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03/05/2016 | FRANCE | N°15LY02050

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 3ème chambre - formation à 3, 03 mai 2016, 15LY02050


Vu, I, la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A...C...a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler les décisions en date du 19 novembre 2014 par lesquelles le préfet de l'Isère lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi, ainsi que celle du 13 mai 2015 par laquelle ce même préfet a prolongé la durée de son assignation à résidence.

Par un jugement n° 1502420 du 20 mai 2015, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Grenoble

a fait droit à sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistré...

Vu, I, la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A...C...a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler les décisions en date du 19 novembre 2014 par lesquelles le préfet de l'Isère lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi, ainsi que celle du 13 mai 2015 par laquelle ce même préfet a prolongé la durée de son assignation à résidence.

Par un jugement n° 1502420 du 20 mai 2015, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Grenoble a fait droit à sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 18 juin 2015, le préfet de l'Isère demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Grenoble du 20 mai 2015 ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. C...devant le Tribunal.

Il soutient que :

- sa requête est recevable ;

- l'intéressé s'est vu opposer deux refus de titre de séjour auparavant ; son épouse peut solliciter à son profit le bénéfice du regroupement familial ; rien ne fait obstacle à ce qu'il puisse regagner provisoirement son pays d'origine, y compris accompagné de son épouse de même nationalité, ainsi que de leur enfant ; il ne peut se prévaloir d'une intégration professionnelle acquise illégalement.

Par un mémoire en défense, enregistré le 25 février 2016, M.C..., représenté par MeB..., conclut :

- au rejet de la requête ;

- à l'annulation de l'arrêté du préfet de l'Isère du 19 novembre 2014 en tant qu'il lui a fait obligation de quitter le territoire français ;

- à ce qu'il soit enjoint au préfet de l'Isère de lui délivrer un titre de séjour dans un délai de trente jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation dans un délai d'un mois en lui délivrant dans l'attente une autorisation provisoire de séjour dans les deux jours de la notification de l'arrêt, sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;

- à ce qu'une somme de 1 200 euros soit mise à la charge de l'Etat au titre des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 pour être versée à son avocat.

Il fait valoir que :

- l'obligation de quitter le territoire français est insuffisamment motivée ;

- elle a été signée par une autorité incompétente ;

- il dispose de liens stables en France ; son épouse est titulaire d'une carte de résident de dix ans ; il a un enfant né le 17 décembre 2013 et occupe un emploi d'ouvrier manutentionnaire, depuis 2012 ; la décision contestée méconnaît les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ainsi que les stipulations de l'article 8 de convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; cette décision est également entachée d'erreur manifeste d'appréciation.

Vu, II, la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A...C...a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler la décision en date du 19 novembre 2014 par laquelle le préfet de l'Isère lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour.

Par un jugement n° 1502450 du 23 juillet 2015, le tribunal administratif de Grenoble a fait droit à sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 20 août 2015, le préfet de l'Isère demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Grenoble du 20 mai 2015 ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. C...devant le Tribunal.

Il soutient que :

- sa requête est recevable ;

- l'intéressé s'est vu opposer deux refus de titre de séjour auparavant ; son épouse peut solliciter à son profit le bénéfice du regroupement familial ; rien ne fait obstacle à ce qu'il puisse regagner provisoirement son pays d'origine, y compris accompagné de son épouse de même nationalité, ainsi que de leur enfant ; il ne peut se prévaloir d'une intégration professionnelle acquise illégalement.

Par un mémoire en défense, enregistré le 25 février 2016, M.C..., représenté par MeB..., conclut :

- au rejet de la requête ;

- à l'annulation de l'arrêté du préfet de l'Isère du 19 novembre 2014 en tant qu'il lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour ;

- à ce qu'il soit enjoint au préfet de l'Isère de lui délivrer un titre de séjour dans un délai de trente jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation dans un délai d'un mois en lui délivrant dans l'attente une autorisation provisoire de séjour dans les deux jours de la notification de l'arrêt, sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;

- à ce qu'une somme de 1 200 euros soit mise à la charge de l'Etat au titre des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 pour être versée à son avocat.

Il fait valoir que :

- le refus de titre de séjour est insuffisamment motivé ;

- cette décision a été signée par une autorité incompétente ;

- il a signé un contrat d'accueil, le 15 mai 2014, en application des dispositions de l'article L. 311-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; il a participé à toutes les formations exigées et a subi le contrôle médical requis; ainsi, il a été admis à séjourner en France et le refus qui lui a été opposé constitue un retrait de son titre de séjour ; il n'a pas été invité à présenter ses observations écrites sur cette décision de retrait ;

- il dispose de liens stables en France ; son épouse est titulaire d'une carte de résident de dix ans ; il a un enfant né le 17 décembre 2013 et occupe un emploi d'ouvrier manutentionnaire, depuis 2012 ; la décision contestée méconnaît les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ainsi que les stipulations de l'article 8 de convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; cette obligation est également entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ;

- la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme Dèche, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.

1. Considérant que le préfet de l'Isère relève appel des jugements du tribunal administratif de Grenoble des 20 mai et 23 juillet 2015 qui ont annulé ses décisions du 19 novembre 2014 refusant de délivrer un titre de séjour à M.C..., ressortissant marocain, lui faisant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de renvoi, ainsi que sa décision du 13 mai 2015 prolongeant la durée d'assignation à résidence de l'intéressé ; que ces requêtes sont dirigées contre deux jugements relatifs au droit au séjour de M. C... et présentent à juger des questions connexes ; qu'il y a lieu de les joindre et de statuer par le même arrêt ;

Sur le bien-fondé des jugements attaqués :

2. Considérant que M. C...soutient qu'il a épousé une compatriote titulaire d'une carte de résident de dix ans, avec laquelle il a eu un enfant le 17 décembre 2013 et que, depuis l'année 2012, il occupe un poste d'ouvrier manutentionnaire ; que, toutefois, il ressort des pièces du dossier qu'il a fait l'objet de deux précédents refus de titre de séjour, dont le dernier était assorti d'une obligation de quitter le territoire français, et qu'il s'est maintenu irrégulièrement sur le territoire français ; qu'il n'est pas établi qu'une procédure de regroupement familial ne pourrait être engagée afin qu'il puisse rejoindre son épouse en France ; que l'intéressé a conservé de nombreuses attaches familiales dans son pays d'origine où résident ses parents, ses deux frères et sa soeur ; qu'ainsi, et compte tenu des conditions du séjour en France de M. C... depuis 2011, le préfet de l'Isère est fondé à soutenir que c'est à tort que le magistrat désigné par le président du tribunal administratif a, par son jugement du 20 mai 2015, annulé l'obligation de quitter le territoire français et, par voie de conséquence, la mesure d'assignation à résidence, comme méconnaissant le droit de l'intéressé au respect de sa vie privée et familiale au regard de l'article 8 de la convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales et que le tribunal administratif de Grenoble a, par son jugement du 23 juillet 2015, annulé le refus de titre de séjour comme entaché d'une erreur manifeste d'appréciation ;

3. Considérant qu'il appartient toutefois à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens de M.C... ;

Sur le refus de titre de séjour :

4. Considérant, en premier lieu, que M. Lapouze, secrétaire général de la préfecture de l'Isère, qui a signé la décision attaquée, bénéficiait d'une délégation de signature du préfet de l'Isère en date du 17 avril 2014, régulièrement publiée dans le numéro spécial n° 31 du recueil des actes administratifs de la préfecture de l'Isère du mois d'avril ; que le moyen tiré de l'incompétence du signataire du refus de titre de séjour contesté doit être écarté ;

5. Considérant, en deuxième lieu, que la décision en litige vise les textes dont il fait application ; qu'elle fait état des conditions d'entrée et de séjour de M. C...en France et énonce de manière précise les motifs de droit et de fait propres à sa situation personnelle et familiale qui fondent le refus du préfet de lui délivrer un titre de séjour ; que cette décision est ainsi suffisamment motivée au regard des exigences de l'article 3 de la loi du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public ;

6. Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article L. 311-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger admis pour la première fois au séjour en France (...) prépare son intégration républicaine dans la société française. A cette fin, il conclut avec l'Etat un contrat d'accueil et d'intégration, traduit dans une langue qu'il comprend, par lequel il s'oblige à suivre une formation civique et, lorsque le besoin en est établi, linguistique (...) " ;

7. Considérant qu'il ne résulte pas de ces dispositions que le contrat d'accueil et d'intégration qu'il crée aurait pour effet de reconnaître un droit au séjour aux ressortissants étrangers qui en sont signataires ; que, par conséquent, M. C...ne peut utilement se prévaloir de la signature d'un tel contrat le 15 mai 2014, antérieurement au refus de titre de séjour en litige, une telle circonstance étant sans incidence sur la légalité de la décision contestée ;

8. Considérant, en quatrième et dernier lieu, que pour les motifs exposés au point 3, la décision de refus de titre de séjour contestée ne porte pas une atteinte disproportionnée au droit de M. C...au respect de sa vie privée et familiale et ne méconnaît ainsi, ni l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales garantissant à toute personne un tel droit, ni les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile prévoyant la délivrance d'une carte de séjour aux étrangers dont les liens personnels et familiaux en France sont tels qu'un refus d'admission au séjour serait constitutif d'une telle atteinte ;

Sur l'obligation de quitter le territoire français :

9. Considérant, en premier lieu, que le moyen tiré de l'incompétence de M. Lapouze, signataire de l'obligation de quitter le territoire français opposée à M.C..., doit être écarté pour les motifs exposés au point 5 ci-dessus ;

10.Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " I. - L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne (...) lorsqu'il se trouve dans l'un des cas suivants : / (...) 3° Si la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé à l'étranger ou si le titre de séjour qui lui avait été délivré lui a été retiré ; (...) / La décision énonçant l'obligation de quitter le territoire français est motivée. Elle n'a pas à faire l'objet d'une motivation distincte de celle de la décision relative au séjour dans les cas prévus aux 3° et 5° du présent I, sans préjudice, le cas échéant, de l'indication des motifs pour lesquels il est fait application des II et III. / L'obligation de quitter le territoire français fixe le pays à destination duquel l'étranger est renvoyé en cas d'exécution d'office. (...) " ;

11. Considérant que, ainsi qu'il a été dit au point 6, la décision portant refus de titre de séjour est suffisamment motivée ; que, par suite, et en application des dispositions précitées du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de la décision obligeant M. C...à quitter le territoire français, doit être écarté ;

12. Considérant, en troisième lieu, qu'il ne ressort pas des pièces du dossier, que M. C... aurait sollicité en vain un entretien avec les services préfectoraux, ni qu'il aurait été empêché de présenter spontanément des observations avant que ne soient prises la décision d'éloignement ; qu'il ne ressort pas davantage des pièces du dossier que l'intéressé disposait d'éléments pertinents tenant à sa situation personnelle qu'il aurait été empêché de faire valoir auprès de l'administration et qui auraient été susceptibles d'influer sur le sens de sa décision ; que le moyen tiré de la méconnaissance du principe général de l'Union européenne du droit à une bonne administration et du droit d'être entendu énoncé au paragraphe 2 de l'article 41 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne doit, dès lors, être écarté ;

13. Considérant, en quatrième lieu, qu'en absence de démonstration de l'illégalité du refus de titre de séjour, le requérant n'est pas fondé à exciper de l'illégalité de ce refus ;

14. Considérant, en cinquième et dernier lieu, que pour les motifs exposés aux points 3 et 9, M. C...n'est pas fondé à se prévaloir à l'encontre de l'obligation de quitter le territoire français de ce qu'il était en droit de prétendre à la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et le préfet de l'Isère, ni de ce que le préfet aurait méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ou commis une erreur manifeste d'appréciation des conséquences de la mesure d'éloignement sur sa situation personnelle ;

15. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le préfet de l'Isère est fondé à soutenir que c'est à tort que, par les jugements attaqués, le tribunal administratif de Grenoble a annulé ses décisions des 19 novembre 2014 et 13 mai 2015 ; que les conclusions de M. C... à fin d'injonction et d'astreinte et celles qu'il présente pour son avocat au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent, par voie de conséquence, être rejetées ;

DECIDE :

Article 1er : Le jugement du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Grenoble du 20 mai et le jugement du tribunal administratif de Grenoble du 23 juillet 2015, sont annulés.

Article 2 : Les demandes de M. C...devant le tribunal administratif de Grenoble et ses conclusions en appel, sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A...C...et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de l'Isère.

Délibéré après l'audience du 29 mars 2016 à laquelle siégeaient :

M. Boucher, président de chambre ;

M. Drouet, président-assesseur ;

Mme Dèche, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 3 mai 2016.

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N°s 15LY02050-15LY02891


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 3ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 15LY02050
Date de la décision : 03/05/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers - Refus de séjour.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. BOUCHER
Rapporteur ?: Mme Pascale DECHE
Rapporteur public ?: M. CLEMENT
Avocat(s) : MEBARKI

Origine de la décision
Date de l'import : 16/06/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2016-05-03;15ly02050 ?
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