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16/06/2016 | FRANCE | N°15LY03491

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 4ème chambre - formation à 3, 16 juin 2016, 15LY03491


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A...B...a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler les décisions du préfet de la Haute-Savoie du 5 février 2015 lui refusant la délivrance d'un titre de séjour, l'obligeant à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et désignant le pays à destination duquel elle serait reconduite d'office.

Par un jugement n° 1502985 du 24 septembre 2015, le tribunal administratif de Grenoble a annulé les décisions préfectorales susmentionnées et a enjoint au préfet de

la Haute-Savoie de délivrer un titre de séjour à MmeB....

Procédure devant la cour :...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A...B...a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler les décisions du préfet de la Haute-Savoie du 5 février 2015 lui refusant la délivrance d'un titre de séjour, l'obligeant à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et désignant le pays à destination duquel elle serait reconduite d'office.

Par un jugement n° 1502985 du 24 septembre 2015, le tribunal administratif de Grenoble a annulé les décisions préfectorales susmentionnées et a enjoint au préfet de la Haute-Savoie de délivrer un titre de séjour à MmeB....

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 30 octobre 2015, le préfet de la Haute-Savoie demande à la cour d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Grenoble du 24 septembre 2015.

Il soutient que :

- dès lors que l'enfant mineur français de MmeB..., qui était arrivé sur le territoire français moins d'un mois avant le dépôt de la demande de titre de séjour de MmeB..., ne pouvait pas être regardé comme résidant en France au sens du 6° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et que MmeB..., dépourvue de ressources financières en France, n'établit pas qu'elle contribuait effectivement à son entretien et son éducation, il n'a pas méconnu ces dispositions en lui refusant la délivrance d'un titre de séjour sur ce fondement ;

- les affirmations contradictoires de Mme B...sur ses lieux d'hébergement en France ne permettent pas d'établir qu'elle résidait en France chez le père de son enfant ;

- dès lors que l'enfant a toujours vécu au Sénégal, il peut retourner avec sa mère dans ce pays, où son père a lui-même longuement séjourné et pourra y retourner et leur rendre visite ; qu'il n'a donc pas méconnu les stipulations du 1 de l'article 3 de la convention internationale des droits de l'enfant.

Par un mémoire en défense, enregistré le 8 février 2016, MmeB..., représentée par MeE..., demande à la cour :

1°) de rejeter la requête du préfet de la Haute-Savoie ;

2°) de confirmer l'annulation des décisions du préfet de la Haute-Savoie du 5 février 2015 lui refusant la délivrance d'un titre de séjour, l'obligeant à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et désignant le pays à destination duquel elle serait reconduite d'office ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Haute-Savoie, à titre principal, de lui délivrer un titre de séjour " vie privée et familiale " dans le délai d'un mois suivant la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 200 euros par jour de retard ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation administrative, dans le même délai et, dans l'attente, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans le délai de deux jours ;

4°) de mettre à la charge de l'État la somme de 1 500 euros, en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- à titre principal, la requête du préfet de la Haute-Savoie est irrecevable car tardive ;

- à titre subsidiaire, elle n'est pas fondée ;

- la décision portant refus de séjour a été prise par une autorité incompétente ;

- elle n'est pas régulièrement motivée ;

- la décision a été prise en violation des dispositions du 6° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle est contraire aux stipulations du 1 de l'article 3 de la convention des Nations-Unies sur les droits de l'enfant ;

- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;

- la décision portant obligation de quitter le territoire français a été prise par une autorité incompétente ;

- elle n'est pas régulièrement motivée ;

- la décision est illégale, du fait de l'illégalité du refus de délivrance d'un titre de séjour, sur le fondement de laquelle elle a été prise ;

- le préfet n'ayant pas procédé à l'examen préalable de sa situation et s'étant estimé en compétence liée, elle est entachée d'erreur de droit ;

- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;

- la décision fixant le pays de renvoi été prise par une autorité incompétente ;

- elle n'est pas régulièrement motivée ;

- la décision est illégale, du fait de l'illégalité affectant la décision lui faisant obligation de quitter le territoire français ;

- le préfet de la Haute-Savoie a commis une erreur manifeste d'appréciation.

Mme B...a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 7 janvier 2016.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention des Nations-Unies sur les droits de l'enfant, signée à New-York le 26 janvier 1990 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

A été entendu au cours de l'audience publique le rapport de M. Mesmin d'Estienne, président-assesseur.

1. Considérant que Mme A...B..., ressortissante de la République du Sénégal, née le 3 décembre 1975, est arrivée en France le 5 juillet 2014, sous couvert d'un visa de court séjour, accompagnée de son fils mineur, D...F..., né le 5 août 2009 de sa relation avec M. C... F..., de nationalité française, dans le but déclaré de rendre visite au père de l'enfant ; que le 7 août 2014, elle a sollicité la délivrance d'une carte de séjour temporaire en qualité de mère d'un enfant français ; que, par arrêté du 5 février 2015, le préfet de la Haute-Savoie lui a opposé un refus assorti de l'obligation de quitter le territoire français sous le délai de trente jours, et a désigné le pays vers lequel elle pourra être reconduite d'office ; que le préfet de la Haute-Savoie interjette appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Grenoble a annulé ces décisions ;

Sur le bien fondé du jugement :

2. Considérant qu'aux termes du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale " ; que ces stipulations sont applicables non seulement aux décisions qui ont pour objet de régler la situation personnelle d'enfants mineurs mais aussi à celles qui ont pour effet d'affecter, de manière suffisamment directe et certaine, leur situation ;

3. Considérant que, pour contester le motif tiré de la méconnaissance des stipulations précitées retenu par le tribunal administratif de Grenoble pour annuler l'arrêté du 5 février 2015 par lequel il a rejeté la demande de titre de séjour et a assorti ce refus d'une obligation de quitter le territoire français, le préfet de la Haute-Savoie soutient que le fils de Mme B...a toujours vécu au Sénégal et qu'il peut retourner avec sa mère dans ce pays, où son père a lui-même longuement séjourné et où il pourra leur rendre visite ;

4. Considérant toutefois qu'il ressort des pièces du dossier que si le jeune D...est né et a vécu au Sénégal avec ses deux parents jusqu'à son entrée sur le territoire français, le 5 juillet 2014, en compagnie de sa seule mère, et que Mme B...et son enfant se sont installés provisoirement chez des amis jusqu'au 3 janvier 2015, ils ont été ensuite tous deux hébergés, à partir de cette date, au domicile de l'ancien compagnon de la requérante, père de l'enfant ; que Mme B...atteste du lieu de la résidence habituelle en France de M. F...par la production d'un échéancier de paiement d'EDF établi à une date antérieure à la décision attaquée au nom de celui-ci ; qu'elle apporte plusieurs preuves de sa domiciliation à la même adresse à compter du début de l'année 2015 ; que, dès lors que le père de l'enfant de la requérante réside en France avec celui-ci, le refus de titre de séjour opposé à Mme B...par le préfet de la Haute-Savoie, qui n'établit pas une domiciliation de M. F...ailleurs qu'à l'adresse française alléguée, a pour effet de séparer l'enfant d'un de ses parents en méconnaissance de son intérêt, tel que garanti par l'article 3-1 précité de la convention des Nations-Unies sur les droits de l'enfant ;

5. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le préfet de la Haute-Savoie n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a annulé ses décisions du 5 février 2015 par lesquelles il a refusé la délivrance d'un titre de séjour à MmeB..., a fait obligation à cette dernière de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a désigné le pays à destination duquel elle serait reconduite d'office, et lui a enjoint de délivrer un titre de séjour à l'intéressée ;

Sur les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte présentées par Mme B... :

6. Considérant que le présent arrêt qui confirme le jugement attaqué, n'implique pas de mesures d'exécution distinctes de celles déjà énoncées par les premiers juges ; que, dès lors, les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte présentées par Mme B...ne peuvent qu'être rejetées ;

Sur les conclusions de Mme B...tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

7. Considérant qu'il résulte des dispositions des articles 75-1 de la loi susvisée du 10 juillet 1991, codifiées à l'article L. 761-1 du code de justice administrative, et des articles 37 et 43 de la même loi, que le bénéficiaire de l'aide juridictionnelle ne peut demander au juge de mettre à la charge, à son profit, de la partie perdante que le paiement des seuls frais qu'il a personnellement exposés, à l'exclusion de la somme correspondant à la part contributive de l'État à la mission d'aide juridictionnelle confiée à son avocat ; mais que l'avocat de ce bénéficiaire peut demander au juge de mettre à la charge de la partie perdante la somme correspondant à celle qu'il aurait réclamée à son client, si ce dernier n'avait eu l'aide juridictionnelle, à charge pour l'avocat qui poursuit le recouvrement à son profit de la somme qui lui a été allouée par le juge, de renoncer à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'État à la mission d'aide juridictionnelle qui lui a été confiée ;

8. Considérant que, d'une part, MmeB..., pour le compte de qui les conclusions de la requête relatives à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être réputées présentées, n'allègue pas avoir exposé de frais autres que ceux pris en charge par l'État au titre de l'aide juridictionnelle totale qui lui a été allouée ; que, d'autre part, l'avocat de Mme B...n'a pas demandé que lui soit versée par l'État la somme correspondant aux frais exposés qu'il aurait réclamée à son client si ce dernier n'avait bénéficié d'une aide juridictionnelle totale ; que dans ces conditions, les conclusions de la requête tendant à ce qu'il soit mis à la charge de l'État une somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête du préfet de la Haute-Savoie est rejetée.

Article 2 : Les conclusions aux fins d'injonction présentées par Mme B...ainsi que ses conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A...B...et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet de la Haute-Savoie.

Délibéré après l'audience du 26 mai 2016 à laquelle siégeaient :

M. Mesmin d'Estienne, président,

Mme Gondouin, premier conseiller,

Mme Samson-Dye, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 16 juin 2016.

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N° 15LY03491


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03 Étrangers. Séjour des étrangers. Refus de séjour.


Références :

Publications
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Composition du Tribunal
Président : M. MESMIN d'ESTIENNE
Rapporteur ?: M. Olivier MESMIN d'ESTIENNE
Rapporteur public ?: M. DURSAPT
Avocat(s) : FRAQUET

Origine de la décision
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 4ème chambre - formation à 3
Date de la décision : 16/06/2016
Date de l'import : 28/06/2016

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 15LY03491
Numéro NOR : CETATEXT000032771741 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2016-06-16;15ly03491 ?
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