Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
L'association Socara a demandé au tribunal administratif de Dijon de lui accorder, d'une part, la décharge des cotisations d'impôt sur les sociétés et des pénalités correspondantes auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2009 et 2010, d'autre part, la décharge des droits de taxe sur la valeur ajoutée et des pénalités correspondantes dont elle a été déclarée redevable au titre de la même période, et enfin la décharge de l'amende qui lui a été infligée sur le fondement de l'article 1759 du code général des impôts.
Par un jugement nos 1300310 et 1300348 du 13 mars 2014, le tribunal administratif de Dijon a rejeté ses demandes.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 28 mai 2014, l'association Socara, représentée par la SELARL Fidact, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Dijon en date du 13 mars 2014 ;
2°) de lui accorder la décharge des impositions et pénalités contestées.
Elle soutient que :
- la procédure prévue par l'article L. 16 du livre des procédures fiscales n'a pas été respectée ;
- deux agents de la brigade de contrôle et de recherche de Mâcon ont participé à la perquisition de son entrepôt, dans le cadre d'une procédure fiscale indépendante de la procédure diligentée par les services des douanes, sans avoir respecté la procédure visée à l'article L. 16 B du livre des procédures fiscales, ce qui l'a privée de tout débat contradictoire ;
- l'administration ne peut opposer au contribuable les informations recueillies au cours d'une visite domiciliaire qu'après restitution des pièces et documents saisis ou de leur reproduction et mise en oeuvre d'un examen contradictoire de situation fiscale personnelle ou d'une vérification de comptabilité ;
- le défaut de restitution des documents saisis au cours de la perquisition est de nature à vicier la procédure d'imposition, le non respect du délai de restitution rendant les informations recueillies inopposables au contribuable ;
- les documents saisis n'ont toujours pas été restitués malgré les demandes effectuées ;
- les droits de la défense n'ont pas été respectés ;
- elle est dans l'impossibilité de justifier de l'origine des crédits constatés sur ses comptes bancaires et de justifier de ses charges dès lors qu'elle est privée de ses documents comptables :
- le versement d'une cotisation unique pour l'association Asdesass et l'association Socara n'est pas de nature à lui retirer son caractère non lucratif, qui ne peut résulter de ses seuls liens avec l'association Asdesass ;
- si elle a effectivement une activité d'achat revente de boissons, elle ne concurrence pas une entreprise et n'exerce pas son activité dans des conditions comparables à celles des entreprises commerciales, dès lors qu'elle ne s'adresse qu'à ses adhérents et ne pratique aucune marge.
Par un mémoire en défense, enregistré le 15 septembre 2014, le ministre des finances et des comptes publics conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que :
- les moyens relatifs aux garanties liées à l'application de l'article L. 16 B du livre des procédures fiscales sont inopérants dès lors que la perquisition du 21 octobre 2010 a été initiée par le service des douanes, sur le fondement de l'article 76 du code de procédure pénale, la présence d'agents de l'administration fiscale ayant été requise comme l'y autorise l'article 77-1 du même code ;
- l'administration n'est pas tenue de soumettre à un débat oral et contradictoire l'examen des documents comptables saisis dont elle a eu communication avant le début de la vérification de comptabilité ;
- les documents saisis ont été transmis par l'autorité judiciaire au service vérificateur avant le début de la vérification et le président de l'association a été informé de cette transmission lors de la vérification ;
- les documents saisis ont simplement permis de révéler l'absence de comptabilité et n'ont pas servi à reconstituer les résultats qui ont été déterminés à partir des relevés bancaires, obtenus par l'exercice du droit de communication auprès des établissements bancaires, qui ont été joints en annexe à la proposition de rectification conformément aux dispositions de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales ;
- le président de l'association a été informé par le vérificateur de cette transmission et a pu en débattre avec le vérificateur y compris lors de la réunion de synthèse où les conclusions du contrôle lui ont été présentées ;
- les documents saisis, qui ne comprenaient aucune facture de vente, ne pouvaient être utiles à la requérante pour justifier de ses produits et de ses charges, leur absence de restitution n'ayant pas porté atteinte aux droits de la défense ;
- la charge de la preuve incombe à la requérante en vertu des dispositions des articles L. 193 et R. 193-1 du livre des procédures fiscales ;
- l'association a en réalité une activité commerciale d'achat-revente de boissons et divers matériels ne s'adressant pas à un public précis nécessitant l'octroi d'avantages particuliers et concurrence directement les entreprises du secteur commercial ;
- sa gestion est intéressée ;
- son caractère lucratif est établi.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code de procédure pénale ;
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Pourny,
- et les conclusions de Mme Chevalier-Aubert, rapporteur public.
1. Considérant que l'association Socara, dont l'objet social est notamment de négocier, acheter et centraliser les produits de consommation les plus achetés par les associations européennes pour les rétrocéder à celles-ci ainsi qu'à leurs membres, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur la période du 1er janvier 2009 au 31 décembre 2010, en matière d'impôt sur les sociétés et de taxe sur la valeur ajoutée, à l'issue de laquelle le vérificateur, ayant constaté l'existence d'une activité de vente de boissons et produits divers, a estimé qu'elle devait être soumise à l'impôt sur les sociétés et à la taxe sur la valeur ajoutée à raison de ces activités ; qu'en l'absence de toute comptabilité, il a procédé à la reconstitution extra comptable de ses recettes et résultats ; que l'association Socara s'est vu réclamer des droits de taxe sur la valeur ajoutée et une cotisation d'impôt sur les sociétés au titre de l'année 2010 ; que ces impositions ont été établies selon la procédure de taxation d'office prévue à l'article L. 66 du livre des procédures fiscales et assorties des intérêts de retard et de la majoration de 40 % prévue à l'article 1728 du code général des impôts ; que l'association Socara s'est également vu infliger l'amende prévue à l'article 1759 du code général des impôts ; qu'elle a demandé la décharge de ces droits et pénalités et de cette amende au tribunal administratif de Dijon, qui a rejeté ses demandes par le jugement du 13 mars 2014 dont elle interjette appel ;
Sur la régularité de la procédure d'imposition :
2. Considérant qu'il résulte de l'instruction que, dans le cadre d'une enquête préliminaire ouverte par un soit-transmis délivré par le vice-procureur du tribunal de grande instance de Mâcon pour des faits d'infraction à la réglementation des contributions indirectes et de tromperie et usurpations d'appellation d'origine signalés par le service des douanes sur le fondement de l'article 40 du code de procédure pénale, les services de la gendarmerie et des douanes ont conjointement procédé à des perquisitions dans un entrepôt appartenant à l'association Socara et à trois autres associations ainsi qu'au domicile de leurs dirigeants, M. et MmeA..., le 21 octobre 2010 ; que ces perquisitions ont donné lieu à la saisie de documents juridiques et comptables appartenant à l'association requérante ; qu'elle a reçu le 25 mai 2011 un avis de vérification daté du 23 mai 2011 l'informant qu'elle ferait l'objet d'une vérification de comptabilité ; que, le 6 juin 2011, l'administration fiscale a demandé au procureur de la République, en application de l'article L. 82 C du livre des procédures fiscales, d'avoir accès aux documents saisis par l'autorité judicaire ; qu'elle a été autorisée à les consulter, le 9 juin 2011, avant la première intervention sur place du 15 juin 2011 ; qu'en l'absence de comptabilité permettant de retracer les opérations de l'association Socara, le vérificateur a procédé à la reconstitution de ses chiffres d'affaires et de ses résultats à partir de ses relevés bancaires, en retenant pour la détermination de ses charges les débits bancaires identifiables comme correspondant à des charges au regard de leur libellé ;
3. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L. 47 du livre des procédures fiscales : " (...) une vérification de comptabilité ne peut être engagée sans que le contribuable en ait été informé par l'envoi ou la remise d'un avis de vérification. Cet avis doit préciser les années soumises à vérification et mentionner expressément, sous peine de nullité de la procédure, que le contribuable a la faculté de se faire assister par un conseil de son choix " ; que si l'association requérante soutient que n'ayant pu discuter les documents comptables obtenus par l'administration dans l'exercice de son droit de communication auprès de l'autorité judiciaire, elle a été privée, au cours de la vérification de comptabilité, d'un débat oral et contradictoire sur les pièces ayant fondé les impositions en litige, en méconnaissance des dispositions de l'article L. 47 du livre des procédures fiscales, il résulte de ce qui a été dit ci-dessus que l'administration fiscale a exercé son droit de communication auprès de l'autorité judiciaire le 9 juin 2011 et a ainsi consulté les pièces et documents, saisis le 21 octobre 2010 dans le cadre d'une enquête judiciaire, avant le début de la vérification de comptabilité le 15 juin 2011, date de la première intervention sur place ; que, par suite, la requérante ne peut pas utilement se prévaloir des dispositions de l'article L. 47 du livre des procédures fiscales en ce qui concerne ces pièces ;
4. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales : " L'administration est tenue d'informer le contribuable de la teneur et de l'origine des renseignements et documents obtenus de tiers sur lesquels elle s'est fondée pour établir l'imposition faisant l'objet de la proposition prévue au premier alinéa de l'article L. 57 ou de la notification prévue à l'article L. 76. Elle communique, avant la mise en recouvrement, une copie des documents susmentionnés au contribuable qui en fait la demande " ; que l'obligation faite par ces dispositions à l'administration de tenir à la disposition du contribuable qui les demande ou de lui communiquer, avant la mise en recouvrement des impositions, les documents ou copies de documents qui contiennent les renseignements qu'elle a utilisés pour procéder aux redressements ne peut porter que sur les documents effectivement détenus par les services fiscaux ; que dans l'hypothèse où les documents que le contribuable demande à examiner sont détenus non par l'administration fiscale, qui les a seulement consultés dans l'exercice de son droit de communication, mais par l'autorité judiciaire, il appartient à l'administration fiscale d'en informer l'intéressé afin de le mettre en mesure, s'il s'y croit fondé, d'en demander communication à cette autorité et, en tout état de cause, de porter à sa connaissance l'ensemble des renseignements fondant l'imposition que cette autorité lui avait permis de recueillir ; qu'en l'espèce, la proposition de rectification du 9 février 2012 informe la requérante de la teneur et de l'origine des documents obtenus pour établir les impositions, pénalités et amende en litige, qui ont été mises en recouvrement le 29 juin 2012 ; que la requérante, qui indique seulement avoir réclamé à l'administration fiscale l'ordonnance d'autorisation de visite, le procès-verbal des opérations de perquisition et l'inventaire des documents et matériels saisis lors de la perquisition du 21 octobre 2010, n'établit pas avoir demandé à l'administration fiscale, avant la mise en recouvrement des impositions en litige, la communication des documents que l'administration a pu consulter auprès de l'autorité judiciaire ; que le moyen tiré de l'absence de restitution des documents saisis ne peut par suite être retenu ;
5. Considérant, en troisième lieu, qu'il résulte de ce qui a été dit ci-dessus que les impositions en litige ont été établies par l'administration fiscale à l'issue d'une vérification de comptabilité et mise en oeuvre du droit de communication auprès de l'autorité judiciaire ; que, si l'association requérante fait valoir que deux agents de la brigade de contrôle et de recherches de l'administration fiscale de Saône-et-Loire ont participé à la perquisition effectuée dans ses locaux et relève que " l'indépendance des procédures doit être respectée strictement ", il résulte de l'instruction que ces agents sont intervenus sur réquisition de l'autorité judiciaire, ainsi que le permet l'article 77-1 du code de procédure pénale, et non pas dans le cadre d'une procédure de visite et de saisie de l'article L. 16 B du livre des procédures fiscales à laquelle l'administration n'était pas obligée de recourir ; qu'il en résulte que les moyens tirés de la méconnaissance des prescriptions de l'article L. 16 B du livre des procédures fiscales sont inopérants dans le présent litige ; que, de même, sont inopérants les moyens tirés de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 16 du même livre qui se rapportent à l'impôt sur le revenu ;
Sur le bien-fondé des impositions :
6. Considérant qu'aux termes de l'article 206 du code général des impôts : " 1. (...) sont passibles de l'impôt sur les sociétés (...) toutes autres personnes morales se livrant à une exploitation ou à des opérations de caractère lucratif. (...) " ; qu'aux termes de l'article 207 du même code : " 1. Sont exonérés de l'impôt sur les sociétés : (...) 5° bis. Les organismes sans but lucratif mentionnés à l'article 261-7-1°, pour les opérations à raison desquelles ils sont exonérés de la taxe sur la valeur ajoutée " ; qu'aux termes de l'article 261 de ce code : " Sont exonérés de la taxe sur la valeur ajoutée : 7. (Organismes d'utilité générale) :/ 1° a. Les services de caractère social, éducatif, culturel ou sportif rendus à leurs membres par les organismes légalement constitués agissant sans but lucratif, et dont la gestion est désintéressée. " ;
7. Considérant que pour l'application de ces dispositions, les associations ne sont exonérées de l'impôt sur les sociétés et de taxe sur la valeur ajoutée que si, d'une part, leur gestion présente un caractère désintéressé, et, d'autre part, les services qu'elles rendent ne sont pas offerts en concurrence dans la même zone géographique d'attraction avec ceux proposés au même public par des entreprises commerciales exerçant une activité identique ; que, toutefois, même dans le cas où l'association intervient dans un domaine d'activité et dans un secteur géographique où existent des entreprises commerciales, elle reste exclue du champ de l'impôt sur les sociétés et continue de bénéficier de l'exonération de taxe sur la valeur ajoutée si elle exerce son activité dans des conditions différentes de celles des entreprises commerciales, soit en répondant à certains besoins insuffisamment satisfaits par le marché, soit en s'adressant à un public qui ne peut normalement accéder aux services offerts par les entreprises commerciales, notamment en pratiquant des prix inférieurs à ceux du secteur concurrentiel et à tout le moins des tarifs modulés en fonction de la situation des bénéficiaires, sous réserve de ne pas recourir à des méthodes commerciales excédant les besoins de l'information du public sur les services qu'elle offre ;
8. Considérant que si l'association Socara soutient qu'elle n'exerce son activité qu'au profit de ses adhérents et dans des conditions qui ne sont pas comparables à celles proposées par les entreprises commerciales, il ne résulte pas de l'instruction qu'elle pratiquait des prix inférieurs à ceux du secteur concurrentiel ou qu'elle modulait ses tarifs en fonction de la situation des bénéficiaires de ses prestations ; qu'il s'ensuit que le caractère lucratif de l'activité de l'association Socara est suffisamment établi ;
9. Considérant que pour déterminer le chiffre d'affaires de la requérante au cours de la période d'imposition en litige, le vérificateur a retenu le montant des crédits constatés sur ses comptes bancaires, les charges ayant été évaluées en retenant certains débits bancaires pouvant être regardés comme des charges au regard de leur libellé ou du bénéficiaire du chèque émis ; que les impositions en litige ayant été établies selon la procédure de taxation d'office prévue à l'article L. 66 du livre des procédures fiscales, il appartient à l'association Socara d'établir l'exagération de ces impositions ; que si elle soutient ne pas être en mesure de rapporter cette preuve dès lors qu'aucun des documents saisis ne lui a été rendu, elle n'allègue pas que l'autorité judiciaire lui aurait refusé l'accès aux pièces consultées par l'administration et ne fait état d'aucune pièce détenue par l'autorité judiciaire dont la production serait utile au dossier ; qu'en se bornant à soutenir que les cotisations devaient être exclues des produits, sans préciser le montant des cotisations perçues ni démontrer leur absence de lien avec les prestations commerciales fournies, et que certains crédits ne sont que des remboursements de frais, sans justifier du montant de ces remboursements, la requérante ne conteste pas utilement les bases d'impositions retenues par l'administration ;
10. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que l'association Socara n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Dijon a rejeté ses demandes ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de l'association Socara est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à l'association Socara et au ministre des finances et des comptes publics.
Délibéré après l'audience du 4 mai 2016 à laquelle siégeaient :
M. Pruvost, président de chambre,
M. Pourny, président-assesseur,
M. Meillier, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 26 mai 2016.
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N° 14LY01699