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07/07/2016 | FRANCE | N°14LY03755

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 5ème chambre - formation à 3, 07 juillet 2016, 14LY03755


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

I. M. B...A...a demandé au tribunal administratif de Dijon, sous le n° 1401699, d'annuler l'arrêté du 23 avril 2014 du préfet de la Côte-d'Or, en tant qu'il refuse de lui délivrer un titre de séjour.

II. M. B...A...a demandé au tribunal administratif de Dijon, sous le n° 1401700, d'annuler l'arrêté du 23 avril 2014 du préfet de la Côte-d'Or, en tant qu'il l'oblige à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et désigne son pays de reconduite d'office à l'expiration de ce

délai.

Par un jugement n°s 1401699-1401700 du 30 octobre 2014, le tribunal administrat...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

I. M. B...A...a demandé au tribunal administratif de Dijon, sous le n° 1401699, d'annuler l'arrêté du 23 avril 2014 du préfet de la Côte-d'Or, en tant qu'il refuse de lui délivrer un titre de séjour.

II. M. B...A...a demandé au tribunal administratif de Dijon, sous le n° 1401700, d'annuler l'arrêté du 23 avril 2014 du préfet de la Côte-d'Or, en tant qu'il l'oblige à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et désigne son pays de reconduite d'office à l'expiration de ce délai.

Par un jugement n°s 1401699-1401700 du 30 octobre 2014, le tribunal administratif de Dijon a rejeté ces demandes.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 5 décembre 2014, et un mémoire en réplique, enregistré le 12 février 2016, M.A..., représenté par MeC..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 30 octobre 2014 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 23 avril 2014 ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Côte-d'Or de lui délivrer une carte de séjour temporaire dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ou, à défaut, de réexaminer sa situation ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le jugement attaqué est irrégulier dans la mesure où le tribunal administratif n'a pas statué sur les moyens dirigés contre la mesure d'éloignement ;

- les premiers juges ont statué " ultra petita " en estimant, contrairement au préfet, qu'un défaut de prise en charge médicale n'entraînerait pas pour lui de conséquences d'une exceptionnelle gravité ;

- la décision de refus de titre de séjour a été prise à l'issue d'une procédure irrégulière dès lors que le préfet aurait dû l'informer, conformément à l'article 24 de la loi du 12 avril 2000 et aux principes généraux du droit de l'Union européenne de bonne administration et des droits de la défense, de son intention de prendre à son encontre une telle décision, en dépit de l'avis du médecin de l'agence régionale de santé, afin de lui permettre de solliciter la saisine du directeur général de l'Agence régionale de santé pour que ce dernier se prononce sur l'existence ou non de circonstances humanitaires exceptionnelles et, par ailleurs, que le préfet aurait dû interroger le médecin de l'agence régionale de santé sur la possibilité pour lui de voyager sans risque vers son pays d'origine ;

- cette décision méconnaît les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile puisqu'il ne peut ni être soigné dans son pays d'origine ni voyager sans risque vers ce pays ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard des circonstances exceptionnelles dont il justifie ;

- l'obligation de quitter le territoire français a été prise à l'issue d'une procédure irrégulière dans la mesure où le médecin de l'agence régionale de santé ne s'est pas prononcé sur la possibilité pour lui de voyager sans risque vers son pays d'origine ;

- cette mesure d'éloignement est illégale du fait de l'illégalité de la décision de refus de titre de séjour ;

- elle méconnaît les dispositions du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- la décision lui octroyant un délai de départ volontaire de trente jours est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- la décision désignant le Kosovo comme pays de destination devra être annulée en conséquence de l'illégalité des décisions de refus de titre de séjour et d'obligation de quitter le territoire français.

Par un mémoire en défense, enregistré le 12 janvier 2016, le préfet de la Côte-d'Or conclut au rejet de la requête

Il fait valoir que les moyens de la requête ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative ;

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

A été entendu au cours de l'audience publique le rapport de M. Meillier, rapporteur.

1. Considérant que M. B...A..., ressortissant kosovar né en 1949, est entré en France le 4 juillet 2012, selon ses déclarations ; qu'il a sollicité son admission au séjour au titre de l'asile ; que sa demande d'asile a été rejetée le 28 mars 2013 par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, puis le 3 février 2014 par la Cour nationale du droit d'asile ; que, le 7 février 2014, l'intéressé a sollicité la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que par arrêté du 23 avril 2014, le préfet de la Côte-d'Or a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a désigné son pays de reconduite d'office à l'expiration de ce délai ; que, par jugement du 30 octobre 2014, le tribunal administratif de Dijon a rejeté les demandes de l'intéressé tendant à l'annulation de cet arrêté ; que M. A... relève appel de ce jugement ;

Sur la légalité de l'arrêté contesté :

2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : / (...) 11° A l'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays dont il est originaire, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle appréciée par l'autorité administrative après avis du directeur général de l'agence régionale de santé, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative, après avis du médecin de l'agence régionale de santé de la région de résidence de l'intéressé, désigné par le directeur général de l'agence (...) " ;

3. Considérant que, si le préfet n'est pas lié par l'avis émis par le médecin de l'agence régionale de santé, il lui appartient néanmoins, lorsque ce médecin a estimé que l'état de santé de l'étranger nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qu'il n'existe pas de traitement approprié dans le pays dont il est originaire, de justifier des éléments qui l'ont conduit à écarter cet avis médical ;

4. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier et n'est d'ailleurs pas contesté que M. A...souffre de plusieurs pathologies cardiaques, respiratoires, oculaires et auriculaires ; qu'il souffre d'insuffisance respiratoire due à une dilatation des bronches et a été hospitalisé en juillet 2012, septembre 2012 et février 2013 en raison de plusieurs épisodes de surinfection des bronches ; qu'il a également été hospitalisé en urgence en juillet 2013 à la suite d'un infarctus du myocarde ; que ces affections ont nécessité la mise en place d'un traitement médicamenteux et notamment de plusieurs antibiothérapies, à base notamment d'Inexium, médicament déjà prescrit en 2013 et jugé non substituable par un médecin pneumologue en mai 2014, peu après l'arrêté attaqué ; que ce médecin précise que des antibiothérapies lui sont dispensées par voie parentérale à l'aide d'une chambre implantable et que l'intéressé bénéfice également d'une oxygénothérapie nocturne, de kinésithérapie respiratoire et de drainages bronchiques à raison de plusieurs séances hebdomadaires ; que, par ailleurs, M. A... a également été opéré d'une cataracte à l'oeil gauche en décembre 2012 ; qu'atteint de surdité constatée en avril 2013, il devait subir en mai 2014 une intervention chirurgicale suite à un cholesteatome de l'oreille droite ;

5. Considérant que le médecin de l'agence régionale de santé, saisi par le préfet, a estimé, dans un avis émis le 28 février 2014, que l'état de santé de M. A...nécessite des soins et qu'un défaut de prise en charge peut entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur son état de santé au vu de l'absence d'un traitement approprié dans le pays d'origine ; que le requérant produit un certificat établi le 3 décembre 2013 par un médecin du service de pneumologie du centre hospitalier universitaire de Dijon indiquant que son état de santé nécessite une prise en charge médicale qui ne peut être assurée dans son pays d'origine et dont l'absence aurait des conséquences graves pour le malade ; qu'il produit également un certificat établi le 2 mai 2014, soit quelques jours seulement après l'arrêté contesté, par un médecin du service d'oto-rhino-laryngologie du même centre hospitalier indiquant que le cholesteatome de l'oreille droite dont souffre l'intéressé pourrait entraîner des complications cérébrales importantes ;

6. Considérant, d'une part, que le préfet ne produit aucun élément de nature à établir que, contrairement à ce qu'ont estimé tant le médecin de l'agence régionale de santé que les médecins consultés par M. A...et à ce qu'il a lui-même reconnu dans l'arrêté contesté, le défaut de prise en charge médicale, apprécié au vu de l'état de santé de l'intéressé à la date de l'arrêté attaqué, ne serait pas susceptible d'entraîner pour M. A...des conséquences d'une exceptionnelle gravité ;

7. Considérant, d'autre part, que, pour établir l'existence d'un traitement approprié au Kosovo, le préfet se borne à produire, premièrement, des courriers de l'ambassade de France au Kosovo décrivant de façon très générale le système de santé kosovar, indiquant que l'Etat kosovar planifiait, lorsque les moyens locaux sont insuffisants ou inexistants, le traitement à l'étranger des pathologies lourdes, et en particulier pour la cardiologie, et apportant des précisions quant au traitement des maladies psychiatriques et des lithiases rénales dans cet Etat ainsi qu'aux conditions dans lesquelles les enfants handicapés ou souffrant de troubles mentaux y sont traités, deuxièmement, une liste des médicaments essentiels peu lisible et non traduite et troisièmement, un rapport du ministère de la santé kosovar faisant état, en particulier, d'une offre de soins en ce qui concerne les maladies de l'appareil circulatoire, mais en faisant état d'insuffisances des institutions publiques, notamment en matière de chirurgie cardiaque ou de coronographie, ainsi que les maladies de l'appareil respiratoire, mais en évoquant uniquement l'asthme bronchique ; que, dans ces conditions, compte tenu de l'avis du médecin de l'agence régionale de santé ainsi que des éléments respectivement apportés par les deux parties et alors que l'intéressé souffre de plusieurs pathologies, l'existence au Kosovo, à la date de l'arrêté contesté, d'un traitement approprié à l'état de santé de M. A...n'est pas établie ;

8. Considérant, dès lors, que la décision de refus de délivrance d'un titre de séjour a méconnu les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; qu'elle est, par suite, illégale, ainsi que, par voie de conséquence, les décisions d'obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et de fixation du pays de destination ;

9. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête et de statuer sur la régularité du jugement attaqué, M. A... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par ce jugement, le tribunal administratif de Dijon a rejeté ses demandes ;

Sur les conclusions à fin d'injonction :

10. Considérant qu'en l'absence de changement de circonstances de droit et de fait, le médecin de l'agence régionale de santé ayant notamment précisé qu'un traitement de longue durée est nécessaire, l'exécution du présent arrêt, qui annule l'arrêté du 23 avril 2014, implique nécessairement la délivrance à M. A...d'une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " ; que, dès lors, il y a lieu d'enjoindre au préfet de la Côte-d'Or de délivrer à l'intéressé un tel titre de séjour dans un délai fixé, dans les circonstances de l'espèce, à deux mois à compter de la notification du présent arrêt ;

Sur les frais exposés en cours d'instance et non compris dans les dépens :

11. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat, partie perdante, le versement à M. A...d'une somme de 1 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

DÉCIDE :

Article 1er : L'arrêté du 23 avril 2014 du préfet de la Côte-d'Or refusant de délivrer à M. A...un titre de séjour, l'obligeant à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et désignant son pays de destination, ainsi que le jugement n°s 1401699-1401700 du 30 octobre 2014 du tribunal administratif de Dijon, sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint au préfet de la Côte-d'Or de délivrer à M. A...une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 3 : L'Etat versera à M. A...une somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A...et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet de la Côte-d'Or.

Délibéré après l'audience du 16 juin 2016 à laquelle siégeaient :

M. Pourny, président,

Mme Bourion, premier conseiller,

M. Meillier, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 7 juillet 2016.

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N° 14LY03755


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 5ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 14LY03755
Date de la décision : 07/07/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers - Refus de séjour.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. PRUVOST
Rapporteur ?: M. Dominique PRUVOST
Rapporteur public ?: Mme CHEVALIER-AUBERT
Avocat(s) : GRENIER

Origine de la décision
Date de l'import : 19/07/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2016-07-07;14ly03755 ?
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