La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

23/06/2016 | FRANCE | N°16LY00315

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 3ème chambre - formation à 3, 23 juin 2016, 16LY00315


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... D...a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler l'arrêté du 19 juin 2015 par lequel le préfet de l'Isère l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays à destination duquel il sera renvoyé et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de deux ans, d'enjoindre sous astreinte au préfet de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" ou, à défaut, de réexamin

er sa demande de titre de séjour et de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 20...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... D...a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler l'arrêté du 19 juin 2015 par lequel le préfet de l'Isère l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays à destination duquel il sera renvoyé et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de deux ans, d'enjoindre sous astreinte au préfet de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" ou, à défaut, de réexaminer sa demande de titre de séjour et de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 200 euros à verser à son avocat au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.

Par un jugement n° 1503901 du 27 octobre 2015, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté cette demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 25 janvier 2016, M. A... D..., représenté par Me B..., demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Grenoble du 27 octobre 2015 ;

2°) d'annuler l'arrêté du préfet de l'Isère du 19 juin 2015 ;

3°) d'enjoindre au préfet de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" sous astreinte de 200 euros par jour de retard à compter de l'arrêt à intervenir ou, à défaut, de lui enjoindre de réexaminer sa situation dans un délai d'un mois à compter de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 200 euros par jour de retard en lui délivrant, dans l'attente, une autorisation provisoire de séjour avec droit au travail ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros à verser à son avocat en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.

Il soutient que :

- les premiers juges n'ont pas statué sur la totalité des moyens présentés à l'encontre de l'obligation de quitter le territoire français et tirés de l'insuffisance de motivation de cette décision, de l'absence d'examen particulier de sa situation personnelle, de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et du 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant et de l'erreur manifeste d'appréciation ;

S'agissant de l'obligation de quitter le territoire français :

- il n'a pas été mis en mesure de présenter des observations préalablement à son édiction, en méconnaissance de l'article 24 de la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 ;

- cette mesure méconnaît le droit d'être entendu, principe général du droit de l'Union européenne énoncé à l'article 41 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- le préfet ne s'est pas livré à un examen particulier de sa situation personnelle ;

- la décision contestée est insuffisamment motivée ;- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et du 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant et est entachée d'erreur manifeste d'appréciation de sa situation personnelle et familiale, dès lors qu'il a été contraint de fuir son pays à deux reprises, que ses quatre enfants vivent avec lui et leur mère en France où sont scolarisés les trois plus jeunes qui sont mineurs et qui bénéficient de suivis médicaux, que sa compagne est malade et doit être assistée par lui dans toutes ses démarches et qu'elle était enceinte à la date de la décision litigieuse ;

S'agissant de la décision refusant d'accorder un délai de départ volontaire :

- elle méconnaît le 3° du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dès lors qu'il justifie de toutes les garanties de représentation, que sa compagne a présenté une demande de carte de séjour temporaire sur le fondement du 11° de l'article L. 313-11 du même code et que son fils aîné majeur a été convoqué en préfecture en vue de déposer une demande d'asile ;

S'agissant de la décision fixant le pays de renvoi :

- sa compagne et lui ne peuvent retourner vivre dans leur pays d'origine avec leurs enfants ;

S'agissant de l'interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de deux ans :

- elle est entachée d'erreur d'appréciation, dès lors qu'il réside depuis plusieurs années en France où sont scolarisés ses enfants, que sa compagne a des problèmes de santé et qu'il ne représente pas une menace pour l'ordre public.

M. D... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision du bureau d'aide juridictionnelle du 17 décembre 2015.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant du 26 janvier 1990 ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 modifiée relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée relative à l'aide juridique ;

- la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Drouet, président-assesseur, a été entendu au cours de l'audience publique.

Sur la régularité du jugement attaqué :

1. Considérant qu'à l'appui des conclusions de sa demande tendant à l'annulation de l'obligation de quitter le territoire français, M. D... soutenait notamment que cette décision était insuffisamment motivée et que le préfet ne s'était pas livré à un examen particulier de sa situation personnelle ; que le tribunal ne s'est pas prononcé sur ces deux moyens, qui n'étaient pas inopérants ; que, dès lors, le jugement attaqué, en tant qu'il a statué sur les conclusions analysées ci-dessus, est intervenu sur une procédure irrégulière et doit, pour ce motif et dans cette mesure, être annulé ;

2. Considérant qu'il y a lieu pour la cour administrative d'appel de se prononcer immédiatement par voie d'évocation sur les conclusions de la demande de première instance relatives à l'obligation de quitter le territoire français et de statuer, pour le surplus, au titre de l'effet dévolutif de l'appel ;

Sur les conclusions de la demande de première instance dirigées contre l'obligation de quitter le territoire français :

3. Considérant, en premier lieu, que par un arrêté du 9 mars 2015, régulièrement publié au recueil des actes administratifs du département de mars 2015, le préfet de l'Isère a donné à M. Patrick Lapouze, secrétaire général de la préfecture de l'Isère et signataire de la décision en litige, délégation à l'effet de signer "tous actes, arrêtés, décisions, documents et correspondances administratives diverses relevant des attributions de l'Etat dans le département, à l'exception des mesures concernant la défense nationale et celles concernant le maintien de l'ordre, des mesures de réquisition prises en application de la loi du 11 juillet 1938, des déclinatoires de compétences et arrêtés de conflit et des mesures de réquisition prises en application de l'article L. 2251-1 du code général des collectivités territoriales" ; que, par suite, le moyen tiré de l'incompétence du signataire de la décision contestée doit être écarté, celle-ci n'étant pas au nombre des exceptions mentionnées ;

4. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes du I de l'article L. 512-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " I. - L'étranger qui fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français et qui dispose du délai de départ volontaire mentionné au premier alinéa du II de l'article L. 511-1 peut, dans le délai de trente jours suivant sa notification, demander au tribunal administratif l'annulation de cette décision, ainsi que l'annulation de la décision relative au séjour, de la décision mentionnant le pays de destination et de la décision d'interdiction de retour sur le territoire français qui l'accompagnent le cas échéant. (...) Le tribunal administratif statue dans un délai de trois mois à compter de sa saisine. (... ) " ;

5. Considérant qu'il ressort des dispositions précitées de l'article L. 512-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que le législateur a entendu déterminer l'ensemble des règles de procédure administrative et contentieuse auxquelles sont soumises l'intervention et l'exécution des décisions par lesquelles l'autorité administrative signifie à l'étranger l'obligation dans laquelle il se trouve de quitter le territoire français ; que, dès lors, les dispositions de l'article 24 de la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 modifiée relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations, qui fixent les règles générales de procédure applicables aux décisions devant être motivées en vertu de la loi du 11 juillet 1979, ne sauraient être utilement invoquées à l'encontre d'une décision portant obligation de quitter le territoire français ; que, par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions dudit article 24 doit être écarté comme inopérant à l'encontre de la décision du 19 juin 2015 par laquelle le préfet de l'Isère a obligé M. D... à quitter le territoire français ;

6. Considérant, en troisième lieu, que lorsqu'il oblige un étranger à quitter le territoire français sur le fondement du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dont les dispositions sont issues de la transposition en droit national de la directive 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008, relative aux normes et procédures communes applicables dans les Etats membres au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier, le préfet doit être regardé comme mettant en oeuvre le droit de l'Union européenne ; qu'il lui appartient, dès lors, d'en appliquer les principes généraux, dont celui du droit à une bonne administration ; que, parmi les principes que sous-tend ce dernier, figure celui du droit de toute personne d'être entendue avant qu'une mesure individuelle qui l'affecterait défavorablement ne soit prise à son encontre, tel qu'il est énoncé notamment au 2 de l'article 41 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ; que le droit d'être entendu implique que l'autorité préfectorale, avant de prendre à l'encontre d'un étranger une décision portant obligation de quitter le territoire français, mette l'intéressé à même de présenter ses observations écrites et lui permette, sur sa demande, de faire valoir des observations orales, de telle sorte qu'il puisse faire connaître, de manière utile et effective, son point de vue sur la mesure envisagée avant qu'elle n'intervienne ; qu'enfin, une atteinte à ce droit n'est susceptible d'affecter la régularité de la procédure à l'issue de laquelle la décision défavorable est prise que si la personne concernée a été privée de la possibilité de présenter des éléments pertinents qui auraient pu influer sur le contenu de la décision, ce qu'il lui revient, le cas échéant, d'établir devant la juridiction saisie ;

7. Considérant qu'il résulte des pièces du dossier que M. D...a fait l'objet, le 26 juin 2014, d'un refus de titre de séjour assorti d'une obligation de quitter le territoire français ; qu'il ressort de la décision d'éloignement en litige du 19 juin 2015 et n'est pas contesté que, lors de l'entretien qu'il a eu avec les agents des services de la préfecture le 9 juin 2015, il n'a apporté aucun élément de nature à modifier la position de l'administration ; que si M. D... fait valoir que l'obligation de quitter le territoire français du 19 juin 2015 a été prise sans qu'il ne soit entendu, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'il aurait sollicité en vain un entretien avec les services préfectoraux, ni qu'il aurait été empêché de présenter spontanément des observations avant que ne soit prise la décision d'éloignement, ni même, au demeurant, qu'il disposait d'éléments pertinents tenant à sa situation personnelle susceptibles d'influer sur le sens de la décision ; que, par suite, le moyen tiré de ce que la décision contestée méconnaît le principe général du droit d'être entendu qui est au nombre des principes fondamentaux du droit de l'Union européenne, ne peut qu'être écarté ;

8. Considérant, en quatrième lieu, qu'il ne ressort pas des pièces du dossier, et notamment pas des termes de la décision contestée, que le préfet de l'Isère n'aurait pas procédé à un examen particulier de la situation personnelle de M. D... ;

9. Considérant, en cinquième lieu, qu'en vertu du deuxième alinéa du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, la décision énonçant l'obligation de quitter le territoire français doit être motivée ;

10. Considérant que l'obligation de quitter le territoire français contestée énonce les considérations de droit et les éléments de fait propres à la situation personnelle de l'intéressé qui en constituent le fondement ; que, par suite, le moyen selon lequel la motivation de cette décision serait insuffisante doit être écarté ;

11. Considérant, en sixième et dernier lieu, que l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales stipule : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. " ; que selon le 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant du 26 janvier 1990 : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale. " ;

12. Considérant que M. D..., né le 20 décembre 1978 et de nationalité serbe, fait valoir qu'il a été contraint de fuir son pays à deux reprises, que ses quatre enfants vivent avec lui-même et leur mère en France où les trois plus jeunes, qui sont mineurs, sont scolarisés et bénéficient de suivis médicaux, que sa compagne est malade et doit être assistée par lui dans toutes ses démarches et qu'elle était enceinte à la date de la décision litigieuse ; que, toutefois, il est constant que le requérant est entré irrégulièrement en France le 26 octobre 2013 et s'est soustrait à l'exécution d'une précédente mesure d'éloignement prise à son encontre le 26 juin 2014 ; qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que les pathologies dont souffrent Mme E... et ses deux filles mineures ne pourraient être traitées dans le pays d'origine de la famille ; que M. D... et sa compagne faisant chacun l'objet d'une obligation de quitter le territoire français à destination de la Serbie, il n'est pas établi d'obstacle au maintien de la cellule familiale et à la scolarisation des trois enfants mineurs en Serbie ; que, par suite, compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, la décision contestée obligeant M. D... à quitter le territoire français ne peut être regardée comme portant à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport à ses motifs, ni, par suite, comme méconnaissant les stipulations précitées de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ou celles du 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant du 26 janvier 1990 ; que, pour les mêmes motifs, cette décision n'apparaît pas entachée d'une erreur manifeste d'appréciation quant à ses conséquences sur la situation personnelle et familiale du requérant ;

13. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. D... n'est pas fondé à demander l'annulation de la décision l'obligeant à quitter le territoire français ;

Sur les conclusions de la requête relatives à la décision refusant d'accorder un délai de départ volontaire :

14. Considérant qu'aux termes du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans sa rédaction applicable à la date de la décision en litige : " Pour satisfaire à l'obligation qui lui a été faite de quitter le territoire français, l'étranger dispose d'un délai de trente jours à compter de sa notification (...) / Toutefois, l'autorité administrative peut, par une décision motivée, décider que l'étranger est obligé de quitter sans délai le territoire français : / (...) 3° S'il existe un risque que l'étranger se soustraie à cette obligation. Ce risque est regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants : / (...) d) Si l'étranger s'est soustrait à l'exécution d'une précédente mesure d'éloignement ; (...) " ;

15. Considérant qu'il est constant que M. D... s'est soustrait à l'exécution d'une précédente obligation de quitter le territoire français prise à son encontre le 26 juin 2014 ; que si sa compagne a présenté une demande de carte de séjour temporaire sur le fondement du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, cette demande a été rejeté par le préfet de l'Isère le 19 juin 2015 ; que, dans ces conditions, et alors même que l'intéressé justifierait de toutes les garanties de représentation et que son fils aîné majeur aurait entrepris des démarches en vue de déposer une demande d'asile en France, le préfet de l'Isère n'a pas fait une inexacte application des dispositions précitées du d) du 3° du deuxième alinéa du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en refusant de lui accorder un délai de départ volontaire ;

Sur les conclusions de la requête relatives à la décision fixant le pays de renvoi :

16. Considérant qu'aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou des traitements inhumains ou dégradants. " ;

17. Considérant qu'en se bornant à rappeler les conditions dans lesquelles il a quitté son pays d'origine, la Serbie, alors que sa demande d'asile a été rejetée le 14 mars 2014 par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides puis, le 7 novembre 2014, par la Cour nationale du droit d'asile, et à indiquer que sa compagne et lui ne peuvent retourner vivre dans leur pays d'origine avec leurs enfants, le requérant ne produit aucun élément de nature à établir la réalité des risques qu'il allègue encourir en cas de retour en Serbie ; que, par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations précitées de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté ;

Sur les conclusions de la requête dirigées contre l'interdiction de retour sur le territoire français :

18. Considérant qu'aux termes du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut, par une décision motivée, assortir l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français. / L'étranger à l'encontre duquel a été prise une interdiction de retour est informé qu'il fait l'objet d'un signalement aux fins de non-admission dans le système d'information Schengen, conformément à l'article 96 de la convention signée à Schengen le 19 juin 1990. (...) Lorsque l'étranger ne faisant pas l'objet d'une interdiction de retour s'est maintenu sur le territoire au-delà du délai de départ volontaire, l'autorité administrative peut prononcer une interdiction de retour pour une durée maximale de deux ans à compter de sa notification. / (...) Lorsqu'aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger obligé de quitter le territoire français, l'autorité administrative peut prononcer l'interdiction de retour pour une durée maximale de trois ans à compter de sa notification. / (...) L'interdiction de retour et sa durée sont décidées par l'autorité administrative en tenant compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français. (...) " ;

19. Considérant qu'il est constant que M. D..., entré irrégulièrement en France le 26 octobre 2013, n'a pas exécuté la mesure d'éloignement dont il a fait l'objet le 26 juin 2014 ; que s'il fait valoir que ses enfants sont scolarisés en France et que sa compagne a des problèmes de santé, il ne justifie pas, ainsi qu'il a été dit au point 12, de liens intenses, stables et anciens sur le territoire français et n'établit pas être dépourvu d'attaches dans son pays d'origine ; que, dans ces conditions, le préfet de l'Isère a pu, sans commettre d'erreur d'appréciation, prononcer à son encontre une mesure d'interdiction de retour sur le territoire français et fixer la durée de cette interdiction à deux ans, alors même que sa présence en France ne représenterait pas une menace pour l'ordre public ;

20. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que les conclusions de la demande de M. D... devant le tribunal administratif de Grenoble dirigées contre la décision du 19 juin 2015 l'obligeant à quitter le territoire français doivent être rejetées ; que ses conclusions tendant à l'annulation du jugement attaqué en tant qu'il s'est prononcé sur les décisions du même jour portant refus de lui accorder un délai de départ volontaire, désignation du pays de renvoi et interdiction de retour sur le territoire français doivent également être rejetées ; que, par voie de conséquence, ses conclusions accessoires à fin d'injonction sous astreinte et celles tendant à ce qu'une somme soit versée à son avocat au titre des frais non compris dans les dépens en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi susvisée du 10 juillet 1991, doivent être rejetées ;

DECIDE :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Grenoble du 27 octobre 2015 est annulé en tant qu'il a statué sur les conclusions de la demande de M. D... dirigées contre la décision du 19 juin 2015 du préfet de l'Isère l'obligeant à quitter le territoire français.

Article 2 : Les conclusions de la demande de M. D... devant le tribunal administratif de Grenoble tendant à l'annulation de l'obligation de quitter le territoire prononcée à son encontre le 19 juin 2015 et le surplus des conclusions de sa requête, sont rejetés.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... D..., à Me C...B...et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de l'Isère.

Délibéré après l'audience du 31 mai 2016, à laquelle siégeaient :

- M. Boucher, président de chambre ;

- M. Drouet, président assesseur ;

- Mme Dèche, premier conseiller.

Lu en audience publique le 23 juin 2016.

''

''

''

''

3

N° 16LY00315


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 3ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 16LY00315
Date de la décision : 23/06/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers - Refus de séjour.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. BOUCHER
Rapporteur ?: M. Hervé DROUET
Rapporteur public ?: M. CLEMENT
Avocat(s) : PIEROT

Origine de la décision
Date de l'import : 12/07/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2016-06-23;16ly00315 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award