Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. D...C...a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler la décision du 19 mars 2013 par laquelle le préfet de la Haute-Savoie a ordonné la fermeture de l'activité de restauration du domaine de la Sasse.
Il a également demandé, par une seconde requête, d'annuler la décision du 25 juin 2013 par laquelle le vétérinaire inspecteur de la Haute-Savoie a procédé à la saisie des viandes de cinq bisons qu'il détenait.
Par le jugement n° 1302258-1303911 du 7 juillet 2015, le tribunal administratif de Grenoble a annulé la décision préfectorale du 19 mars 2013 et rejeté la demande de M. C... dirigée contre la décision du 25 juin 2013 de saisie des viandes de cinq bisons.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire enregistrés respectivement le 9 septembre 2015 et le 22 avril 2016, M. C...représenté par MeB..., demande à la cour :
1°) de se déplacer sur les lieux pour avoir une parfaite appréciation de la situation et des contraintes du site ;
2°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Grenoble du 7 juillet 2015 en tant qu'il a rejeté sa demande dirigée contre la décision du 25 juin 2013 ;
3°) d'annuler cette décision du 25 juin 2013 ;
4°) de mettre à la charge de l'État la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
M. C...soutient que :
- la décision du 25 juin 2013 a été prise en violation de l'article 24 de la loi du 12 avril 2000, la décision de consigne de denrées animales ou d'origine animale du 4 juin 2013, elle-même prise sans procédure contradictoire, montrant que la décision de saisie des viandes était déjà prise ;
- ses bisons ont été, à tort, classés dans la catégorie des ongulés domestiques, alors qu'ils appartiennent à la catégorie des " gibiers sauvages ", c'est aussi ce qui ressort du jugement du tribunal de police de Bonneville du 29 septembre 2008 ; le règlement européen n° 853/2004 ne leur est donc pas applicable ;
- le caractère dangereux des viandes et produits transformés, objet de la saisie, n'est pas prouvé ; la décision de consignation, qui a un caractère conservatoire, et la décision de saisie ont été prises en même temps et seul le caractère dangereux des denrées peut fonder une décision de saisie en application de l'article 14 du règlement n° 178/2002 du 28 janvier 2002 ;
- la décision de saisie énonce quatre motifs qui ne sont pas fondés, aucun d'entre eux ne peut justifier la mesure prise.
Par deux mémoires en défense enregistrés les 18 mars et 28 avril 2016, ce dernier n'ayant pas été communiqué, le ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt conclut au rejet de la requête.
Le ministre fait valoir que :
- M.C..., par l'attestation de consigne qui lui a été notifiée le 13 juin 2013, a été expressément invité à faire valoir ses observations écrites sur l'éventualité d'une saisie et a disposé pour ce faire d'un délai de huit jours ;
- les bisons sont des ongulés domestiques par détermination de la loi et ceux de M. C... ne remplissent pas les conditions pour être qualifiés de " gibier sauvage " au sens de la législation nationale et des règlements européens ;
- la qualification retenue par le juge pénal ne s'impose pas au juge administratif ;
- le règlement n° 853/2004 est applicable à l'activité de M.C... ;
- les denrées étaient impropres à la consommation, et donc dangereuses ; la décision était parfaitement fondée.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le règlement CE n° 178/2002 du Parlement et du Conseil du 28 janvier 2002 ;
- les règlements CE n°s 853/2004 et 854/2004 du Parlement européen et du Conseil du 29 avril 2004 ;
- la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 ;
- l'arrêté du 26 juin 1987, modifié, fixant la liste des espèces de gibier dont la chasse est autorisée ;
- le code rural et de la pêche maritime ;
- le code de justice administrative.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Gondouin, rapporteur,
- les conclusions de M. Dursapt, rapporteur public,
- et les observations de MeA..., représentant M.C....
Une note en délibéré présentée pour M. C...a été enregistrée le 13 mai 2016.
1. Considérant que M. C...exploite un élevage de bisons au domaine de la Sasse, alpage de 123 hectares situé sur le territoire de la commune de Megève ; que chaque année, sont abattus cinq bisons destinés à la consommation sur place, à la table d'hôte qu'exploite également M.C... ; que, par une décision du 4 juin 2013, la direction départementale de la protection des populations de la Haute-Savoie a décidé de consigner les viandes et produits à base de viandes provenant des carcasses des cinq bisons abattus présents dans les congélateurs de la ferme auberge ; que, le 25 juin 2013, le vétérinaire inspecteur de la direction départementale de la protection des populations de la Haute-Savoie a décidé de saisir ces denrées animales ; que M. C...relève appel du jugement du tribunal administratif de Grenoble du 7 juillet 2015 en ce qu'il a rejeté sa requête dirigée contre cette décision ;
2. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 24 de la loi du 12 avril 2000 alors en vigueur : " Exception faite des cas où il est statué sur une demande, les décisions individuelles qui doivent être motivées en application des articles 1er et 2 de la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public n'interviennent qu'après que la personne intéressée a été mise à même de présenter des observations écrites et, le cas échéant, sur sa demande, des observations orales. Cette personne peut se faire assister par un conseil ou représenter par un mandataire de son choix. L'autorité administrative n'est pas tenue de satisfaire les demandes d'audition abusives, notamment par leur nombre, leur caractère répétitif ou systématique " ;
3. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que la décision du 4 juin 2013 prononçant la consigne des viandes et produits à base de viandes provenant des bisons abattus, qui n'a pas elle-même été contestée, prévoyait qu'elle était susceptible de conduire à une saisie de ces denrées, que la durée prévisible de la consigne était de 8 jours et qu'il était possible à M. C... de présenter ses observations sur cette possibilité de saisie dans un délai de 8 jours à compter de sa réception ; que le courrier accompagnant ce certificat de consigne, daté du 4 juin 2013 et notifié le 13 juin à M.C..., outre qu'il rappelait qu'il était envisagé de prononcer le retrait de la consommation des denrées, mentionnait qu'en application de l'article 24 de la loi du 12 avril 2000, M. C... était invité à présenter sous 8 jours suivant la réception de ce courrier ses observations sur ces mesures de consigne et de saisie et qu'il pouvait se faire assister par un conseil ou représenter par un mandataire de son choix ; que la décision contestée prononçant la saisie des denrées animales ou d'origine animale a été prise le 25 juin 2013, plus de huit jours après la notification du certificat de consigne ; que, dès lors, et contrairement à ce que soutient le requérant qui ne peut utilement soutenir qu'il était " clair " que la décision était déjà prise, l'administration n'a pas méconnu les exigences de la procédure contradictoire prévues par l'article 24 de la loi du 12 avril 2000 ;
4. Considérant, en deuxième lieu, que le paragraphe 1.2. de l'annexe I du règlement CE n° 853/2004 susvisé définit les " ongulés domestiques " comme " les animaux domestiques des espèces bovine (y compris Bubalus et Bison), porcine, ovine et caprine, ainsi que des solipèdes domestiques " ; que le paragraphe 1.5. de la même annexe précise qu'il faut entendre par " gibier sauvage " : "- les ongulés sauvages, les lagomorphes ainsi que les autres mammifères terrestres qui sont chassés en vue de la consommation humaine et sont considérés comme du gibier selon la législation applicable dans l'État membre concerné, y compris les mammifères vivant en territoire clos dans des conditions de liberté similaires à celles du gibier sauvage, et - les oiseaux sauvages chassés en vue de la consommation humaine " ; que ce règlement, en vertu du e) du point 3 de son article 1er ne s'applique pas : " aux chasseurs qui approvisionnent directement le commerce de détail local fournissant directement le consommateur final, en petites quantités de gibier sauvage ou de viande de gibier sauvage " ; que l'arrêté du 26 juin 1987 susvisé, qui constitue, au sens de cette annexe, " la législation applicable " en France, ne range pas le bison dans la liste des espèces de gibier dont la chasse est autorisée ;
5. Considérant, d'une part, que M. C...soutient que les dispositions de ce règlement CE n° 853/2004 relatives aux règles d'identification, d'abattage et de prophylaxie ne lui sont pas applicables dès lors que ses bisons doivent être considérés comme du gibier sauvage ; qu'il n'est pas contesté que ses animaux vivent en liberté totale sur un vaste domaine inaccessible en véhicule, en partie borné par des clôtures naturelles que constituent les falaises et les ravins ; que, toutefois, le règlement européen précité classe sans ambiguïté les bisons dans la catégorie des " ongulés domestiques " ; que l'arrêté du 26 juin 1987, comme il a été dit précédemment, ne range pas le bison au nombre des espèces de gibier pouvant être chassées sur le territoire français ; que si le certificat de capacité et l'autorisation d'ouverture qui ont été délivrés à M. C...en 1994 et en 2000 évoquent des animaux d'espèces non domestiques, ces documents, conformément à sa demande, portent sur une activité d'élevage ; qu'en outre s'il est exact que le règlement CE 853/2004 ne s'applique pas " aux chasseurs qui approvisionnent directement le commerce de détail local fournissant directement le consommateur final, en petites quantités de gibier sauvage ou de viande de gibier sauvage ", la seule circonstance que M. C... abat chaque année cinq bisons au fusil destinés à la consommation dans son établissement ne suffit pas à le faire regarder comme un chasseur au sens de ces dispositions ; que, dès lors, l'administration n'a commis aucune erreur de droit en fondant sa décision de saisie de denrées animales sur le règlement CE 853/2004 ;
6. Considérant, d'autre part, que M. C...rappelle que le tribunal de police de Bonneville, dans son jugement devenu définitif du 29 septembre 2008 et après s'être déplacé sur les lieux, l'a relaxé de plusieurs infractions qu'il aurait commises entre le mois d'août 2004 et le mois de mai 2007, en constatant en particulier " le caractère manifestement sauvage des animaux qui évoluent librement dans un espace naturel " et en retenant que les conditions d'élevage rendent inapplicables les prescriptions retenues par les services vétérinaires relatives aux bovins domestiques ; que, toutefois, la classification et la qualification des bisons résultent en l'espèce du règlement européen et de l'arrêté du 26 juin 1987 précités ; qu'en outre, en tout état de cause, la décision administrative contestée est fondée sur des textes, notamment les règlements CE 853/2004 et CE 854/2004 que le juge pénal n'a pas évoqués ni appliqués dans sa décision du 29 septembre 2008 qui portait sur des faits antérieurs à ceux ayant donné lieu à la décision de saisie litigieuse ; que M. C...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont retenu que le règlement CE 853/2004 était applicable à son activité ;
7. Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes du 4° du paragraphe I de l'article L. 231-2-2 du code rural et de la pêche maritime dans sa rédaction applicable, les vétérinaires officiels sont qualifiés, dans l'exercice de leurs fonctions : " Pour procéder à la saisie ou au retrait de la consommation des produits, des denrées alimentaires ou des aliments pour animaux d'origine animale ou contenant des produits d'origine animale, qu'ils ont reconnus comme dangereux au sens du règlement (CE) n° 178/2002 du Parlement européen et du Conseil du 28 janvier 2002 établissant les principes généraux et les prescriptions générales de la législation alimentaire, instituant l'Autorité européenne de sécurité des aliments et fixant les procédures relatives à la sécurité des denrées alimentaires " ; que le paragraphe 2 de l'article 14 de la section 4 du chapitre II de ce règlement précise qu'" Une denrée alimentaire est dite dangereuse si elle est considérée comme : b) impropre à la consommation humaine " ;
8. Considérant que le paragraphe 1 du chapitre V de la section II de l'annexe I du règlement CE n° 854/2004 susvisé précise dans quels cas les viandes doivent être déclarées impropres à la consommation humaine ; qu'il en va ainsi, notamment, si elles " a) proviennent d'animaux n'ayant pas été soumis à une inspection ante mortem, à l'exception du gibier sauvage ", " b) proviennent d'animaux dont les abats n'ont pas été soumis à une inspection post mortem, sauf indication contraire prévue par le présent règlement ou le règlement (CE) no 853/2004 ", " u) peuvent, selon l'avis du vétérinaire officiel, après examen de toutes les informations pertinentes, constituer un risque pour la santé publique ou animale ou sont, pour tout autre motif, impropres à la consommation humaine " ; que le paragraphe 1 du chapitre III de la même section prévoit que " le vétérinaire officiel doit s'assurer que l'exploitant du secteur alimentaire respecte ses obligations découlant du règlement (CE) no 853/2004 afin de garantir que les animaux acceptés pour l'abattage en vue de la consommation humaine soient correctement identifiés. Il doit veiller à ce que les animaux dont l'identité n'est pas raisonnablement vérifiable soient abattus séparément et déclarés impropres à la consommation humaine. S'il le juge nécessaire, des contrôles officiels doivent être effectués dans l'exploitation d'origine " ;
9. Considérant que le chapitre VI de la section I de l'annexe III du règlement CE n° 853/2004 susvisé précise les conditions de l'abattage d'urgence en dehors de l'abattoir des ongulés domestiques, prévoit notamment qu'un " vétérinaire doit effectuer une inspection ante mortem de l'animal " et fixe les conditions dans lesquelles l'animal abattu doit être transporté vers l'abattoir pour un examen post mortem ;
10. Considérant que la décision contestée mentionne, au titre du motif de la saisie, " viandes impropres à la consommation " et procède à l'énumération suivante : " -viandes provenant d'animaux non soumis à l'inspection ante mortem (saisie en application du règlement CE 854/2004 du 29 avril 2004, annexe I, section II, chapitre V §1 alinéa a) - viandes provenant d'un animal non identifié (saisie en application du règlement CE 854/2004 du 29 avril 2004, annexe I, section II, chapitre III point 1) -viandes provenant de carcasses dont les abats n'ont pas été soumis à l'inspection post mortem (saisie en application du règlement 854/2004 du 29 avril 2004, annexe I, section II, chapitre V §1 alinéa b) - viandes provenant d'animaux abattus hors abattoir car susceptibles d'être dangereux, conformément à l'article R. 231-6 du code rural, mais préparation des viandes non conformes car non-respect des exigences de l'article R. 231-7 et du règlement CE 853/2004 du 29 avril 2004 annexe III, section I chapitre VI " ;
11. Considérant que M. C...soutient que le caractère dangereux de ses viandes de bison et produits transformés à base de viande de bison n'a pas été prouvé alors que les analyses qu'il a régulièrement fait réaliser démontrent la parfaite qualité de ses produits et conteste les motifs contenus dans l'énumération de la décision contestée ;
12. Considérant que, ainsi qu'il a été précédemment dit, l'ensemble des dispositions précitées qui fixent les cas et les conditions dans lesquels les viandes doivent être déclarées impropres à la consommation humaine sont applicables à son élevage de bisons ; que ces dispositions imposent notamment un contrôle ante et post mortem par un vétérinaire officiel ; que M. C...ne conteste pas le fait qu'il ne respecte pas ces dispositions, du fait de la difficulté de transport des carcasses et de la configuration des lieux, mais fait valoir qu'il fait lui-même procéder à des analyses biologiques et sérologiques qui apporteraient une information plus précise et complète sur l'état sanitaire des viandes et produits transformés ; que, toutefois, comme l'ont relevé les premiers juges, ces analyses ne pouvant suppléer l'examen par un vétérinaire officiel, c'est à bon droit que les services vétérinaires en retenant les absences d'inspection avant et après abattage des animaux ont déclaré les " viandes impropres à la consommation " et prononcé leur saisie en se fondant sur les dispositions des règlements communautaires précités ;
13. Considérant qu'il résulte de ce qui précède et sans qu'il soit besoin pour la cour de se déplacer sur les lieux afin d'apprécier la situation et les contraintes du site, que
M. C...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande dirigée contre la décision du 25 juin 2013 ; que ses conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent, en conséquence, être rejetées ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. C...est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. D...C...et au ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt.
Délibéré après l'audience du 12 mai 2016 où siégeaient :
- M. Mesmin d'Estienne, président,
- Mme Gondouin, premier conseiller,
- Mme Samson-Dye, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 31 mai 2016.
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N° 15LY03064