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31/05/2016 | FRANCE | N°15LY02852

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 2ème chambre - formation à 3, 31 mai 2016, 15LY02852


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B...C...a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler la décision du 2 juin 2015 par laquelle le préfet du Rhône a ordonné sa remise aux autorités espagnoles ainsi que la décision du même jour portant assignation à résidence.

Par un jugement n° 1505079 du 11 juin 2015, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lyon a annulé les décisions du 2 juin 2015 du préfet du Rhône et rejeté le surplus de la demande de MmeC....

Procédure devant la cour :<

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I - Par une requête enregistrée sous le numéro 15LY02852 le 17 août 2015, le préfet du Rhône ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B...C...a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler la décision du 2 juin 2015 par laquelle le préfet du Rhône a ordonné sa remise aux autorités espagnoles ainsi que la décision du même jour portant assignation à résidence.

Par un jugement n° 1505079 du 11 juin 2015, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lyon a annulé les décisions du 2 juin 2015 du préfet du Rhône et rejeté le surplus de la demande de MmeC....

Procédure devant la cour :

I - Par une requête enregistrée sous le numéro 15LY02852 le 17 août 2015, le préfet du Rhône demande à la cour d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Lyon du 11 juin 2015 en tant qu'il a annulé ses décisions du 2 juin 2015.

Le préfet du Rhône soutient que :

- les brochures et le guide du demandeur d'asile ont été remis à Mme C...le 2 février 2015, soit avant la décision portant refus d'admission provisoire au séjour de l'intéressée, conformément à l'article 4 du règlement Dublin III ;

- aucun texte n'exige que soit identifiée la personne susceptible d'avoir communiqué à l'étranger, au cours de l'entretien, les informations nécessaires à l'exercice de ses droits en qualité de demandeur d'asile.

Par un mémoire en défense, enregistré le 8 mars 2016, MmeC..., représentée par MeA..., conclut au rejet de la requête et demande à la cour :

1°) d'enjoindre au préfet du Rhône de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour et de procéder à l'enregistrement de sa demande d'asile dans un délai de sept jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat, à payer à son conseil, la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, à charge pour ce dernier de renoncer à percevoir la part contributive de l'Etat à sa mission d'aide juridictionnelle.

Mme C...soutient que :

- les moyens soulevés par le préfet ne sont pas fondés ;

- en violation de l'article 4 du règlement (UE) n° 604/2013, les informations ne lui ont pas été données au plus tôt, puisqu'elle s'est présentée le 8 janvier 2015 auprès de la préfecture du Rhône afin de solliciter l'asile et que les informations ne lui ont été données que le 2 février ;

- qu'elle n'a pas bénéficié d'un entretien effectif, conforme aux garanties prévues par l'article 5 du règlement (UE) n°604/2013, dès lors qu'elle n'avait pas préalablement obtenu les informations et que le préfet n'apporte pas d'éléments précis relatifs à la tenue de cet entretien, et notamment la qualité de l'agent qui a mené cet entretien ;

- il ne ressort pas de la rédaction de la décision portant remise en date du 2 juin 2015 que l'administration aurait signalé auprès des autorités espagnoles son état de santé et sa particulière vulnérabilité alors qu'elle en avait informé le préfet, en méconnaissance des articles 31 et 32 du Règlement (UE) n° 604/2013 ;

- la décision portant remise aux autorités espagnoles méconnait les dispositions des articles 17 du règlement (UE) n° 604/2013, 7 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et L. 741-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et est entachée d'erreur manifeste d'appréciation de sa situation.

Mme C...été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 20 janvier 2016.

II - Par une requête enregistrée sous le numéro 16LY00611 le 19 février 2016, le préfet du Rhône demande à la cour de prononcer, en application de l'article R. 811-17 du code de justice administrative, le sursis à exécution du jugement n° 1505079 du tribunal administratif de Lyon du 11 juin 2015.

Le préfet du Rhône soutient que :

- le moyen qu'il présente en appel est sérieux ;

- le jugement risque d'entrainer des conséquences difficilement réparables puisque en matière de remise l'exécution est subordonnée à un délai de six mois à compter de l'acceptation par un autre Etat membre de la requête aux fins de reprise.

En application de l'article R. 611-8 du code de justice administrative, par décision du 14 mars 2016, l'affaire a été dispensée d'instruction.

Vu :

- le jugement dont le sursis à exécution est demandé ;

- les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- le règlement (CE) nº 2725/2000 du Conseil du 11 décembre 2000 concernant la création du système " Eurodac " pour la comparaison des empreintes digitales aux fins de l'application efficace de la convention de Dublin ;

- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 établissant les critères et mécanismes de détermination de l'Etat membre responsable de l'examen d'une demande de protection internationale introduite dans l'un des Etats membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride ;

- la directive 95/46/CE du Parlement européen et du conseil du 24 octobre 1995 relative à la protection des personnes physiques à l'égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

A été entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Duguit-Larcher, premier conseiller.

1. Considérant que MmeC..., ressortissante congolaise née le 13 octobre 1993, est irrégulièrement entrée en France le 5 janvier 2015 pour y solliciter l'asile ; qu'elle s'est présentée le 8 janvier 2015 à la préfecture du Rhône en vue de solliciter son admission provisoire au séjour en qualité de demandeur d'asile ; que, par décision du 6 mars 2015, le préfet du Rhône a refusé de l'admettre provisoirement au séjour en cette qualité sur le fondement du 1° de l'article L. 741-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile au motif que les autorités espagnoles, qui ont accepté de la prendre en charge le 26 février 2015, sont responsables de l'examen de sa demande d'asile ; que, par deux arrêtés en date du 2 juin 2015, le préfet du Rhône a ordonné sa remise aux autorités espagnoles et a prononcé, le même jour, son assignation à résidence en vue d'assurer l'exécution de cette mesure d'éloignement ; que par un jugement du 11 juin 2015, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lyon a annulé les décisions du 2 juin 2015 du préfet du Rhône et rejeté le surplus de la demande de l'intéressée ; que le préfet du Rhône relève appel du jugement, en tant qu'il a annulé ses décisions, et demande qu'il soit sursis à exécuter sur ce jugement ;

2. Considérant que les requêtes susvisées du préfet du Rhône sont dirigées contre le même jugement ; qu'il y a lieu de les joindre pour qu'elles fassent l'objet d'un seul arrêt ;

Sur la requête n° 15LY02852 :

Sur le motif d'annulation retenu par le magistrat désigné par le président du tribunal :

3. Considérant que pour annuler les décisions du 2 juin 2015 par lesquelles le préfet du Rhône a ordonné la remise de Mme C...aux autorités espagnoles et prononcé son assignation à résidence dans le département du Rhône, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lyon s'est fondé sur le fait que l'intéressée n'avait pas reçu, avant qu'elle ne bénéficie de l'entretien prévu à l'article 5 du règlement du 26 juin 2013 les informations écrites essentielles à la compréhension de sa situation de demandeur d'asile mentionnées à l'article 4 dudit règlement, de sorte que l'arrêté prononçant sa remise aux autorités espagnoles est intervenu aux termes d'une procédure irrégulière ;

4. Considérant qu'aux termes de l'article 4 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " Droit à l'information /1. Dès qu'une demande de protection internationale est introduite au sens de l'article 20, paragraphe 2, dans un Etat membre, ses autorités compétentes informent le demandeur de l'application du présent règlement, et notamment : / a) des objectifs du présent règlement et des conséquences de la présentation d'une autre demande dans un Etat membre différent ainsi que des conséquences du passage d'un Etat membre à un autre pendant les phases au cours desquelles l'Etat membre responsable en vertu du présent règlement est déterminé et la demande de protection internationale est examinée ; / b) des critères de détermination de l'Etat membre responsable, de la hiérarchie de ces critères au cours des différentes étapes de la procédure et de leur durée, y compris du fait qu'une demande de protection internationale introduite dans un Etat membre peut mener à la désignation de cet Etat membre comme responsable en vertu du présent règlement même si cette responsabilité n'est pas fondée sur ces critères ; / c) de l'entretien individuel en vertu de l'article 5 et de la possibilité de fournir des informations sur la présence de membres de la famille, de proches ou de tout autre parent dans les Etats membres, y compris des moyens par lesquels le demandeur peut fournir ces informations ; / d) de la possibilité de contester une décision de transfert et, le cas échéant, de demander une suspension du transfert ; / e) du fait que les autorités compétentes des Etats membres peuvent échanger des données le concernant aux seules fins d'exécuter leurs obligations découlant du présent règlement ; / f) de l'existence du droit d'accès aux données le concernant et du droit de demander que ces données soient rectifiées si elles sont inexactes ou supprimées si elles ont fait l'objet d'un traitement illicite, ainsi que des procédures à suivre pour exercer ces droits, y compris des coordonnées des autorités visées à l'article 35 et des autorités nationales chargées de la protection des données qui sont compétentes pour examiner les réclamations relatives à la protection des données à caractère personnel. / 2. Les informations visées au paragraphe 1 sont données par écrit, dans une langue que le demandeur comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'il la comprend. Les Etats membres utilisent la brochure commune rédigée à cet effet en vertu du paragraphe 3. / Si c'est nécessaire à la bonne compréhension du demandeur, les informations lui sont également communiquées oralement, par exemple lors de l'entretien individuel visé à l'article 5. / 4. La Commission rédige, au moyen d'actes d'exécution, une brochure commune (...), contenant au minimum les informations visées au paragraphe 1 du présent article. Cette brochure commune comprend également des informations relatives à l'application du règlement (UE) n° 603/2013 et, en particulier, à la finalité pour laquelle les données relatives à un demandeur peuvent être traitées dans Eurodac. La brochure commune est réalisée de telle manière que les Etats membres puissent y ajouter des informations spécifiques aux Etats membres. Ces actes d'exécution sont adoptés en conformité avec la procédure d'examen visée à l'article 44, paragraphe 2, du présent règlement. " ; qu'aux termes de l'article 20 de ce règlement : " (...) 2. Une demande de protection internationale est réputée introduite à partir du moment où un formulaire présenté par le demandeur (...) est parvenu aux autorités compétentes de l'Etat membre concerné (...). " ; qu'il résulte de ces dispositions que le demandeur d'asile auquel l'administration entend faire application du règlement du 26 juin 2013 doit se voir remettre, dès le moment où le préfet est informé de ce qu'il est susceptible d'entrer dans le champ d'application de ce règlement, et, en tout cas, avant la décision par laquelle l'autorité administrative décide de refuser l'admission provisoire au séjour de l'intéressé au motif que la France n'est pas responsable de sa demande d'asile, une information complète sur ses droits, par écrit et dans une langue qu'il comprend ; que cette information doit comprendre l'ensemble des éléments prévus au paragraphe 1 de l'article 4 du règlement ; qu'eu égard à la nature desdites informations, la remise par l'autorité administrative de la brochure prévue par les dispositions précitées constitue pour le demandeur d'asile une garantie ;

5. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que Mme C...a sollicité son admission provisoire au séjour en qualité de demandeur d'asile le 8 janvier 2015 et a déposé sa demande d'asile le 2 février 2015 ; que le jour du dépôt de sa demande d'asile, soit le 2 février 2015, les brochures A, B et le guide d'accueil du demandeur d'asile (version 2013), rédigés en langue française, lui ont été remis ; qu'ainsi, à supposer même que ces documents d'information n'auraient été remis à l'intéressée qu'à la fin de l'entretien prévu à l'article 5 du règlement, cette dernière a reçu toutes les informations requises lui permettant de faire valoir ses observations avant que ne soit prise la décision du 6 mars 2015 lui refusant l'admission au séjour en qualité de demandeur d'asile en France ; que, dès lors, le préfet du Rhône n'a pas méconnu les articles 4 et 5 du règlement (UE) n° 604/2013 susvisé en remettant, le jour du dépôt de sa demande d'asile, les informations nécessaires à Mme C...; que, par suite, c'est à tort que le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lyon a annulé pour ce motif les décisions du préfet du Rhône prises à l'encontre de Mme C...le 6 juin 2015 ;

6. Considérant qu'il appartient à la cour administrative d'appel, saisie de l'ensemble du litige, par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par Mme C... devant le tribunal administratif de Lyon et devant la cour ;

Sur les autres moyens :

S'agissant de la décision de remise aux autorités espagnoles :

7. Considérant que la décision litigieuse, qui vise notamment les dispositions de l'article L. 531-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et l'article 13-1 du règlement (UE) n°604/2013, et qui, après avoir rappelé précisément les conditions d'entrée de la requérante en France et la procédure suivie pour le dépôt et le traitement de sa demande d'asile, indique que les relevés d'empreintes Eurodac de Mme C...ont fait apparaître qu'elle avait irrégulièrement franchi la frontière espagnole en octobre 2014, ce qui justifie sa remise aux autorités de cet Etat, comporte l'ensemble des considérations de droit et de fait qui la fondent ; que, contrairement à ce que fait valoir l'intéressée, le préfet a expliqué les raisons pour lesquelles il a estimé que les éléments relatifs à son état de santé ne faisaient pas obstacle à sa remise aux autorités espagnoles ; que, par suite, Mme C...n'est pas fondée à soutenir que la décision serait entachée d'insuffisance de motivation ;

8. Considérant que les dispositions combinées et précitées des articles 4 et 20 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 n'imposent pas au préfet de remettre les brochures d'information dès le retrait par l'étranger du formulaire de demande d'admission au séjour ; qu'ainsi, Mme C...n'est pas fondée à soutenir que la remise de ces brochures aurait dû intervenir le 8 janvier 2015 date à laquelle elle s'est présentée pour la première fois auprès de la préfecture du Rhône afin de solliciter l'asile et non le 2 février 2015, jour du dépôt de sa demande d'asile ;

9. Considérant qu'aux termes de l'article 5 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " 1. Afin de faciliter le processus de détermination de l'État membre responsable, l'État membre procédant à cette détermination mène un entretien individuel avec le demandeur. Cet entretien permet également de veiller à ce que le demandeur comprenne correctement les informations qui lui sont fournies conformément à l'article 4. 2. L'entretien individuel peut ne pas avoir lieu lorsque: a) le demandeur a pris la fuite; ou b) après avoir reçu les informations visées à l'article 4, le demandeur a déjà fourni par d'autres moyens les informations pertinentes pour déterminer l'État membre responsable. L'État membre qui se dispense de mener cet entretien donne au demandeur la possibilité de fournir toutes les autres informations pertinentes pour déterminer correctement l'État membre responsable avant qu'une décision de transfert du demandeur vers l'État membre responsable soit prise conformément à l'article 26, paragraphe 1. 3. L'entretien individuel a lieu en temps utile et, en tout cas, avant qu'une décision de transfert du demandeur vers l'État membre responsable soit prise conformément à l'article 26, paragraphe 1. 4. L'entretien individuel est mené dans une langue que le demandeur comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'il la comprend et dans laquelle il est capable de communiquer. Si nécessaire, les États membres ont recours à un interprète capable d'assurer une bonne communication entre le demandeur et la personne qui mène l'entretien individuel. 5. L'entretien individuel a lieu dans des conditions garantissant dûment la confidentialité. Il est mené par une personne qualifiée en vertu du droit national. 6. L'État membre qui mène l'entretien individuel rédige un résumé qui contient au moins les principales informations fournies par le demandeur lors de l'entretien. Ce résumé peut prendre la forme d'un rapport ou d'un formulaire type. L'État membre veille à ce que le demandeur et/ou le conseil juridique ou un autre conseiller qui représente le demandeur ait accès en temps utile au résumé. " ;

10. Considérant que si Mme C...soutient qu'elle n'a pas bénéficié d'un entretien effectif en préfecture, il ressort des pièces du dossier, non sérieusement contestées par la requérante, qui au demeurant soutient ne pas avoir eu les brochures d'information avant son entretien mais seulement à son issue, que Mme C...a bénéficié d'un entretien à la préfecture du Rhône le 2 février 2015 en langue française qu'elle comprend ; que la circonstance que le compte rendu d'entretien ne comporte pas d'informations sur la personne qui l'a mené n'est de nature à démontrer ni que l'entretien n'aurait pas effectivement eu lieu, ni qu'il ne se serait pas déroulé dans les conditions ci-dessus rappelées ; que le fait que la décision litigieuse n'ait pas fait mention de cet entretien n'est pas plus de nature à démontrer qu'il n'aurait pas eu lieu ; qu'il s'ensuit que le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article 5 du règlement n°604/2013 doit être rejeté ;

11. Considérant qu'aux termes de l'article 18 du règlement (CE) n° 2725/2000 du Conseil du 11 décembre 2000 : " Toute personne visée par le présent règlement est informée par l'Etat membre d'origine : / a) de l'identité du responsable du traitement et de son représentant, le cas échéant ; b) de la raison pour laquelle les données vont être traitées par Eurodac ; / c) des destinataires des données ; / d) dans le cas des personnes visées à l'article 4 ou à l'article 8, de l'obligation d'accepter que ses empreintes digitales soient relevées ; / e) de l'existence d'un droit d'accès aux données la concernant et d'un droit de rectification de ces données. / Dans le cas de personnes visées à l'article 4 ou à l'article 8, les informations visées au premier alinéa sont fournies au moment où les empreintes digitales sont relevées (...) " ; qu'aux termes de l'article 2 du même règlement : " Définitions (...) 2. Les termes définis à l'article 2 de la directive 95/46/CE ont la même signification dans le présent règlement (...) " ; qu'aux termes de l'article 2 de la directive 95/46/CE du Parlement européen et du Conseil du 24 octobre 1995 susvisée : " Définitions. Aux fins de la présente directive, on entend par : / (...) d) " responsable du traitement" : la personne physique ou morale, l'autorité publique, le service ou tout autre organisme qui, seul ou conjointement avec d'autres, détermine les finalités et les moyens du traitement de données à caractère personnel; lorsque les finalités et les moyens du traitement sont déterminés par des dispositions législatives ou réglementaires nationales ou communautaires, le responsable du traitement ou les critères spécifiques pour le désigner peuvent être fixés par le droit national ou communautaire " ;

12. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que le document d'information relatif au " relevé des empreintes digitales des demandeurs d'asile " joint en annexe au guide du demandeur d'asile fourni à Mme C...le 2 février 2015 et la brochure A intitulée " J'ai demandé l'asile dans l'Union européenne - quel pays sera responsable de l'analyse de ma demande ' " comportent l'ensemble des informations prévues par les dispositions précitées de l'article 18 du règlement (CE) n° 2725/2000 ; que, dans ces conditions, le moyen de Mme C... tiré de ce qu'elle n'aurait pas reçu les " informations concernant l'application du règlement Eurodac le 5 janvier 2015 " doit être écarté comme manquant en fait ;

13. Considérant qu'il résulte des dispositions de l'article 18 du règlement (CE) n° 2725/2000 du Conseil du 11 décembre 2000 que les informations relatives au relevé des empreintes digitales prévues par ces dispositions doivent être fournies lors du relevé de ces empreintes ou, en tout cas, comme pour les autres informations mentionnées par l'article 4 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013, avant la décision par laquelle l'autorité administrative décide de refuser l'admission provisoire au séjour de l'intéressé au motif que la France n'est pas responsable de sa demande d'asile ;

14. Considérant que si les actes administratifs doivent être pris selon les formes et conformément aux procédures prévues par les lois et règlements, un vice affectant le déroulement d'une procédure administrative préalable n'est de nature à entacher d'illégalité la décision prise que s'il ressort des pièces du dossier qu'il a été susceptible d'exercer, en l'espèce, une influence sur le sens de la décision prise ou s'il a privé l'intéressé d'une garantie ;

15. Considérant que, sous réserve des cas où la loi attribue la charge de la preuve à l'une des parties, il appartient au juge administratif, au vu des pièces du dossier et compte tenu, le cas échéant, de l'abstention de l'une des parties à produire les éléments qu'elle est seule en mesure d'apporter et qui ne sauraient être réclamés qu'à elle-même, d'apprécier si l'administration a satisfait à l'obligation qui lui incombe en application des dispositions précitées ;

16. Considérant, ainsi qu'il a été indiqué, que les éléments d'information relatifs à Eurodac ont été donnés à l'intéressée le 2 février 2015, jour où ses empreintes ont été prises ; qu'ayant accepté le relevé de ses empreintes digitales, la circonstance selon laquelle lesdites brochures ne lui ont été données qu'à l'issue de ce même entretien, soit postérieurement audit relevé d'empreintes, n'est, en tout état de cause, pas susceptible d'avoir exercé, en l'espèce, une influence sur le sens de la décision prise ou de d'avoir privé l'intéressée d'une garantie ;

17. Considérant que les dispositions de l'article 31 du règlement 604/2013 sont relatives à l'" Échange d'informations pertinentes avant l'exécution d'un transfert " et celles de l'article 32 à l'" Échange de données concernant la santé avant l'exécution d'un transfert " ; que de telles dispositions, qui concernent l'exécution de la mesure, sont sans incidence sur la régularité de la décision portant remise ;

18. Considérant que si Mme C...a fait valoir dans ses écritures de première instance qu'elle soulevait " la méconnaissance des dispositions des articles 3.2 du Règlement, 4, 18 et 19 de la Charte des Droits Fondamentaux de l'Union européenne, 2, 3 et 13 de la Convention européenne de sauvegarde des Droits de l'Homme ", elle n'a pas assorti ces moyens de précisions suffisantes pour en apprécier le bien fondé ;

19. Considérant qu'aux termes de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 susvisé : " 1. Par dérogation à l'article 3, paragraphe 1, chaque Etat membre peut décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement (...) 2. L'Etat membre dans lequel une demande de protection internationale est présentée et qui procède à la détermination de l'Etat membre responsable, ou l'Etat membre responsable, peut à tout moment, avant qu'une première décision soit prise sur le fond, demander à un autre Etat membre de prendre un demandeur en charge pour rapprocher tout parent pour des raisons humanitaires fondées, notamment, sur des motifs familiaux ou culturels, même si cet autre Etat membre n'est pas responsable au titre des critères définis aux articles 8 à 11 et 16. Les personnes concernées doivent exprimer leur consentement par écrit " ; qu'aux termes de l'article 7 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de ses communications. " ; qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui " ;

20. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que MmeC..., célibataire et sans enfant, est arrivée en France six mois avant la décision litigieuse ; que si elle fait valoir qu'elle suit en France une psychotérapie, cette seule circonstance n'est pas de nature à démontrer que le préfet aurait commis une erreur manifeste d'appréciation en ne faisant pas usage de la clause discrétionnaire de compétence prévue à l'article 17 précité du règlement (UE) n° 604/2013 ; que, pour les mêmes motifs, Mme C...n'est pas fondée à soutenir que le préfet aurait méconnu l'article 7 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne et l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en décidant sa réadmission vers l'Espagne ; que Mme C...n'est pas davantage fondée à soutenir que cette décision serait entachée d'une erreur manifeste d'appréciation sur sa situation personnelle ;

S'agissant de la décision portant assignation à résidence :

21. Considérant que Mme C...n'ayant pas démontré l'illégalité de la décision de remise aux autorités espagnoles, elle n'est pas fondée à soulever, à l'appui de ses conclusions dirigées contre la décision d'assignation à résidence, l'exception d'illégalité de cette décision ;

22. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le préfet du Rhône est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lyon a, d'une part, annulé ses décisions du 2 juin 2015 par lesquelles il a ordonné la remise de Mme C...aux autorités espagnoles et prononcé son assignation à résidence et, d'autre part, mis à la charge de l'Etat la somme de 800 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 susvisée ;

Sur les conclusions à fin d'injonction :

23. Considérant que le présent arrêt n'implique aucune mesure particulière d'exécution au sens des dispositions des articles L. 911-1 du code de justice administrative ; que les conclusions à fin d'injonction présentées par Mme C...doivent dès lors être rejetées ;

Sur les conclusions relatives aux frais non compris dans les dépens :

24. Considérant que les dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 susvisée font obstacle à ce qu'une somme quelconque soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, au titre des frais d'instance non compris dans les dépens ;

Sur la requête n° 16LY00611 :

25. Considérant que le présent arrêt statuant sur la requête en annulation présentée contre le jugement n° 1505079 du tribunal administratif de Lyon du 11 juin 2015, la requête n° 16LY00611 tendant à ce qu'il soit sursis à l'exécution dudit jugement est devenue sans objet ; qu'il n'y a plus lieu d'y statuer ;

DÉCIDE :

Article 1er : Les articles 2 et 3 du jugement n° 1505079 du 11 juin 2015 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lyon sont annulés.

Article 2 : La demande devant le tribunal administratif et les conclusions de Mme C... sont rejetées.

Article 3 : Il n'y a plus lieu à statuer sur la requête n° 16LY00611.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au préfet du Rhône, à Mme B...C...et au ministre de l'intérieur.

Délibéré après l'audience du 10 mai 2016, à laquelle siégeaient :

M. Bourrachot, président de chambre,

Mme Mear, président-assesseur,

Mme Duguit-Larcher, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 31 mai 2016.

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N° 15LY02852 - 16LY00611


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 2ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 15LY02852
Date de la décision : 31/05/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01 Étrangers. Séjour des étrangers.


Composition du Tribunal
Président : M. BOURRACHOT
Rapporteur ?: Mme Agathe DUGUIT-LARCHER
Rapporteur public ?: M. BESSE
Avocat(s) : POCHARD

Origine de la décision
Date de l'import : 21/06/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2016-05-31;15ly02852 ?
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