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14/06/2016 | FRANCE | N°14LY01738

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 3ème chambre - formation à 3, 14 juin 2016, 14LY01738


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... A...a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler la décision du 6 décembre 2010 par laquelle le préfet de la zone de défense et de sécurité sud-est a refusé d'agréer sa candidature à l'emploi de gardien de la paix de la police nationale et la décision du 6 avril 2011 du même préfet rejetant son recours gracieux dirigé contre ce refus, d'enjoindre à l'administration d'agréer sa candidature et de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros au titre au titre de l'article L.

761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1104085 du 19 mars...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... A...a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler la décision du 6 décembre 2010 par laquelle le préfet de la zone de défense et de sécurité sud-est a refusé d'agréer sa candidature à l'emploi de gardien de la paix de la police nationale et la décision du 6 avril 2011 du même préfet rejetant son recours gracieux dirigé contre ce refus, d'enjoindre à l'administration d'agréer sa candidature et de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros au titre au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1104085 du 19 mars 2014, le tribunal administratif de Lyon a annulé ces deux décisions, a mis à la charge de l'Etat une somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et a rejeté le surplus des conclusions de la demande de M. A....

Procédure devant la Cour :

Par un recours et un mémoire, enregistrés le 3 juin 2014 et le 1er août 2014, le ministre de l'intérieur demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Lyon du 19 mars 2014 ;

2°) de rejeter la demande de M. A... devant le tribunal administratif de Lyon.

Il soutient que :

- les juges de première instance ont commis une erreur d'appréciation, dès lors que les faits qui ont conduit au refus d'agrément, de nature sexuelle et commis sur un mineur de moins de quinze ans, bien qu'inexactement qualifiés de viol au lieu d'agression sexuelle, sont établis et sont incompatibles avec les fonctions de gardien de la paix ;

- le motif tiré de l'agression sexuelle doit être substitué à celui de viol, dès lors que l'administration aurait pris la même décision en se fondant sur la qualification pénale exacte.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 21 juillet et 28 juillet 2014 et le 4 septembre 2014, M. C... A..., représenté par MeD..., conclut :

1°) au rejet de la requête ;

2°) par la voie de l'appel incident, à ce qu'il soit enjoint au ministre de l'intérieur ou au préfet de la zone de défense et de sécurité sud-est d'agréer sa candidature à l'emploi de gardien de la paix de la police nationale ;

3°) à ce qu'une somme de 3 000 euros soit mise à la charge de l'Etat au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il fait valoir que :

- les moyens de légalité externe présentés dans sa demande de première instance sont recevables, dès lors que, dans son recours gracieux, il avait implicitement mais nécessairement contesté l'absence d'invitation préalable à présenter des observations et l'absence de motivation de la décision du 6 décembre 2010 ;

- la décision en litige du 6 décembre 2010 portant refus d'agrément est insuffisamment motivée au regard de la loi du 11 juillet 1979, dès lors que le refus d'agrément est une décision défavorable, est de nature à lui retirer un avantage ou un droit et constitue un refus d'autorisation ;

- si le refus d'agrément n'est pas une décision devant être motivée en application de la loi du 11 juillet 1979, le défaut de motivation est une cause d'illégalité en ce qu'il le prive de son droit à un procès équitable consacré par l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, car il l'empêche de connaître les faits qui lui sont reprochés et de vérifier s'ils sont ou non fondés ; que la loi du 11 juillet 1979 doit donc être écartée en ce qu'elle liste de manière limitative les décisions défavorables devant être motivées alors que toutes les décisions défavorables doivent être motivées ;

- il n'a pas été mis à même de présenter préalablement ses observations, en méconnaissance de l'article 24 de la loi du 12 avril 2000 ;

- la substitution de motifs sollicitée par le ministre de l'intérieur ne saurait être accueillie, dès lors que la décision en litige est dépourvue de motifs ;

- les faits d'attouchements sexuels sur sa soeur ne peuvent plus justifier un refus d'agrément, dès lors que l'administration, qui avait déjà procédé à une enquête de moralité lors de son recrutement comme adjoint de sécurité, en avait nécessairement connaissance lorsqu'il a été autorisé à participer au concours de recrutement de gardien de la paix ;

- ces faits, commis en novembre 2001 alors qu'il était âgé de quatorze ans, qui sont anciens et isolés, ont fait l'objet d'un classement sans suite et étaient nécessairement connus de l'administration lorsqu'il a été autorisé à concourir, ne peuvent justifier le refus d'agrément contesté alors qu'il a donné satisfaction dans ses fonctions d'adjoint de sécurité.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code pénal ;

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;

- la loi n° 95-73 du 21 janvier 1995 ;

- le décret n° 95-654 du 9 mai 1995 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Drouet, président assesseur ;

- les conclusions de M. Clément, rapporteur public ;

- et les observations de MeB..., substituant MeD..., pour M. A....

1. Considérant que le préfet de la zone de défense et de sécurité sud-est a, par décision du 6 décembre 2010, refusé d'agréer la candidature de M. A... à l'emploi de gardien de la paix de la police nationale et a, par décision du 6 avril 2011, rejeté le recours gracieux de M. A... dirigé contre ce refus ; que, par le jugement du 19 mars 2014 dont le ministre de l'intérieur relève appel, le tribunal administratif de Lyon a annulé ces deux décisions et a mis à la charge de l'Etat une somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; que M. A... demande, par voie d'appel incident, qu'il soit enjoint à l'administration d'agréer sa candidature ;

Sur le recours du ministre :

2. Considérant qu'aux termes de l'article 17-1 de la loi du 21 janvier 1995 modifiée d'orientation et de programmation relative à la sécurité, dans sa rédaction applicable au litige : " Les décisions administratives de recrutement (...) concernant soit les emplois publics participant à l'exercice des missions de souveraineté de l'Etat, soit les emplois publics ou privés relevant du domaine de la sécurité ou de la défense, (...) peuvent être précédées d'enquêtes administratives destinées à vérifier que le comportement des personnes physiques ou morales intéressées n'est pas incompatible avec l'exercice des fonctions ou des missions envisagées. (...) " ; que selon l'article 19 de la même loi : " (...) En raison du caractère particulier de leurs missions et des responsabilités exceptionnelles qu'ils assument, les personnels actifs de la police nationale constituent dans la fonction publique une catégorie spéciale. / Le statut spécial de ces personnels peut déroger au statut général de la fonction publique afin d'adapter l'organisation des corps et des carrières aux missions spécifiques de la police nationale. (...) " ; que l'article 4 du décret du 9 mai 1995 fixant les dispositions communes applicables aux fonctionnaires actifs des services de la police nationale dispose : " Outre les conditions générales prévues par l'article 5 de la loi du 13 juillet 1983 susvisée et les conditions spéciales prévues par les statuts particuliers, nul ne peut être nommé à un emploi des services actifs de la police nationale : ...) / 3° Si sa candidature n'a pas reçu l'agrément du ministre de l'intérieur. " ; qu'aux termes de l'article 222-22 du code pénal : " Constitue une agression sexuelle toute atteinte sexuelle commise avec violence, contrainte, menace ou surprise. (...) " ; que selon l'article 222-27 du même code : " Les agressions sexuelles autres que le viol sont punies de cinq ans d'emprisonnement et de 75 000 euros d'amende. " ;

3. Considérant que s'il appartient à l'autorité administrative d'apprécier, dans l'intérêt du service, si les candidats à un emploi des services actifs de la police nationale présentent les garanties requises pour l'exercice des fonctions auxquelles ils postulent, il incombe au juge de l'excès de pouvoir de vérifier que le refus d'agrément d'une candidature est fondé sur des faits matériellement exacts et de nature à le justifier légalement ;

4. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier de première instance et notamment des résultats de l'enquête de personnalité concernant M. A... et du courrier du 8 octobre 2010 du préfet de la Savoie au préfet de la zone de défense et de sécurité sud-est que les décisions en litige sont fondées sur la circonstance que l'intéressé a commis un viol sur mineur ; que, toutefois, il ressort des pièces du dossier de première instance et notamment du courrier du 18 avril 2006 du procureur de la République près le tribunal de grande instance de Chambéry, que les faits commis par M. A... entre novembre 2001 et le printemps 2002, incriminés et réprimés par les articles 222-22 et 222-27 du code pénal, sont des faits d'agression sexuelle autre que le viol ; qu'ainsi, le motif retenu dans les décisions litigieuses est entaché d'une inexactitude matérielle ;

5. Considérant que, pour établir que les décisions contestées seraient légales, le ministre de l'intérieur demande à la Cour que soit substitué au motif inexact qui fonde ces décisions, un motif fondé sur le fait que l'intéressé a commis sur mineur une agression sexuelle autre que le viol ; qu'il ressort des pièces du dossier d'appel et de celles du dossier de première instance que ces faits ont été commis entre novembre 2001 et le printemps 2002 par M. A..., né le 26 décembre 1986, sur la personne de sa soeur mineure, alors qu'il était âgé d'environ quinze ans ; que ces faits ont été définitivement classés sans suite par le procureur de la République après que M. A... s'est soumis à une injonction de soins ; que ces faits ont été commis plus de huit années avant l'intervention des décisions contestées alors qu'il ne ressort pas des pièces du dossier et n'est pas allégué par l'administration que le comportement ultérieur de l'intéressé aurait donné lieu à un quelconque reproche ; que, dans ces conditions, la circonstance que M. A... a commis sur mineur une agression sexuelle autre que le viol entre novembre 2001 et le printemps 2002 n'est pas de nature à justifier légalement le refus d'agréer sa candidature à l'emploi de gardien de la paix de la police nationale ; qu'il n'y a pas lieu, dès lors, de procéder à la substitution de motifs demandée par le ministre ;

6. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le ministre de l'intérieur n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a annulé la décision du préfet de la zone de défense et de sécurité sud-est du 6 décembre 2010 refusant d'agréer la candidature de M. A... à l'emploi de gardien de la paix de la police nationale ainsi que la décision du 6 avril 2011 rejetant le recours gracieux de l'intéressé ;

Sur les conclusions d'appel incident de M. A... à fin d'injonction :

7. Considérant qu'aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution. " ;

8. Considérant que le présent arrêt, eu égard aux motifs qui fondent le rejet de la demande de substitution de motifs sollicitée par le ministre de l'intérieur et la confirmation de l'annulation du refus d'agrément en litige, implique nécessairement que l'autorité compétente agrée la nomination de M. A... à l'emploi de gardien de la paix de la police nationale ; qu'il y a lieu, dès lors, pour la Cour d'ordonner la délivrance de cet agrément dans un délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt ;

Sur les frais non compris dans les dépens :

9. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par M. A... et non compris dans les dépens ;

DECIDE :

Article 1er : Le recours du ministre de l'intérieur est rejeté.

Article 2 : Il est enjoint à l'autorité compétente de l'Etat de délivrer à M. A... un agrément à l'emploi de gardien de la paix de la police nationale dans un délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 3 : L'Etat versera à M. A... une somme de 1 500 (mille cinq cents) euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à M. C... A....

Copie en sera adressée au préfet de la zone de défense et de sécurité sud-est.

Délibéré après l'audience du 17 mai 2016, à laquelle siégeaient :

- M. Boucher, président de chambre ;

- M. Drouet, président assesseur ;

- Mme Peuvrel, premier conseiller.

Lu en audience publique le 14 juin 2016.

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N° 14LY01738


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 3ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 14LY01738
Date de la décision : 14/06/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

36-03-01 Fonctionnaires et agents publics. Entrée en service. Conditions générales d'accès aux fonctions publiques.


Composition du Tribunal
Président : M. BOUCHER
Rapporteur ?: M. Hervé DROUET
Rapporteur public ?: M. CLEMENT
Avocat(s) : CABINET J. ROBICHON

Origine de la décision
Date de l'import : 28/06/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2016-06-14;14ly01738 ?
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