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09/06/2016 | FRANCE | N°14LY03101

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 6ème chambre - formation à 3, 09 juin 2016, 14LY03101


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme E...C...veuve F...a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler la décision du 8 février 2012 du ministre de la défense rejetant sa demande, présentée en qualité d'ayant droit de M. A...F..., décédé le 4 juin 2002, tendant au bénéfice de la loi n° 2010-2 du 5 janvier 2010 relative à la reconnaissance et à l'indemnisation des victimes des essais nucléaires français.

Par un jugement n° 1201904 du 4 juin 2014, le tribunal administratif de Lyon a ordonné une expertise médicale. <

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Procédure devant la cour :

Par un recours enregistré le 13 octobre 2014, présenté par ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme E...C...veuve F...a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler la décision du 8 février 2012 du ministre de la défense rejetant sa demande, présentée en qualité d'ayant droit de M. A...F..., décédé le 4 juin 2002, tendant au bénéfice de la loi n° 2010-2 du 5 janvier 2010 relative à la reconnaissance et à l'indemnisation des victimes des essais nucléaires français.

Par un jugement n° 1201904 du 4 juin 2014, le tribunal administratif de Lyon a ordonné une expertise médicale.

Procédure devant la cour :

Par un recours enregistré le 13 octobre 2014, présenté par le ministre de la défense, il est demandé à la cour :

1°) d'annuler ce jugement n° 1201904 du 4 juin 2014 du tribunal administratif de Lyon ;

2°) de rejeter la demande de Mme C...veuve F...et, à titre subsidiaire, de redéfinir la mission de l'expert.

Il soutient, tout en se référant à ses mémoires de première instance, que :

- les fonctions exercées par M. A...F...n'étaient, en aucun cas, de nature à l'exposer aux rayonnements ionisants, dès lors qu'en tant que pilote d'un petit appareil de transport, ce militaire n'avait pas vocation à survoler des zones éventuellement contaminées mais, au contraire, de suivre un plan de vol évitant celles-ci, et alors que dans la mesure où M. F... portait son dosimètre individuel en vol et que les résultats de cet instrument démontrent l'absence d'exposition aux rayonnements ionisants du pilote, il n'est pas possible que l'avion à bord duquel il se trouvait ait pu subir des irradiations et être contaminé ;

- l'environnement où se trouvait M. F..., quand il ne volait pas, n'a pas non plus été exposé, dès lors que, en tant que pilote, M. F... se trouvait stationné au Camp Saint-Laurent situé au nord de Tamanrasset près du village In-Amguel, situé à 30 kilomètres du site d'expérimentations souterrain, et le site CEMO "Oasis 2 " où les membres du commissariat à l'énergie atomique (CEA) travaillaient, se trouvait, quant à lui, à 10 kilomètres du massif de Taourirt Tan Afella où ont été réalisés les essais souterrains à partir du mois de novembre 1961 ; il ressort aussi des termes du rapport parlementaire du 5 février 2001 que si les expérimentations atmosphériques Gerboise bleu, rouge, blanche et verte, réalisées du 13 février 1960 au 25 avril 1961, ont eu pour effet immédiat de contaminer par rayonnement l'environnement, entre 10 et 150 kilomètres autour du point d'explosion, des études approfondies ont néanmoins démontré que l'air, les précipitations, l'eau, le sol, les végétaux et les produits alimentaires n'étaient pas irradiés au-delà de cette zone et ces essais n'ont donc pas eu pour conséquence de contaminer 1'environnement du centre d'expérimentations des " Oasis" (CEMO) - Camp Saint-Laurent, où M. F...était stationné, aucune retombée radioactive n'ayant été en effet constatée sur le site, qui était situé au Nord du village d'In Amguel, soit à près de 470 kilomètres de Reggane où ont eu lieu les quatre essais aériens ;

- l'essai Beryl du 1er mai 1962 n'a pas contaminé le camp où se trouvait M. F..., dès lors que, s'il ressort des mesures radiologiques de contrôle réalisées après ce tir que celui-ci n'a pas été totalement confiné, l'obturation trop tardive de la galerie ayant permis que 5 % à 10 % de la radioactivité produite par l'explosion s'en échappe, il ressort des relevés produits à l'appui du rapport parlementaire de M. B...et M. D...du 5 février 2001 que la radioactivité atmosphérique était redevenue normale dans la zone In-Amguel où se trouvait la base de vie, à partir du 30 mai 1962 ;

- contrairement à ce qu'affirment les premiers juges, en l'absence de retombées radioactives sur le lieu de vie de M.F..., ce dernier n'a donc pas été exposé à un risque de contamination interne ou externe ;

- il ressort des mentions du livret médical produit par Mme F... que son époux, qui faisait l'objet d'une surveillance médicale relative aux rayonnements ionisants qu'il aurait pu éventuellement subir lors de son affectation dans le Sahara, ce suivi médical permettant au service de santé des armées de déterminer l'aptitude au travail du militaire ou, le cas échéant, sa mise en observation médicale, n'a jamais dû être placé en observation pour confirmer une éventuelle irradiation externe ou interne et qu'il a été jugé apte à rejoindre la métropole, à la fin de son affectation ;

- à supposer que l'utilité de l'expertise soit confirmée, ce qui ne sera pas le cas si la cour estime que le risque attribuable aux essais dans la survenue de la maladie de M. F...doit être considéré comme négligeable, la mission de l'expert devrait être redéfinie afin d'analyser tous les aspects du lien de causalité entre le séjour de M. F...dans le Sahara et le cancer dont il a souffert et, notamment, les conditions d'exposition de 1'intéressé aux rayonnements ionisants.

Par un mémoire, enregistré le 11 décembre 2014, présenté pour Mme E...C...veuveF..., elle conclut :

1°) au rejet du recours ;

2°) à la condamnation de l'Etat à indemniser intégralement les préjudices subis ;

3°) à ce qu'il soit enjoint au ministre de la défense de procéder à l'évaluation des préjudices de toute nature imputables à la maladie radio-induite dont était atteint M. F..., dans un délai de trois mois à compter de la notification de l'arrêt ;

4°) à ce que la somme de 3 000 euros soit mise à la charge de l'Etat au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et à ce que les dépens soient mis à la charge de l'Etat.

Elle soutient que :

- dès lors qu'elle apporte la preuve que son époux a été atteint d'une maladie radio induite visée dans le décret n° 2010-653 et qu'il a été affecté " dans une zone concernée par les essais nucléaires " et " à une période de contamination effective ", déterminé à l'article 2 de la loi, il bénéficie du principe de présomption ;

- le ministre de la défense, en se fondant exclusivement sur une formule mathématique intégrant des paramètres au mieux approximatifs, voire des données erronées ou inexistantes, ne rapporte pas une preuve susceptible de renverser la présomption dont bénéficie le demandeur ;

- la production de résultats de dosimétrie externe, alors que la fiabilité d'un tel instrument de mesure, qui ne mesure que les seuls rayonnements gamma et n'est pas apte à dépister d'une manière correcte les contaminations, n'est pas démontrée, ne peut suffire à établir le caractère négligeable du risque attribuable aux essais nucléaires, à défaut d'éléments permettant d'établir l'absence de contamination par inhalation et ingestion de poussières et de gaz radioactifs, et eu égard à une volonté de dissimulation de la part de l'Etat ; les données émanant d'autres examens du type anthropospectrogammamétrie et analyses biologiques du sang et/ou de l'urine, ne sont généralement guère exploitables dans la mesure où elles sont rares et obtenues dans de mauvaises conditions de réalisation ;

- M. F..., dont le poste de pilote l'a amené à effectuer plusieurs missions aériennes à Reggane et In Amguel, lors des essais nucléaires Agathe du 7 novembre 1961 et Béryl du 1er mai 1962, travaillait dans une ambiance radioactive, et il était notamment présent lors de l'accident de l'essai Béryl, étant parti en mission de vol seulement deux et trois jours après l'explosion ; en l'absence de surveillance spécifique, l'intéressé n'ayant bénéficié que d'une surveillance par dosimétrie externe, le 5 Mai 1962, alors qu'aucune surveillance radio biologique interne n'a été mise en oeuvre, et que sur les sites de Reggane et In Amguel, il ne bénéficiait d'aucune protection, le ministre de la défense ne peut soutenir valablement que l'intéressé a été exposé à un risque " négligeable " ;

- dès lors que la demande remplit les conditions légales définies par la loi du 5 janvier 2010 et ses décrets d'application et que le ministre de la défense n'apporte pas la preuve, qui doit reposer sur les éléments du dossier et non uniquement sur des éléments purement statistiques, du caractère négligeable du risque attribuable aux essais nucléaires, elle est fondée à solliciter la réparation intégrale des préjudices subis, au besoin en recourant à une expertise médicale ;

- elle est fondée à réclamer une indemnisation au titre des préjudices patrimoniaux et extra-patrimoniaux et d'un préjudice spécifique de contamination.

Par un mémoire, enregistré le 25 septembre 2015, présenté pour Mme E...C...veuveF..., elle maintient ses conclusions pour les mêmes motifs.

Par un mémoire, enregistré le 27 octobre 2015, la caisse nationale militaire de sécurité sociale indique ne pas intervenir dans la présente instance.

Par un mémoire, enregistré le 12 mai 2016, présenté pour Mme E...C...veuveF..., elle maintient ses conclusions pour les mêmes motifs.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 2010-2 du 5 janvier 2010 ;

- le décret n° 2010-653 du 11 juin 2010 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique du 19 mai 2016 :

- le rapport de M. Seillet, président-assesseur ;

- les observations de Me de Romanet, avocat de MmeF... ;

- et les conclusions de Mme Vigier-Carrière, rapporteur public.

1. Considérant que M. F..., né le 20 octobre 1926, a, alors qu'il était militaire de carrière, été affecté en Algérie, au centre d'expérimentation du Sahara, en qualité de pilote de l'armée de l'air, du 20 octobre 1961 au 7 octobre 1962, puis du 5 au 7 novembre 1962 et, enfin, du 30 janvier au 11 février 1963 ; que durant la première de ces périodes il a été procédé à deux expérimentations nucléaires souterraines, le tir Agathe du 7 novembre 1961 et le tir Béryl du 1er mai 1962 ; que M. F..., qui avait développé un cancer des os et du tissu conjonctif, diagnostiqué en 2001, soit 38 ans après la fin de son séjour sur le site des essais nucléaires, est décédé le 4 juin 2002 ; que sa veuve a présenté, par une lettre du 20 novembre 2010, une demande d'indemnisation des préjudices subis adressée au Comité d'indemnisation des victimes des essais nucléaires (CIVEN), en se prévalant des dispositions de la loi susvisée n° 2010-2 du 5 janvier 2010 relative à la reconnaissance et à l'indemnisation des victimes des essais nucléaires français ; que le ministre de la défense, par une décision du 8 février 2012 suivant la recommandation émise par le CIVEN, a rejeté la demande présentée par Mme C...veuveF... ; que le ministre de la défense fait appel du jugement du 4 juin 2014 par lequel le tribunal administratif de Lyon a décidé, avant de statuer sur la demande de Mme F...tendant à l'annulation de la décision ministérielle du 8 février 2012, de faire procéder à une expertise médicale ;

2. Considérant qu'aux termes de l'article 1er de la loi du 5 janvier 2010 relative à la reconnaissance et à l'indemnisation des victimes des essais nucléaires français modifiée : " Toute personne souffrant d'une maladie radio-induite résultant d'une exposition à des rayonnements ionisants dus aux essais nucléaires français et inscrite sur une liste fixée par décret en Conseil d'Etat conformément aux travaux reconnus par la communauté scientifique internationale peut obtenir réparation intégrale de son préjudice dans les conditions prévues par la présente loi. Si la personne est décédée, la demande de réparation peut être présentée par ses ayants droit " ; que l'article 2 de cette même loi définit les conditions de temps et de lieu de séjour ou de résidence que le demandeur doit remplir ; qu'aux termes du I de l'article 4 de cette même loi, dans sa version applicable au litige : " Les demandes d'indemnisation sont soumises à un comité d'indemnisation (...) " et qu'aux termes du II de ce même article : " Ce comité examine si les conditions de l'indemnisation sont réunies. Lorsqu'elles le sont, l'intéressé bénéficie d'une présomption de causalité à moins qu'au regard de la nature de la maladie et des conditions de son exposition le risque attribuable aux essais nucléaires puisse être considéré comme négligeable. Le comité le justifie auprès de l'intéressé (...) " ; qu'aux termes de l'article 7 du décret du 11 juin 2010 pris pour l'application de la loi du 5 janvier 2010, dans sa rédaction alors applicable : " (...) Le comité d'indemnisation détermine la méthode qu'il retient pour formuler sa recommandation au ministre en s'appuyant sur les méthodologies recommandées par l'Agence internationale de l'énergie atomique. (...) " ;

3. Considérant qu'il résulte de ces dispositions que le législateur a entendu faire bénéficier toute personne souffrant d'une maladie radio-induite, ayant résidé ou séjourné durant des périodes déterminées dans des zones géographiques situées en Polynésie française et en Algérie, d'une présomption de causalité aux fins d'indemnisation du préjudice subi en raison de l'exposition aux rayonnements ionisants due aux essais nucléaires ; que, toutefois, cette présomption peut être renversée lorsqu'il est établi que le risque attribuable aux essais nucléaires, apprécié tant au regard de la nature de la maladie que des conditions particulières d'exposition du demandeur, est négligeable ; qu'à ce titre, l'appréciation du risque peut notamment prendre en compte le délai de latence de la maladie, le sexe du demandeur, son âge à la date du diagnostic, sa localisation géographique au moment des tirs, les fonctions qu'il exerçait effectivement, ses conditions d'affectation, ainsi que, le cas échéant, les missions de son unité au moment des tirs ;

4. Considérant que le calcul de la dose reçue de rayonnements ionisants constitue l'un des éléments sur lequel l'autorité chargée d'examiner la demande peut se fonder afin d'évaluer le risque attribuable aux essais nucléaires ; que si, pour ce calcul, l'autorité peut utiliser les résultats des mesures de surveillance de la contamination tant interne qu'externe des personnes exposées, qu'il s'agisse de mesures individuelles ou collectives en ce qui concerne la contamination externe, il lui appartient de vérifier, avant d'utiliser ces résultats, que les mesures de surveillance de la contamination interne et externe ont, chacune, été suffisantes au regard des conditions concrètes d'exposition de l'intéressé, et sont ainsi de nature à établir si le risque attribuable aux essais nucléaires était ou non négligeable ; qu'en l'absence de mesures de surveillance de la contamination interne ou externe et en l'absence de données relatives au cas des personnes se trouvant dans une situation comparable à celle du demandeur du point de vue du lieu et de la date de séjour, il appartient à cette même autorité de vérifier si, au regard des conditions concrètes d'exposition de l'intéressé précisées ci-dessus, de telles mesures auraient été nécessaires ; que si tel est le cas, l'administration ne peut être regardée comme rapportant la preuve de ce que le risque attribuable aux essais nucléaires doit être regardé comme négligeable et la présomption de causalité ne peut être renversée ;

5. Considérant qu'il est constant que M. F...a été affecté, ainsi qu'il a été dit au point 1, au centre d'expérimentations du Sahara, en Algérie, du 20 octobre 1961 au 7 octobre 1962, puis du 5 au 7 novembre 1962 et, enfin, du 30 janvier au 11 février 1963, et que durant la première de ces périodes il a été procédé à deux expérimentations nucléaires souterraines, les 7 novembre 1961 et 1er mai 1962 ; que M. F... a ainsi séjourné dans des lieux et durant une période correspondant aux dispositions de l'article 2 de la loi du 5 janvier 2010 ; qu'il est également constant qu'il a été ultérieurement atteint d'un cancer des os et du tissu conjonctif et qu'il a ainsi souffert de l'une des pathologies figurant sur la liste des maladies annexée au décret du 11 juin 2010 ; que, pour rejeter la demande d'indemnisation présentée par sa veuve, le ministre de la défense s'est toutefois fondé sur le motif tiré de ce que le risque attribuable aux essais nucléaires français dans la survenance de la maladie dont l'intéressé avait été atteint était négligeable, suivant en cela la recommandation du Comité d'indemnisation des victimes des essais nucléaires français (CIVEN), lequel avait indiqué que, compte tenu du niveau de l'exposition aux rayonnements ionisants de l'intéressé lors de sa présence sur le site, la probabilité, évaluée selon les recommandations de l'Agence internationale de l'énergie atomique, d'une relation de causalité entre cette exposition et ladite maladie, était inférieure à 1 % (0 %) ;

6. Considérant, en premier lieu, qu'il ressort des pièces du dossier que la méthode retenue par le CIVEN pour évaluer le risque attribuable aux essais nucléaires s'appuie sur une pluralité de critères, recommandés par l'Agence internationale de l'énergie atomique, notamment sur les conditions particulières d'exposition de l'intéressé, et qui, pour le calcul de la dose reçue de rayonnements ionisants, prend en compte, au titre de la contamination externe, les résultats de mesures de surveillance individuelles ou collectives disponibles ou, en leur absence, la dose équivalente à la valeur du seuil de détection des dosimètres individuels pour chaque mois de présence, basée sur des données de surveillance radiologique atmosphérique permanente effectuée dans les centres d'essais nucléaires et, au titre de la contamination interne, les résultats des mesures individuelles de surveillance, ou en leur absence, les résultats des mesures de surveillance d'individus placés dans des situations comparables ; que ces critères, ainsi qu'il a été dit ci-dessus aux points 2 et 3, ne méconnaissent pas les dispositions de la loi et permettent, sur ce fondement, d'établir, le cas échéant, le caractère négligeable du risque attribuable aux essais nucléaires dans la survenue de la maladie dont souffre l'intéressé ; que, par suite, Mme F... ne peut se prévaloir de ce que la méthode utilisée par le CIVEN ne permettait pas de caractériser l'existence d'un risque négligeable attribuable aux essais nucléaires ;

7. Considérant, toutefois, en deuxième lieu, qu'il ressort des pièces du dossier, et en particulier des propres indications du ministre de la défense, que, lors du tir souterrain Béryl, auquel il a été procédé le 1er mai 1962, et qui n'a été qu'imparfaitement confiné, l'obturation trop tardive de la galerie a permis que 5 % à 10 % des matières radioactives produites par l'explosion s'en échappent ; que ledit ministre indique également que, selon les relevés produits à l'appui du rapport parlementaire rédigé par MM. B...et D...le 5 février 2001, la radioactivité atmosphérique n'est redevenue normale dans la zone In-Amguel, où se trouvait la base de vie, qu'à partir du 30 mai 1962 ; qu'il ressort également des pièces du dossier, et notamment de la recommandation du CIVEN du 13 octobre 2011 que, dans les jours qui ont suivi cette expérimentation nucléaire, du 4 au 18 mai 1962, M. F...a effectué plusieurs missions aériennes dans la zone In-Amguel, dans laquelle se trouvait également la base de vie où il était affecté ; qu'il en ressort également que l'intéressé n'a fait l'objet que d'une mesure de surveillance de la seule contamination externe, par le port d'un dosimètre individuel le 5 mai 1962, ayant mesuré une dose égale à 0 mSv ; qu'il ne ressort pas des mentions du livret médical de M. F... qu'il a fait l'objet d'une mesure de la contamination interne ; que le ministre ne fait état d'aucune mesure de la contamination externe collective ; qu'ainsi, alors que la situation de M. F... pendant la campagne de tirs de mai 1962 l'avait exposé à un risque particulier d'irradiation interne qui nécessitait la mise en oeuvre de mesures adaptées de surveillance, celles dont il a effectivement fait l'objet ont été insuffisantes ; que l'administration ne peut dès lors être regardée comme rapportant la preuve de ce que le risque attribuable aux essais nucléaires était négligeable ;

8. Considérant, en dernier lieu, qu'eu égard à l'absence de preuve du caractère négligeable du risque attribuable aux essais nucléaires dans la survenue de la maladie de M. F... résultant des éléments pris en compte par le CIVEN, et à sa suite par le ministre de la défense, l'expertise ordonnée par les premiers juges, qui a en particulier pour objet, d'une part, de " dire si le risque attribuable aux essais nucléaires dans l'apparition du cancer des os et du tissu conjonctif peut être considéré comme négligeable (inférieur à 1 %) " et, d'autre part, d'évaluer les préjudices subis, alors qu'il appartiendra seulement, le cas échéant, au juge administratif statuant au fond, d'enjoindre au ministre de la défense, en cas d'annulation pour excès de pouvoir de la décision en litige, de réexaminer la demande ou de procéder à l'indemnisation de la victime, n'a pas le caractère d'une mesure d'instruction utile au sens des dispositions applicables du code de justice administrative ;

9. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a décidé, avant de statuer sur la demande de Mme F... tendant à l'annulation de la décision ministérielle du 8 février 2012, de faire procéder à une expertise médicale ; que dès lors que les conclusions de l'appel principal sont dirigées contre un jugement avant dire droit, les conclusions de Mme F... présentées, à titre incident, aux fins de condamnation de l'Etat, ou d'injonction au ministre de la défense de procéder à l'évaluation du préjudice, ne peuvent être admises dans le cadre de la présente instance ;

10. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme quelconque soit mise à la charge de l'Etat qui n'a pas, dans la présente instance, la qualité de partie perdante, au titre des frais exposés par Mme F... et non compris dans les dépens ;

DECIDE :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Lyon n° 1201904 du 4 juin 2014 est annulé.

Article 2 : Les conclusions de Mme F... sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de la défense, à Mme E...C...veuve F...et à la caisse nationale militaire de sécurité sociale.

Délibéré après l'audience du 19 mai 2016 à laquelle siégeaient :

M. Faessel, président de chambre,

M. Seillet, président-assesseur,

Mme Cottier, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 9 juin 2016.

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N° 14LY03101


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 6ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 14LY03101
Date de la décision : 09/06/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

60-02-08 Responsabilité de la puissance publique. Responsabilité en raison des différentes activités des services publics. Service de l'armée.


Composition du Tribunal
Président : M. FAESSEL
Rapporteur ?: M. Philippe SEILLET
Rapporteur public ?: Mme VIGIER-CARRIERE
Avocat(s) : TEISSONNIERE TOPALOFF LAFFORGUE

Origine de la décision
Date de l'import : 28/06/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2016-06-09;14ly03101 ?
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