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28/06/2016 | FRANCE | N°14LY02773

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 1ère chambre - formation à 3, 28 juin 2016, 14LY02773


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Le syndicat des vins AOC Hermitage, le syndicat des vins d'AOC Crozes-Hermitage, la société Maison Chapoutier et la société Paul Jaboulet Ainé ont demandé au tribunal administratif de Grenoble l'annulation de la décision implicite née le 6 mars 2012 et de l'arrêté du 9 mars 2012 par lesquels le maire de la commune de Crozes-Hermitage ne s'est pas opposé à la déclaration préalable déposée le 6 janvier 2012 par la société Itas Tim, ainsi que du rejet de leur recours gracieux.

Par un jugement

n° 1204048-1206299 du 4 juillet 2014, le tribunal administratif de Grenoble a annulé ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Le syndicat des vins AOC Hermitage, le syndicat des vins d'AOC Crozes-Hermitage, la société Maison Chapoutier et la société Paul Jaboulet Ainé ont demandé au tribunal administratif de Grenoble l'annulation de la décision implicite née le 6 mars 2012 et de l'arrêté du 9 mars 2012 par lesquels le maire de la commune de Crozes-Hermitage ne s'est pas opposé à la déclaration préalable déposée le 6 janvier 2012 par la société Itas Tim, ainsi que du rejet de leur recours gracieux.

Par un jugement n° 1204048-1206299 du 4 juillet 2014, le tribunal administratif de Grenoble a annulé ces décisions du maire de Crozes-Hermitage.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 3 septembre et 1er décembre 2014, la société Itas Tim demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Grenoble du 4 juillet 2014 ;

2°) de rejeter les demandes du syndicat des vins AOC Hermitage et autres devant le tribunal ;

3°) de mettre à la charge du syndicat des vins AOC Hermitage et autres le paiement d'une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la commune de Crozes-Hermitage est couverte par une carte communale adoptée le 26 août 2004 ;

- la demande n° 1206299 de la société Paul Jaboulet Ainé, qui émane d'une société dont le siège est à la Roche de Glun et l'établissement secondaire à Tain l'Hermitage, était irrecevable ; le recours gracieux formé par cette société ne pouvait interrompre le délai de recours ;

- les deux organismes de gestion et de défense devaient respecter la procédure de l'article L. 643-4 du code rural et de la pêche maritime ;

- les intimés n'avaient pas intérêt à agir ;

- l'article L. 130-1 du code de l'urbanisme, dont le champ d'application est limité aux zones couvertes par un plan d'urbanisme, est inapplicable ;

- le moyen tiré de la violation des articles L. 341-1 et suivants du code de l'environnement, qui met en jeu le principe de l'indépendance des législations, est inopérant ;

- l'article R. 425-17 du code de l'urbanisme n'était pas applicable dès lors que l'instance de classement a été engagée plus de sept mois après les décisions contestées ;

- d'autres moyens des défendeurs sont insuffisamment précis ;

- il n'y a pas méconnaissance de l'article R. 111-21 du code de l'urbanisme ;

- d'après l'article R. 421-9 de ce code, alors applicable, le projet en litige relevait de la déclaration préalable et non du permis de construire ; les terrasses non couvertes ou pylônes sont exclus de la surface hors oeuvre brute globale.

Par des mémoires enregistrés les 13 novembre 2014 et 24 juillet 2015, le syndicat des vins AOC Hermitage, le syndicat des vins d'AOC Crozes-Hermitage, la société Maison Chapoutier et la société Paul Jaboulet Ainé concluent au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 3 000 euros soit mise à la charge de la commune de Crozes-Hermitage au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- les conditions de recevabilité de la demande n° 1206299 sont sans incidence sur la demande n° 1204048 ; les demandeurs ont intérêt à agir ; l'installation d'une antenne de plus de 18 m contrevient à l'objectif de protection que se sont donné les syndicats ; la société Paul Jaboulet Ainé est menacée par la déstructuration du paysage ; la société Maison Chapoutier est propriétaire des parcelles limitrophes du projet ; les conditions d'exploitation des vignobles sont susceptibles d'être affectées ;

- le site des coteaux de l'Hermitage a, par décision du 5 juin 2013, été classé en application de l'article L. 341-1 du code de l'environnement ; le terrain d'assiette est en espace boisé classé, non construit ; les communes couvertes par une carte communale sont concernées ; tout espace boisé classé est concerné selon l'article L. 130-1 du code de l'urbanisme ;

- le terrain est situé dans un espace couvert par un plan de prévention des risques d'incendie de la Drôme, auquel ne satisfait pas le pétitionnaire ;

- un permis de construire était nécessaire selon l'article R. 429-1 du code de l'urbanisme ;

- il y a, compte tenu de la hauteur de l'antenne et de l'environnement naturel, paysager ou construit, notamment de la présence d'une chapelle inscrite à l'inventaire des monuments historiques, de la réputation internationale des vignobles et du classement du site par décret du 5 juin 2013, violation de l'article R. 111-21 du code de l'urbanisme.

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Par une ordonnance du 30 mars 2016, la clôture de l'instruction a été fixée au 18 avril 2016.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'urbanisme ;

- le code de l'environnement ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Picard,

- les conclusions de M. Vallecchia, rapporteur public,

- et les observations de MeA..., représentant le syndicat viticole AOC Hermitage, le syndicat des vins d'AOC Crozes-Hermitage, la société Maison Chapoutier et la société Paul Jaboulet Ainé.

1. Considérant que sur la demande du syndicat des vins AOC Hermitage, du syndicat des vins d'AOC Crozes-Hermitage, de la société Maison Chapoutier et de la société Paul Jaboulet Ainé, le tribunal administratif de Grenoble a, par un jugement du 4 juillet 2014, annulé la décision implicite née le 6 mars 2012 ainsi que l'arrêté du 9 mars suivant du maire de Crozes-Hermitage qui ne s'est pas opposé à la déclaration préalable déposée le 6 janvier 2012 par la société Itas Tim pour l'installation d'une station de diffusion de télévision numérique terrestre (TNT) sur une parcelle cadastrée n° 453 située au lieudit Chavanassieu et ses décisions portant rejet des recours gracieux dont ils l'avaient saisi ; que la société Itas Tim relève appel de ce jugement ;

2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 130-1 du code de l'urbanisme, alors en vigueur, dont les dispositions sont aujourd'hui reprises à l'article L. 113-1 : " Les plans locaux d'urbanisme peuvent classer comme espaces boisés, les bois, forêts, parcs à conserver, à protéger ou à créer, qu'ils relèvent ou non du régime forestier, enclos ou non, attenant ou non à des habitations. (...) Le classement interdit tout changement d'affectation ou tout mode d'occupation du sol de nature à compromettre la conservation, la protection ou la création des boisements " ;

3. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que le document graphique de la carte communale dont la commune de Crozes-Hermitage était dotée à la date des décisions en litige identifie la partie du territoire communal dans laquelle se trouve le terrain d'assiette du projet de station de TNT comme un espace boisé, et non comme un espace boisé " classé " au sens des dispositions de l'article L. 130-1 du code de l'urbanisme ; qu'il ne résulte par ailleurs d'aucun texte ni principe que ces dispositions, qui visent uniquement les plans locaux d'urbanisme, seraient également applicables aux communes seulement dotées d'une carte communale élaborée en application des articles L. 124-1 et suivants du code de l'urbanisme ; que le moyen tiré, contre la décision de non opposition contestée, de la méconnaissance de l'article L. 130-1 du code de l'urbanisme, était donc inopérant ; que, par suite, c'est à tort que, pour annuler les décisions en litige, le tribunal administratif s'est fondé sur le motif tiré de ce que le terrain d'assiette du projet étant situé dans un espace boisé " classé ", dont la conservation était susceptible d'être compromise par les travaux de défrichement qu'entrainerait l'implantation de l'antenne relais, ces décisions avaient été prises en violation de l'article L. 130-1 du code de l'urbanisme ;

4. Considérant toutefois qu'il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens invoqués par les parties ;

5. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article R. 421-9 du code de l'urbanisme, dans sa rédaction applicable à la date de la décision de non opposition contestée : " En dehors des secteurs sauvegardés, les constructions nouvelles suivantes doivent être précédées d'une déclaration préalable, à l'exception des cas mentionnés à la sous-section 2 ci-dessus : (...) c) Les constructions répondant aux critères cumulatifs suivants : - une hauteur au-dessus du sol supérieure à douze mètres ; - une emprise au sol inférieure ou égale à cinq mètres carrés ; - une surface de plancher inférieure ou égale à cinq mètres carrés (...) " ; qu'aux termes de l'article R. 112-2 du même code : " La surface de plancher de la construction est égale à la somme des surfaces de planchers de chaque niveau clos et couvert, calculée à partir du nu intérieur des façades après déduction (...) " ;

6. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que le projet que la société Itas Tim envisage de réaliser est composé d'un pylône d'une hauteur de 18 m, dont l'emprise au sol est inférieure à 5 m², sur un terrain d'une surface de 25 m² clôturé par un grillage d'une hauteur de 2 m ; que, même s'il repose sur un socle, ce projet, qui ne comporte aucun local technique, n'entraîne la création d'aucune surface de plancher ; qu'il relevait ainsi, contrairement à ce que soutiennent le syndicat des vins AOC Hermitage et autres, de la procédure de déclaration préalable prévue à l'article R. 421-9 du code de l'urbanisme ;

7. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article R. 431-6 du code de l'urbanisme, dans sa rédaction alors applicable : " Lorsque le terrain d'assiette comporte des constructions, la demande précise leur destination, par référence aux différentes destinations définies à l'article R. 123-9, leur surface de plancher et indique si ces constructions sont destinées à être maintenues et si leur destination est modifiée par le projet. " ; que le terrain d'assiette du projet contesté ne comporte aucune habitation ; que le moyen tiré de la violation de cette disposition ne peut donc qu'être écarté ;

8. Considérant, en troisième lieu, qu'en se bornant à soutenir que la décision de non opposition en litige aurait été prise en méconnaissance de " l'article L. 562-4 ", sans plus de précisions, le syndicat des vins AOC Hermitage et autres ne mettent pas le juge à même de vérifier la portée et le bien-fondé de ce moyen ;

9. Considérant, en quatrième lieu, que le règlement type joint à " l'atlas départemental des risques d'incendie de forêt " établi en 2002 par la direction départementale de l'agriculture et de la forêt de la Drôme, dans le but, en particulier, de déterminer les communes où la procédure de " plan de prévention des risques " est adaptée, n'a aucune valeur contraignante ; que le moyen tiré de la méconnaissance de ses dispositions est inopérant ; qu'il n'apparaît pas, au demeurant, qu'un plan de prévention des risques d'incendie serait applicable sur le territoire de la commune de Crozes-Hermitage ;

10. Considérant, en dernier lieu, qu'aux termes de l'article R. 111-21 du code de l'urbanisme : " Le projet peut être refusé ou n'être accepté que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales si les constructions, par leur situation, leur architecture, leurs dimensions ou l'aspect extérieur des bâtiments ou ouvrages à édifier ou à modifier, sont de nature à porter atteinte au caractère ou à l'intérêt des lieux avoisinants, aux sites, aux paysages naturels ou urbains ainsi qu'à la conservation des perspectives monumentales. " ;

11. Considérant qu'il résulte de ces dispositions que, si les constructions projetées portent atteinte aux paysages naturels avoisinants, l'autorité administrative compétente peut s'y opposer ou assortir sa décision de prescriptions spéciales ; que, pour rechercher l'existence d'une atteinte à un paysage naturel de nature à fonder un tel refus ou les prescriptions spéciales accompagnant sa décision, il lui appartient d'apprécier, dans un premier temps, la qualité du site naturel sur lequel la construction est projetée et d'évaluer, dans un second temps, l'impact que cette construction, compte tenu de sa nature et de ses effets, pourrait avoir sur le site ;

12. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que le site d'implantation du projet litigieux présente un caractère remarquable, tenant en particulier à la présence, sur les coteaux, de vignobles de réputation internationale, d'une chapelle inscrite à l'inventaire des monuments historiques et, à l'arrière du chemin de crête, d'un vaste espace boisé ; que, toutefois, malgré la hauteur de son pylône, dont le diamètre reste limité, le projet contesté est situé à l'arrière des vignes, en retrait du chemin de crête, à la lisière des bois, et reste peu perceptible dans le paysage ; qu'à cet égard, l'architecte des bâtiments de France a prescrit la végétalisation de la clôture et que le pylône soit d'une teinte gris-beige ; que, par ailleurs, la présence sur les coteaux d'un très grand panneau blanc destiné à promouvoir le vignoble, en dépit de sa valeur de témoignage pour l'histoire du site, atténue les conséquences sur le paysage pouvant résulter de l'existence, en arrière plan, d'un tel pylône ; que, dans ces conditions, l'appréciation à laquelle s'est livré le maire de Crozes-Hermitage pour ne pas s'apposer à la déclaration de travaux présentée par la société Itas Tim ne procède d'aucune erreur manifeste ;

13. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les fins de non-recevoir opposées par la société Itas Tim aux demandes de première instance, celle-ci est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a annulé les décisions contestées du maire de Crozes-Hermitage ;

14. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la société Itas Tim, qui n'a pas, dans la présente instance, la qualité de partie perdante, verse une somme au syndicat des vins AOC Hermitage et autres au titre des frais qu'ils ont exposés à l'occasion du litige ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge du syndicat des vins AOC Hermitage et autres le paiement à la société Itas Tim d'une somme globale de 1 500 euros au titre de ces mêmes dispositions ;

DECIDE :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Grenoble du 4 juillet 2014 est annulé.

Article 2 : Les demandes présentées devant le tribunal par le syndicat des vins AOC Hermitage et autres devant le tribunal administratif de Grenoble sont rejetées.

Article 3 : Le syndicat des vins AOC Hermitage, le syndicat des vins d'AOC Crozes-Hermitage, la société Maison Chapoutier et la société Paul Jaboulet Ainé verseront à la société Itas Tim la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la société Itas Tim, au syndicat des vins d'AOC Hermitage, au syndicat des vins d'AOC Crozes-Hermitage, à la société Maison Chapoutier et à la société Paul Jaboulet Ainé.

Il en sera adressé copie au Procureur de la République près le tribunal de grande instance de Valence.

Délibéré après l'audience du 7 juin 2016, à laquelle siégeaient :

M. Clot, président de chambre,

M. Picard, président-assesseur,

Mme Vaccaro-Planchet, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 28 juin 2016.

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N° 14LY02773

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 1ère chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 14LY02773
Date de la décision : 28/06/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

68-04 Urbanisme et aménagement du territoire. Autorisations d`utilisation des sols diverses.


Composition du Tribunal
Président : M. CLOT
Rapporteur ?: M. Vincent-Marie PICARD
Rapporteur public ?: M. VALLECCHIA
Avocat(s) : POITOUT

Origine de la décision
Date de l'import : 12/07/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2016-06-28;14ly02773 ?
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