'erreur manifeste d'appréciation et de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

13. Considérant, en dernier lieu, qu'aux termes de l'article 3-1 de la convention relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent des enfants, qu'elles soient le fait (...) des tribunaux, des autorités administratives (...), l'intérêt supérieur des enfants doit être une considération primordiale " ; qu'il résulte de ces dernières stipulations, qui peuvent être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir formé contre une décision portant obligation de quitter le territoire français, que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant ;

14. Considérant que si M. A... était, à la date de la décision en litige, le père de deux enfants mineurs, cette décision n'a ni pour objet, ni pour effet, de séparer ces enfants de leurs parents, ni de les empêcher de vivre auprès de leurs parents, notamment au Nigéria, dont l'ensemble de la famille est originaire ; qu'ainsi, la décision contestée n'a pas porté à l'intérêt supérieur des enfants de M. A... une atteinte contraire aux stipulations du 1 de l'article 3 de la convention internationale des droits de l'enfant ;

Sur la légalité de la décision refusant un délai de départ volontaire :

15. Considérant qu'aux termes du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) l'autorité administrative peut, par une décision motivée, décider que l'étranger est obligé de quitter sans délai le territoire français : (...) / 3° S'il existe un risque que l'étranger se soustraie à cette obligation. Ce risque est regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants : (...) / d) Si l'étranger s'est soustrait à l'exécution d'une précédente mesure d'éloignement (...)" ;

16. Considérant que les dispositions du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qui permettent à l'autorité administrative de refuser à un étranger tout délai pour quitter volontairement le territoire français dans les cas de risque de fuite qu'elles énumèrent, sauf prise en compte d'une circonstance particulière, après examen de la situation propre à chaque cas d'espèce, ne sont pas incompatibles avec les objectifs de l'article 7 de la directive 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 ;

17. Considérant que la décision portant refus d'octroi d'un délai de départ volontaire à M. A... vise les dispositions du d) du 3° du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et rappelle notamment que l'intéressé n'a pas déféré aux mesures d'éloignement prises antérieurement à son encontre ; qu'ainsi, cette décision, qui comporte l'énoncé des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement, est suffisamment motivée ;

18. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. A... s'est soustrait à deux précédentes mesures d'éloignement, des 31 juillet 2012 et 11 juillet 2013; que, par suite, le préfet de l'Isère a pu légalement estimer qu'il existait un risque que le requérant se soustraie à l'obligation de quitter le territoire français qui lui était faite et, par suite, lui refuser l'octroi d'un délai de départ volontaire sur le fondement des dispositions du d) du 3° du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que, dès lors, la décision refusant de lui accorder un délai de départ volontaire n'est pas entachée d'une erreur d'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de l'intéressé ; qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet de l'Isère se serait estimé à tort tenu de refuser de lui accorder un tel délai ;

Sur la légalité de la décision désignant le pays de destination :

19. Considérant qu'aux termes de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 " ; que ce texte énonce que : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou des traitements inhumains ou dégradants " ;

20. Considérant qu'il résulte de ce qui a été dit plus haut que M. A... ne peut exciper de l'illégalité de la décision lui faisant obligation de quitter le territoire français ni, en tout état de cause, de celle lui refusant un titre de séjour ;

21. Considérant que M. A... soutient qu'il encourt des risques en cas de retour dans son pays d'origine ; que toutefois, l'intéressé, dont au demeurant la demande d'asile a été rejetée, ainsi qu'il a été dit plus haut, ne démontre pas la réalité des persécutions dont il prétend avoir été victime au Nigéria, sans au demeurant en préciser la nature ; que, dans ces conditions, en désignant le Nigéria comme pays à destination duquel M. A... sera reconduit, le préfet de l'Isère a méconnu les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que cette décision est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

22. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le préfet de l'Isère est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a annulé les décisions en litige ;

23. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 font obstacle à ce qu'il soit fait droit aux conclusions du conseil de M. A...tendant au paiement d'une somme au titre des frais exposés à l'occasion du litige ;

DECIDE :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Grenoble du 30 juin 2015 est annulé.

Article 2 : Les conclusions de M. A...sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à M. B... C...A.... Copie en sera adressée au préfet de l'Isère et au procureur de la République près le tribunal de grande instance de Grenoble.

Délibéré après l'audience du 21 juin 2016, à laquelle siégeaient :

M. Clot, président de chambre,

M. Picard, président-assesseur,

M. Lévy- Ben Cheton, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 12 juillet 2016.

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N° 15LY02730

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 1ère chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 15LY02730
Date de la décision : 12/07/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Edja

Analyses

335 Étrangers.


Composition du Tribunal
Président : M. CLOT
Rapporteur ?: M. Jean-Pierre CLOT
Rapporteur public ?: M. VALLECCHIA
Avocat(s) : MARCEL

Origine de la décision
Date de l'import : 02/08/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2016-07-12;15ly02730 ?
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