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19/05/2016 | FRANCE | N°15LY03200

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 4ème chambre - formation à 3, 19 mai 2016, 15LY03200


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C...B...et Mme D...B...ont demandé au tribunal administratif de Dijon, par deux recours distincts, chacun en ce qui le concerne, d'annuler les arrêtés en date du 8 avril 2015 par lesquels le préfet de l'Yonne a refusé de leur délivrer un titre de séjour, leur a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de 30 jours et a désigné le pays de destination.

Par un jugement nos 1501226 et 1501227 du 7 juillet 2015, le tribunal administratif de Dijon a rejeté leurs demandes.
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I) Par une requête enregistrée le 5 octobre 2015 sous l...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C...B...et Mme D...B...ont demandé au tribunal administratif de Dijon, par deux recours distincts, chacun en ce qui le concerne, d'annuler les arrêtés en date du 8 avril 2015 par lesquels le préfet de l'Yonne a refusé de leur délivrer un titre de séjour, leur a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de 30 jours et a désigné le pays de destination.

Par un jugement nos 1501226 et 1501227 du 7 juillet 2015, le tribunal administratif de Dijon a rejeté leurs demandes.

Procédure devant la cour :

I) Par une requête enregistrée le 5 octobre 2015 sous le n° 15LY03200, M. C...B..., représenté par MeA..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Dijon du 7 juillet 2015 ;

2°) d'annuler l'arrêté du préfet de l'Yonne du 8 avril 2015 ;

3°) d'enjoindre au préfet de l'Yonne de lui délivrer un titre de séjour et, sous quarante-huit heures, un récépissé l'autorisant à travailler ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 300 euros au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique, à verser à son avocat, ou, subsidiairement, sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le refus de titre de séjour est entaché d'erreur de droit, le préfet n'étant pas lié par l'avis de la DIRECCTE, le simple fait que le métier ne soit pas en tension n'impliquait pas que le titre sollicité soit refusé, le refus est uniquement motivé par cet avis défavorable ;

- le refus de titre de séjour méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- l'obligation de quitter le territoire et la décision fixant le délai de départ volontaire doivent être annulées par voie de conséquence de l'annulation du refus de titre de séjour ;

- subsidiairement, la mesure d'éloignement méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- la décision fixant le pays de destination doit être annulée par voie de conséquence de l'annulation du refus de titre de séjour et de l'obligation de quitter le territoire français ;

- subsidiairement, la décision fixant le pays de renvoi méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Par un mémoire enregistré le 15 février 2015, le préfet de l'Yonne, représenté par Me E..., conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- la requête est irrecevable car elle n'est pas accompagnée de la lettre de notification du jugement contesté ;

- les moyens invoqués ne sont pas fondés.

II) Par une requête enregistrée le 5 octobre 2015 sous le n° 15LY03201, Mme D...F...épouseB..., représentée par MeA..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Dijon du 7 juillet 2015 ;

2°) d'annuler l'arrêté du préfet de l'Yonne du 8 avril 2015 ;

3°) d'enjoindre au préfet de l'Yonne de lui délivrer un titre de séjour et, sous quarante-huit heures, un récépissé l'autorisant à travailler ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 300 euros au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique, à verser à son avocat, ou, subsidiairement, sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le refus de titre de séjour est entaché d'erreur de droit, le préfet n'étant pas lié par l'avis de la DIRECCTE, le simple fait que le métier ne soit pas en tension n'impliquait pas que le titre sollicité soit refusé, le refus est uniquement motivé par cet avis défavorable ;

- le refus de titre de séjour méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- l'obligation de quitter le territoire et la décision fixant le délai de départ volontaire doivent être annulées par voie de conséquence de l'annulation du refus de titre de séjour ;

- subsidiairement, la mesure d'éloignement méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- la décision fixant le pays de destination doit être annulée par voie de conséquence de l'annulation du refus de titre de séjour et de l'obligation de quitter le territoire français ;

- subsidiairement, la décision fixant le pays de renvoi méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Par un mémoire enregistré le 15 février 2015, le préfet de l'Yonne, représenté par Me E..., conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- la requête est irrecevable car elle n'est pas accompagnée de la lettre de notification du jugement contesté ;

- les moyens invoqués ne sont pas fondés.

Par décision du 3 novembre 2015, le bureau d'aide juridictionnelle a accordé le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale à M. et MmeB....

Vu les autres pièces des dossiers.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- le code du travail ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- l'arrêté du 18 janvier 2008 relatif à la délivrance, sans opposabilité de la situation de l'emploi, des autorisations de travail aux étrangers non ressortissants d'un Etat membres de l'Union européenne, d'un autre Etat partie à l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

A été entendu au cours de l'audience publique le rapport de Mme Samson-Dye.

1. Considérant que, par deux requêtes distinctes, M. et MmeB..., ressortissants albanais, relèvent appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Dijon a rejeté leurs demandes tendant à l'annulation des arrêtés du 8 avril 2015 par lesquels le préfet de l'Yonne a refusé de leur délivrer des titres de séjour, les a obligés à quitter le territoire français dans le délai de 30 jours et a désigné le pays de renvoi ; que ces deux affaires présentant à juger des questions semblables, il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt ;

Sur la légalité des décisions préfectorales litigieuses :

Sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir opposée par le préfet de l'Yonne ;

2. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L. 313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La carte de séjour temporaire autorisant l'exercice d'une activité professionnelle est délivrée : 1° A l'étranger titulaire d'un contrat de travail visé conformément aux dispositions de l'article L. 341-2 du code du travail. / Pour l'exercice d'une activité professionnelle salariée dans un métier et une zone géographique caractérisés par des difficultés de recrutement et figurant sur une liste établie au plan national par l'autorité administrative, après consultation des organisations syndicales d'employeurs et de salariés représentatives, l'étranger se voit délivrer cette carte sans que lui soit opposable la situation de l'emploi sur le fondement du même article L. 341-2. " ; que l'octroi de ce titre est subordonné à la délivrance, sur demande de l'employeur, d'une autorisation de travail par l'autorité administrative ;

3. Considérant qu'aux termes de l'article L. 341-2 du code du travail : " Pour entrer en France en vue d'y exercer une profession salariée, l'étranger doit présenter, outre les documents et visas exigés par les conventions internationales et les règlements en vigueur, un contrat de travail visé par l'autorité administrative ou une autorisation de travail " ; que l'article R. 5221-20 du code du travail dispose : " Pour accorder ou refuser l'une des autorisations de travail mentionnées à l'article R. 5221-11, le préfet prend en compte les éléments d'appréciation suivants : 1° La situation de l'emploi dans la profession et dans la zone géographique pour lesquelles la demande est formulée, compte tenu des spécificités requises pour le poste de travail considéré, et les recherches déjà accomplies par l'employeur auprès des organismes de placement concourant au service public du placement pour recruter un candidat déjà présent sur le marché du travail ; 2° L'adéquation entre la qualification, l'expérience, les diplômes ou titres de l'étranger et les caractéristiques de l'emploi auquel il postule ; 3° le respect par l'employeur, l'utilisateur mentionné à l'article L. 1251-1 ou l'entreprise d'accueil de la législation relative au travail et à la protection sociale ; 4° Le cas échéant, le respect par l'employeur, l'utilisateur, l'entreprise d'accueil ou le salarié des conditions réglementaires d'exercice de l'activité considérée ; 5° Les conditions d'emploi et de rémunération offertes à l'étranger, qui sont comparables à celles des salariés occupant un emploi de même nature dans l'entreprise ou, à défaut, dans la même branche professionnelle ; 6° Le salaire proposé à l'étranger qui, même en cas d'emploi à temps partiel, est au moins équivalent à la rémunération minimale mensuelle mentionnée à l'article L. 3232-1 (...) " ;

4. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que, par courriers du 19 février 2015, la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi de Bourgogne a entendu émettre des avis défavorables sur les demandes d'autorisation de travail de M. et Mme B...car les métiers qui leur sont proposés ne sont pas actuellement des métiers en tension, au regard de leur nationalité ; que le préfet de l'Yonne doit être regardé comme ayant, dans les arrêtés litigieux, refusé de délivrer ces autorisations de travail, en s'appropriant le motif de la DIRECCTE ; qu'en l'occurrence, les métiers envisagés, à savoir chef de peinture s'agissant de M. B...et serveuse s'agissant de son épouse, ne font pas partie des métiers prévus par l'arrêté du 18 janvier 2008 pour lesquels la situation de l'emploi n'est pas opposable en région Bourgogne ; qu'ainsi, et contrairement à ce que soutiennent les requérants, la situation de l'emploi pouvait leur être opposée pour refuser de leur délivrer une autorisation de travail et, partant, pour refuser de leur délivrer un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, la délivrance de ce titre étant conditionnée par l'obtention d'une autorisation de travail ; que le moyen tiré de ce que le préfet aurait entaché ses refus de titre de séjour " salarié " d'erreurs de droit doit, dès lors, être écarté ;

5. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui. " ;

6. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que les intéressés, tous deux en situation irrégulière, ne vivent en France, avec leur fils né en 2011, que depuis un an à la date des arrêtés litigieux ; qu'ils ne se prévalent d'aucune autre attache familiale sur le territoire national et que les pièces du dossier sont insuffisantes pour établir qu'ils seraient effectivement dans l'impossibilité de mener une vie familiale normale dans leur pays d'origine commun ; que, dans ces conditions, et alors même que leur fils est scolarisé et qu'ils justifient de promesses d'embauche, ni les refus de titre de séjour, ni les obligations de quitter le territoire français n'ont porté au droit au respect de la vie privée et familiale de M. et Mme B...une atteinte disproportionnée ; que ces décisions n'ont donc pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

7. Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article 3-1 de la convention relative aux droits de l'enfant signée à New York le 26 décembre 1990 : " Dans toutes les instances qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale " ;

8. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que rien ne s'oppose à ce que l'enfant des requérants reparte avec ses parents dans leur pays d'origine ; que les allégations selon lesquelles il ne pourrait être scolarisé en Albanie ne sont pas assorties d'éléments suffisamment probants ; que, par suite, les refus de titre de séjour et les obligations de quitter le territoire français opposés à M. et Mme B...n'ont pas porté à l'intérêt supérieur de leur enfant une atteinte méconnaissant les stipulations du 1 de l'article 3 de la convention internationale des droits de l'enfant ;

9. Considérant, en quatrième lieu, que l'illégalité des refus de titre de séjour et des mesures d'éloignement n'étant pas établie, les requérants ne sont pas fondés à demander l'annulation des autres décisions par voie de conséquence ;

10. Considérant, en cinquième lieu, qu'aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou des traitements inhumains ou dégradants " ;

11. Considérant que les requérants font état de menaces émanant de leurs familles, qui n'ont pas accepté leur union et qui les tiendraient responsables du décès du père de MmeB... ; que toutefois, les requérants n'établissent pas, par leur récit et par les documents qu'ils produisent, en particulier les témoignages, qui sont insuffisamment probants, la réalité des évènements allégués et l'existence de menaces actuelles et personnelles auxquelles ils seraient exposés en cas de retour en Albanie ; que, dès lors, en désignant ce pays comme pays de renvoi, l'administration n'a pas méconnu les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

12. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. et Mme B...ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont rejeté leurs demandes ; que leurs conclusions aux fins d'injonction et celles tendant à l'application des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ou de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées par voie de conséquence ;

DECIDE :

Article 1er : Les requêtes de M. et Mme B...sont rejetées.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C...B..., à Mme D...B...et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet de l'Yonne.

Délibéré après l'audience du 28 avril 2016, où siégeaient :

- M. Mesmin d'Estienne, président,

- Mme Gondouin, premier conseiller,

- Mme Samson-Dye, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 19 mai 2016.

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Nos 15LY03200 - 15LY03201


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 4ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 15LY03200
Date de la décision : 19/05/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01 Étrangers. Séjour des étrangers.


Composition du Tribunal
Président : M. MESMIN d'ESTIENNE
Rapporteur ?: Mme Aline SAMSON DYE
Rapporteur public ?: M. DURSAPT
Avocat(s) : FYOT

Origine de la décision
Date de l'import : 21/06/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2016-05-19;15ly03200 ?
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