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12/07/2016 | FRANCE | N°15LY01034

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 3ème chambre - formation à 3, 12 juillet 2016, 15LY01034


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C...A...B...a demandé au tribunal administratif de Clermont-Ferrand :

1°) d'annuler l'arrêté en date du 16 octobre 2014 par lequel le préfet de l'Allier a refusé de lui délivrer un titre de séjour et l'a obligée à quitter le territoire français ;

2°) d'enjoindre au préfet de délivrer un titre de séjour "vie privée et familiale" dans un délai d'un mois à compter du jugement ;

3°) de faire application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative

et de l'article 37 de la loi relative à l'aide juridique.

Par un jugement n° 1402038 du 26 février...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C...A...B...a demandé au tribunal administratif de Clermont-Ferrand :

1°) d'annuler l'arrêté en date du 16 octobre 2014 par lequel le préfet de l'Allier a refusé de lui délivrer un titre de séjour et l'a obligée à quitter le territoire français ;

2°) d'enjoindre au préfet de délivrer un titre de séjour "vie privée et familiale" dans un délai d'un mois à compter du jugement ;

3°) de faire application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi relative à l'aide juridique.

Par un jugement n° 1402038 du 26 février 2015, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté cette demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 25 mars 2015, et des mémoires complémentaires, enregistrés les 5 juin et 15 juillet 2015, Mme A...B..., représentée par la SCP Borie et associés, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Clermont-Ferrand du 26 février 2015 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 16 octobre 2014 du préfet de l'Allier ;

3°) d'enjoindre au préfet de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" ou de réexaminer sa demande, dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros à verser à son avocat au titre des dispositions combinées de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique et de l'article L. 761-1 du code de justice.

Elle soutient que l'arrêté contesté porte une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale, au sens de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, et procède d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de ses conséquences sur l'état de santé de son père malade et sur sa situation personnelle en qualité d'accompagnante de personne malade ; la délivrance d'un titre de séjour lui permettrait d'être présente à temps plein auprès de son père pour un coût nul pour le département.

Par un mémoire en défense, enregistré le 7 mai 2015, et un mémoire complémentaire, enregistré le 16 juin 2015, le préfet de l'Allier conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que :

- il a délivré, le 21 avril 2015, à Mme A...B...une autorisation provisoire de séjour valable six mois, jusqu'au 28 octobre 2015, afin de lui permettre d'organiser la prise en charge médicale de son père ;

- l'allocation personnalisée d'autonomie accordée au père de la requérante lui permet d'employer toute personne présente sur le marché du travail pour l'assister au quotidien ; s'il veut embaucher sa fille à cette fin, il lui appartient de saisir le directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi d'une demande d'autorisation de travail ; il n'est pas établi que seule la requérante pourrait apporter à son père l'assistance dont il a besoin, alors qu'une autre de ses filles, de nationalité française, réside en France ;

- la requérante ne justifie pas de liens personnels et familiaux stables, anciens et intenses en France et n'est pas dépourvue d'attaches familiales en Tunisie, où elle a vécu jusqu'à l'âge de quarante-neuf ans.

En application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, les parties ont été informées de ce que la Cour était susceptible de soulever d'office un non-lieu à statuer sur les conclusions de la requête de Mme A...B...dirigées contre l'obligation de quitter le territoire français, le préfet de l'Allier lui ayant délivré une autorisation provisoire de séjour en cours d'instance.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'accord du 17 mars 1988 entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de Tunisie en matière de séjour et de travail ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme Peuvrel, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.

1. Considérant que Mme A...B..., ressortissante tunisienne née le 13 novembre 1965, entrée en France en dernier lieu le 14 juin 2014, a sollicité un titre de séjour en qualité d'accompagnant d'une personne malade le 8 juillet 2014 ; que le préfet de l'Allier, par arrêté du 16 octobre 2014, a rejeté cette demande et assorti ce refus d'une obligation de quitter le territoire français ; que Mme A...B...relève appel du jugement du 26 février 2015 par lequel le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté ;

Sur l'étendue du litige :

2. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que le préfet de l'Allier a délivré à Mme A...B...une autorisation provisoire de séjour valable jusqu'au 28 octobre 2015 ; que, dans ces conditions et dans la mesure où la délivrance de ce document de séjour a eu implicitement mais nécessairement pour effet d'abroger l'arrêté du 16 octobre 2014 en tant qu'il faisait obligation à Mme A...B...de quitter le territoire français, les conclusions de la requête tendant à l'annulation de cette mesure sont devenues sans objet ; que, par suite, il n'y a plus lieu de statuer sur ces conclusions ;

Sur la légalité du refus de titre de séjour :

3. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 7 quater de l'accord franco-tunisien susvisé : " Sans préjudice des dispositions du b et du d de l'article 7 ter, les ressortissants tunisiens bénéficient, dans les conditions prévues par la législation française, de la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale". " ; que selon l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit : / (...) 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. (...) " ; qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales susvisée : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2. / Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui. " ;

4. Considérant, d'une part, que Mme A...B...a sollicité une carte de séjour temporaire pour assister son père, âgé de quatre-vingt-quatre ans ; qu'il ressort des pièces médicales versées aux débats, et notamment du certificat du docteur Osier du 11 mars 2014, que le père de la requérante présente un état de "dépendance totale nécessitant l'aide d'une tierce personne pour les actes essentiels de la vie courante et pour la déambulation qui est devenue quasi impossible" ; que, toutefois, il ressort des pièces du dossier que le président du conseil général de l'Allier, par un arrêté du 3 avril 2014, a, sur la base d'une évaluation médicale de son degré d'autonomie, renouvelé le versement à M. A...B...de l'allocation personnalisée d'autonomie (APA), pour un montant de 1 029 euros incluant la participation financière de l'intéressé à un plan d'aide prévoyant la mise en place d'une aide à domicile pour une durée mensuelle de soixante-dix-huit heures ; que le certificat du 20 mars 2015 d'un médecin oncologue, selon lequel l'état de santé de M. A...B..."s'est considérablement dégradé", qu'il "est actuellement en état de dépendance totale et la présence continue d'une tierce personne est tout à fait indispensable pour l'assister pour les actes essentiels de la vie", étant invalide à 80 %, ne se déplaçant plus qu'en fauteuil roulant et étant alité de plus en plus fréquemment, ne permet pas d'établir que ce plan, qui a recueilli l'accord de l'intéressé, serait insuffisant ou inadapté ; qu'en outre, à supposer que M. A...B...aurait besoin d'une assistance complémentaire, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'aucune autre personne que Mme A...B..., dont la soeur réside en France, ne pourrait lui apporter ce soutien ; que si Mme A...B...allègue que son père ne dispose pas des moyens suffisants pour financer une aide à domicile pour une durée plus longue et que la délivrance d'un titre de séjour lui permettant d'assurer cette prise en charge serait moins coûteuse pour le département, il ressort des pièces du dossier qu'elle n'entend pas, contrairement à ce qu'elle affirme, apporter à son père une aide non rémunérée, puisqu'elle a signé avec lui un contrat de travail en qualité d'aide à domicile pour une durée de quinze heures par semaine, dans le cadre du dispositif du chèque emploi-service universel ;

5. Considérant, d'autre part, que, si Mme A...B...a résidé en France de l'âge de trois ans à l'âge de dix-huit ans, que son père y réside depuis quarante-cinq ans et que l'une de ses soeurs possède la nationalité française, comme tel était le cas de sa mère décédée en 2004, elle est célibataire sans enfant et n'est pas dépourvue d'attaches en Tunisie, où elle a une soeur et où elle-même a vécu de l'âge de dix-huit ans à celui de quarante-neuf ans ; que, dans ces conditions, le refus de titre de séjour en litige ne porte pas au droit de Mme A...B...au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a été pris ;

6. Considérant, en second lieu, que Mme A...B...se prévaut, au soutien du moyen tiré de ce que le refus de titre de séjour en litige serait entaché d'erreur manifeste d'appréciation eu égard à ses conséquences sur sa situation personnelle, des mêmes éléments que ceux précédemment exposés concernant l'état de santé de son père et sa situation personnelle ; que ce moyen doit être écarté pour les mêmes motifs ;

7. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme A...B...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande ;

Sur les conclusions à fin d'injonction :

8. Considérant que le présent arrêt, qui confirme le rejet des conclusions de Mme A... B... tendant à l'annulation de la décision préfectorale en litige, n'appelle aucune mesure d'exécution ; que, par suite, les conclusions à fin d'injonction doivent être rejetées ;

Sur les frais non compris dans les dépens :

9. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la somme dont Mme A...B...demande le versement à son avocat sur leur fondement et sur celui de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique, soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, partie perdante ;

DECIDE :

Article 1er : Il n'y a plus lieu de statuer sur les conclusions de la requête de Mme A...B...dirigées contre l'obligation de quitter le territoire français.

Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête de Mme A...B...est rejeté.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C...A...B...et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de l'Allier.

Délibéré après l'audience du 30 juin 2016, à laquelle siégeaient :

- M. Boucher, président de chambre ;

- Mme Dèche, premier conseiller ;

- Mme Peuvrel, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 12 juillet 2016.

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N° 15LY01034


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 3ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 15LY01034
Date de la décision : 12/07/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers - Refus de séjour.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. BOUCHER
Rapporteur ?: Mme Nathalie PEUVREL
Rapporteur public ?: M. CLEMENT
Avocat(s) : BORIE et ASSOCIES AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 02/08/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2016-07-12;15ly01034 ?
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