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23/06/2016 | FRANCE | N°14LY02009

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 6ème chambre - formation à 3, 23 juin 2016, 14LY02009


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme E...D...veuve A...a demandé au tribunal administratif de Clermont-Ferrand :

- à titre principal, que le centre hospitalier universitaire de Clermont-Ferrand soit déclaré responsable des conséquences dommageables de l'intervention qu'elle a subie le 26 mars 2010 dans cet établissement et, en conséquence, de condamner ce dernier à lui verser la somme de 663 000 euros en réparation ;

- à titre subsidiaire, de mettre à la charge de l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux,

des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) une telle indemnisati...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme E...D...veuve A...a demandé au tribunal administratif de Clermont-Ferrand :

- à titre principal, que le centre hospitalier universitaire de Clermont-Ferrand soit déclaré responsable des conséquences dommageables de l'intervention qu'elle a subie le 26 mars 2010 dans cet établissement et, en conséquence, de condamner ce dernier à lui verser la somme de 663 000 euros en réparation ;

- à titre subsidiaire, de mettre à la charge de l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) une telle indemnisation ;

- de mettre à la charge de l'un des défendeurs la somme de 3 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative ;

- de condamner le centre hospitalier universitaire de Clermont-Ferrand aux dépens de l'instance.

Par un jugement n° 1201444 du 23 avril 2014, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté cette demande et a mis à la charge de l'ONIAM les frais d'expertise liquidés et taxés à la somme de 2 500 euros par ordonnance du président du tribunal en date du 1er septembre 2011.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 23 juin 2014, présentée pour Mme E...D...veuveA..., il est demandé à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Clermont-Ferrand du 23 avril 2014 en ce qu'il a rejeté sa demande ;

2°) à titre principal, de condamner le centre hospitalier universitaire de Clermont-Ferrand à lui verser une indemnité de 603 000 euros et, subsidiairement, à ce que l'ONIAM lui verse ladite somme au titre de la solidarité nationale ;

3°) de lui verser la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

4°) de condamner le CHU de Clermont-Ferrand aux entiers dépens comprenant les frais d'expertise du DrC....

Elle soutient que :

- le CHU de Clermont-Ferrand a commis des fautes médicales dans sa prise en charge consistant en une absence de prise en compte ou de consultation de son dossier médical et en une lecture " superficielle " du scanner réalisé dès son admission aux urgences le 23 mars 2010, en une absence d'écoute de la famille, en une tardiveté du scanner de confirmation réalisé seulement le 3ème jour de son admission, ce manque de vigilance et de réactivité étant à l'origine de la dégradation de son état de santé ;

- le médecin anesthésiste a aussi commis une faute en n'utilisant pas l'échographie lors de la pose du cathéter ;

- le CHU a commis une faute en ne l'informant pas des complications susceptibles de survenir du fait de la pose d'une voie veineuse centrale ;

- à titre subsidiaire, les conditions d'une indemnisation au titre de la solidarité nationale sont réunies dès lors que le préjudice, s'il ne résulte pas d'une faute médicale, est la conséquence d'un aléa thérapeutique, que cet accident médical a entrainé pour elle des conséquences présentant le caractère de gravité requis par la loi et doit être regardé comme anormal ;

- les préjudices s'élèvent à 5 000 euros pour le déficit fonctionnel temporaire, 3 000 euros pour le préjudice esthétique temporaire, 200 000 euros pour l'assistance d'une tierce personne avant consolidation, 200 000 euros pour le déficit fonctionnel permanent, 50 000 euros pour le préjudice d'agrément, 5 000 euros pour le préjudice esthétique permanent, 200 000 euros pour l'assistance tierce personne après consolidation.

Par un mémoire en défense, enregistré le 16 octobre 2015, présenté pour l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM), il est conclu :

- à titre principal au rejet des conclusions dirigées à son encontre ;

- à titre subsidiaire à ce qu'une nouvelle expertise soit ordonnée.

Il soutient que :

- il appartiendra à la cour de déterminer si la complication résulte d'un accident médical fautif ou non fautif ;

- comme l'a jugé le tribunal, les conditions d'engagement d'une indemnisation par la solidarité nationale ne sont pas remplies dès lors que la réalisation de cet accident médical ne peut être regardé comme anormal au regard de l'état de santé de l'intéressée comme de son évolution prévisible ;

- en tout état de cause, le rapport précise que l'ischémie pariéto-occipitale gauche qui serait à relier à la plaie aortique et, parallèlement une dégradation des fonctions supérieures à l'origine de laquelle pourraient être la chirurgie cardiothoracique avec les fluctuations tensionnelle avec éventuel hypodébit, le séjour prolongé en réanimation mais surtout la pancréatite aigue qui classiquement peut être à l'origine d'altérations durables des fonctions supérieures dans les cas graves comme le cas de l'intéressée, ne permettent pas de déterminer l'imputabilité des préjudices à ces différents facteurs ;

- subsidiairement, une nouvelle expertise devra être ordonnée dès lors que le rapport d'expertise judicaire ne lui est pas opposable, que ce rapport est aussi critiqué par la requérante, que ce rapport est lacunaire et suscite des interrogations, l'expert estimant sans autres explications que le choix d'une voie veineuse centrale est une indication conforme et ne précise pas s'il existait d'autres choix possibles ni leurs risques respectifs, le rapport posant aussi la question de la qualité du geste chirurgical au vu de la morphologie de la requérante et des rapports étroits des vaisseaux artériels et veineux.

Par un mémoire en défense, enregistré le 19 octobre 2015, présenté pour le centre hospitalier universitaire de Clermont-Ferrand, il est conclu au rejet des conclusions de la requête dirigées à son encontre.

Il soutient que :

- la requête est irrecevable dès lors qu'elle est l'exacte copie de son mémoire en réplique déposé le 15 janvier 2013 à l'exception du passage relatif aux conclusions de l'ONIAM tendant à la prescription d'une nouvelle expertise qui a été supprimé ;

- aucune faute ne peut être retenue à l'encontre du CHU ;

- le défaut d'information de la patiente ne saurait ouvrir droit à indemnisation dès lors que l'intervention était impérieusement requise et qu'aucune alternative n'existait ;

- les troubles dont se plaint la requérante consistant en une atteinte du champ visuel et une importante atteinte des fonctions supérieures constituant un état de dépendance marqué sont partiellement dus aux actes médicaux, mais ont pour origine pour les premiers troubles l'ischémie cérébrale (AVC) probablement la perforation accidentelle de l'aorte le 26 mars ou à la réparation aortique du lendemain lesquels ne sont pas des actes médicaux fautifs, et pour les seconds troubles, le séjour prolongé en réanimation, associé aux effets de la chirurgie cardiaque du 27 mars et aux effets de la pancréatite sévère, la part de la grave maladie de la patiente ayant contribué ainsi à l'altération des fonctions supérieures.

Par un mémoire, enregistré le 27 octobre 2015, présenté pour le centre hospitalier universitaire de Clermont-Ferrand, il est conclu aux mêmes fins que précédemment, par les mêmes moyens.

Il soutient en outre qu'il appartiendra à la cour d'apprécier dans quelle mesure ce dommage est grave au sens du II de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique et correspond à des conséquences anormales au regard de l'état de santé initial de Mme A...et de son évolution prévisible.

Par un mémoire enregistré le 13 avril 2016, présenté pour l'ONIAM, il est conclu aux mêmes fins que précédemment, sauf à ce qu'à titre infiniment subsidiaire, l'indemnisation des préjudices, déduction faite des indemnisations allouées par les organismes sociaux, soit limitée à un montant qui ne saurait excéder 12 500 euros au titre des souffrances endurées, 105 541 euros au titre du déficit fonctionnel permanent, 10 000 euros au titre du préjudice d'agrément, 3 400 euros au titre du préjudice esthétique permanent et, 3 168 euros au titre du déficit fonctionnel temporaire.

Il soutient en outre que :

- les indemnités versées par la CPAM et tout autre organisme social doivent être déduites de l'indemnisation ;

- concernant l'assistance par une tierce personne avant et après consolidation, il n'est pas justifié des montants de ces préjudices et il n'apparaît pas qu'ils sont en lien direct exclusif avec les complications dont il est demandé réparation ;

- il n'est justifié ni de l'existence d'un déficit fonctionnel temporaire directement imputable aux complications et le montant demandé sera réduit à de justes proportions, ni d'un préjudice esthétique temporaire distinct du préjudice esthétique permanent seul retenu par l'expert ;

- les autres montants demandés sont excessifs ;

Par un mémoire enregistré le 27 avril 2016, présenté pour le centre hospitalier universitaire de Clermont-Ferrand, il est conclu aux mêmes fins que précédemment, par les mêmes moyens.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de la santé publique ;

- le code de la sécurité sociale ;

- l'arrêté du 21 décembre 2015 relatif aux montants de l'indemnité forfaitaire de gestion prévue aux articles L. 376-1 et L. 454-1 du code de la sécurité sociale ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Segado, premier conseiller,

- les conclusions de Mme Vigier-Carrière, rapporteur public.

1. Considérant que, le 23 mars 2010, MmeA..., alors âgée de 75 ans, a été admise au service des urgences du centre hospitalier universitaire de Clermont-Ferrand en raison de douleurs abdominales aiguës, puis a été transférée au service de médecine digestive du CHU le jour même à 15 heures ; qu'une récidive de pancréatite a été diagnostiquée à la suite d'examens radiologiques et biologiques pratiqués dans cet hôpital ; que ce diagnostic ainsi que le caractère aigu et sévère de l'infection ont conduit le CHU à opter le 25 mars pour un traitement de réhydratation, d'antibiothérapie et d'alimentation en mode parentéral, par un abord veineux central ; que le 26 mars 2010, l'intéressée a ainsi fait l'objet d'une intervention, sous anesthésie locale, consistant en la pose d'un cathéter veineux central en position sous clavière gauche ; que ce geste, qui a été réalisé par un anesthésiste sénior du service réanimation, s'est compliqué avec deux ponctions artérielles ; que, dans les suites de l'intervention, Mme A...a présenté des troubles confusionnels avec somnolence ; qu'un scanner a été réalisé le 27 mars 2010 qui a mis en évidence une hémorragie interne résultant d'une plaie aortique faite lors de la pose de ce cathéter ; que cette plaie a ainsi nécessité une seconde intervention, pratiquée dès le lendemain sous anesthésie générale au service de chirurgie cardiaque du CHU de Clermont-Ferrand, en vue de la suture de la plaie de l'aorte ainsi constatée ; que Mme A...a ensuite séjourné du 27 mars au 19 avril 2010 dans le service de réanimation, puis a été transférée au service d'hépato gastro-entérologie avant de regagner son domicile le 7 mai 2010 ; qu'elle a été, le 12 juin 2010, de nouveau hospitalisée à la suite d'une chute ayant occasionné une fracture du col du fémur, entraînant une nouvelle opération chirurgicale le 13 juin 2010 consistant en une ostéosynthèse suivie d'une hospitalisation jusqu'au 24 juin ; que devant l'absence d'amélioration du syndrome confusionnel, un scanner a été réalisé le 17 juillet 2010, complété par un écho doppler des vaisseaux cervicaux à destinée crânienne et une échographie cardiaque le 2 août 2010, qui ont mis en évidence l'existence d'un accident ischémique cérébral ; que MmeA..., estimant que les séquelles dont elle souffre après les différentes interventions ont pour origine cet accident vasculaire cérébral et la plaie aortique, a demandé, le 13 avril 2012, au CHU de Clermont-Ferrand sur le terrain de la faute, et à l'ONIAM sur celui de la solidarité nationale, de l'indemniser des dommages consécutifs à sa prise en charge ; que, devant le silence gardé par l'administration face à ces deux réclamations, elle a saisi le tribunal administratif de Clermont-Ferrand le 16 août 2012 d'une demande tendant à être indemnisée desdits préjudices, à titre principal, par le centre hospitalier universitaire de Clermont-Ferrand et, à titre subsidiaire, par l'ONIAM ; qu'elle relève appel du jugement du 23 avril 2014 en ce que le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté cette demande ;

2. Considérant qu'aux termes de l'article R. 411-1 du code de justice administrative : "La juridiction est saisie par requête. La requête (...) contient l'exposé des faits et moyens, ainsi que l'énoncé des conclusions soumises au juge. L'auteur d'une requête ne contenant l'exposé d'aucun moyen ne peut la régulariser par le dépôt d'un mémoire exposant un ou plusieurs moyens que jusqu'à l'expiration du délai de recours." ;

3. Considérant que la requête d'appel de Mme A...s'est bornée à reproduire purement et simplement ses écritures du 15 janvier 2013 présentées devant le tribunal administratif tendant à la condamnation du CHU et, à titre subsidiaire, de l'ONIAM à l'indemniser des conséquences dommageables de l'intervention qu'elle a subie le 26 mars 2010 ; que la requérante n'a apporté dans le délai d'appel aucune précision quant aux raisons pour lesquelles le jugement attaqué devrait, selon elle, être annulé ; que sa requête, qui ne satisfait pas aux exigences de l'article R. 411-1 du code de justice administrative, n'est ainsi pas recevable et ne peut qu'être rejetée ; que, par voie de conséquence, ses conclusions tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées ;

DECIDE

Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme E... D...veuveA..., au centre hospitalier universitaire de Clermont-Ferrand, à la caisse primaire d'assurance maladie du Puy-de-Dôme et à l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales.

Délibéré après l'audience du 1er juin 2016 à laquelle siégeaient :

M. Faessel, président de chambre,

M. Segado et MmeB..., premiers conseillers.

Lu en audience publique, le 23 juin 2016.

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N° 14LY02009


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 6ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 14LY02009
Date de la décision : 23/06/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Procédure - Voies de recours - Appel - Recevabilité.

Responsabilité de la puissance publique - Responsabilité en raison des différentes activités des services publics - Service public de santé.


Composition du Tribunal
Président : M. FAESSEL
Rapporteur ?: M. Juan SEGADO
Rapporteur public ?: Mme VIGIER-CARRIERE
Avocat(s) : KHANIFAR

Origine de la décision
Date de l'import : 05/07/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2016-06-23;14ly02009 ?
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