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31/05/2016 | FRANCE | N°14LY01706

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 2ème chambre - formation à 3, 31 mai 2016, 14LY01706


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SARL UC Bâtiment a demandé au tribunal administratif de Grenoble la décharge des cotisations supplémentaires à l'impôt sur les sociétés et des pénalités y afférentes auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2004 et 2005, ainsi que des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés pour la période du 1er janvier 2004 au 31 décembre 2005.

Par un jugement n° 1003263 du 21 mars 2014, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.

Procédure

devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés respectivement le 26 mai 2014 et le ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SARL UC Bâtiment a demandé au tribunal administratif de Grenoble la décharge des cotisations supplémentaires à l'impôt sur les sociétés et des pénalités y afférentes auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2004 et 2005, ainsi que des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés pour la période du 1er janvier 2004 au 31 décembre 2005.

Par un jugement n° 1003263 du 21 mars 2014, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés respectivement le 26 mai 2014 et le 5 novembre 2014, la SARL UC Bâtiment, représentée par Me E...et MeB..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Grenoble du 21 mars 2014 ;

2°) de la décharger de ces impositions et des pénalités y afférentes ;

3°) de prononcer le remboursement des sommes payées par la SARL UC Bâtiment au titre des redressements contestés ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

La SARL UC Bâtiment soutient que :

Sur la régularité de la procédure d'imposition :

- l'avis de la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires est irrégulier dès lors qu'il a été notifié avec la prise de position de l'administration par un seul et même courrier alors que la Cour de cassation exige deux courriers distincts ; cet avis est insuffisamment motivé, la société n'a ainsi pu bénéficier des garanties offertes au contribuable.

- l'administration n'a pas motivé le rejet de sa comptabilité.

Sur le bien-fondé des impositions en litige :

En ce qui concerne la taxe sur la valeur ajoutée :

- s'agissant du sous-traitant TuncayA..., la réalité des prestations économiques accomplies à titre onéreux par l'entreprise individuelle A...dans l'intérêt de la SARL UC Bâtiment n'est pas contestée, dès lors que le sous-traitant n'est pas lié au maître d'ouvrage par un contrat de travail ; il n'appartient pas à l'administration d'apprécier la réalité de l'opération de sous-traitance mais de démontrer que la SARL UC Bâtiment tenait M. C... A... dans des liens de subordination ou d'étroite dépendance ; dans la mesure où les factures de ce sous-traitant ont été payées et la taxe sur la valeur ajoutée acquittée, l'administration ne peut refuser la déduction de cette taxe en invoquant la requalification des prestations de sous-traitance en prestations de louage de services dès lors qu'elle n'établit pas que les factures en cause auraient revêtu un caractère fictif ou de complaisance ; l'administration n'apporte pas la preuve que la taxe qu'elle a payée et déduite ne lui a pas été reversée par le sous-traitant Tuncay A...; à défaut d'une telle démonstration, que seule l'administration peut apporter, en lui refusant la déductibilité de la taxe sur la valeur ajoutée afférente à ces factures, l'administration fiscale méconnaît le principe de neutralité de la taxe sur la valeur ajoutée ;

- s'agissant du sous-traitant Cédric, l'administration n'était pas fondée à procéder à des rappels de taxe sur la valeur ajoutée sur des sommes comptabilisées par erreur, dès lors qu'elle n'a pas déduit cette taxe ;

- s'agissant du sous-traitant Khiari, la réalité des prestations de sous-traitance ne saurait être remise en cause dès lors qu'elle a fourni les contrats la liant à ce sous-traitant ;

- s'agissant de la facture émise par la société SMC de Creys, l'administration n'a ni démontré qu'elle était à l'origine de la fausse facture, ni vérifié que la taxe sur la valeur ajoutée n'avait pas été collectée par cette société.

En ce qui concerne l'impôt sur les sociétés et la contribution sur cet impôt :

- les sommes détournées étaient déductibles pour la détermination de ses résultats imposables ; l'existence d'une carence manifeste est contredite par la délégation de pouvoir accordée à l'intéressée ; les mesures de contrôle exigées doivent être proportionnelles à la taille de l'entreprise et aux risques à prévenir ; le tribunal administratif de Grenoble a relevé que l'administration n'établissait pas que la société requérante n'avait pas mis en place les contrôles appropriés par rapport aux risques de détournements de fonds par la comptable interne ; les fonds détournés ne représentent qu'un faible pourcentage du chiffre d'affaires (2 %) ; ces détournements ont été commis à l'insu du dirigeant, lequel n'a pas concouru aux agissements frauduleux de la comptable à laquelle il avait accordé toute sa confiance ; s'agissant de l'éventuelle carence des dirigeants dans l'organisation de l'entreprise, l'éventuelle défaillance du contrôle interne de la société pour repérer les anomalies et irrégularités comptables révélatrices des détournements n'est pas suffisante pour caractériser la carence des dirigeants ; dans la mesure où aucune poursuite pénale n'a été engagée à l'encontre de M.D..., son gérant, sur d'éventuelles malversations, la position de l'administration est malvenue et constitue une violation de la présomption d'innocence ;

Sur les pénalités :

- sur le fondement de la loi et sur celui de la doctrine, les pénalités ne sont pas suffisamment motivées ;

- l'administration énonce, sans en apporter la preuve ainsi qu'elle y est tenue, que la société a volontairement cherché à éluder une fraction importante de la taxe sur la valeur ajoutée.

Par un mémoire en défense, enregistré le 14 octobre 2014 le ministre des finances et des comptes publics conclut au rejet de la requête.

Le ministre des finances et des comptes publics soutient qu'aucun des moyens soulevés par la requérante n'est fondé.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Terrade, premier conseiller,

- les conclusions de M. Besse, rapporteur public,

- et les observations de MeB..., représentant la SARL UC Bâtiment.

1. Considérant que la SARL UC Bâtiment, qui exerce une activité de maçonnerie, ravalement de façades, isolation extérieure, enduit plastique et peinture intérieure et extérieure, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant, en matière d'impôt sur les sociétés sur les exercices clos les 31 décembre 2004 et 2005 et, en matière de taxe sur la valeur ajoutée sur la période du 1er janvier 2004 au 31 janvier 2007 à l'issue de laquelle elle a été assujettie à des compléments d'impôt sur les sociétés et à des rappels de taxe sur la valeur ajoutée, notifiés selon la procédure contradictoire, assortis de majorations pour manquement délibéré ; que les impositions litigieuses résultent de la réintégration dans les résultats imposables des exercices clos en 2004 et 2005 de charges considérées comme non justifiées et du refus d'admettre en déduction la taxe sur la valeur ajoutée grevant une série de factures non justifiées ou fictives ou relative à des travaux de sous-traitance fictive ; que, par la présente requête, la SARL UC Bâtiment relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande de décharge desdites impositions ;

Sur la régularité de la procédure d'imposition :

2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 80 CA du livre des procédures fiscales : " La juridiction saisie peut, lorsqu'une erreur non substantielle a été commise dans la procédure d'imposition, prononcer, sur ce seul motif, la décharge des majorations et amendes, à l'exclusion des droits dus en principal et des intérêts de retard. / Elle prononce la décharge de l'ensemble lorsque l'erreur a eu pour effet de porter atteinte aux droits de la défense ou lorsqu'elle est de celles pour lesquelles la nullité est expressément prévue par la loi ou par les engagements internationaux conclus par la France. " ; qu'aux termes de l'article R.* 59-1 du même livre : " (...) L'administration notifie l'avis de la commission au contribuable et l'informe en même temps du chiffre qu'elle se propose de retenir comme base d'imposition. " ; que les dispositions précitées n'obligent pas l'administration à notifier, par un acte distinct de la notification de l'avis de la commission départementale, le montant des bases d'imposition qu'elle entend retenir ; qu'aux termes de l'article R. 60-3 de ce livre : " L'avis ou la décision de la commission départementale ou nationale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires doit être motivé. Il est notifié au contribuable par l'administration des impôts. " ;

3. Considérant qu'il résulte de l'article R.* 59-1 précité du livre des procédures fiscales que l'administration notifie l'avis de la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires au contribuable et l'informe en même temps du chiffre qu'elle se propose de retenir comme base d'imposition ; que, par suite, la SARL UC Bâtiment n'est pas fondée à soutenir qu'en lui notifiant dans le même pli, daté du 2 juin 2009, l'avis de la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires et les conséquences financières qu'elle comptait en tirer, l'administration aurait entaché d'irrégularité la procédure d'imposition conduite à son encontre ;

4. Considérant qu'il résulte de la lecture même de l'avis rendu par la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires le 18 mai 2009 que celui-ci explicite les motifs pour lesquels la commission a estimé que M. A...ne se trouvait pas dans un réel rapport de sous-traitance vis-à-vis de la SARL UC Bâtiment, et a relevé que cette société ne justifiait pas de l'ensemble des contrats de sous-traitance la liant à celui-ci ; que cet avis indique que s'agissant des autres contrats, la commission estime que les prestations ne sont pas justifiées, et qu'elle se déclare incompétente pour connaître du différend relatif à la déductibilité de la taxe sur la valeur ajoutée et de celui portant sur le profit réalisé sur le Trésor ; que la commission ayant pris parti de manière suffisamment motivée, quoique succinctement, sur les faits soumis à son appréciation, a suffisamment motivé son avis ; qu'en tout état de cause, la motivation insuffisante de l'avis de cette commission lorsqu'elle est saisie n'a pas le caractère d'une erreur entachant la régularité de la procédure d'imposition ; que, par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 80 CA du livre des procédures fiscales et des droits de la défense doit être écarté ;

5. Considérant qu'aux termes de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales : " L'administration adresse au contribuable une proposition de rectification qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation. (...) Lorsque l'administration rejette les observations du contribuable sa réponse doit également être motivée. " ;

6. Considérant qu'il ressort de l'examen de la proposition de rectification du 17 décembre 2007 adressée à la SARL UC Bâtiment que l'administration fiscale s'est bornée à relever que le caractère non probant de la comptabilité était avéré compte tenu des anomalies constatées au cours du contrôle et retracées dans la proposition de rectification ; que si elle indique qu'" en conséquence la comptabilité est rejetée ", cette mention est sans incidence sur la régularité de la procédure et sur la dévolution de charge de la preuve dès lors que l'administration fiscale n'en a, dans les faits, tiré aucune conséquence et n'a pas procédé à une reconstitution de recettes mais a seulement écarté comme non probants certains des justificatifs présentés, notamment la facture de la société SMC de Creys du 30 avril 2004 qu'elle a regardée comme fictive ; que la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires n'avait donc pas à se prononcer sur ce " rejet de la comptabilité " ; que, dans ces conditions, sans qu'y fasse obstacle la circonstance qu'aucun redressement n'a été opéré pour la période du 1er janvier 2006 au 31 janvier 2007, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de la proposition de rectification au sens de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales doit être écarté ;

Sur le bien-fondé des impositions en litige :

En ce qui concerne l'impôt sur les sociétés :

7. Considérant qu'aux termes du 1 de l'article 39 du code général des impôts rendu applicable en matière d'impôt sur les sociétés par l'article 209 du même code : " Le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges, celles-ci comprenant (...) notamment : 1° Les frais généraux de toute nature (...) " ; qu'en vertu des règles gouvernant l'attribution de la charge de la preuve devant le juge administratif, applicables sauf loi contraire, s'il incombe, en principe, à chaque partie d'établir les faits nécessaires au succès de sa prétention, les éléments de preuve qu'une partie est seule en mesure de détenir ne sauraient être réclamés qu'à celle-ci ; qu'il appartient, dès lors, au contribuable, pour l'application des dispositions précitées du code général des impôts, de justifier tant du montant des créances de tiers, amortissements, provisions et charges qu'il entend déduire du bénéfice net défini à l'article 38 du code général des impôts que de la correction de leur inscription en comptabilité, c'est-à-dire du principe même de leur déductibilité ; qu'en ce qui concerne les charges, le contribuable apporte cette justification par la production de tous éléments suffisamment précis portant sur la nature de la charge en cause, ainsi que sur l'existence et la valeur de la contrepartie qu'il en a retirée ; que dans l'hypothèse où le contribuable s'acquitte de cette obligation, il incombe ensuite à l'administration, si elle s'y croit fondée, d'apporter la preuve de ce que la charge en cause n'est pas déductible par nature, qu'elle est dépourvue de contrepartie, qu'elle a une contrepartie dépourvue d'intérêt pour le contribuable ou que la rémunération de cette contrepartie est excessive ;

8. Considérant qu'il résulte de l'instruction que l'administration a réintégré partiellement dans les bénéfices imposables de la SARL UC Bâtiment des charges non justifiées pour lesquelles cette société n'a pas été en mesure de produire une facture ou dont le montant excédait celui facturé ou était en réalité payé au profit de salariés de l'entreprise, déclarés ou non déclarés, voire de personnes étrangères à la société ; que la SARL UC Bâtiment soutient qu'à hauteur d'un montant de 20 698,57 euros, les sommes déduites correspondent à des détournements de fonds opérés par la comptable de l'entreprise au moyen de fausses factures ; que, toutefois, ainsi que le fait valoir l'administration, la SARL UC Bâtiment ne produit aucune pièce de procédure pénale, ni décision de justice établissant l'existence des détournements de fonds allégués ; que, dans ces conditions, la SARL UC Bâtiment n'apporte pas la preuve de l'existence des détournements de fonds qu'elle soutient avoir été commis à l'insu de son gérant et unique associé ; qu'elle n'est, dès lors, pas fondée à soutenir que cette somme aurait dû être admise en déduction pour la détermination de ses résultats imposables ; que le moyen tiré de la violation de la présomption d'innocence du gérant de la SARL doit, en tout état de cause, être écarté comme manquant en fait ;

En ce qui concerne la taxe sur la valeur ajoutée :

9. Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article 256 A du code général des impôts : " Sont assujetties à la taxe sur la valeur ajoutée les personnes qui effectuent de manière indépendante une des activités économiques mentionnées au cinquième alinéa, quels que soient le statut juridique de ces personnes, leur situation au regard des autres impôts et la forme ou la nature de leur intervention. / Ne sont pas considérés comme agissant de manière indépendante : / - les salariés et les autres personnes qui sont liés par un contrat de travail ou par tout autre rapport juridique créant des liens de subordination en ce qui concerne les conditions de travail, les modalités de rémunération et la responsabilité de l'employeur ; (...) " ; qu'aux termes de l'article 271 du même code : " I. 1. La taxe sur la valeur ajoutée qui a grevé les éléments du prix d'une opération imposable est déductible de la taxe sur la valeur ajoutée applicable à cette opération. (...) II. 1. Dans la mesure où les biens et les services sont utilisés pour les besoins de leurs opérations imposables, et à la condition que ces opérations ouvrent droit à déduction, la taxe dont les redevables peuvent opérer la déduction est, selon le cas : a) Celle qui figure sur les factures établies conformément aux dispositions de l'article 289 et si la taxe pouvait légalement figurer sur lesdites factures ; (...) 2. La déduction ne peut pas être opérée si les redevables ne sont pas en possession soit desdites factures, (...) " ; qu'aux termes de l'article 271 du code général des impôts, les entreprises ne peuvent opérer la déduction de la taxe qui figure sur les factures qui leur sont délivrées par leurs fournisseurs que dans la mesure où ces derniers étaient légalement autorisés à la faire figurer sur lesdites factures ;

10. Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article 283 du code général des impôts : " (...) 4. Lorsque la facture ne correspond pas à la livraison d'une marchandise ou à l'exécution d'une prestation de services, ou fait état d'un prix qui ne doit pas être acquitté effectivement par l'acheteur, la taxe est due par la personne qui l'a facturée. (...) " ; qu'aux termes de l'article 272 du même code : " (...) 2. La taxe sur la valeur ajoutée facturée dans les conditions définies au 4 de l'article 283 ne peut faire l'objet d'aucune déduction par celui qui a reçu la facture. (...) " ; que les dispositions précitées de l'article 271 II 1 a du même code excluent la déduction de la taxe sur la valeur ajoutée qui serait portée sur des factures afférentes à des opérations fictives dès lors que la taxe ne peut légalement figurer sur ces factures ;

11. Considérant qu'il résulte de l'instruction que l'administration a remis en cause le droit de la SARL UC Bâtiment de déduire la taxe sur la valeur ajoutée figurant sur les factures de sous-traitance émises par l'entreprise individuelle M. C...A..., qui exerce la même activité que la société requérante, au motif qu'en raison des liens d'étroite dépendance et de subordination de celui-ci vis-à-vis de la SARL UC Bâtiment, M. A...ne pouvait être regardé comme ayant agi de manière indépendante au sens des dispositions précitées de l'article 256 A du code général des impôts ; qu'en outre, il n'est pas contesté que deux factures n'ont pu être présentées ; que la société requérante fait valoir que l'administration n'a pas remis en cause la réalité des prestations fournies à titre onéreux dans son intérêt par l'entreprise individuelle Tuncay A...et que dans la mesure où ces factures ont été payées et la taxe sur la valeur ajoutée les grevant acquittée par elle, l'administration ne peut lui refuser la déduction de ladite taxe, faute d'établir le caractère fictif ou de complaisance des factures litigieuses ; que, toutefois, l'administration soutient sans être contestée, qu'il ressort des procès-verbaux d'audition obtenus dans le cadre de son droit de communication exercé auprès du Procureur de la République du tribunal de grande instance de Chambéry, ainsi que des observations de la société dans le cadre du débat oral et contradictoire, que pour les prestations effectuées pour son compte par M. A..., à l'exception de deux chantiers, " les jardins du lac " et " les prés fleuris ", la société requérante n'a produit aucun contrat de sous-traitance, ni aucun devis ; qu'elle fait, en outre, valoir que lors du contrôle, il s'est avéré que M. A...qui a été salarié de la SARL UC Bâtiment en 2002 puis à nouveau du 8 février 2005 au 30 juin 2005, n'avait pas souscrit de contrat d'assurance nécessaire à une activité de travailleur indépendant sur la période au titre de laquelle il était réputé être intervenu en qualité de sous-traitant, que ses factures étaient établies par la comptable de la SARL UC Bâtiment, qu'il n'a fourni que sa main d'oeuvre à l'exclusion des matériaux et outillages mis à sa disposition par la SARL UC Bâtiment et qu'il ne disposait pas des moyens de production nécessaires à la réalisation des chantiers auxquels il a participé, que sur les chantiers, il a été placé sous les ordres d'un représentant de la SARL UC Bâtiment, et qu'il n'a supporté aucun risque économique dans le cadre des opérations réalisées pour le compte de la société requérante à l'égard de tiers non avisés de la sous-traitance, se trouvant ainsi dans les mêmes liens de subordination et de dépendance dans l'organisation de son travail que les salariés de la SARL UC Bâtiment ; que l'administration apporte ainsi la preuve de l'absence de sous-traitance ; que, dans ces conditions, la SARL UC Bâtiment n'est pas fondée à soutenir que l'entreprise individuelle Tuncay A...était légalement assujettie à la taxe sur la valeur ajoutée ; que, par suite, la taxe sur la valeur ajoutée grevant les factures fictives de sous-traitance ne peut être déduite par la SARL UC Bâtiment ;

12. Considérant que si la société requérante fait valoir que l'administration n'apporte pas la preuve que la taxe sur la valeur ajoutée acquittée sur ces factures n'aurait pas été reversée au Trésor, cette circonstance est sans incidence sur le bien-fondé de l'imposition et de son droit à déduction de la taxe sur la valeur ajoutée litigieuse dès lors qu'il résulte de l'article 271 précité du code général des impôts que la taxe sur la valeur ajoutée irrégulièrement facturée est due par celui qui l'a facturée mais n'est pas pour autant déductible par le destinataire des factures ; que si l'appelante soutient qu'en interdisant au destinataire d'une facture fictive de déduire la taxe y figurant tout en prévoyant que cette taxe est due par l'émetteur le principe de neutralité de la taxe sur la valeur ajoutée est méconnu, il résulte des objectifs de la directive du 17 mai 1977 susvisée, tels qu'interprétés par la Cour de justice de l'Union européenne, que le droit à déduction ne s'étend pas à un montant de taxe sur la valeur ajoutée facturé à tort ; que, d'autre part, il résulte expressément de l'article 21 de cette directive que la taxe est due par toute personne qui la mentionne sur une facture ou tout document en tenant lieu ; que le principe de neutralité de la taxe sur la valeur ajoutée implique seulement, dans ce cas, qu'une possibilité de régularisation ne dépendant pas du pouvoir discrétionnaire de l'administration fiscale soit laissée à l'émetteur de la facture ; que, par suite, le moyen tiré de la méconnaissance du principe de neutralité de la taxe sur la valeur ajoutée ne peut qu'être écarté ;

13. Considérant que s'agissant du sous-traitant Cédric, l'appelante se borne à soutenir que l'administration ne pouvait procéder à des rappels de taxe sur la valeur ajoutée sur des sommes qu'elle avait comptabilisées par erreur dès lors qu'elle n'a pas déduit la taxe correspondante ; que, toutefois, elle ne produit aucun élément, ni facture, ni avoir, à l'appui de ses écritures comptables de nature à établir qu'elle n'aurait pas déduit cette taxe, contrairement à l'écriture comptable enregistrée, ou qu'elle l'aurait ultérieurement extournée ;

14. Considérant qu'en vertu des dispositions combinées des articles 271, 272 et 283 du code général des impôts et de l'article 230 de l'annexe II à ce code, alors en vigueur, un contribuable n'est pas en droit de déduire de la taxe sur la valeur ajoutée dont il est redevable à raison de ses propres opérations la taxe mentionnée sur une facture établie à son nom par une personne qui ne lui a fourni aucun bien ou aucune prestation de services ; que dans le cas où l'auteur de la facture était régulièrement inscrit au registre du commerce et des sociétés et assujetti à la taxe sur la valeur ajoutée, il appartient à l'administration, si elle entend refuser à celui qui a reçu la facture le droit de déduire la taxe qui y était mentionnée, d'établir qu'il s'agissait d'une facture fictive ou d'une facture de complaisance ; que si l'administration apporte des éléments suffisants permettant de penser que la facture ne correspond pas à une opération réelle, il appartient alors au contribuable d'apporter toutes justifications utiles sur la réalité de cette opération ;

15. Considérant que l'administration a remis en cause la déduction de la taxe sur la valeur ajoutée correspondant à des travaux du sous-traitant Khiari comptabilisés par la SARL UC Bâtiment et pour lesquels aucune facture n'a été produite ; que si la société requérante conteste ce rehaussement au motif que la réalité des prestations de sous-traitance est apportée par la production des contrats de sous-traitance la liant à l'entreprise Khiari sur la période litigieuse, cette circonstance est sans incidence sur le bien-fondé de l'imposition dès lors que s'étant abstenue de présenter une facture mentionnant la taxe sur la valeur ajoutée qui aurait grevé les travaux de sous-traitance réalisés par cette entreprise, la société requérante n'est pas en droit pour ce motif et en vertu des dispositions précitées du 1 a et du 2 de l'article 271 du code général des impôts, de déduire la taxe sur la valeur ajoutée correspondante ;

16. Considérant qu'en l'espèce, sur le fondement des articles 271, 272 et 283 précités du code général des impôts, l'administration a remis en cause la déduction de la taxe sur la valeur ajoutée grevant une facture à l'en-tête de la SMC de Creys du 30 avril 2004 au motif qu'il s'agissait d'une facture fictive selon les procès verbaux consultés dans l'exercice de son droit de communication auprès du procureur de la République du tribunal de grande instance de Chambéry ; que la société requérante soutient que l'administration n'a pas démontré qu'elle serait à l'origine de cette facture fictive, et qu'en omettant de vérifier auprès de la société SMC de Creys le versement effectif de la taxe facturée le principe de neutralité de la taxe sur la valeur ajoutée a été méconnu ; que, toutefois, en se prévalant des procès verbaux d'audition retranscrits dans la proposition de rectification et corroborés par les observations formulées par le gérant de la SARL UC Bâtiment dans le cadre de la vérification de comptabilité, l'administration apporte la preuve du caractère fictif de la facture litigieuse établie à la demande de son gérant à partir de factures vierges à l'en-tête de la société SMC de Creys fournies par son conducteur de travaux, frère du dirigeant de la société SMC de Creys ; que, dès lors, sur le fondement des dispositions précitées, l'administration a pu à bon droit remettre en cause la déduction de la taxe figurant sur cette facture dont le versement n'est, au demeurant, pas établi, et qui ne pouvait légalement y figurer eu égard au caractère fictif des prestations dont l'absence de fourniture par la société SMC de Creys n'est même pas contestée ;

Sur les pénalités :

17. Considérant qu'aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'Etat entraînent l'application d'une majoration de : / a. 40 % en cas de manquement délibéré(...) " ; que cette amende est au nombre des sanctions qui doivent être motivées en application de l'article 1er de la loi du 11 juillet 1979, l'administration étant tenue à cette obligation par l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement à l'égard de la société qu'elle envisage de soumettre à la pénalité ; qu'aux termes de l'article L. 195 A du livre des procédures fiscales : " En cas de contestation des pénalités fiscales appliquées à un contribuable au titre des impôts directs, de la taxe de publicité foncière et du droit de timbre, la preuve de la mauvaise foi et des manoeuvres frauduleuses incombe à l'administration. " ;

18. Considérant qu'il résulte de l'examen de la proposition de rectification adressée à la SARL UC Bâtiment que les pénalités appliquées pour manquement délibéré tant en matière d'impôt sur les sociétés qu'en matière de taxe sur la valeur ajoutée sont motivées par la mention de l'article 1729 du code général des impôts et la nature des rectifications à savoir des déductions de charges et de taxe sur la valeur ajoutée injustifiées comme l'a révélé le contrôle dont la proposition de rectification retrace le détail en renvoyant aux paragraphes dédiés, par l'importance de ces déductions pour chacune des deux années par rapport au montant total de charges et de taxe sur la valeur ajoutée déductible, par leur caractère répétitif sur la période contrôlée et par la circonstance que la SARL UC Bâtiment ne pouvait ignorer ces infractions eu égard à leur importance ; que l'administration a motivé les pénalités chef de redressement par chef de redressement en établissant le caractère délibéré des insuffisances constatées en matière d'impôt sur les sociétés comme en matière de taxe sur la valeur ajoutée ; qu'elle a ainsi suffisamment motivé, au sens de l'article 1er de la loi du 11 juillet 1979, les pénalités de 40 % appliquées ; que, par suite, la société requérante n'est pas fondée à contester ni la motivation, ni le bien-fondé de la majoration pour manquement délibéré prévue par les dispositions précitées de l'article 1729 du code général des impôts ;

19. Considérant que l'appelante ne peut utilement invoquer sur le fondement des dispositions de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales la doctrine administrative BOI-CF-INF-30-20 n° 10 du 7 octobre 2015 relative à la motivation des pénalités dès lors que la doctrine invoquée n'a pas été susceptible d'influencer son comportement au regard de ses obligations fiscales ;

20. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la SARL UC Bâtiment n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande ;

Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

21. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat qui n'a pas, dans la présente instance, la qualité de partie perdante, verse à la SARL UC Bâtiment la somme qu'il réclame au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la SARL UC Bâtiment est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié SARL UC Bâtiment et au ministre des finances et des comptes publics.

Délibéré après l'audience du 10 mai 2016 à laquelle siégeaient :

M. Bourrachot, président de chambre,

Mme Mear, président-assesseur,

Mme Terrade, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 31 mai 2016.

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N° 14LY01706

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